Conflit de voisinage et construction illégale : enjeux d’urbanisme et troubles anormaux.

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Conflit de voisinage et construction illégale : enjeux d’urbanisme et troubles anormaux.

L’Essentiel : Les consorts [M] ont assigné leurs voisins, Monsieur [P] [I] et Madame [D] [Y], pour la construction d’une extension illégale. Ils demandent sa démolition et des dommages pour préjudices subis. En réponse, les consorts [Y] et [I] affirment avoir obtenu une autorisation d’urbanisme et contestent les allégations de nuisances. Le tribunal, après examen, conclut que l’extension ne nécessitait pas de permis et que les preuves de nuisances sont insuffisantes. En conséquence, il déboute les consorts [M] de leurs demandes et les condamne à verser des frais aux consorts [Y] et [I].

Exposé du litige

Les consorts [M], propriétaires d’une maison et d’un terrain à [Localité 6], ont assigné leurs voisins, Monsieur [P] [I] et Madame [D] [Y], en raison de la construction d’une extension illégale de leur propriété. Les consorts [M] demandent la démolition de cette extension, ainsi que des dommages et intérêts pour divers préjudices subis.

Demandes des consorts [M]

Les consorts [M] réclament la démolition de la partie neuve de la propriété des consorts [Y] et [I], en précisant les dimensions de l’extension. Ils demandent également des dommages et intérêts pour un préjudice moral et des troubles de voisinage, ainsi qu’une indemnisation pour la dévaluation de leur propriété. Ils soulignent que la construction a été réalisée sans autorisation et qu’elle a causé des nuisances significatives.

Réponses des consorts [Y] et [I]

Monsieur [P] [I] et Madame [D] [Y] contestent les demandes des consorts [M], affirmant avoir obtenu une autorisation d’urbanisme pour leur extension. Ils soutiennent que les allégations de nuisances sont infondées et que les consorts [M] cherchent à nuire à leur réputation. Ils demandent également des dommages et intérêts pour préjudice moral.

Motifs de la décision

Le tribunal examine la légalité de la construction et conclut qu’il n’est pas prouvé que l’extension nécessitait un permis de construire, car la surface de plancher ne dépasse pas les seuils requis. Concernant les troubles de voisinage, le tribunal constate que les consorts [M] n’ont pas fourni de preuves suffisantes pour justifier leurs allégations de nuisances.

Conclusion du tribunal

Le tribunal déboute les consorts [M] de toutes leurs demandes et rejette également la demande de dommages et intérêts des consorts [Y] et [I]. Les consorts [M] sont condamnés à supporter les dépens et à verser une somme aux consorts [Y] et [I] en application de l’article 700 du code de procédure civile. L’exécution de la décision est déclarée de droit.

Q/R juridiques soulevées :

Sur le défaut de permis de construire

L’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme stipule que lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire :

1° Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative.

Cependant, ce texte ne s’applique pas aux travaux réalisés à la suite d’une déclaration préalable (Cass. 3e civ., 12 avr. 2018, n° 17-16.645).

Ainsi, même si l’auteur des travaux a reçu une notification de non-opposition à déclaration préalable, le juge judiciaire doit vérifier si les travaux nécessitaient un permis de construire.

L’article R. 421-14 du Code de l’urbanisme précise que :

« Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l’exception des travaux d’entretien ou de réparations ordinaires :

a) Les travaux ayant pour effet la création d’une surface de plancher ou d’une emprise au sol supérieure à vingt mètres carrés ;

b) Dans les zones urbaines d’un plan local d’urbanisme, les travaux ayant pour effet la création d’une surface de plancher ou d’une emprise au sol supérieure à quarante mètres carrés ;

c) Les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s’accompagnent d’un changement de destination. »

En l’espèce, la décision de non-opposition à déclaration préalable du maire de [Localité 6] a été prise sur la base d’une surface de plancher de 33,60 m². Les consorts [M] allèguent que la construction excède cette surface, mais ne fournissent que des photographies extérieures, insuffisantes pour prouver leur affirmation.

Il n’est donc pas établi que la construction réalisée nécessitait un permis de construire, et le moyen soulevé par les demandeurs est écarté.

Sur les troubles anormaux du voisinage

L’article 1253 du Code civil dispose que :

« Le propriétaire, le locataire, l’occupant sans titre, le bénéficiaire d’un titre ayant pour objet principal de l’autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d’ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs qui est à l’origine d’un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte. »

Pour établir l’existence de troubles du voisinage, les consorts [M] doivent prouver que les nuisances subies dépassent les inconvénients normaux.

En l’espèce, les consorts [M] n’ont produit ni expertise ni constat d’huissier pour prouver les nuisances alléguées. Ils se contentent d’un constat d’huissier du 3 août 2023, qui indique que l’extension est visible depuis des lieux de passage, mais cela ne constitue pas un trouble excédant les inconvénients normaux.

Concernant la perte d’ensoleillement et les nuisances sonores, aucune preuve tangible n’a été fournie. Le constat d’huissier ne démontre pas l’existence de fracas ou de poussières anormaux durant la construction.

Ainsi, les consorts [M] ne rapportent pas la preuve des troubles anormaux du voisinage, et leur demande est rejetée.

Sur la demande de dommages-intérêts présentée par Monsieur [P] [I] et Madame [D] [Y]

L’article 1240 du Code civil stipule que :

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Les troubles occasionnés par les défendeurs n’excédant pas les limites des troubles normaux du voisinage, les désordres relevés concernant l’aspect esthétique de l’extension ne justifient pas une demande de dommages-intérêts.

Les consorts [M] n’ayant pas prouvé que la procédure introduite était illégitime ou abusive, la demande de dommages-intérêts des défendeurs est également rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Conformément à l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge.

Les consorts [M] ayant succombé à titre principal, ils doivent supporter la charge des dépens et seront condamnés à payer une somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

L’article 514 du Code de procédure civile précise que :

« Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la décision rendue n’en dispose autrement. »

Ainsi, l’exécution provisoire de la décision est de droit, sauf mention contraire dans le jugement.

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
22 JANVIER 2025

N° RG 23/05760 – N° Portalis DB22-W-B7H-RQGB
Code NAC : 74B

DEMANDEURS :

1/ Madame [U] [M] épouse [R]
née le 08 Juillet 1961 à [Localité 7] (PORTUGAL),
demeurant [Adresse 3],

2/ Madame [C] [M] épouse [F]
née le 02 Février 7968 à [Localité 11] (PORTUGAL),
demeurant [Adresse 4],

3/ Monsieur [K] [M]
né le 01 Avril 1966 à [Localité 11] (PORTUGAL),
demeurant [Adresse 1],

4/ Madame [M] [G]
née le 22 Novembre 1943, de nationalité portugaise,
demeurant [Adresse 2],

représentés par Maître François GERBER de la SELARL CABINET GERBER, avocat plaidant au barreau de PARIS et par Maître Anne-Lise ROY, avocat postulant au barreau de VERSAILLES.

DÉFENDEURS :

1/ Monsieur [P] [I]
né le 14 Novembre 1971 à [Localité 8] (78),
demeurant [Adresse 2],

2/ Madame [D] [Y]
née le 19 Septembre 1977 à [Localité 5] (SENEGAL),
demeurant [Adresse 2],

représentés par Maître Christophe SCOTTI, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES.

* * * * * *

ACTE INITIAL du 03 Octobre 2023 reçu au greffe le 05 Octobre 2023.

DÉBATS : A l’audience publique tenue le 05 Décembre 2024, Monsieur LE FRIANT, Vice-Président, siégeant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du Code de Procédure Civile, assisté de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, a indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au 22 Janvier 2025.

* * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [K] [M], Madame [U] [R] née [M], Madame [C] [F] née [M] et Madame [G] [M], ci-après dénommés les consorts [M], sont propriétaires indivis d’une maison et d’un terrain situés [Adresse 2] à [Localité 6].

Ils ont pour voisins immédiats Monsieur [P] [I] et Madame [D] [Y] qui sont propriétaires d’une maison située au [Adresse 2] à [Localité 6].

Par actes en date du 3 octobre 2023, les consorts [M] ont assigné Monsieur [P] [I] et Madame [D] [Y] devant la présente juridiction.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 juin 2024.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 18 juin 2024, les consorts [M] demandent au tribunal de :

– Ordonner la démolition de la partie neuve de la propriété [Y] et [I] située au [Adresse 2] dans les conditions suivantes :

* sur une largeur côté sud (côté [M]) de 6.60 mètres – d’après la déclaration de travaux –
* sur une longueur côté Ouest (côté [Adresse 9]) de
7.60 mètres – d’après la déclaration de travaux –
* et une hauteur de 9 mètres

– le tout sous astreinte définitive de 3.000 euros par jour de retard, à compter de l’expiration du délai de deux mois suivant la signification par huissier de la décision à intervenir,

Sur l’indemnisation du préjudice d’[G] [M] :

– Condamner les consorts [Y] et [I] solidairement à lui verser la somme de 5.000 € par an depuis octobre 2017, soit 30.000 € ( à parfaire au jour de la décision) à titre de dommages et intérêts.

Sur l’indemnisation du préjudice des consorts [M]

– Condamner les consorts [Y] et [I] solidairement à leur verser la somme de 80.000 € à titre de dommages et intérêts pour chacun d’eux ;

Sur l’article 700 du CPC :

– Condamner les consorts [Y] et [I] à verser la somme de
8.000 € aux consorts [M] sur le fondement de l’article 700 du CPC et les condamner aux entiers dépens .

Ils font valoir que :
– les consorts [Y] et [I] ont construit dans des conditions totalement illégales, c’est-à-dire sans autorisation administrative, une extension de leur maison, augmentant sa surface de 66m² supplémentaires au moins, sur deux niveaux,
– ils ont fraudé le droit de l’urbanisme dans des conditions condamnées par la Cour de cassation chambre criminelle et par la Cour de cassation, chambre civile sur le fondement de l’article 1240 du code civil,
– il est également demandé au tribunal de condamner les consorts [Y] et [I] à verser aux consorts [M] des dommages et intérêts sur le fondement des troubles de voisinage,
– les consorts [Y] et [I] n’ont jamais sollicité et en conséquence jamais obtenu de permis de construire,

– la déclaration de travaux est mensongère et irrégulière car elle mentionne la création d’une surface de plancher complémentaire de 33,6 mètres carrés alors qu’elle fait 67,2 mètres carrés et qu’il fallait un permis de construire,
– les fondations d’une profondeur de 40 centimètres ne sont pas suffisantes pour supporter le poids de la construction,
– la hauteur totale est de 9 mètres,
– ils ont subi des troubles causés par :
° le fracas, les poussières et les dommages de toute nature générés par l’opération de construction irrégulière ;
° la privation de la lumière, du soleil et du jour en raison du caractère massif de la construction critiquée et de la masse grise qui apparaît désormais devant la propriété des consorts [M], à savoir une masse de parpaings de près de 10 mètres de haut ;
° les vues et les conséquences des vues sur le site des consorts [M] par les consorts [Y] et [I] qui prennent un malin plaisir à observer Madame [M] dans ses déplacements et à la harceler par différentes manifestations d’antipathie (cris, remarques, ricanements…) ;
° la réverbération de la chaleur (vu l’exposition plein sud du mur aveugle de la propriété [Y]), qui tue désormais l’ensemble des plantes du jardin de Mme [M] ;
– le préjudice est constitué :
° d’un trouble de jouissance du fait de la privation de l’ensoleillement, côté Est (soleil du matin), de 6h00 à 10h30, par le bloc de béton culminant à 9m de haut,
° de l’imposition de la vue désagréable du béton nu hors ravalement sur une surface de l’ordre de 40m² du sol au faitage du toit,
° de nuisances liées à l’écoulement des eaux de pluie depuis la gouttière [Y] [I] directement sur le mur et dans le jardin [M], du fait de l’absence de fermeture de la gouttière et d’installation d’évacuation des eaux de pluie vers la propriété [Y] [I]. De ce fait, les eaux de pluie se déversent directement sur le mur de séparation et dans le jardin des voisins. Le mur est moisi,
° la vue, certes indirecte sur sa maison qui permet cependant à ses voisins de l’observer dans ses allées et venues depuis la fenêtre du rez-de-chaussée côté [Adresse 9] et par le Vélux côté [Adresse 10],
° les nuisances liées aux travaux.
– les nus-propriétaires subissent également un préjudice puisque la valeur de la propriété est diminuée par la construction voisine qui vient assombrir le fond et constitue une vue sur leur terrain,
– le mur de l’extension est situé pour partie sur la propriété des consorts [M] ;
– l’extension critiquée par les consorts [M] ne peut se prévaloir de la protection prévue par l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme, puisque la construction n’a pas été édifiée conformément à un permis de construire ;
– le fait que la commune de [Localité 6] ne dispose pas de service suffisamment compétent :
– soit pour instruire les demandes d’autorisation de travaux et/ou les permis de construire qui lui sont déposés,
– soit pour vérifier la conformité des travaux réalisés au regard des règles de l’urbanisme, ne saurait avantager les consorts [Y] et [I] dans le cadre de ce contentieux.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 18 juin 2024, Monsieur [P] [I] et Madame [D] [Y] sollicitent que le tribunal :

Vu l’article R421-17 du Code de l’Urbanisme,
Vu l’article 1240 du code civil;

– débouter Monsieur [K] [M], Madame [U] [R] née [M], Madame [C] [F] née [M] et Madame [G] [M] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

– condamner solidairement et conjointement Monsieur [K] [M], Madame [U] [R] née [M], Madame [C] [F] née [M] et Madame [G] [M] à payer à Madame [Y] et Monsieur [I] la somme 10.000 euros à chacun à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

– condamner solidairement et conjointement Monsieur [K] [M], Madame [U] [R] née [M], Madame [C] [F] née [M] et Madame [G] [M] à payer à Madame [Y] et Monsieur [I] la somme de
4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

– dire ne pas avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir;

Ils font valoir que :
– la correspondance datée du 26 octobre 2017 des Consorts [M] adressée au Maire de [Localité 6] constitue un recours administratif contre l’autorisation d’urbanisme à savoir une déclaration préalable n° 7825517 F 0041 qui avait été régulièrement délivrée à Monsieur [I] et Madame [Y] pour l’extension de leur habitation,
– une décision de rejet de ce recours a été prise par le maire de [Localité 6] en date du 2 novembre 2017,
– le maire de la commune de [Localité 6] précise que le projet de travaux est conforme au plan local d’urbanisme,
– les requérants dans le recours du 26 octobre 2017 précise que leurs voisins ont commencé des travaux le 25 octobre 2017 sans avoir implanté les panneaux d’affichage d’informations puis dans le même paragraphe précise que les travaux ont commencé à 8h45 et le panneau (d’affichage a été mis à neuf heures),
– l’autorisation d’urbanisme qui a permis la construction de l’extension, existe et elle demeure définitive puisqu’elle n’a pas été annulée par la juridiction administrative compétente,
– il n’existe strictement aucun dommage résultant de la construction de l’extension concernée : les requérants se bornent à alléguer que l’extension a engendré le fracas et les poussières ; une privation de la lumière, du soleil et du jour en raison du caractère massif de la construction critiquée,
– le constat du commissaire de justice n’a strictement aucune valeur probante puisqu’il n’existe pas de nouvelles vues illégales,
– l’on peine à comprendre comment le commissaire de justice a pu déterminer la hauteur du toit de l’extension en indiquant qu’elle est approximativement à
9 mètres,
– ils justifient avoir réalisé la construction suivant les dimensions exactes des plans ;
– ce dernier dossier dégénère de manière évidente en harcèlement procédural c’est-à-dire en abus d’ester en justice,
– les allégations de violences psychologiques exercées par la famille [Y]/[I] sont fantaisistes, non établies mais particulièrement diffamatoires eu égard à la situation personnelle et sociale de chaque membre de la famille,

L’affaire a été plaidée à l’audience du 5 décembre 2024 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2025.

MOTIFS

Sur le défaut de permis de construire

L’article L. 480-13 du code de l’urbanisme dispose que lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire :

1° Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative.

Toutefois ce texte n’est pas applicable aux travaux accomplis à la suite d’une déclaration préalable (Cass. 3e civ., 12 avr. 2018, n° 17-16.645).

Dès lors, même si l’auteur des travaux a bénéficié de la notification d’une non-opposition à déclaration préalable et que le juge judiciaire n’est pas compétent pour apprécier la légalité de cet acte administratif, il lui appartient de rechercher si, le cas échéant, les travaux réalisés devaient faire l’objet d’un permis de construire.

Sur ce point, l’article R. 421-14 du code de l’urbanisme dispose que :
« Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l’exception des travaux d’entretien ou de réparations ordinaires :
a) Les travaux ayant pour effet la création d’une surface de plancher ou d’une emprise au sol supérieure à vingt mètres carrés ;
b) Dans les zones urbaines d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu,les travaux ayant pour effet la création d’une surface de plancher ou d’une emprise au sol supérieure à quarante mètres carrés ; toutefois, demeurent soumis à permis de construire les travaux ayant pour effet la création de plus de vingt mètres carrés et d’au plus quarante mètres carrés de surface de plancher ou d’emprise au sol, lorsque leur réalisation aurait pour effet de porter la surface ou l’emprise totale de la construction au-delà de l’un des seuils fixés à l’article R. 431-2 ;
c) Les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s’accompagnent d’un changement de destination entre les différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R.151-28 ;
d) Les travaux nécessaires à la réalisation d’une opération de restauration immobilière au sens de l’article L. 313-4.
Pour l’application du c du présent article, les locaux accessoires d’un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal ».

L’article R. 421-17 du code de l’urbanisme prévoit que :
« Doivent être précédés d’une déclaration préalable lorsqu’ils ne sont pas soumis à permis de construire en application des articles R421-14 à R. 421-16 les travaux exécutés sur des constructions existantes, à l’exception des travaux d’entretien ou de réparations ordinaires, et les changements de destination des constructions existantes suivants :
a) Les travaux ayant pour effet de modifier l’aspect extérieur d’un bâtiment existant, à l’exception des travaux de ravalement ;
b) Les changements de destination d’un bâtiment existant entre les différentes destinations définies à l’article R. 151-27; pour l’application du présent alinéa, les locaux accessoires d’un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal et le contrôle des changements de destination ne porte pas sur les changements entre sous-destinations d’une même destination prévues à l’article R. 151-28 ;
c) Les travaux susceptibles de modifier l’état des éléments d’architecture et de décoration, immeubles par nature ou effets mobiliers attachés à perpétuelle demeure, au sens des articles 524 et 525 du code civil, lorsque ces éléments, situés à l’extérieur ou à l’intérieur d’un immeuble, sont protégés par un plan de sauvegarde et de mise en valeur et, pendant la phase de mise à l’étude de ce plan, les travaux susceptibles de modifier l’état des parties intérieures du bâti situé à l’intérieur du périmètre d’étude de ce plan ;
d) Les travaux exécutés sur des constructions existantes ayant pour effet de modifier ou de supprimer un élément que le plan local d’urbanisme ou un document d’urbanisme en tenant lieu a identifié, en application de l’article
L. 151-19 ou de l’article L. 151-23, comme présentant un intérêt d’ordre culturel, historique, architectural ou écologique ;
e) Les travaux exécutés sur des constructions existantes ayant pour effet, lorsque ces constructions sont situées sur un territoire non couvert par un plan local d’urbanisme ou par un document d’urbanisme en tenant lieu, de modifier ou de supprimer un élément identifié comme présentant un intérêt patrimonial, paysager ou écologique, en application de l’article L. 111-22, par une délibération du conseil municipal, prise après l’accomplissement de l’enquête publique prévue à ce même article ;
f) Les travaux qui ont pour effet la création soit d’une emprise au sol, soit d’une surface de plancher supérieure à cinq mètres carrés et qui répondent aux critères cumulatifs suivants :
– une emprise au sol créée inférieure ou égale à vingt mètres carrés ;
– une surface de plancher créée inférieure ou égale à vingt mètres carrés.
Ces seuils sont portés à quarante mètres carrés pour les projets situés en zone urbaine d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu, à l’exclusion de ceux impliquant la création d’au moins vingt mètres carrés et d’au plus quarante mètres carrés de surface de plancher ou d’emprise au sol lorsque cette création conduit au dépassement de l’un des seuils fixés à l’article R.431-2 du présent code.
g) La transformation de plus de cinq mètres carrés de surface close et couverte non comprise dans la surface de plancher de la construction en un local constituant de la surface de plancher.»

En l’espèce, il résulte de la décision de non-opposition à déclaration préalable du maire de [Localité 6] du 18 septembre 2017 que cette décision a été prise sur la base d’une surface de plancher de 33,60 m².

Pour justifier que la surface de plancher de la construction édifiée par Monsieur [P] [I] et Madame [D] [Y] serait de 67,20 m² ou 67,32 m², les consorts [M] affirment que la construction serait réalisée sur deux niveaux.

Toutefois, pour établir cet état de fait, ils ne produisent que des photographies extérieures du bâtiment prises lors du constat d’huissier du 3 août 2023 qui ne sauraient constituer le constat technique d’une surface de plancher effective.

Il n’apparaît pas démontré, dès lors, que la dite surface excéderait les 40 m² mentionnés par les articles R. 421-14 et R. 421-17 précités. En conséquence, il n’est pas établi que la construction réalisée par Monsieur [P] [I] et Madame [D] [Y] aurait nécessité la délivrance d’un permis de construire et le moyen soulevé par les demandeurs sur ce point sera écarté.

Par ailleurs, il faut constater que si en page 14 de leurs conclusions, les consorts [M] évoquent que le mur de l’extension serait construit sur leur fonds, il ne tire pas explicitement moyen de cette affirmation qu’elle justifierait la démolition de l’extension litigieuse de sorte qu’il n’y a pas lieu d’examiner ce moyen qui n’est pas le support de la demande présentée.

Sur les troubles anormaux du voisinage

L’article 1253 du code civil dispose que le propriétaire, le locataire, l’occupant sans titre, le bénéficiaire d’un titre ayant pour objet principal de l’autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d’ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs qui est à l’origine d’un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte.
Sous réserve de l’article L. 311-1-1 du code rural et de la pêche maritime, cette responsabilité n’est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d’activités, quelle qu’en soit la nature, existant antérieurement à l’acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien ou, à défaut d’acte, à la date d’entrée en possession du bien par la personne lésée. Ces activités doivent être conformes aux lois et aux règlements et s’être poursuivies dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l’origine d’une aggravation du trouble anormal.

En l’espèce, pour établir l’existence des divers troubles du voisinage évoqués en page 9 mais aussi en page 17 de leurs conclusions à savoir l’existence de fracas et de poussières anormaux dus à la construction, d’une perte d’ensoleillement, l’existence de vues sur leurs fonds et à l’inverse d’une perte de vue sur la rue ou la réverbération de chaleur, les consorts [M] ne produisent ni expertise ni même constat d’huissier qui aurait été réalisé sur le fonds de leurs voisins après autorisation délivrée sur requête.

Ils produisent uniquement un constat d’huissier du 3 août 2023 réalisé depuis leur fonds dont il ressort que l’extension litigieuse est visible depuis la porte d’entrée du pavillon (page 4), l’entrée du pavillon (page 5) et les toilettes (page 5) ainsi que du fond du jardin (page 6) et qu’en outre, celle-ci, contrairement aux prescriptions de la décision du 18 septembre 2017 qui imposait que les matériaux utilisés devraient s’harmoniser avec ceux du bâtiment existant, a été laissé en parpaings cimentés à l’état brut.

Il en ressort que la vue de l’extension litigieuse est inesthétique mais n’est possible que depuis des lieux de passage (porte d’entrée, entrée, toilettes, fond du jardin) de sorte que le préjudice qui résulterait d’une dégradation de la vue depuis une pièce de vie ou d’agrément n’est pas démontré. Dès lors, il y a lieu de considérer que le trouble visuel n’excède pas les inconvénients normaux de voisinage au regard de son caractère limité à des lieux de passage.

S’agissant de la perte d’une vue, l’huissier note également en page 4 que depuis la porte d’entrée du pavillon, « la vue en direction de la [Adresse 10] est totalement bouchée par cette extension ».
Il ressort toutefois des photographies anciennes jointes au constat que la vue depuis la porte d’entrée sur la [Adresse 10] était manifestement lointaine et limitée de sorte que la suppression de celle-ci, a fortiori, depuis une porte d’entrée et non une pièce de vie ou d’agrément ne constitue pas un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage.
Aucun élément du constat d’huissier ne permet d’établir l’existence de fracas et de poussières anormaux durant la construction de l’extension et le constat du 27 octobre 2017 et les photographies des travaux n’apportent aucun élément sur ce point.

Il en est de même s’agissant de la perte d’ensoleillement, la réverbération de la chaleur ou de l’existence de vues depuis le fonds des défendeurs en l’absence de constatations faites par expert ou commissaire de justice depuis ce fonds.

Enfin, il résulte du constat du 3 août 2023 que le commissaire de justice constate en pages 6 et 7 que « l’extrémité de sa gouttière, donnant directement dans le jardin de la requérante, n’est pas fermée par un système empêchant l’eau de s’y déverser ».

Toutefois, le jour du constat aucun déversement n’apparaît. Pour étayer leurs dires, ils produisent en pièce 12 une photographie non datée soulignant l’état du mur situé sous la gouttière. Cette photographie fait apparaître un aspect blanchâtre du haut du mur. Toutefois, ce seul élément est insuffisant pour démontrer qu’effectivement de l’eau se déverserait depuis la gouttière de l’extension sur ce mur, que celui-ci serait dégradé et que cette dégradation serait due à cet écoulement. En tout état de cause, le préjudice qui résulterait d’un tel manquement ne pourrait être que le préjudice lié à la restauration du mur détérioré ce qui n’est pas sollicité en l’espèce, les consorts [M] sollicitant uniquement des dommages-intérêts globaux et forfaitaires.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les consorts [M] ne rapportent pas la preuve des troubles anormaux du voisinage dont ils se prévalent.

Par ailleurs, il faut constater que si en page 14 de leurs conclusions, les consorts [M] évoquent que le mur de l’extension serait construit sur leur fonds, il ne tire pas explicitement moyen de cette affirmation qu’elle justifierait la démolition de l’extension litigieuse ou l’octroi de dommages-intérêts de sorte qu’il n’y a pas lieu d’examiner ce moyen qui n’est pas le support de la demande présentée.

Il convient donc en conséquence de les débouter de l’ensemble de leurs prétentions formées à l’encontre de Monsieur [P] [I] et Madame [D] [Y].

Sur la demande de dommages-intérêts présentée par Monsieur [P] [I] et Madame [D] [Y]

L’article 1240 du Code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

S’il est considéré que les troubles occasionnés par les défendeurs n’excèdent pas les limites des troubles normaux du voisinage au vu des justificatifs produits, les désordres relevés concernant l’aspect esthétique de l’extension réalisée ou la finition de la gouttière ne permettent pas de considérer que la procédure introduite par les consorts [M] serait totalement illégitime, abusive et empreinte uniquement d’une intention de nuire.

En conséquence, les défendeurs ne pourront qu’être déboutés de leur demande de dommages-intérêts.

Sur les autres demandes

– Sur les dépens et les frais irrépétibles

Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Les consorts [M] succombant à titre principal, ils devront supporter la charge des dépens.

Par ailleurs, ils seront condamnés in solidum à payer une somme de
4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

– Sur l’exécution provisoire

En application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la décision rendue n’en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort,

Déboute Monsieur [K] [M], Madame [U] [R] née [M], Madame [C] [F] née [M] et Madame [G] [M] de l’ensemble de leurs prétentions ;

Déboute Monsieur [P] [I] et Madame [D] [Y] de leur demande à titre de dommages et intérêts ;

Condamne in solidum Monsieur [K] [M], Madame [U] [R] née [M], Madame [C] [F] née [M] et Madame [G] [M] à supporter la charge des dépens ;

Condamne in solidum Monsieur [K] [M], Madame [U] [R] née [M], Madame [C] [F] née [M] et Madame [G] [M] à
payer à Monsieur [P] [I] et Madame [D] [Y] la somme
de 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 JANVIER 2025 par Monsieur LE FRIANT, Vice-Président, assisté de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquels ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Carla LOPES DOS SANTOS Thibaut LE FRIANT


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