L’Essentiel : Monsieur [B] [I] et Madame [W] [M] épouse [I] sont propriétaires d’une maison à [Adresse 3]. Le 27 janvier 2022, des riverains ont créé l’association « Les riverains de Roland Jamin » pour lutter contre les nuisances, entraînant l’installation d’un bloc de béton rendant l’accès à la propriété plus difficile. Les époux [I] ont assigné l’association en référé le 10 juin 2024, demandant le déplacement du bloc et une indemnisation de 2.000 €. Le tribunal a constaté que l’accès à leur domicile restait possible et a débouté les époux, laissant place à une éventuelle conciliation.
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Propriétaires et Contexte de l’AffaireMonsieur [B] [I] et Madame [W] [M] épouse [I] sont propriétaires d’une maison située à [Adresse 3] dans la localité de [Localité 4]. Le 27 janvier 2022, des riverains du chemin Roland Jamin ont formé une association nommée « Les riverains de Roland Jamin » pour lutter contre les nuisances. Avec l’accord de la commune, cette association a fait installer un bloc de béton sur le chemin, rendant l’accès à la maison des époux [I] plus difficile. Demande des Époux [I]Les époux [I] ont considéré que l’installation du bloc constituait un trouble manifestement illicite et ont assigné l’association en référé le 10 juin 2024. Ils ont demandé le déplacement du bloc et une indemnisation de 2.000 € pour couvrir leurs frais juridiques. Ils ont souligné qu’ils avaient toujours eu accès à leur propriété avant l’installation du bloc et ont fourni des attestations concernant les difficultés d’accès rencontrées par les services publics, notamment la Poste. Position de l’AssociationL’association a contesté la demande des époux [I], arguant qu’il n’y avait pas de trouble manifestement illicite. Elle a expliqué que le bloc avait été installé pour prévenir des accidents sur le chemin et réduire les nuisances sonores. L’association a également précisé que les époux [I] avaient participé à l’assemblée générale qui avait approuvé l’installation du bloc et que l’accès à leur domicile était toujours possible par un détour de 500 mètres. Arguments et Éléments de DécisionLe tribunal a examiné la question du trouble manifestement illicite. Il a constaté que la parcelle des époux [I] n’était pas enclavée et que les services d’urgence pouvaient accéder à leur domicile par le [Localité 5]. De plus, l’association avait respecté les préconisations de la commune pour l’installation du bloc. Le tribunal a noté que l’association avait proposé de déplacer le bloc, mais que les époux [I] n’avaient pas donné suite à cette proposition. Conclusion du TribunalLe tribunal a décidé qu’il n’y avait pas lieu à référé, laissant les parties libres de formaliser un accord par le biais d’une conciliation ou d’une médiation. Les époux [I] ont été déboutés de leurs demandes, et ils ont été condamnés aux dépens de l’instance. L’association a également été indemnisée à hauteur de 1.000 € pour ses frais juridiques. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique du trouble manifestement illicite dans cette affaire ?Le fondement juridique du trouble manifestement illicite est principalement établi par l’article 835 du Code de procédure civile. Cet article stipule que : « Le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. » Dans le cas présent, les époux [I] soutiennent que la pose du bloc de béton constitue un trouble manifestement illicite, car elle entrave l’accès à leur propriété. Cependant, le tribunal a constaté que la parcelle des époux [I] n’est pas enclavée, car ils peuvent y accéder par le [Localité 5]. De plus, les services publics, y compris les services d’urgence, peuvent également accéder à leur domicile par ce même chemin. Ainsi, le tribunal a conclu que les époux [I] ne démontrent pas l’existence d’un trouble manifestement illicite, ce qui est essentiel pour justifier une intervention en référé. Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que : « La partie qui succombe dans ses prétentions peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. » Dans cette affaire, les époux [I] ont été déboutés de leurs demandes, ce qui signifie qu’ils ont succombé dans leurs prétentions. Le tribunal a donc décidé de condamner les époux [I] à verser à l’association « Les riverains de Roland Jamin » la somme de 1.000 € au titre de l’article 700. Cette décision vise à compenser les frais que l’association a engagés pour se défendre, même si ces frais ne sont pas inclus dans les dépens. Il est important de noter que cette somme est distincte des dépens, qui sont les frais judiciaires liés à l’instance elle-même. Comment le tribunal a-t-il évalué la notion de trouble anormal de voisinage dans cette affaire ?La notion de trouble anormal de voisinage est un principe de droit civil qui repose sur l’article 544 du Code civil, qui stipule que : « Chacun est tenu de respecter le droit de propriété d’autrui. » Dans cette affaire, les époux [I] ont soutenu que la pose du bloc de béton constituait un trouble anormal de voisinage. Cependant, le tribunal a examiné les circonstances et a constaté que le bloc avait été installé pour des raisons de sécurité, afin de prévenir des accidents sur le chemin. De plus, il a été établi que les époux [I] avaient accès à leur propriété par le [Localité 5], ce qui signifie qu’ils n’étaient pas privés de leur droit de propriété. Ainsi, le tribunal a conclu que les époux [I] ne démontraient pas l’existence d’un trouble anormal de voisinage, car les nuisances alléguées ne dépassaient pas les inconvénients normaux de la vie en société. Cette évaluation a conduit à la décision de ne pas donner suite à la demande de référé. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS
MINUTE N°
CHAMBRE DES REFERES
AFFAIRE N° RG 24/00258 – N° Portalis DB3Z-W-B7I-GXBF
NAC : 74D
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
AUDIENCE DU 30 Janvier 2025
DEMANDEURS
M. [B] [I]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Rep/assistant : Me Frédérique FAYETTE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Mme [W] [M] épouse [I]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Rep/assistant : Me Frédérique FAYETTE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DEFENDERESSE
Association RIVERAINS DE ROLAND RAMINayant son siège social [Adresse 1] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 4]
Rep/assistant : Maître Mickaël NATIVEL de la SELAS SOCIÉTÉ D’AVOCATS NATIVEL-RABEARISON, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
LORS DES DÉBATS :
Président : Catherine VANNIER
Greffier : Marina GARCIA
Audience Publique du : 12 Décembre 2024
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Ordonnance prononcée le 30 Janvier 2025 , par décision contradictoire en premier ressort, et par mise à disposition au greffe de la juridiction par Madame Catherine VANNIER, Première Vice-présidente, assistée de Madame Marina GARCIA, Greffier
Copie exécutoire à Maître NATIVEL délivrée le :
Copie certifiée conforme à Maître FAYETTE délivrée le :
Monsieur [B] [I] et Madame [W] [M] épouse [I] sont propriétaires d’une maison d’habitation située [Adresse 3] cadastrée AC n°[Cadastre 2], à [Localité 4]. Le 27 janvier 2022, certains riverains du chemin Roland Jamin constituaient une association « Les riverains de Roland Jamin ». L’association, dont le but est notamment de lutter contre les nuisances affectant ses membres, a, pour garantir la sécurité des riverains, fait poser, avec l’aval de la commune, un bloc de béton sur le haut du chemin, juste en dessous de l’habitation des époux [I], les obligeant à faire un détour pour l’atteindre.
Estimant que la pose de ce bloc constitue un trouble manifestement illicite, les époux [I] ont, par acte de commissaire de justice en date du 10 juin 2024, fait assigner l’association « Riverains de Roland Jamin » devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint Denis de la Réunion aux fins de voir :
Condamner l’association « Riverains de Roland Jamin » à la réalisation des travaux de déplacement du bloc béton entravant le [Adresse 3] à [Localité 4] au niveau du stop avec le [Localité 5] sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à venir et ce, pendant un délai de 6 mois,Condamner l’association « Riverains de Roland Jamin » à payer aux requérants la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ils exposent avoir toujours joui d’un accès à leur parcelle jusqu’à la pose du bloc en béton, leur habitation se situant juste au-dessus de ce bloc. Lors d’une assemblée générale de l’association défenderesse du 7 mars 2023, le déplacement du bloc en béton était discuté mais refusé. Ils estiment subir un trouble anormal de voisinage en raison de ce bloc en béton qui constitue un trouble manifestement illicite. Ils ajoutent que ce bloc empêche les services publics d’intervenir et verse un courrier de la Poste qui décrit les obstacles rencontrés par son préposé pour accéder à leur boîte aux lettres. Ils précisent encore que Monsieur [I] connaît une dégradation de sa santé et s’interrogent sur l’arrivée des services se secours d’urgence jusqu’à leur domicile. Ils versent plusieurs attestations qui confirment cette gêne liée à l’obstruction du chemin.
L’association « Riverains de Roland Jamin » estime n’y avoir lieu à référé en l’absence de trouble manifestement illicite. Elle rappelle que le bloc a été installé pour prévenir les accidents sur le chemin Roland Jamin qui sont nombreux et pour réduire les nuisances sonores engendrées par le flux important de véhicules. C’est dans ces conditions et pour mettre fin aux accidents et aux nuisances que l’association a décidé la pose de ce bloc. Les époux [I] ont participé à l’assemblée générale ayant adopté cette solution approuvée à l’unanimité. Elle ajoute que le détour par le [Localité 5] pour arriver à l’habitation des époux [I] est de 500 mètres. De même, les services publics et notamment les services d’urgence ont accès au domicile des époux [I] en passant par le [Localité 5]. Par ailleurs, le bord du trottoir a été conçu de manière carrossable et permettre aux véhicules de rouler sur le trottoir sans usure prématurée des véhicules. Enfin, l’association leur a proposé d’installer des plots anti-stationnement sur le trottoir, solution refusée par les époux [I].
L’association estime que les époux [I] ne démontrent pas l’existence de troubles anormaux de voisinage. De plus, ils ne démontrent pas une illicéité manifeste. Ainsi, leur propriété n’est pas enclavée puisqu’ils y accèdent par le [Localité 5]. Les services municipaux ont été sollicités et l’association a placé le bloc en béton selon les préconisations de la commune. Elle rappelle que les époux [I] souhaitaient eux aussi cet emplacement pour leur permettre de passer par le haut du chemin. Au vu du changement d’avis des époux [I] et de leur opposition à l’emplacement du bloc, elle leur proposait de déplacer le bloc litigieux au niveau du stop du [Localité 5]. Cette proposition est restée sans réponse. Elle sollicite qu’il soit déclaré n’y avoir lieu à référé et que les époux [I] soient déboutés de leur demande. Elle propose de déplacer le bloc de béton au niveau du stop avec le [Localité 5]. Enfin, elle sollicite leur condamnation à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A l’audience du 12 décembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 30 janvier 2025.
Sur l’existence d’un trouble manifestement illicite :
Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Un bloc de béton a été placé sur le chemin [Adresse 3] à une distance de 10 mètres avant le [Localité 5], au-dessous de l’habitation des époux [I]. Il ressort par ailleurs des pièces versées aux débats que des accidents se sont produits sur ce chemin privée, raison de la création de l’association.
Il est encore incontestable que la parcelle des époux [I] n’est pas enclavée puisqu’ils y ont accès par le [Localité 5]. De même, les services publics comme les services d’urgence peuvent accéder à la parcelle des époux [I] par ce [Localité 5]. Par ailleurs, la commune a autorisé la fermeture de ce chemin et l’association a suivi les préconisations de la mairie de [Localité 4] concernant l’emplacement du bloc de béton.
Dès lors, les époux [I] ne démontrent pas l’existence d’un trouble manifestement illicite ni même un trouble anormal de voisinage.
Il convient pourtant de souligner que l’association défenderesse a proposé différentes solutions aux époux [I] et notamment de déplacer le bloc de béton au stop du [Localité 5], soit la demande des époux [I]. Ainsi, un accord aurait pu être formalisé entre les parties rapidement puisque la demande des époux [I] est bien de déplacer le bloc de béton au stop du [Localité 5]. Les époux [I] ont saisi le conciliateur, cependant, aucune pièce ne permet de connaître les suites ou les raisons de l’échec de cette conciliation.
En conséquence, il conviendra de dire n’y avoir lieu à référé, les parties pouvant, si elles le souhaitent, formaliser leur accord dans le cadre d’une conciliation ou d’une médiation pour formaliser le déplacement du bloc de béton au niveau du stop du [Localité 5], conformément aux désiderata des deux parties.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Les dépens seront supportés par les demandeurs qui succombent.
Enfin, il paraît inéquitable de laisser à la charge de la défenderesse les frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Nous, Juge des référés, statuant par ordonnance contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :
Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir, mais dès à présent,
DISONS n’y avoir lieu à référé,
DEBOUTONS Monsieur [B] [I] et Madame [W] [M] épouse [I] de leurs demandes,
CONDAMNONS Monsieur [B] [I] et Madame [W] [M] épouse [I] aux dépens de l’instance,
CONDAMNONS Monsieur [B] [I] et Madame [W] [M] épouse [I] à verser à l’association « les riverains de Roland Jamin » la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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