Conflit sur l’exécution des obligations contractuelles et la validité des mesures conservatoires

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Conflit sur l’exécution des obligations contractuelles et la validité des mesures conservatoires

L’Essentiel : Le tribunal judiciaire de Nîmes a jugé, le 7 juin 2024, que la société Pax Romana occupait illégalement un bien depuis le 30 octobre 2022, lui imposant une indemnité mensuelle de 6 500 euros. En outre, Pax Romana a été condamnée à verser 84 623,57 euros à ses anciens bailleurs, M. et Mme [J]. Suite à cela, M. et Mme [J] ont procédé à une saisie-attribution, récupérant 5 635,42 euros. Pax Romana a contesté cette saisie et demandé une mainlevée, mais le juge a confirmé la validité de la saisie, déboutant la société de ses demandes.

Exposé du litige

Le tribunal judiciaire de Nîmes a rendu un jugement le 7 juin 2024, déclarant la société Pax Romana occupante sans droit ni titre depuis le 30 octobre 2022. Ce jugement a également fixé une indemnité mensuelle d’occupation de 6 500 euros due par Pax Romana à ses anciens bailleurs, M. et Mme [J], et a condamné la société à verser plusieurs sommes, totalisant 84 623,57 euros. Les parties ont interjeté appel de cette décision.

Saisies et Assignations

Suite au jugement, M. et Mme [J] ont pratiqué une saisie-attribution sur les comptes de Pax Romana, récupérant 5 635,42 euros. En réponse, Pax Romana a assigné M. et Mme [J] pour obtenir la mainlevée de cette saisie. De plus, la société a saisi le Premier Président de la Cour d’appel de Nîmes pour demander l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement.

Arguments de la société Pax Romana

Pax Romana a soutenu que M. et Mme [J] avaient manqué à leurs obligations contractuelles, causant des préjudices. Elle a également affirmé que la compensation entre créances était possible et a demandé la mainlevée de la saisie, ainsi qu’une indemnisation pour saisie abusive. La société a mis en avant des travaux qu’elle a dû financer en raison des manquements des bailleurs.

Réponse des époux [J]

M. et Mme [J] ont demandé le rejet des demandes de Pax Romana, affirmant que leur créance était fondée et que le jugement du 7 juin 2024 était exécutoire. Ils ont également souligné que la demande de sursis à statuer était dilatoire et que la saisie-attribution était régulière.

Décision du juge de l’exécution

Le juge a débouté Pax Romana de sa demande de sursis à statuer, affirmant que la saisie-attribution était fondée sur un titre exécutoire valide. Il a également rejeté l’exception de compensation, considérant que Pax Romana n’avait pas prouvé le caractère certain de sa créance. La demande de mainlevée de la saisie-attribution et celle de dommages-intérêts pour saisie abusive ont également été rejetées.

Condamnation aux dépens

Pax Romana a été condamnée à payer 1 000 euros à M. et Mme [J] au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’à supporter les dépens de la procédure.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la demande subsidiaire de sursis à statuer

La société Pax Romana sollicite un sursis à statuer en attendant la décision du Premier Président de la Cour d’appel concernant l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du 7 juin 2024.

Selon l’article 378 du code de procédure civile, le sursis suspend le cours de l’instance jusqu’à la survenance de l’événement qu’il détermine. Cependant, l’article R121-1 du code des procédures civiles d’exécution précise que le juge de l’exécution ne peut suspendre l’exécution d’une décision de justice.

De plus, la saisine du Premier Président n’est pas suspensive du caractère exécutoire de la décision attaquée. Ainsi, même si la société Pax Romana demande un sursis, la saisie-attribution pratiquée reste valable.

En conséquence, la demande de sursis à statuer est rejetée.

Sur la validité de la saisie-attribution

Pour qu’une saisie-attribution soit valide, il faut qu’elle soit fondée sur un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible. L’article L211-1 du code des procédures civiles d’exécution stipule que tout créancier muni d’un titre exécutoire peut saisir les créances de son débiteur.

L’article L111-10 précise que l’exécution forcée peut se poursuivre en vertu d’un titre exécutoire à titre provisoire, aux risques du créancier. En l’espèce, M. [E] [J] et Mme [O] [J] poursuivent le recouvrement de leurs créances en vertu d’un jugement du 7 juin 2024, qui est revêtu de l’exécution provisoire.

Ainsi, les créances mentionnées dans ce jugement sont considérées comme liquides et exigibles, et les conditions de l’article L211-1 sont réunies.

Sur l’exception de compensation

L’article 1348 du code civil permet la compensation en justice, même si l’une des obligations n’est pas encore liquide ou exigible. Toutefois, le juge de l’exécution ne peut ordonner une compensation entre une créance présente dans un titre exécutoire et une créance qui n’a pas été fixée.

La société Pax Romana prétend avoir une créance de 56 353,82 euros contre les époux [J], mais elle n’a pas réussi à établir le caractère certain de cette créance. Les devis et factures présentés ne suffisent pas à prouver que les travaux incombent aux bailleurs.

Par conséquent, l’exception de compensation soulevée par la société Pax Romana est rejetée.

Sur la demande de dommages-intérêts pour saisie abusive

L’article L121-2 du code des procédures civiles d’exécution permet au juge de l’exécution d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie.

Dans cette affaire, la saisie-attribution pratiquée le 9 juillet 2024 est jugée régulière. Aucun abus de saisie n’a été démontré, ce qui conduit à débouter la société Pax Romana de sa demande de dommages-intérêts.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société Pax Romana est condamnée aux dépens, ainsi qu’à payer à M. [E] [J] et Mme [O] [J] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Cette disposition vise à compenser les frais engagés par la partie gagnante dans le cadre de la procédure.

En résumé, la société Pax Romana est déboutée de toutes ses demandes, et les époux [J] sont reconnus comme ayant agi dans le cadre de la légalité.

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NÎMES

LE JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT du 10 Janvier 2025

DOSSIER N° : N° RG 24/03923 – N° Portalis DBX2-W-B7I-KUMX
AFFAIRE : S.A.S. PAX ROMANA / [E] [J], [O] [W] épouse [J]

DEMANDERESSE

S.A.S. PAX ROMANA
dont le siège social est sis [Adresse 1], enregistrée au RCS de NÎMES sous le n°834 680 753, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par la SCP TOURNIER & ASSOCIES, avocats au barreau de NIMES

DEFENDEURS

M. [E] [J]
né le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 5] (TUNISIE), demeurant [Adresse 2]

représenté par la SCP FONTAINE ET FLOUTIER ASSOCIES, avocats au barreau de NIMES

Mme [O] [W] épouse [J]
née le [Date naissance 4] 1962 à [Localité 6], demeurant [Adresse 2]

représentée par la SCP FONTAINE ET FLOUTIER ASSOCIES, avocats au barreau de NIMES

jugement contradictoire, en premier ressort, prononcé par Emmanuelle MONTEIL, juge de l’exécution, assistée de Julie CROS, Greffier présent lors des débats et du prononcé du délibéré, greffier, après que la cause a été débattue à l’audience publique du 08 novembre 2024 où l’affaire a été mise en délibéré au 10 janvier 2025, les parties ayant été avisées que le jugement serait prononcé par sa mise à disposition au greffe du tribunal judiciaire.

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement contradictoire du 7 juin 2024, le tribunal judiciaire de Nîmes (1ère chambre civile) a notamment :
– dit que la société Pax Romana devenue occupante sans droit ni titre depuis le 30 octobre 2022 est irrecevable à solliciter une quelconque condamnation de ses anciens bailleurs commerciaux M. [E] [J] et Mme [O] [J] en raison l’inexécution par ceux-ci de dispositions du contrat de bail commercial du 5 mars 2018 celui-ci étant désormais résilié ;
– fixé l’indemnité mensuelle d’occupation due par la société Pax Romana à M. [E] [J] et Mme [O] [J] à compter du 30 octobre 2022 date de résiliation du bail commercial jusqu’à la complète libération des lieux à la somme de 6 500 euros ;
– condamné la société Pax Romana à payer à M. [E] [J] et Mme [O] [J] les sommes suivantes :
– 56 374,68 euros représentant le montant total de l’indemnité mensuelle d’occupation due depuis le 30 octobre 2022 jusqu’à la date de l’audience du 19 mars 2024,
– 5 000 euros au titre de l’astreinte conventionnelle,
– 4 061,12 euros au titre du solde restant dû au titre du Pas de Porte assorti des intérêts au taux de 2% à compter de la signification du présent jugement avec capitalisation annuelle des intérêts,
– 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens en ce compris le coût du commandement de payer du 29 septembre 2022.

Par déclarations des 2 et 3 juillet 2024, les parties ont interjeté appel du jugement.

Par acte du 9 juillet dénoncé le 16 juillet 2024, M. [E] [J] et Mme [O] [J] ont fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes ouverts par la société Pax Romana dans les livres de la société Crédit Mutuel en vertu du jugement du 7 juin 2024 pour le paiement de la somme de 84 623,57 euros. La saisie a été fructueuse à hauteur de 5 635,42 euros.

Par exploit du 12 août 2024, la société Pax Romana a assigné à comparaître M. [E] [J] et Mme [O] [J] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nîmes aux fins principales de voir ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 9 juillet 2024.

Par exploit du 2 octobre 2024, la société Pax Romana a saisi le Premier Président de la Cour d’appel de Nîmes aux fins de voir ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement rendu le 7 juin 2024 par le tribunal judiciaire de Nîmes.

Après trois renvois contradictoires, l’affaire a été retenue à l’audience du 8 novembre à laquelle les parties ont été valablement représentées.

Dans le dernier état de la procédure (conclusions n°3), la société Pax Romana demande au juge de l’exécution, au visa des articles L111-1 et suivants, L121-2, L211-1 et suivants, R211-1 et suivants, 1240 du code civil, 377 et suivants du code de procédure civile, de :
– juger que les conditions de l’article L211-1 du code des procédures civiles d’exécution ne sont pas réunies ;
– constater la compensation à opérer entre les créances des deux parties ;
A titre principal,
– ordonner la mainlevée de la saisie attribution pratiquée auprès de la société Crédit Mutuel de [Adresse 7] par procès-verbal de saisie en date du 9 juillet 2024 ;
– condamner M. [E] [J] et Mme [O] [J] à lui payer la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la saisie attribution pratiquée de manière abusive ;
A titre subsidiaire,
– surseoir à statuer dans l’attente de la décision du Premier Président de la Cour d’appel sur la demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement RG n°22/04996 ;
En tout état de cause,
– rejeter l’intégralité des demandes, fins et prétentions des époux [J] ;
– condamner M. [E] [J] et Mme [O] [J] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’à supporter les dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société Pax Romana revient sur l’historique du litige l’opposant aux défendeurs et fait valoir :
– que les époux [J] ont manqué à leur obligation de délivrance conforme du local en n’assurant pas les travaux de réparation à leur charge et causé d’importants préjudices ;
– que la société Pax Romana assume la charge financière de la consommation d’eau du local voisin appartenant aux bailleurs ;
– qu’une créance ne saurait pouvoir être considérée comme liquide, certaine et exigible dans l’hypothèse où le débiteur allégué est en mesure de faire état d’une compensation entre créances connexes ;
– qu’il est admis que le preneur victime d’une saisie de la part du bailleur puisse se prévaloir de la compensation entre dettes respectives dans le cas où il existe une connexité entre celles-ci ;
– que le juge de l’exécution est compétent pour se prononcer sur l’exception de compensation présentée à l’appui d’une demande de mainlevée de saisie ;
– que la société Pax Romana est bien fondée à faire état d’une compensation de créances tirée des préjudices subis en raison des manquements du bailleur et des sinistres en ayant découlé ;
– que sa créance s’élève à 56 353,82 euros à laquelle s’ajoute la consommation d’eau de l’immeuble et les préjudices d’exploitations subis ;
– que les travaux d’étanchéité de la toiture et de mise aux normes de l’installation électrique sont des réparations à la charge des époux [J] ;
– que la société Pax Romana a été contrainte de financer des travaux en urgence en raison de la défaillance des époux [J] afin de remettre en état l’installation électrique ;
– que la saisie-attribution a été pratiquée par les époux [J] alors qu’ils avaient interjeté appel du jugement ;
– que les époux [J] cherchent à paralyser son fonctionnement ;
– que l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement sera examiné à l’audience du 8 novembre 2024 ;
– que la demande d’arrêt d’exécution provisoire a de grandes chances d’aboutir dès lors que le jugement comporte plusieurs chefs manifestes de réformation.

Dans le dernier état de la procédure (conclusions responsives), M. [E] [J] et Mme [O] [J] demandent au juge de l’exécution, au visa de l’article 514 du code de procédure civile, de :
– débouter la société Pax Romana de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
– condamner la société Pax Romana à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

M. [E] [J] et Mme [O] [J] répliquent :
– qu’il n’appartient pas au juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nîmes d’apprécier la pertinence de la motivation du jugement du 7 juin 2024 ;
– que la société Pax Romana ne détient aucune créance à leur encontre :
– que leur créance est fondée en son principe et en son montant ;
– que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire ;
– que le tribunal a pris soin de rappeler l’exécution provisoire du jugement ;
– qu’ils n’ont pas notifié de conclusions en réponse devant le Premier Président de la Cour d’appel de sorte qu’il est fort envisageable qu’un renvoi à une prochaine audience soit sollicité ;
– que la recevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire n’est pas garantie ;
– que les moyens de réformation évoqués par la société Pax Romana ne sont pas sérieux ;
– que la décision du Premier Président n’impacterait pas l’effet immédiat opéré par la saisie-attribution ;
– que la demande de sursis à statuer est purement dilatoire ;
– que leur trésorerie est lourdement impactée par les impayés de la société Pax Romana.

L’affaire a été mise en délibéré au 10 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur la demande subsidiaire de sursis à statuer

Aux termes de l’article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine.

En l’espèce, la société Pax Romana sollicite le sursis à statuer dans l’attente du prononcé de la décision du Premier Président de la Cour d’appel de Nîmes statuant sur l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement en vertu de laquelle la saisie attribution a été pratiquée.

Il résulte de l’article R121-1 du code des procédures civiles d’exécution que le juge de l’exécution ne peut suspendre l’exécution d’une décision de justice. Au surplus, la saisine du Premier Président n’est pas suspensive du caractère exécutoire de la décision attaquée.

Enfin en tout état de cause, la solution du présent litige ne dépend pas de la décision du Premier Président de la Cour d’appel de Nîmes. En effet, une saisie-attribution pratiquée sur le fondement d’un titre exécutoire provisoire reste valable en cas de suspension ultérieure de son caractère exécutoire.

Par conséquent, il convient de débouter la société Pax Romana de sa demande subsidiaire de sursis à statuer.

2. Sur la validité de la saisie-attribution

2.1. Sur l’existence d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible

Aux termes de l’article L211-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.

Aux termes de l’article L111-10 du code des procédures civiles d’exécution, sous réserve des dispositions de l’article L. 311-4, l’exécution forcée peut être poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire à titre provisoire. L’exécution est poursuivie aux risques du créancier. Celui-ci rétablit le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié.

Aux termes de l’article 514 du code civil, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

En l’espèce, M. [E] [J] et Mme [O] [J] poursuivent le recouvrement de leurs créances en vertu d’un jugement contradictoire revêtu de l’exécution provisoire de droit, rendu par le tribunal judiciaire de Nîmes le 7 juin 2024.

En conséquence, nonobstant les appels interjetés par l’ensemble des parties, M. [E] [J] et Mme [O] [J] peuvent valablement poursuivre l’exécution forcée de la décision susvisée et ce jusqu’à son terme.

Les créances mentionnées dans le jugement du 7 juin 2024 sont donc liquides et exigibles.

Les conditions de l’article L211-1 du code des procédures civiles d’exécution sont donc réunies.

2.2. Sur l’exception de compensation

Aux termes de l’article 1348 du code civil, la compensation peut être prononcée en justice, même si l’une des obligations, quoique certaine, n’est pas encore liquide ou exigible. A moins qu’il n’en soit décidé autrement, la compensation produit alors ses effets à la date de la décision.
Le juge ne peut refuser la compensation de dettes connexes au seul motif que l’une des obligations ne serait pas liquide ou exigible (article 1348-1 alinéa 1 du code civil).

Ainsi, le juge judiciaire ne peut que passer outre les conditions de liquidité et d’exigibilité, les autres étant nécessaires, à savoir la réciprocité, la fongibilité et la certitude. La Cour de cassation en matière de compensation de dettes connexes a pu abaisser la condition de certitude d’une des obligations à une simple condition de vraisemblance.

Il est constant que le juge de l’exécution est compétent pour se prononcer sur l’exception de compensation présentée à l’appui d’une demande de mainlevée de saisie.

La Cour de cassation en son arrêt du 3 octobre 2024 (21-24.852) apporte une précision quant à l’office du juge de l’exécution en matière d’exception de compensation.
Ainsi la Cour de cassation estime « qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge de l’exécution, sauf exception prévue par la loi, de fixer une créance afin d’ordonner une compensation judiciaire avec une autre créance fondée sur un titre exécutoire ».

En conséquence, le juge de l’exécution ne peut pas ordonner une compensation entre une créance présente dans un titre exécutoire et une créance qui n’a pas été fixée. Il n’est donc pas possible de retenir le caractère vraisemblable de l’obligation qui serait fondée en son principe. La condition tenant au caractère certain des obligations en cause est maintenue. Dès lors, il n’entre pas dans le pouvoir juridictionnel du juge de l’exécution de compenser deux obligations qui ne sont pas toutes deux certaines, à peine de créer un titre exécutoire en dehors des cas prévus par la loi.

En l’espèce, la société Pax Romana se prévaut d’une créance de 56 353,82 euros à l’encontre des époux [J] décomposée comme suit :
– 3 131,88 euros au titre des travaux déjà réalisés,
– 9 746,86 euros pour les travaux d’électricité,
– 43 475,08 euros pour les travaux de toiture.

Elle verse aux débats à l’appui de ses allégations de créance :
– une facture pour recherche suite à l’explosion du tableau électrique de la société LED du 6 septembre 2022 d’un montant de 722,28 euros,
– deux factures de travaux de réparation en toiture suite à des intempéries du 7 et 13 septembre 2022 de la société Plan Maçonnerie d’un montant de 1 449,60 euros et de 960 euros,
– un devis de travaux électrique de la société LED du 9 octobre 2024 d’un montant de 9 746,86 euros,
– un devis de travaux toiture de la société Pratlong Toitures du 17 novembre 2024 d’un montant de 43 475,08 euros.

Au regard de l’éventuelle occupation sans droit ni titre des locaux commerciaux par la société Pax Romana, il ne peut être établi avec certitude que les travaux susvisés incombent à M. [E] [J] et à Mme [O] [J].

Les devis produits en procédure ne sont étayés par aucun autre élément (bon de commande, bon de livraison).

La société Pax Romana échoue à démontrer le caractère certain de sa créance alléguée à hauteur de 56 353,82 euros.
L’obligation alléguée à l’endroit de M. [E] [J] et Mme [O] [J] ne pouvant pas être fixée au jour de la présente décision, aucune compensation ne peut être ordonnée par le juge de l’exécution, créer un titre exécutoire en dehors des cas prévus par la loi n’entrant pas dans ses pouvoirs juridictionnels.

L’exception de compensation soulevée par la société Pax Romana est rejetée.

Il convient de débouter la société Pax Romana de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 9 juillet 2024.

3. Sur la demande de dommages-intérêts pour saisie abusive

Aux termes de l’article L121-2 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie.

En l’espèce, la saisie-attribution pratiquée le 9 juillet 2024 est régulière. Aucun abus de saisie justifiant l’octroi de dommages-intérêts n’est démontré.

Par conséquent, il convient de débouter la société Pax Romana de sa demande indemnitaire pour saisie abusive.

4. Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société Pax Romana est condamnée aux dépens.

La société Pax Romana est condamnée à payer à M. [E] [J] et Mme [O] [J] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort :

DEBOUTE la société Pax Romana de sa demande subsidiaire de sursis à statuer ;

REJETTE l’exception de compensation ;

DEBOUTE la société Pax Romana de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 9 juillet 2024 ;

DEBOUTE la société Pax Romana de sa demande de dommages-intérêts pour saisie abusive ;

CONDAMNE la société Pax Romana à payer à M. [E] [J] et Mme [O] [J] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Pax Romana aux dépens.

LA GREFFIERE LA JUGE DE L’EXECUTION


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