Conflit autour de la rupture d’un contrat de travail et de la restitution d’outils professionnels.

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Conflit autour de la rupture d’un contrat de travail et de la restitution d’outils professionnels.

L’Essentiel : M. [B] [T] a été engagé par la SARL [S] immo & associés en tant que négociateur immobilier en avril 2016. Après une démission, un contrat de professionnalisation a été signé, mais la relation de travail a continué sans contrat écrit. En juillet 2020, M. [T] a été licencié pour faute grave. La SARL a ensuite saisi le tribunal pour concurrence déloyale, tandis que M. [T] a demandé des dommages et intérêts. Le conseil de prud’hommes a jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais la cour d’appel a infirmé cette décision, déclarant le licenciement fondé sur une faute grave.

Contexte de l’Affaire

M. [B] [T] a été engagé par la SARL [S] immo & associés en tant que négociateur immobilier le 25 avril 2016. Après une démission le 30 septembre 2016, un contrat de professionnalisation a été signé pour la période du 1er octobre 2016 au 31 août 2017. La relation de travail a continué sans contrat écrit, les bulletins de paie indiquant un statut de VRP. La convention collective applicable est celle de l’immobilier.

Licenciement et Conflit

M. [T] a été placé en activité partielle du 16 mars au 9 juin 2020, puis en arrêt maladie à partir du 10 juin 2020. La SARL [S] Immo & associés a convoqué M. [T] à un entretien préalable au licenciement le 7 juillet 2020, et l’a licencié pour faute grave le 10 juillet 2020, lui demandant de restituer divers effets professionnels. M. [T] a restitué un ordinateur et un téléphone portable, mais a refusé de rendre d’autres documents avant de consulter son avocat.

Procédures Judiciaires

La SARL [S] Immo & associés a saisi le tribunal de commerce de Toulouse pour des actes de concurrence déloyale, suivie d’une ordonnance sur requête et d’un constat d’huissier. En parallèle, M. [T] a saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir des dommages et intérêts, ainsi que d’autres indemnités. Le conseil de prud’hommes a jugé que la faute grave n’était pas établie, mais a reconnu le licenciement comme fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Jugement du Conseil de Prud’hommes

Le jugement du 4 avril 2023 a condamné la SARL [S] Immo & associés à verser plusieurs indemnités à M. [T], tout en déboutant ce dernier de certaines de ses demandes. M. [T] a interjeté appel, et la SARL [S] Immo & associés a également contesté certaines décisions.

Arguments des Parties

M. [T] a soutenu que la SARL [S] Immo & associés avait manqué à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail, notamment en ne versant pas les 13èmes mois prévus par la convention collective. La SARL [S] Immo & associés a, quant à elle, demandé que les demandes de M. [T] soient déclarées irrecevables et a réclamé des dommages et intérêts pour concurrence déloyale.

Décision de la Cour d’Appel

La cour d’appel a infirmé le jugement en ce qui concerne le licenciement, le déclarant fondé sur une faute grave. Les demandes de M. [T] relatives à l’indemnité compensatrice de préavis et à l’indemnité de licenciement ont été jugées recevables mais mal fondées. La SARL [S] Immo & associés a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale.

Conclusion

La cour a confirmé certaines décisions du conseil de prud’hommes tout en infirmant d’autres, notamment en ce qui concerne la nature du licenciement de M. [T]. Les dépens ont été mis à la charge de M. [T], tandis que la SARL [S] Immo & associés a été condamnée à ses propres frais.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences juridiques du licenciement pour faute grave selon le Code du travail ?

Le licenciement pour faute grave est régi par l’article L1234-1 du Code du travail, qui stipule que « le licenciement d’un salarié ne peut être prononcé que pour une cause réelle et sérieuse ». La faute grave est définie comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise.

Dans le cas présent, la SARL [S] Immo & associés a justifié le licenciement de M. [T] par plusieurs griefs, notamment la consommation de cannabis sur le lieu de travail, des absences injustifiées et un délaissement des mandats qui lui étaient confiés.

La jurisprudence a établi que la charge de la preuve de la faute grave pèse sur l’employeur. En l’espèce, la cour a jugé que les faits de consommation de cannabis étaient établis, ce qui justifie le licenciement pour faute grave.

Ainsi, selon l’article L1234-1, le licenciement pour faute grave entraîne la perte du droit à l’indemnité de licenciement et à l’indemnité compensatrice de préavis, ce qui a été confirmé par la cour dans son jugement.

Quels sont les droits du salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

L’article L1235-1 du Code du travail précise que « le salarié licencié sans cause réelle et sérieuse a droit à une indemnité ». Cette indemnité est calculée en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et de son salaire.

Dans le litige en question, M. [T] a soutenu que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Cependant, la cour a confirmé que le licenciement reposait sur une faute grave, ce qui exclut le droit à l’indemnité de licenciement.

Il est important de noter que l’article L1235-2 du Code du travail prévoit que « l’indemnité ne peut être inférieure à six mois de salaire ». Toutefois, dans le cas où la faute grave est établie, comme c’est le cas ici, le salarié ne peut prétendre à aucune indemnité.

Ainsi, M. [T] ne pourra pas bénéficier des droits liés à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, car la cour a jugé que la faute grave justifiait le licenciement.

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de loyauté et d’exécution du contrat de travail ?

L’article L1222-1 du Code du travail impose à l’employeur une obligation de loyauté envers ses salariés. Cela signifie que l’employeur doit respecter les termes du contrat de travail et ne pas apporter de modifications unilatérales aux conditions de travail sans l’accord du salarié.

Dans le cas de M. [T], il a allégué que la SARL [S] Immo & associés avait manqué à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail en modifiant ses fonctions et en augmentant son temps de travail sans accord préalable.

Cependant, la cour a constaté que M. [T] n’avait pas démontré que ces modifications constituaient une exécution déloyale du contrat de travail. En effet, il a été établi que M. [T] conservait certaines de ses fonctions et que les modifications apportées étaient justifiées par la situation de l’entreprise.

Ainsi, l’employeur a respecté ses obligations de loyauté et d’exécution du contrat de travail, et M. [T] a été débouté de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale.

Quelles sont les implications de la concurrence déloyale dans le cadre d’une relation de travail ?

La concurrence déloyale est régie par l’article 1382 du Code civil, qui stipule que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Dans le cadre d’une relation de travail, un salarié peut être tenu responsable de concurrence déloyale s’il utilise des informations confidentielles ou des contacts professionnels à des fins personnelles ou pour le compte d’un concurrent.

Dans cette affaire, la SARL [S] Immo & associés a accusé M. [T] d’avoir détourné des documents et des prospects à des fins personnelles. Cependant, la cour a jugé que la société n’avait pas prouvé que M. [T] avait effectivement utilisé ces informations à des fins concurrentielles.

La cour a également noté que les preuves fournies par la SARL [S] Immo & associés étaient insuffisantes pour établir un lien direct entre les actions de M. [T] et un préjudice pour l’entreprise. Par conséquent, la demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale a été rejetée.

Ainsi, pour qu’une action en concurrence déloyale soit fondée, il est essentiel de prouver non seulement l’utilisation d’informations confidentielles, mais aussi le préjudice causé à l’entreprise.

10/01/2025

ARRÊT N°25/6

N° RG 23/01795

N° Portalis DBVI-V-B7H-POMQ

FCC/ND

Décision déférée du 04 Avril 2023

Conseil de Prud’hommes

Formation paritaire de TOULOUSE

(F21/00197)

MME BOST

SECTION COMMERCE

[B] [T]

C/

S.A.R.L. [S] IMMO & ASSOCIES

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU DIX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANT

Monsieur [B] [T]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Agnès DARRIBERE de la SCP CABINET DARRIBERE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

S.A.R.L. [S] IMMO & ASSOCIES, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Laurent NOUGAROLIS de la SELAS MORVILLIERS SENTENAC & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant F. CROISILLE-CABROL, conseillère, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

AF. RIBEYRON, conseillère

Greffière, lors des débats : M. TACHON

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [B] [T] a été embauché selon un contrat à durée indéterminée non versé aux débats du 25 avril 2016 en qualité de négociateur immobilier par la SARL [S] immo & associés ; selon les parties, il a démissionné le 30 septembre 2016.

Les parties ont alors conclu un contrat de professionnalisation sur la période du 1er octobre 2016 au 31 août 2017 pour un poste de négociateur immobilier ; la relation de travail s’est ensuite poursuivie à temps plein sans qu’un contrat de travail écrit ne soit formalisé. Les bulletins de paie mentionnaient un statut VRP.

La convention collective applicable est celle de l’immobilier.

M. [T] a été placé en activité partielle du 16 mars au 9 juin 2020 dans le contexte de la crise sanitaire, puis en arrêt maladie à compter du 10 juin 2020.

Par LRAR du 26 juin 2020, la SARL [S] Immo & associés a convoqué M. [T] à un entretien préalable au licenciement fixé le 7 juillet 2020, puis l’a licencié pour faute grave par LRAR du 10 juillet 2020 en le mettant en demeure de restituer les effets professionnels en ce compris l’ordinateur portable, les fichiers, codes d’accès et mots de passe. La relation de travail a pris fin le même jour.

La SARL [S] Immo & associés a réitéré sa demande de restitution par LRAR du 27 juillet 2020, puis par sommation interpellative du 4 septembre 2020 par voie d’huissier ; M. [T] a alors répondu qu’il ne souhaitait pas faire de restitution avant d’avoir consulté son avocat. Les 11 et 29 septembre 2020, l’huissier a établi un constat, M. [T] restituant un ordinateur et un téléphone portable.

Le 20 octobre 2020, la SARL [S] Immo & associés a saisi le tribunal de commerce de Toulouse afin de faire constater par huissier des actes de concurrence déloyale, ce qui a donné lieu à une ordonnance sur requête du 21 octobre 2020 et à un constat d’huissier des 14 décembre 2020 et 11 janvier 2021.

Le 6 avril 2021, la SARL [S] Immo & associés a saisi en référé le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins de restitution de documents et de cessation d’utilisation de ceux-ci. Par ordonnance du 18 juin 2021, le conseil de prud’hommes a dit n’y avoir lieu à référé ; sur appel formé par la SARL [S] Immo & associés, par arrêt du 18 février 2022, la cour d’appel de Toulouse a confirmé l’ordonnance et condamné la SARL [S] Immo & associés au paiement de la somme de 1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 10 février 2021, M. [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins notamment de paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, du 13e mois, de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A titre reconventionnel, la SARL [S] Immo & associés a demandé des dommages et intérêts pour concurrence déloyale.

Par jugement du 4 avril 2023, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :

– dit et jugé que la faute grave n’est pas établie en l’espèce,

– dit et jugé que le licenciement de M. [T] est fondé et repose sur une cause réelle et sérieuse,

– fixé le salaire moyen de M. [T] à 2.099,30 €,

– condamné la SARL [S] Immo & associés à verser à M. [T] les sommes suivantes :

* 4.198,86 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre congés payés de 419,86 €,

* 1.968,10 € au titre de l’indemnité légale de licenciement,

* 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné la délivrance d’un bulletin de salaire récapitulatif,

– ordonné la rectification de l’attestation pôle emploi, du solde de tout compte et du certificat de travail,

– débouté M. [T] du surplus de ses demandes,

– dit qu’il n’y a pas lieu à prononcer l’exécution provisoire autre que celle de droit,

– condamné la SARL [S] Immo & associés aux entiers dépens de l’instance.

M. [T] a interjeté appel de ce jugement le 17 mai 2023, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.

M. [T] a saisi la présidente chargée de la mise en état aux fins de voir juger irrecevables les conclusions de la SARL [S] Immo & associés ; la SARL [S] Immo & associés a demandé que soient jugées irrecevables les demandes formées par M. [T] relatives aux montants de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité de licenciement comme n’ayant pas été mentionnées dans la déclaration d’appel ; par ordonnance du 13 février 2024, la présidente a déclaré recevables les conclusions de la SARL [S] Immo & associés du 17 novembre 2023 et dit que la fin de non-recevoir soulevée par la SARL [S] Immo & associés excédait les pouvoirs du conseiller de la mise en état ; par ordonnance du 15 mars 2024, la présidente a ordonné la rectification de l’ordonnance du 13 février 2024 et déclaré que les conclusions recevables sont celles du 27 novembre 2023 et non du 17 novembre 2023.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 août 2023, auxquelles il est fait expressément référence, M. [T] demande à la cour de :

– réformer le jugement,

– dire et juger que la société [S] immo & associés a manqué à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail,

– dire et juger que la SARL [S] Immo & associés n’a jamais versé à M. [T] les 13èmes mois prévus par la convention collective applicable,

– dire et juger que le licenciement de M. [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamner la SARL [S] Immo & associés au paiement des sommes suivantes :

* 2.999 € pour manquement à l’obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail,

* 7.302,40 € à titre de rappel de salaire au titre des 13ème mois non perçus,

* 8.997 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés de 899,7 €,

* 2.811,56 € au titre de l’indemnité de licenciement,

* 11.996 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3.500 € sur le fondement de l’article 700 alinéa 2 du code de procédure civile,

– condamner la SARL [S] Immo & associés aux entiers dépens, en ce compris la facture de la SCP Dorothée Darcq-Rosenthal correspondant au procès-verbal de constat du 15 février 2022.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 novembre 2023, auxquelles il est fait expressément référence, la SARL [S] Immo & associés demande à la cour de :

Sur la procédure :

in limine litis :

– juger et déclarer irrecevables les demandes formulées par M. [T] relatives à l’indemnité de licenciement et l’indemnité compensatrice de préavis sur le fondement des articles 542, 562 et 901 du code de procédure civile, les montants afférents ayant acquis autorité de la chose jugée,

Sur le fond du dossier procédure (sic) :

– infirmer le jugement en ce qu’il a dit et jugé que la faute grave n’est pas établie, condamné la SARL [S] Immo & associés au paiement de sommes ainsi qu’aux dépens, ordonné la rectification des documents sociaux et débouté la SARL [S] Immo & associés de ses demandes,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [T] de ses demandes au titre de l’exécution déloyale, du 13e mois et du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Et statuant à nouveau :

sur les demandes au titre de l’exécution du contrat de travail :

– juger que la SARL [S] Immo & associés n’a pas manqué à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail et a parfaitement respecté ses obligations conventionnelles s’agissant du versement de la prime de 13e mois à M. [T],

– débouter M. [T] de ses demandes à ces titres,

sur la rupture du contrat de travail :

à titre principal :

– juger que le licenciement pour faute grave notifié à M. [T] est parfaitement bien fondé,

– débouter M. [T] de l’intégralité de ses demandes au titre d’un prétendu licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’une indemnité de licenciement et d’une indemnité compensatrice de préavis outre congés payés,

à titre subsidiaire :

– juger que le licenciement de M. [T] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– débouter M. [T] de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– à défaut d’effet dévolutif de l’appel concernant ces montants, maintenir l’indemnité de licenciement à hauteur de 1.968,10 € et l’indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 4.198,86 €, outre congés payés de 419, 86 €, ces montants ayant acquis autorité de la chose jugée en première instance,

à titre infiniment subsidiaire :

– juger que les demandes indemnitaires formulées par M. [T] au titre d’un prétendu licenciement sans cause réelle et sérieuse sont exorbitantes,

– maintenir l’indemnité de licenciement à hauteur de 1.968,10 € et l’indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 4.198, 86 € outre congés payés de 419, 86 €, ces montants ayant acquis autorité de la chose jugée en première instance,

– réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires formulées par M. [T] au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et dans la limite de 3 mois de salaire, soit 6.297, 89 €,

sur la demande reconventionnelle formulée par la SARL [S] Immo & associés :

– juger que M. [T] a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la SARL [S] Immo & associés,

– condamner M. [T] au paiement de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour actes de concurrence déloyale,

en tout état de cause :

– débouter M. [T] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,

– condamner M. [T] au paiement de la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la présente instance.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 22 octobre 2024.

MOTIFS

1 – Sur l’exécution du contrat de travail :

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail :

M. [T] soutient que :

– la SARL [S] Immo & associés a fait de fausses déclarations sur le nombre d’heures travaillées, en déclarant 2 heures de travail par jour, pour bénéficier indûment du chômage partiel, alors qu’en réalité il a travaillé à temps plein en télétravail ;

– après le confinement, la société lui a imposé une modification unilatérale des fonctions (retrait de toutes les fonctions de négociateur immobilier) et du temps de travail (augmentation du temps de travail de 35 à 50 heures par semaine, de 9h à 21h) ;

– la société a arbitrairement supprimé des jours de congés payés.

Par mail du 20 avril 2020 la SARL [S] Immo & associés a adressé à M. [T] une note relative à l’activité partielle en insistant sur un traçage rigoureux des temps travaillés et des temps chômés, et joint un tableau Excel en ajoutant ‘2h par jour idéal entre 17h et 19h’.

M. [T] verse aux débats :

– la liste de ses mails reçus entre le 11 mars et le 4 juin 2020 ;

– deux mails qu’il a adressés, l’un à un client et l’autre à un collègue, les 20 mars 2020 à 14h51 et 7 mai 2020 à 21h18.

Toutefois, ces pièces ne sont pas de nature à établir qu’en réalité M. [T] travaillait à temps plein en contradiction avec la déclaration faite par la SARL [S] Immo & associés de 2 heures par jour ; en effet, M. [T] ne justifie pas avoir traité les mails reçus, qu’en grande majorité il n’a même pas ouverts puisqu’ils sont en gras, et l’envoi de deux mails à des horaires autres que le créneau ‘idéal’ 17h-19h ne démontre pas un travail systématique toute la journée.

D’ailleurs, le 11 juin 2020 la SARL [S] Immo & associés a fait l’objet d’un contrôle par la Direccte, laquelle par courrier du 8 juillet 2020 a seulement relevé des incohérences, sur les mois d’avril et mai, notamment concernant M. [T], en raison d’un écart de 7 heures par mois entre les heures mentionnées indemnisées au titre de l’activité partielle sur les bulletins de paie et les heures pour lesquelles une demande d’indemnisation a été faite, la SARL [S] Immo & associés ayant mentionné sur les bulletins de paie plus d’heures en avril et moins d’heures en mai ; un écart de 15 heures ou 3 heures apparaissait aussi entre les heures déclarées travaillées sur les bulletins de paie et les heures pour lesquelles une déclaration de travail a été faite, la société ayant mentionné sur les bulletins de paie moins d’heures en avril et plus d’heures en mai. Par courrier du 30 juillet 2020, la SARL [S] Immo & associés a répondu à la Direccte qu’il y avait eu une erreur en raison d’un jour férié non enlevé sur le bulletin de paie d’avril mais enlevé sur le site, erreur régularisée en mai. Suivant attestation du 26 octobre 2021, M. [U] expert-comptable certifie que le contrôle effectué par la Direccte a seulement mis en évidence un écart dû au décalage des jours fériés, écart régularisé.

Par suite, M. [T] ne justifie pas d’une fraude, a fortiori massive sur un temps plein, de la part de la SARL [S] Immo & associés, seule une erreur de quelques heures en avril ayant été relevée.

S’agissant de la modification de fonctions, M. [T] produit :

– le mail de M. [O] [S], gérant de la SARL [S] Immo & associés, en date du 10 avril 2020, indiquant qu’après le confinement, une réorganisation générale serait nécessaire et qu’il récupérerait le portefeuille vendeur tandis que M. [T] conserverait l’encadrement des stagiaires et la prospection ;

– ses propres mails du 18 mai 2020 qu’il a adressés aux clients, les avisant que la gestion des dossiers de vente serait assurée par M. [S].

Ainsi, M. [T] n’était pas privé de toutes ses fonctions de négociateur immobilier puisqu’il conservait les tâches de prospection, et il ne caractérise pas en quoi la gestion du portefeuille aurait vidé ses fonctions de leur substance ; aucune modification du contrat de travail n’est établie.

S’agissant du temps de travail et des congés payés, M. [T] se fonde sur le même mail du 10 avril 2020 de M. [S] écrivant ‘je mettrai en place un cadre de travail rigoureux et strict qui passera par les points suivants : juillet/août : vacances restreintes pour l’ensemble de l’équipe ; mai/juin : pas de pont, uniquement les jours fériés ; prospecter tous les jours et jusqu’à 21h ; travailler le samedi matin’. Toutefois, cela ne signifiait pas un temps de travail de 50 heures par semaine, ni une suppression des congés payés ; M. [T] était d’ailleurs en activité partielle jusqu’au 9 juin 2020 puis en arrêt maladie à compter du 10 juin 2020 et jusqu’à son licenciement du 10 juillet 2020, de sorte qu’il n’a pas été soumis à une durée de travail excessive et n’a pas été privé de ses congés d’été.

M. [T] ne démontrant aucune déloyauté de la part de la SARL [S] Immo & associés, il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts, par confirmation du jugement.

Sur le 13e mois :

M. [T] indique que le 13e mois ne lui a jamais été versé et il réclame le 13e mois dû pour les années 2018 et 2019, ainsi que le 13e mois au prorata pour l’année 2020.

La convention collective nationale de l’immobilier prévoit toutefois que, pour les salariés rémunérés en tout ou partie à la commission, le 13e mois peut être inclus dans la rémunération, le négociateur immobilier devant alors percevoir dans l’année civile 13 fois le salaire minimum brut mensuel.

Or, la SARL [S] Immo & associés souligne, sans être contredite par M. [T], que celui-ci a perçu en 2018, 2019 et 2020 un salaire supérieur à 13 fois le minimum conventionnel.

La cour confirmera donc le jugement en ce qu’il a débouté M. [T] de sa demande à ce titre.

2 – Sur le licenciement :

Dans sa lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, l’employeur a licencié le salarié pour faute grave. La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise ; la charge de la preuve de la faute grave pèse sur l’employeur.

La lettre de licenciement était ainsi motivée :

‘Dans le prolongement de l’entretien préalable a un éventuel licenciement fixé en nos locaux le 7 juillet 2020, pour lequel vous avez été régulièrement convoqué suivant lettre recommandée avec accusé de réception datée du 26 juin 2020, afin que vous soient présentés les éléments et raisons objectifs qui me conduisaient à envisager cette éventuelle mesure a votre égard et de recueillir vos observations, vous avez fait choix, ce que je ne peux que regretter de ne pas vous y présenter, ce que vous m’aviez annoncé par mail du 6 juillet 2020 auquel j’ai répliqué immédiatement, puisque vous faisiez référence pour justifier non seulement de votre état de santé mais également de votre absence à de prétendues brimades et actes de harcèlement totalement inexistants et mensongers, je vous informe de ma décision, après réflexion, de procéder à la résiliation de votre contrat de travail pour faute grave.

Cette mesure repose sur les violations graves et réitérées des obligations essentielles vous liant à notre société, consistant, pour les unes et à mon insu, à consommer des substances illicites au temps et sur le lieu de travail, en l’espèce en fumant du cannabis, violant ainsi une double interdiction de fumer à l’intérieur des locaux mais, en outre, de consommer des substances illicites et en violant l’obligation de sécurité dont notre société, autant que vous-même, êtes débiteurs vis à vis de vos collègues de travail, par ailleurs à n’avoir pas justifié à date, nonobstant l’injonction que je vous ai adressée par courrier du 6 juin 2020, de vos absences des 5, 8 et 9 juin 2020 et enfin, d’avoir délaissé par des négligences réitérées la gestion des mandats qui vous ont été confiés dans le cadre de vos fonctions de négociateur immobilier.

De manière plus précise, je vous rappelle que vous avez été engagé au sein de notre société, suivant contrat de travail à durée indéterminée en date et à effet du 25 avril 2016, fonctions dont vous avez démissionné à compter du 30 septembre 2016, cette démission a été suivie de la conclusion d’un contrat de professionnalisation en date et à effet du 1er octobre 2016, ayant pris fin le 31 août 2017, afin de consolider votre formation dans ces fonctions, votre intégration définitive en qualité de négociateur immobilier ayant été acquise à compter du 1er octobre 2016 et jusqu’à ce jour.

Je me suis attaché, de même que vis à vis de l’ensemble de mes collaborateurs, à favoriser dans les meilleures conditions votre intégration au sein de mes effectifs, en sorte de vous permettre de trouver un épanouissement professionnel et un équilibre entre votre vie professionnelle et votre vie privée parfaitement harmonieux, ce dont témoigne la souscription au bénéfice de l’ensemble de mes équipes, en particulier vous-même qui avez bénéficié de prestations complémentaires à ce titre, une convention de coaching sportif qui s’est exécutée au sein de la structure ENSENAT COACHING et ce depuis le mois de septembre 2018, moyennant une séance fixée tous les vendredis matins à 11 heures, c’est-à-dire pendant le temps de travail, outre pour ce qui vous concerne et à compter du mois de janvier 2020, une séance supplémentaire de coaching fixée le mardi à 12 heures.

Cette prise en charge directement liée à la promotion de la qualité de vie au travail s’est doublée de mesures de bienveillance autres, caractérisées notamment par l’achat que j’ai consenti à votre profit le 13 décembre 2019 d’un costume et d’une chemise, afin que vous bénéficiiez d’une tenue et d’une présentation adéquates devant la clientèle compte tenu de vos fonctions.

ll m’apparaissait que vous étiez pleinement satisfait de ces mesures qui, au total, accréditent assez peu l’existence alléguée par vos soins, par pure opportunité, d’un environnement éventuel de brimades, voire de harcèlement, qui n’a bien entendu jamais existé.

ll semble bien que vous avez poussé cette opportunité en connaissance de vos turpitudes qui, dès lors qu’elles ont été portées à ma connaissance, ne pouvaient permettre la poursuite de votre contrat de travail.

J’ajoute que la qualité de l’environnement de travail que je vous ai conférée ne peut être mise en doute, à la lumière au surplus des manifestations amicales que j’ai ménagées dans l’environnement professionnel, ainsi qu’en témoigne la soirée crémaillère que j’ai organisée au bénéfice des équipes le 11 mars 2020, à laquelle vous avez bien entendu participé.

Dès lors et par l’effet d’opportunité ci-dessus évoqué, vous avez tenté de mettre en échec, directement et par l’intermédiaire de votre conseil, les risques que vous saviez parfaitement devoir encourir du fait de votre comportement et qui ont été portés à ma connaissance.

J’ai été en effet en premier lieu particulièrement stupéfait d’apprendre, directement par vos collègues de travail au cours de la semaine du 22 juin 2020, que de manière régulière et en mon absence, vous consommiez du cannabis au temps et dans les locaux de travail, ce que Madame [N] [G], Messieurs [W] [D] et [J] [S] m’ont confirmé, ce qui est prohibé fermement à plusieurs titres et susceptible par ailleurs de recevoir des qualifications pénales qu’il ne m’appartient pas d’y conférer, mais en revanche d’y réserver le traitement adapté, sachant que de tels faits n’appellent strictement aucune tolérance.

Je vous rappelle en effet l’interdiction générale et permanente de fumer sur le lieu de travail, qui en soi est un motif suffisant pour rompre le contrat de travail qui nous lie.

La consommation de substances illicites telles que le cannabis est plus encore prohibée et justifie tout autant la rupture avec effet immédiat de votre contrat de travail, puisque la consommation de drogue est illicite et que ni ma société, ni moi-même ne pouvons admettre la moindre tolérance, ni éventuelle complicité en laissant perdurer de tels agissements, mais en outre elle engendre des préjudices conséquents pour votre santé, en altérant de façon grave vos facultés de concentration, sachant qu’en votre qualité de négociateur immobilier et les déplacements que vous êtes amené à effectuer, elle vous expose en outre à des dangers qu’il est impossible d’admettre.

Enfin, ma société est débitrice d’une obligation de sécurité, de même que vous, tant pour vous-même que pour l’ensemble de la collectivité de travail et que la consommation de stupéfiants est susceptible de mettre en cause gravement la santé de vos collègues de travail, ce qui est moins encore admissible.

Ces agissements ne peuvent prendre place dans un environnement de travail, ni par ailleurs au demeurant, des lors qu’ils s’inscrivent en violation d’interdictions fixées par la loi et mettent en cause la santé des salariés, ils n’appellent strictement aucune tolérance et ne peuvent être admis et légitiment, par conséquent, la rupture avec effet immédiat de votre contrat de travail.

En second lieu, vous avez été absent sans justification et ce, nonobstant l’injonction qui vous a été faite d’avoir à en justifier par le courrier de convocation a entretien préalable du 26 juin 2020 et ce, pour les journées du vendredi 5 juin 2020 et les lundi et mardi 8 et 9 juin suivants.

Vous avez certes bénéficié d’un arrêt de travail à compter du 10 juin 2020 inclus, mais les 3 journées ouvrables précédentes ne sont couvertes non seulement par aucune autorisation d’absence, ni par un quelconque justificatif, ce qui vous place, d’une part, en situation d’absence injustifiée et d’autre part et par conséquent, en violation des obligations essentielles qui vous incombent du point de vue de votre contrat de travail, incluant non seulement l’obligation de fournir le travail convenu, mais en outre l’assiduité qui en est le corollaire.

J’ai le regret d’observer que nonobstant mon courrier du 26 juin 2020, vous n’avez apporté, ni estimé devoir fournir aucune justification à ce titre, de telle sorte que vos absences injustifiées caractérisent également de votre part des agissements fautifs excluant, avec effet immédiat, le maintien de votre contrat de travail.

Enfin, en lien vraisemblable avec les habitudes addictives que vous aviez contractées, y compris sur le lieu de travail, j’ai eu le déplaisir de constater l’état de délaissement intégral des mandats de vente qui vous ont été confiés, soit au nombre de 49, qui, à compter de votre arrêt de travail pour maladie, ont été repris par votre collègue de travail, Madame [M] [X], laquelle a constaté que l’ensemble des dossiers de mandat était incomplet, qu’ils étaient totalement dépourvus des documents nécessaires à la vente, à savoir notamment les plans, les avis de taxes foncières, les appels de fonds et que pour les mandats de vente enregistrés depuis le mois de janvier 2020, les coordonnées téléphoniques des locataires et des propriétaires faisaient totalement défaut, excluant toute utilisation et par conséquent, toute diligence de votre part.

Ces constats ne constituent pas seulement des difficultés de non-conformité, mais traduisent bien au contraire des négligences graves puisque traduisant une absence totale de travail de votre part, une absence de suivi, de rigueur et de professionnalisme, qui à ce degré de négligences constituent bien des fautes d’une gravité telle qu’elles excluent le maintien de votre contrat de travail.

Pour cette troisième série de raisons par conséquent et compte tenu de la violation caractérisée de vos obligations contractuelles de négociateur immobilier, la rupture de votre contrat de travail pour faute grave est amplement justifiée.

Dès lors et pour l’ensemble des raisons qui précèdent, j’ai le regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave…’

La SARL [S] Immo & associés, qui affirme avoir, dans la semaine du 22 juin 2020, appris les faits relatifs à la consommation de cannabis, verse aux débats des attestations de quatre personnes affirmant avoir vu M. [T] fumer du cannabis dans les locaux de l’agence :

– M. [J] [S], agent immobilier et frère du gérant (pièce n° 28) ;

– M. [W] [D], négociateur (pièce n° 27) ;

– M. [V] [Z], agent immobilier (pièce n° 30) ;

– Mme [N] [G], assistante administrative (pièce n° 29) ;

MM. [D] et [Z] et Mme [G] précisant l’avoir constaté à plusieurs reprises, et Mme [G] disant que généralement elle le constatait vers 18h, heure où elle quittait l’entreprise et croisait M. [T] ‘avec un joint’.

Certes, ces quatre attestations ne sont pas conformes à l’article 202 du code de procédure civile, comme étant toutes dépourvues des mentions exigées, celle de M. [D] étant en outre dactylographiée. Toutefois, en matière prud’homale la preuve est libre et les attestations étaient accompagnées de la pièce d’identité de leur auteur permettant de s’assurer de l’identité du témoin ce qui constitue en l’espèce une garantie suffisante.

De plus, MM. [S] et [Z] ont rédigé de nouvelles attestations, conformes à l’article 202, en réitérant leurs dires (pièces n° 41 et 43).

Le fait que les attestants aient des liens avec la SARL [S] Immo & associés et que l’un d’eux soit le frère du gérant ne rend pas leurs propos mensongers.

Par ailleurs, l’absence de date des faits dans les attestations ne rend pas celles-ci imprécises.

M. [T] qui nie les faits verse aux débats des attestations d’anciens salariés, MM. [W] [A] et PierreYvinec, disant que M. [T] n’a jamais fumé de cannabis sur le lieu de travail. Toutefois le fait qu’ils ne l’aient pas constaté ne signifie pas que M. [T] ne fumait pas.

M. [T] ajoute que :

– lors d’un entretien du 8 juin 2020, ces faits n’ont pas été évoqués ainsi qu’il ressort de sa pièce n° 38 (procès-verbal de constat d’huissier du 15 février 2022, l’huissier ayant retranscrit le contenu de cet entretien entre M. [T] et le gérant M. [S], M. [T] ayant enregistré cet entretien à l’insu de M. [S], et la SARL [S] Immo & associés demandant que cette pièce soit jugée irrecevable comme illicite) ; toutefois, la société n’ayant eu connaissance selon ses dires des faits qu’après cet entretien, il était logique que M. [S] n’en parle pas le 8 juin, de sorte que le contenu de la pièce n’est ainsi pas utile et que la question de sa recevabilité est sans portée ;

– la société tolérait la consommation de cigarettes, d’alcool et de cannabis dans ses locaux ; le salarié verse des photographies, selon lui toutes prises sur le lieu de travail, à l’occasion d’événements festifs, où apparaissent des bouteilles d’alcool et des cigarettes ; toutefois, la première photographie n’a pas été prise dans l’agence, et quant aux autres elles ne permettent pas d’affirmer que les participants fumaient du cannabis et non pas simplement du tabac ; il est par ailleurs rappelé que la consommation de cannabis, qui est une infraction pénale, ne saurait être assimilée à la consommation d’alcool et de cigarettes ;

– M. [T] ne réalisait pas de déplacements en voiture, n’étant pas titulaire du permis de conduire, de sorte qu’une consommation de cannabis n’aurait pas engendré de danger sur la route ; or le débat sur la date de délivrance du permis de conduire et le danger éventuel de M. [T] sur la route est vain, dès lors que la seule consommation de stupéfiants dans les locaux est suffisante.

La cour juge que ce grief est établi et qu’à lui seul il justifie le licenciement pour faute grave, sans qu’il soit utile d’examiner les autres griefs.

La SARL [S] Immo & associés soulève l’irrecevabilité des demandes de M. [T] relatives à l’indemnité compensatrice de préavis et à l’indemnité de licenciement, comme n’ayant pas été visées dans la déclaration d’appel. Les premiers juges avaient fait droit partiellement aux demandes du salarié à ce titre. La déclaration d’appel ne contenait aucune mention relative à ces chefs de dispositif de sorte que la cour ne pouvait plus être saisie que dans les termes de l’appel incident, sans que l’appelant puisse prétendre à une majoration des sommes ; toutefois, dès lors qu’il a été retenu ci-dessus une faute grave privative de ces indemnités, la question du quantum est en toute hypothèse sans objet. Le jugement sera infirmé et M. [T] débouté de ses demandes à ce titre. La demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est également mal fondée. Il n’y a pas lieu d’ordonner une rectification des documents sociaux.

3 – Sur la concurrence déloyale :

La SARL [S] Immo & associés soutient que M. [T] a détourné les documents du réseau FCPI et les prospects à des fins personnelles ou pour le compte d’un concurrent ; qu’en effet, il a transféré des données des outils professionnels mis à sa disposition (ordinateur, téléphone) vers ses propres outils, a conservé des données, a supprimé des données avant de restituer les documents à la société ce qui a privé la société de données, et a exploité ces données. Elle réclame des dommages et intérêts pour concurrence déloyale.

Dans les motifs de son jugement, le conseil de prud’hommes a indiqué que la cour d’appel avait déjà statué, sans toutefois dans le dispositif prononcer une irrecevabilité ou un débouté. Toutefois, la précédente instance ayant donné lieu à l’ordonnance du 19 juin 2021 confirmée par arrêt du 18 février 2022 concernait une procédure de référé de sorte qu’il n’y avait pas autorité de la chose jugée au principal, et d’ailleurs aucune demande indemnitaire n’avait alors été présentée.

En cause d’appel, M. [T] est muet sur la demande reconventionnelle de la SARL [S] Immo & associés.

La SARL [S] Immo & associés verse aux débats :

– le constat d’huissier des 14 décembre 2020 et 11 janvier 2021, l’huissier ayant annexé une note technique de M. [K], expert informatique (pièce n° 18), avec ses annexes ;

– une liste de noms de propects saisis par M. [T] au cours de la relation de travail (pièces ° 10 et 39), liste ne comportant ni prénoms, ni coordonnées, ni biens concernés ;

– des captures d’écran du CDRom sur les fichiers trouvés sur l’ordinateur (pièces n° 39 et 40).

Néanmoins :

– M. [K] a listé les fichiers trouvés dans l’ordinateur portable de M. [T] sous les deux répertoires ‘FCPI’, ainsi que les contacts et SMS figurant dans son téléphone portable, sans mentionner une trace de fichiers qui auraient été supprimés ;

– certes, M. [T] a tardé à restituer ses outils professionnels, et il ressort du jugement entrepris que le salarié a admis détenir sur ses outils personnels des données appartenant à la société ; pour autant, la société ne justifie pas de quels fichiers elle aurait été privée suite à suppression, ni quels fichiers M. [T] aurait utilisés à des fins concurrentielles ;

– la liste de prospects, ne mentionnant que des informations incomplètes, était peu utilisable en l’état ;

– il ressort de l’arrêt du 18 février 2022 que M. [T] disait qu’après son licenciement, il n’avait pas contacté les prospects de la SARL [S] Immo & associés mais des homonymes ; dans le cadre de la présente procédure prud’homale M. [T] produit une attestation de Mme [H] [C] directrice de l’agence immobilière Only’Mo dans laquelle il travaille, affirmant que ses collaborateurs n’ont jamais démarché d’anciens clients, notamment FCPI, et qu’il s’agit de leurs propres prospects ; en l’état des pièces qu’elle verse aux débats, la SARL [S] Immo & associés ne justifie pas de ce que M. [T] aurait contacté les prospects de la société.

Il y a donc lieu de débouter la SARL [S] Immo & associés de sa demande indemnitaire, et il sera ajouté au jugement.

4 – Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

M. [T] qui succombe au principal sera condamné aux entiers dépens de première instance et d’appel et supportera ses propres frais irrépétibles. L’équité commande de laisser à la charge de la SARL [S] Immo & associés ses frais.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement, sauf en ce qu’il a débouté M. [B] [T] de ses demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, de rappel de salaire au titre du 13e mois et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ces chefs étant confirmés,

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [B] [T] reposait sur une faute grave,

Déclare les demandes de M. [B] [T] au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité de licenciement recevables mais mal fondées, et l’en déboute,

Déboute M. [B] [T] de sa demande de remise de documents sociaux rectifiés,

Déboute la SARL [S] Immo & associés de sa demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [B] [T] aux dépens de première instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

M. TACHON C. BRISSET


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