L’Essentiel : La SCI LES SEPT TROUBADOURS a loué un local commercial à l’EURL LA PREFERENCE en 2007, cédant ensuite le bail à la SAS EL BARATILLO en 2016. Après des sinistres signalés à la MACIF, la SAS a décidé de vendre son fonds de commerce en 2020. La SCI JUSADA, successeur du bailleur, a exercé son droit de préemption, mais a opposé le paiement du prix de cession en raison de loyers impayés. Le tribunal a finalement condamné la SCI JUSADA à verser des compensations, tout en levant l’opposition au paiement du prix de cession.
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Contexte du litigeLa SCI LES SEPT TROUBADOURS a donné en bail un local commercial à l’EURL LA PREFERENCE pour l’exploitation d’un restaurant en février 2007. En décembre 2015, l’EURL a cédé son fonds de commerce à la SAS EL BARATILLO pour 170 000 €. Le bail a été renouvelé en juin 2016 entre la SAS EL BARATILLO et la SCI JUSADA, successeur de la SCI LES SEPT TROUBADOURS. Assurances et sinistresLa SAS EL BARATILLO a souscrit une assurance auprès de la MACIF en novembre 2018. En mai 2019, elle a signalé un dégât des eaux, suivi de plusieurs autres plaintes jusqu’en novembre 2020. Un expert judiciaire a été désigné en juillet 2020 pour évaluer les dommages. Vente du fonds de commerceEn 2018, la SAS EL BARATILLO a décidé de vendre son fonds de commerce et a trouvé un acquéreur en juillet 2020. La SCI JUSADA a exercé son droit de préemption, et la cession a été finalisée en juin 2021 après une procédure judiciaire. Opposition au paiementLa SCI JUSADA a opposé le paiement du prix de cession en raison de loyers impayés, totalisant 65 303,20 €, ce qui a conduit à la mise sous séquestre du prix de cession. La SAS EL BARATILLO a alors assigné la SCI JUSADA et la MACIF pour lever cette opposition et obtenir des compensations pour divers préjudices. Procédures judiciairesLa SCI JUSADA a également assigné la société AXA ASSURANCES pour garantir ses éventuelles condamnations. Les affaires ont été jointes, et plusieurs décisions ont été rendues, notamment la mise hors de cause de la société AXA. Demandes des partiesLa SAS EL BARATILLO a demandé la reconnaissance de la responsabilité du bailleur et de l’assureur, ainsi que des compensations financières. La SCI JUSADA a contesté toute responsabilité et a demandé le paiement des loyers dus. La MACIF a nié toute négligence, tandis qu’AXA a demandé le rejet des demandes contre elle. Décision du tribunalLe tribunal a rejeté plusieurs demandes de la SAS EL BARATILLO, tout en condamnant la SCI JUSADA à verser des compensations pour la perte d’exploitation et des frais bancaires. La décision a également ordonné la mainlevée de l’opposition au paiement du prix de cession et a mis les dépens à la charge de la SCI JUSADA. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la responsabilité du bailleur en matière d’entretien du local commercial ?La responsabilité du bailleur en matière d’entretien du local commercial est régie par les articles 1719 et suivants du Code civil. Selon l’article 1719, le bailleur est tenu de délivrer au preneur un bien en bon état de réparation et d’entretien. En effet, l’article 1719 stipule : « Le bailleur est tenu : 1° De délivrer au preneur la chose louée en bon état de réparation de toute espèce ; 2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ; 3° D’en garantir le preneur contre les vices et défauts de nature à y faire obstacle. » Ainsi, si le bailleur ne respecte pas cette obligation, il peut être tenu responsable des conséquences des sinistres, comme les dégâts des eaux mentionnés dans le litige. Il est donc essentiel pour le preneur de prouver que le bailleur a manqué à ses obligations d’entretien, ce qui pourrait justifier une demande d’indemnisation pour les pertes d’exploitation subies. Quelles sont les conséquences de l’opposition au paiement du prix de cession du fonds de commerce ?L’opposition au paiement du prix de cession du fonds de commerce est régie par les dispositions du Code civil, notamment l’article 1341 qui traite des effets de l’opposition. L’article 1341 précise : « Le débiteur peut opposer à son créancier toutes les exceptions qui lui sont personnelles, et qui ne sont pas de nature à nuire à la garantie du créancier. » Dans le cas présent, la SCI JUSADA a signifié une opposition au paiement du prix de cession en raison de loyers impayés. Cette opposition a pour effet de suspendre le paiement jusqu’à ce que le litige soit tranché. Cela signifie que tant que l’opposition est en cours, le prix de cession reste sous séquestre, et la SAS EL BARATILLO ne peut pas en disposer. La résolution de ce litige est donc cruciale pour permettre le transfert effectif du fonds de commerce. Comment se détermine la responsabilité en cas de sinistre dans un local commercial ?La détermination de la responsabilité en cas de sinistre dans un local commercial repose sur plusieurs articles du Code civil, notamment les articles 1719, 1720 et 1721. L’article 1720 stipule : « Le bailleur est tenu de garantir le preneur contre les vices cachés de la chose louée. » Cela signifie que si un sinistre est causé par un vice caché ou un défaut d’entretien, le bailleur peut être tenu responsable. De plus, l’article 1721 précise que : « Le preneur est tenu de faire un usage raisonnable de la chose louée et de l’entretenir. » Ainsi, si le preneur a négligé ses obligations d’entretien, cela peut également influencer la répartition des responsabilités. Dans le cas présent, la SAS EL BARATILLO doit prouver que le bailleur a manqué à ses obligations d’entretien pour établir sa responsabilité dans les pertes subies. Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans ce litige ?L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés pour la défense de ses droits. Cet article dispose que : « Le juge peut, dans sa décision, condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par celle-ci pour la défense de ses droits. » Dans le cadre de ce litige, la SAS EL BARATILLO et la SCI JUSADA ont chacune formulé des demandes au titre de l’article 700. Le tribunal a donc la possibilité de condamner la partie qui succombe à verser une somme à l’autre partie pour couvrir ses frais d’avocat et autres dépenses liées à la procédure. Cela peut avoir un impact significatif sur le montant total que chaque partie devra payer à l’autre, en plus des sommes dues au titre des demandes principales. Comment se justifie la mainlevée de l’opposition au paiement du prix de cession ?La mainlevée de l’opposition au paiement du prix de cession est justifiée lorsque le tribunal estime que l’opposition n’est pas fondée. En vertu de l’article 1341 du Code civil, si le débiteur (ici, la SCI JUSADA) ne peut prouver la validité de son opposition, le créancier (la SAS EL BARATILLO) peut demander la mainlevée. L’article 1341 précise que : « L’opposition ne peut être faite que pour des causes qui sont de nature à nuire à la garantie du créancier. » Dans ce cas, le tribunal a constaté que la SCI JUSADA n’a pas réussi à établir la réalité des loyers impayés, ce qui a conduit à la décision de lever l’opposition. Cela permet au prix de cession d’être versé à la SAS EL BARATILLO, facilitant ainsi la conclusion de la transaction. |
JUGEMENT DU : 31 Janvier 2025
DOSSIER : N° RG 21/05651 – N° Portalis DBX4-W-B7F-QOGD
NAC: 51G
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULOUSE
POLE CIVIL COLLEGIALE
JUGEMENT DU 31 Janvier 2025
COMPOSITION DU TRIBUNAL Lors des débats et du délibéré
PRESIDENT : Madame GABINAUD, Vice-Président
ASSESSEURS : Madame KINOO, Vice-Présidente
Madame PUJO-MENJOUET, Juge
GREFFIER lors des débats : Madame GOTTY
GREFFIER pour la mise à disposition : Madame GIRAUD
DEBATS
Après clôture des débats tenus à l’audience publique du 21 Novembre 2024, le jugement a été mis en délibéré au 23 janvier 2025 et prorogé à la date de ce jour
JUGEMENT
Rendu après délibéré, Réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe, rédigé par L. GABINAUD
Copie revêtue de la formule
exécutoire délivrée
le
à
DEMANDERESSE
S.A.S. EL BARATILLO, RCS Toulouse 815 402 516, dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par Maître Romain SINTES de la SELARL RS AVOCAT, avocats au barreau de TOULOUSE, avocats plaidant, vestiaire : 423
DEFENDERESSES
SPEC BOUNAN HABIB, exerçant sous l’enseigne AXA ASSURANCES, RCS Toulouse 817 635 956, dont le siège social est sis [Adresse 2]
défaillant
Compagnie d’assurance MACIF, RCS Niort D 781 452 511, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Jacques MONFERRAN de la SCP MONFERRAN – ESPAGNO – SALVADOR, avocats au barreau de TOULOUSE, avocats plaidant, vestiaire : 328
S.C.I. JUSADA, RCS Toulouse 511 660 763, représentée par son gérant, M. [B] [E], dont le siège social est sis [Adresse 5]
représentée par Me Thierry CARRERE, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant, vestiaire : 55
PARTIE INTERVENANTE
Société AXA FRANCE, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Maître Isabelle BAYSSET de la SCP D’AVOCATS MARGUERIT – BAYSSET, avocats plaidant, vestiaire : 330
Suivant acte du 9 février 2007, la SCI LES SEPT TROUBADOURS a donné à bail à l’EURL LA PREFERENCE un local commercial sis [Adresse 4] à [Localité 7] pour l’exploitation d’un restaurant.
Le 16 décembre 2015, l’EURL LA PREFERENCE a cédé son fonds de commerce de restauration à la SAS EL BARATILLO, représentée par Madame [Y], sa présidente, pour un prix de 170 000 €.
Le bail initial a été renouvelé par acte du 11 juin 2016 entre la SAS EL BARATILLO, et la SCI JUSADA venant aux droits de la SCI LES SEPT TROUBADOURS, avec effet rétroactif au 1er février 2016.
La SAS EL BARATILLO a assuré le local auprès de la MACIF au titre d’un contrat « multi garanties activités pro commerce » à compter du 13 novembre 2018.
La SCI JUSADA est propriétaire de l’immeuble entier, lequel comporte le local commercial en rez-de-chaussée, et des logements dans les trois étages supérieurs.
Elle a assuré l’immeuble auprès de la SA AXA FRANCE IARD.
Le 8 mai 2019, la SAS EL BARATILLO s’est plainte d’un dégât des eaux occasionnant une perte d’exploitation.
Elle a dénoncé un nouveau dégât des eaux le 13 septembre 2019, puis pendant l’été 2020 et en novembre 2020.
Par ordonnance du 9 juillet 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse, saisi par la SAS EL BARATILLO, a désigné Monsieur [R] en qualité d’expert judiciaire, lequel a déposé son rapport le 24 avril 2021.
A compter de 2018, la SAS EL BARATILLO a souhaité vendre son fonds de commerce. Elle a trouvé acquéreur pour un prix de 78 000 €, ce dont elle a informé la SCI JUSADA par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 juillet 2020.
Le bailleur a exercé son droit de préemption par acte du 16 septembre 2020, et l’acte de cession du fonds de commerce à son profit a été signé le 30 juin 2021, suite à une nouvelle procédure devant le juge des référés introduite par la SAS EL BARATILLO pour contraindre le bailleur à régulariser cette cession.
Le 29 juillet 2021, la SCI JUSADA a signifié une opposition au paiement du prix de cession au motif de loyers impayés entre le 9 mai 2019 et le 30 juin 2021, pour un montant de 65 303, 20 €, outre 391,18 € de frais d’huissier.
Compte tenu de la contestation élevée par la SAS EL BARATILLO, le prix de cession a été placé sous séquestre.
Suivant actes d’huissier signifiés les 1er et 6 décembre 2021, la SAS EL BARATILLO a fait assigner la SCI JUSADA et la MACIF devant le tribunal judiciaire de Toulouse, aux fins de lui demander de bien vouloir lever l’opposition au prix de cession, condamner la MACIF à lui verser une somme de 15 775 € au titre de sa perte d’exploitation de mai 2019 à octobre 2019, déterminer les parts de responsabilité du bailleur et de l’assureur dans les conséquences financières du sinistre, et les condamner à lui payer diverses sommes au titre de son préjudice financier, de la perte de valeur du fonds de commerce, des frais d’huissier et bancaires et de factures d’électricité et de location d’un climatiseur, outre des demandes accessoires.
Suivant acte de commissaire de justice signifié le 20 juillet 2022, la SCI JUSADA a fait assigner la société en participation de professions libérales SPEC BOUNAN HABIB exerçant sous l’enseigne commerciale AXA ASSURANCES devant le tribunal judiciaire de Toulouse aux fins de la voir condamnée à la garantir de ses éventuelles condamnations.
Les affaires ont été jointes par ordonnance du juge de la mise en état du 26 août 2022.
Suivant décision du 6 avril 2023, le juge de la mise en état a mis hors de cause la société SPEC BOUNAN HABIB et accueilli l’intervention volontaire de la SA AXA FRANCE IARD.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 avril 2024, et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie du 21 novembre 2024.
A l’issue des débats, elle a été mise en délibéré au 23 janvier 2025.
Dans ses dernières écritures, notifiées par voie électronique le 28 février 2024, la SAS EL BARATILLO demande au tribunal, au visa des articles 1719 et suivants du code civil, de bien vouloir :
-Déclarer le bailleur responsable des conséquences du mauvais entretien et des sinistres à répétition dont celle de l’impossibilité d’exploiter dans des conditions normales ;
-Lever l’opposition au paiement du prix de cession en la déclarant mal fondée ;
-Dire et juger que la MACIF a commis des négligences fautives ayant participé à l’impossibilité de réouverture de l’établissement sinistré ;
-Condamner la MACIF à régler à la SAS EL BARATILLO la somme de 15 775 € pour solder la perte d’exploitation de mai 2019 à octobre 2019 ;
-Déterminer les parts de responsabilité du bailleur et de l’assureur pour indemniser les conséquences financières des sinistres ;
-Condamner le bailleur et la MACIF à régler les sommes ci-après suivant leur part de responsabilité:
*80 433,27 € au titre de la perte d’exploitation de novembre 2019 à juin 2021,
*92 000 € au titre de la perte de la valeur du fonds de commerce,
*7 904,68 € au titre des frais d’expertise judiciaire,
*399,38 € au titre des frais de constat d’huissier,
*787,73 € de frais bancaires,
*334,96 € de factures EDF,
*360 € de facture de location du Climatiseur ;
-Condamner solidairement le bailleur et la MACIF à payer la somme de 6 000 euros à la SAS EL BARATILLO en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner solidairement le bailleur et la MACIF au paiement des dépens de l’instance.
Dans ses dernières écritures, notifiées par voie électronique le 17 mai 2023, la SCI JUSADA demande au tribunal, au visa des articles 1128, 1194, 1719, 1347-1 et 1348-1 alinéa 1 du code civil, de bien vouloir :
-Constater que la responsabilité de la SCI JUSADA ne saurait être engagée ;
-Constater l’absence de préjudices de la SAS EL BARATILLO tant sur le fondement de la perte d’exploitation et que sur celui de la perte de la valeur du fonds de commerce ;
-Débouter la SAS EL BARATILLO de l’ensemble de ses demandes ;
-Constater l’absence de règlement par la SAS EL BARATILLO de ses loyers de mai 2019 à mai 2021 ;
-Condamner la SAS EL BARATILLO au paiement de la somme de 65 694,38 euros au titre de l’arrérages de loyers ;
-Ordonner la distraction du prix de cession du fonds de commerce au profit de la SCI JUSADA à hauteur de la somme de 65 694,38 euros ;
-Condamner la SAS EL BARATILLO au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Dans ses dernières écritures, notifiées par voie électronique le 13 février 2024, la MACIF demande au tribunal, au visa des articles 1719 et suivants du code civil, de bien vouloir :
A titre principal :
-Débouter toutes demandes formulées à l’encontre de la MACIF ;
-Dire et juger que la MACIF n’a commis aucune négligence fautive à l’égard de la SAS BARATILLO ;
A titre subsidiaire :
-Constater que la SAS BARATILLO ne rapporte aucun élément objectif permettant le calcul des prétendus préjudices ;
– En conséquence, ramener à de plus justes proportions les demandes de la SAS BARATILLO ;
En tout état de cause :
-Condamner la partie succombant à régler à la MACIF la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures, notifiées par voie électronique le 6 décembre 2023, la SA AXA FRANCE IARD demande au tribunal, au visa des articles 1103, 1108, 1719, 1720 et 1721 du code civil, de bien vouloir :
A titre principal :
-Déclarer la SAS EL BARATILLO responsable des désordres constatés par l’expert ;
-Débouter la SAS EL BARATILLO de l’ensemble de ses demandes ;
A titre subsidiaire :
-Dire que la police d’assurance souscrite par la SCI JUSADA ne peut être mobilisée ;
En tout état de cause :
-Rejeter toutes demandes formulées à l’encontre de la SA AXA France ;
-Condamner toute partie succombante à payer la SA AXA FRANCE la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des moyens.
A titre liminaire, il convient de constater qu’aucune demande n’est formée contre la SA AXA FRANCE IARD.
Par conséquent, en application de l’article 5 du code de procédure civile, selon lequel le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé, la SA AXA FRANCE IARD sera mise hors de cause.
I / Sur les fautes reprochées au bailleur
La SAS EL BARATILLO soutient que son bailleur est responsable au titre de son obligation de délivrance en ce qu’il doit mettre à disposition un local exploitable, ce qui n’était pas le cas en l’espèce au regard des nombreux dégâts des eaux survenus à son préjudice indiquant que le local n’était pas étanche, et nécessitait d’importants travaux de réparation sur les canalisations et en toiture, lesquels incombaient au bailleur. Elle renvoie à ce titre à l’article R.145-35 du code de commerce, applicable aux baux conclus ou renouvelés à compter du 3 novembre 2014.
La MACIF reprend en substance les mêmes arguments que son assurée.
La SCI JUSADA répond que les dégâts des eaux proviennent pour certains des étages supérieurs et ne lui sont donc pas tous imputables, et que, s’agissant de ceux qui ont nécessité des travaux sur les canalisations des immeubles, elle a fait toutes les diligences utiles pour faire cesser le trouble au plus vite. Elle rappelle que le bail informait le preneur du caractère vétuste du local, et mettait à la charge de ce dernier les travaux imposés au bailleur en vertu de l’article 1719 du code civil.
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L’article 1719 du code civil dispose notamment que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, de délivrer au preneur la chose louée et de l’entretenir en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée.
L’article 1720 du code civil ajoute que le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce, et qu’il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que locatives.
Enfin, l’article 1721 du même code prévoit qu’il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l’usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail. S’il résulte de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l’indemniser.
S’agissant toutefois de textes qui ne sont pas d’ordre public, les parties à un bail commercial sont libres de modifier la répartition de la charge des travaux et de l’entretien prévue par ces dispositions, de sorte que le bailleur peut s’exonérer de l’ensemble des obligations de réparer et d’entretenir.
Cependant, cette possibilité doit se concilier avec l’obligation, pesant sur le bailleur, de délivrance d’une chose de nature à permettre l’exercice paisible de l’activité du preneur, étant observé que la conformité du local à la destination contractuelle ne doit pas exister seulement à la date de la conclusion du bail, dès lors qu’il incombe au bailleur de délivrer un local conforme à sa destination contractuelle tout au long de l’exécution du contrat.
L’article R.145-35 du code de commerce, applicable au bail de l’espèce en ce qu’il a été renouvelé le 11 juin 2016, soit postérieurement à la publication du décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014 en date du 5 novembre 2014, et inséré dans le chapitre relatif au bail commercial, prévoit que ne peuvent être imputées au locataire les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l’article 606 du code civil ni celles relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté de l’immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu’ils relèvent des grosses réparations de cet article.
L’article 606 du code civil énumère limitativement, au titre des grosses réparations, celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et couvertures entières, les digues et les murs de soutènement et de clôture aussi en entier.
Il appartient au bailleur d’apporter la preuve qu’il a rempli son obligation de délivrance et de vérifier que la chose louée peut être affectée à l’usage prévu au bail.
En l’espèce, le bail stipule : « le locataire déclare bien connaître l’état des lieux loués au vu des divers renseignements qui lui ont été communiqués et reconnaît, pour avoir visité les locaux, être parfaitement informé de l’état particulièrement vétuste de ces derniers. […] les parties conviennent expressément de déroger à l’article 1719 du code civil, le preneur acceptant par là même de prendre les lieux loués dans l’état où ils se trouveront au moment de son entrée en jouissance, sans pouvoir exiger aucune réfection, remise en état, adjonction d’équipements supplémentaires, ou travaux quelconques, même s’ils étaient rendus nécessaires par l’inadaptation des locaux à l’activité envisagée, par vétusté, ou par des vices cachés. Il prendra par conséquent à sa charge l’ensemble des travaux imposés au bailleur par ledit article 1719 du code civil, en particulier tous travaux de mise en conformité aux normes de sécurité prescrits par l’administration pour cause d’hygiène, de salubrité et pour autres causes. […] »
Au titre « VIII Réparations », le bail ajoute que le bailleur n’aura à sa charge que les grosses réparations telles qu’elles sont définies par l’article 606 du code civil, et que « ne seront pas considérées comme des réparations au sens de la présente clause, la remise en état intégrale ou la réfection complète des installations ou équipements communs, dont la charge incombera en toute hypothèse au bailleur. »
En l’occurrence, il ressort du rapport d’expertise judiciaire que le local commercial objet du bail a subi plusieurs dégâts des eaux, qui peuvent être regroupés en deux situations distinctes.
La première situation correspond au premier dégât des eaux dénoncé par la SAS EL BARATILLO, et qui est survenu le 9 mai 2019.
L’expert judiciaire retient qu’il provenait des équipements de l’appartement situé au-dessus du local commercial (cumulus d’eau ou raccord de robinet), et rendait l’ouverture du restaurant impossible au regard des dommages occasionnés à la salle de restaurant, au matériel et aux marchandises.
Il affirme, sans être contredit sur ce point, que l’appartement de l’étage supérieur, à l’origine du désordre, n’était pas occupé au moment du dégât des eaux.
Il s’en déduit que c’est le propriétaire de ce local voisin qui était responsable des préjudices subis par la SAS EL BARATILLO au titre des troubles anormaux du voisinage.
Or, il est constant que la SCI JUSADA est propriétaire de l’immeuble en son entier.
Par conséquent, elle doit être considérée comme responsable de ce dégât des eaux et condamnée à en réparer les conséquences, en sa qualité de propriétaire du local voisin, et non en sa qualité de bailleur du local commercial.
La deuxième situation correspond aux autres dégâts des eaux, survenus le 13 septembre 2019 puis en 2020. Ceux-ci ont endommagé l’arrière du restaurant, tant par le faux plafond du local que par le soubassement de l’immeuble, dont il a été constaté qu’il apportait de l’humidité aux murs du rez-de-chaussée.
L’expert judiciaire retient que ces dégâts des eaux proviennent d’une part d’une rupture de la descente des eaux pluviales desservant la toiture qui a été mal réparée, de sorte que les eaux de pluie pénètrent dans le restaurant et dans le bâtiment voisin, et d’autre part, de phénomènes de remontées d’humidité par capillarité en raison d’un manque d’étanchéité du réseau d’évacuation des eaux usées et pluviales, mais surtout d’une ou plusieurs fuites sur le réseau d’eau potable dans sa partie enterrée au niveau du couloir menant à l’escalier. L’expert affirme que ce sont ces fuites qui sont la cause principale de la forte humidité constatée sur le bas de la structure du bâtiment, et qui sont à l’origine des difficultés rencontrées pour terminer les reprises du premier dégât des eaux, les bas des murs demeurant humides, et empêchant tous travaux de peinture. L’expert précise que le mauvais état de cette conduite d’eau résulte de son ancienneté et de l’inadaptation de son matériau constructif par rapport à son environnement.
Dans ces conditions, non seulement les dégâts des eaux répétitifs objectivés par l’expertise judiciaire supposent une remise en état intégrale d’équipements communs, à savoir le réseau d’évacuation des eaux pluviales et le réseau d’acheminement de l’eau potable, ce qui relève, aux termes du bail, de la compétence du bailleur, et non du preneur, mais en plus, leur répétition confirme que par temps de pluie l’étanchéité du local n’était pas assurée, ce qui constitue une violation de son obligation de délivrance par le bailleur.
En effet, quand bien même le preneur a accepté la vétusté du local commercial pris à bail et de prendre en charge les réparations afférentes, il devait être assuré de la possibilité d’exploiter les lieux sous l’unique réserve de la réalisation, à sa charge, des réparations de celui-ci. Or, ce n’était pas le cas au regard des réparations à mener sur les équipements communs, par le bailleur propriétaire de l’immeuble en son entier, pour assurer l’étanchéité du local loué. Pourtant, il n’est pas sérieusement contestable que l’exploitation d’un restaurant suppose un local protégé des intempéries.
Il résulte de ce qui précède que la SCI JUSADA a manqué à son obligation de délivrance en ce qu’elle n’a pas mis à la disposition du preneur un local de nature à permettre l’exercice paisible de son activité de restauration.
Le fait dont se prévaut la SCI JUSADA, qu’elle a réalisé toutes les démarches nécessaires aux réparations dès que la cause des dégâts des eaux a été identifiée, n’est pas de nature à la décharger de sa responsabilité au titre de la réparation des conséquences de ceux-ci sur le fondement de son obligation de délivrance, ni de son obligation contractuelle de réparation des installations communes.
En effet, il ressort du rapport d’expertise judiciaire que les fuites des canalisations enterrées sont principalement la conséquence de leur ancienneté, de même que la fuite du réseau d’évacuation des eaux pluviales en toiture résulte d’une rupture qui a été mal réparée. Au surplus, la difficulté à identifier l’origine de l’humidité est, selon l’expert, en partie liée à la vétusté des compteurs d’eau dans l’immeuble, lesquels, hors d’usage, n’ont pas permis d’identifier la présence de fuites sur le réseau d’eau potable.
Par conséquent, la situation subie par la SAS EL BARATILLO est le résultat de négligences anciennes dans l’entretien de l’immeuble par la SCI JUSADA, qui ne sauraient être compensées par sa réactivité à l’issue de l’expertise judiciaire qui les a mises en évidence, et d’une période de plusieurs mois préjudiciable au preneur entre l’apparition des désordres et leur réparation, postérieure à la fin du bail.
Il résulte de ce qui précède que la SCI JUSADA doit être déclarée responsable de l’ensemble des dégâts des eaux subis par la SAS EL BARATILLO, étant observé, de manière surabondante, que dans les faits, elle a effectivement accepté de prendre en charge l’ensemble des réparations visées par le rapport d’expertise, sans en demander le remboursement par son preneur.
Elle devra donc être condamnée à indemniser la SAS EL BARATILLO des préjudices qui en ont résulté pour elle.
Par ailleurs, il sera observé que la SAS EL BARATILLO demande que le tribunal « détermine les parts de responsabilité du bailleur et de l’assureur pour indemniser les conséquences financières du sinistre ».
Toutefois, elle ne formule aucune proposition quant à un tel partage de responsabilité, ni aucune demande de condamnation solidaire ni in solidum, et ces deux parties ne forment aucun recours en garantie entre elles.
Par conséquent, cette demande est indéterminée et sera rejetée.
II / Sur les fautes reprochées à la MACIF
La SAS EL BARATILLO reproche à la MACIF d’avoir été défaillante dans la prise en charge des sinistres successifs, le premier pour ne pas avoir tenu compte de l’avis des peintres qu’elle avait mandatés selon lesquels le support ne permettait pas la mise en œuvre de leurs réparations, et les suivants pour ne pas être intervenue pour exécuter son contrat, entraînant une aggravation du délabrement du local.
Elle lui reproche en outre la résiliation unilatérale du contrat d’assurance, qui l’aurait privée de la possibilité de retrouver un nouvel assureur faute pour la MACIF de lui communiquer en temps utile le relevé de sinistralité, et alors que cette résiliation était abusive dès lors que la charge finale des réparations ne lui incombait pas, les sinistres étant le fait de tiers. Elle souligne qu’en l’absence d’assurance, elle ne pouvait plus reprendre aucune activité.
La MACIF répond, concernant le premier sinistre, que c’est la SAS EL BARATILLO qui s’est opposée à la reprise des désordres par l’entreprise qu’elle avait mandatée, et qu’en tout état de cause, aucune faute ne saurait lui être reprochée puisque l’état des murs ne permettait pas de poursuivre les travaux de reprise.
Concernant les autres sinistres, la MACIF indique que son expert n’a constaté aucun désordre après séchage, de sorte qu’elle n’avait pas à intervenir. Surtout, elle estime que la responsabilité de la SCI JUSADA est entière, et qu’il ne saurait lui être reproché une faute du bailleur.
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Selon l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. L’article 1104 ajoute que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.
En l’espèce, la MACIF ne conteste pas qu’elle garantissait la SAS EL BARATILLO au titre des dégâts des eaux qu’elle pouvait subir. Elle produit les conditions générales de sa police qui font état de cette couverture, et de la prise en charge, à ce titre, notamment des pertes d’exploitation et de la perte de valeur du fonds d’exploitation, dans certaines conditions.
Concernant le premier dégât des eaux, il est constant que les peintres que la MACIF avait mandatés pour reprendre les dégradations engendrées par les écoulements n’ont pas pu intervenir en juillet 2019 en raison de l’humidité trop importante du support.
Il ressort en outre du rapport d’expertise judiciaire et de la description des faits par la SAS EL BARATILLO elle-même que les dégâts des eaux se sont succédés avant même que les conséquences de chacun aient pu être traitées.
Dans ces circonstances, l’expert judiciaire a retenu que le mur support était au plus sec en octobre 2019.
Or, il ressort de la chronologie qu’il a établie à partir des pièces qui lui ont été soumises par les parties que les travaux de reprise financés par la MACIF ont été achevés à la fin du mois d’octobre 2019, ce que les parties ne contestent pas.
Dans ces conditions, il n’apparaît pas que le défaut de réalisation des travaux de peinture relatifs au premier dégât des eaux soit la conséquence d’une faute de la MACIF.
Concernant l’absence d’intervention de la MACIF pour les autres dégâts des eaux, l’assureur ne conteste pas avoir été destinataire d’une déclaration de sinistre relative au dégât des eaux du 13 septembre 2019, et affirme être intervenu et avoir évalué que sa garantie n’était pas mobilisable au regard de l’origine des désordres.
S’agissant de démontrer qu’il a exécuté ses obligations contractuelles, la charge de la preuve lui incombe, en application de l’article 1353 du code civil.
A ce titre, la MACIF produit un document intitulé « rapport définitif simplifié » qu’elle présente dans son bordereau de pièces comme le « rapport du cabinet CET du 10 septembre 2019 ».
Force est de constater toutefois que ce document ne constitue ni un rapport d’expertise, ni une décision sur sa garantie, mais une saisie informatique des informations détenues par l’assureur pour le suivi du dossier de son assurée.
Ainsi, outre la grande différence de forme et de fond avec une autre pièce intitulée dans son bordereau de pièces « rapport du cabinet CET du 19 juillet 2019 », ce document contient une partie « commentaires » dans laquelle il est indiqué : « expertise judiciaire en cours ». Or, l’expertise judiciaire a été ordonnée le 9 juillet 2020, ce qui confirme que cette pièce constitue un suivi de dossier qui est à l’évidence renseigné par les agents d’assurance en interne, de sorte que son contenu ne saurait constituer une preuve suffisante des diligences réalisées au moment de l’exécution du contrat, en l’absence de production des pièces auxquelles il est fait allusion (rapport d’expertise, décision de non garantie).
Dans ces conditions, la MACIF échoue à démontrer qu’elle a exécuté ses obligations contractuelles à l’égard de la SAS EL BARATILLO concernant la gestion du sinistre survenu le 13 septembre 2019, de sorte que c’est à bon droit que cette dernière lui reproche une faute contractuelle.
Concernant le moyen pris de la résiliation abusive du contrat d’assurance, la SAS EL BARATILLO justifie des difficultés qu’elle a rencontrées pour obtenir un relevé de sinistralité, ainsi que pour trouver un nouvel assureur.
Toutefois, elle ne produit pas les pièces contractuelles permettant de déterminer dans quelles conditions la résiliation du contrat d’assurance par l’assureur était possible, et il n’est versé aux débats aucun élément quant aux conditions dans lesquelles la MACIF a procédé à cette résiliation.
Dans ces conditions, la tardiveté alléguée de la transmission du relevé de sinistralité ne peut davantage être vérifiée.
Par conséquent, la SAS EL BARATILLO échoue à démontrer que la résiliation du contrat d’assurance conclu avec la MACIF a été réalisée de manière abusive, ou plus généralement fautive.
Ainsi, il sera retenu, au titre des fautes reprochées à la MACIF, uniquement son défaut de traitement de la déclaration de sinistre relative au dégât des eaux du 13 septembre 2019.
III / Sur les demandes indemnitaires
La SAS EL BARATILLO demande réparation au titre d’une perte d’exploitation de novembre 2019 à juin 2021, de la perte de la valeur du fonds de commerce, des frais d’expertise judiciaire, des frais de constat d’huissier, de frais bancaires, de factures EDF, et d’une facture de location du climatiseur.
A titre liminaire, il sera observé que les frais d’expertise judiciaire constituent des dépens en application de l’article 695 du code de procédure civile, et que les frais de constat d’huissier relèvent des frais irrépétibles au sens de l’article 700 du code de procédure civile, de sorte que ces deux prétentions seront traitées au titre des demandes accessoires.
De manière générale, il sera rappelé qu’il appartient à la SAS EL BARATILLO de rapporter la preuve des préjudices qu’elle invoque et du lien de causalité avec les fautes retenues contre la SCI JUSADA et la MACIF.
A / Sur la perte d’exploitation
La SAS EL BARATILLO indique avoir été dans l’impossibilité d’exploiter son commerce à compter du 9 mai 2019, et jusqu’en juin 2021, soit pendant deux années, et renvoie à l’évaluation de l’expert judiciaire à hauteur de 25 400 € pour six mois d’activité.
A titre liminaire, il convient de rappeler que la SAS EL BARATILLO a souhaité céder son fonds de commerce, et qu’à cette occasion, la SCI JUSADA lui a fait signifier son droit de préemption par acte d’huissier du 16 septembre 2020, faisant application de l’article XIII du bail, autorisant le bailleur à faire connaître « son intention d’exercer un droit de préemption et acquérir le fonds de commerce à ces conditions en se substituant à l’éventuel successeur du locataire ».
Il est de principe que la notification faite au bailleur d’un projet de cession vaut offre de vente à ce dernier aux conditions stipulées dans le projet, et que l’exercice de son droit de préemption par le bailleur vaut acceptation des clauses et conditions de la vente projetée, qu’elle rend parfaite au profit du bailleur.
Par conséquent, comme l’a justement relevé le juge des référés dans sa décision du 8 juin 2021, la signification, par la SCI JUSADA, de son droit de préemption, a emporté cession de la propriété du fonds de commerce à son profit à la date de cette signification, soit le 16 septembre 2020.
En d’autres termes, depuis le 16 septembre 2020, la SCI JUSADA est propriétaire du fonds de commerce, lequel contient notamment la clientèle, le droit au bail, l’enseigne, et la licence restaurant.
Par suite, la SAS EL BARATILLO ne saurait se plaindre d’une perte d’exploitation au-delà du 16 septembre 2020, s’agissant d’un fonds qui ne lui appartenait plus.
Elle sera donc déboutée de ses demandes au titre d’une perte d’exploitation entre le 17 septembre 2020 et le mois de juin 2021.
1/ Sur les demandes formées contre la MACIF
La MACIF rappelle qu’elle a réglé une somme de 9 625 € au titre de la perte d’exploitation intervenue du 8 mai 2019 au mois de juillet 2019, et fait valoir qu’au-delà de cette date, pour la période de juillet 2019 à octobre 2019, la poursuite de la fermeture du local était la conséquence d’une humidité qui n’est pas imputable à sa faute. Concernant la période de novembre 2019 à juin 2021, la MACIF estime n’avoir commis aucune faute en relation avec le défaut d’exploitation du fonds.
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Concernant la période de mai à juillet 2019, aucune condamnation ne pourra être mise à la charge de la MACIF, dont il n’est pas démontré que l’indemnité qu’elle a payée aurait été insuffisante au regard des termes contractuels.
Concernant la période de juillet 2019 à octobre 2019, il s’évince du rapport d’expertise judiciaire que le retard pris dans les travaux de remise en état financés par la MACIF est imputable à l’humidité anormale des murs, laquelle résulte des dégâts des eaux causés par le réseau d’eau potable enterré, et non de la fuite d’eau provenant de l’appartement de l’étage supérieur.
En octobre 2019, les travaux de reprise relatifs au premier dégât des eaux, pris en charge par la MACIF, ont été achevés. Par conséquent, au-delà de cette date, l’éventuelle perte d’exploitation n’est plus imputable à un dégât des eaux que la MACIF a accepté de garantir.
Dans ces conditions, et alors que les pièces contractuelles ne sont pas produites aux débats par la SAS EL BARATILLO pour établir l’étendue de la garantie de son assureur, et qu’il n’est donc pas démontré que celui-ci devait garantir les dégâts des eaux causés par les négligences de la SCI JUSADA, garantie qu’il dénie, la MACIF ne saurait être condamnée à prendre en charge les éventuelles pertes d’exploitation postérieures à juillet 2019 au titre de l’exécution de son contrat.
En effet, d’une part, il n’est pas démontré de lien de causalité entre le premier sinistre, garanti par la MACIF, et la perte d’exploitation entre juillet 2019 et octobre 2019, imputable à un autre dégât des eaux.
D’autre part, il n’a été retenu contre la MACIF qu’une faute constituée par le défaut de traitement de la déclaration de sinistre de septembre 2019, or, il n’est pas établi de lien de causalité entre celle-ci et la perte d’exploitation invoquée jusqu’en juin 2021 (date ramenée au 16 septembre 2020 du fait de la cession du fonds de commerce) puisqu’il n’est pas démontré que si cette déclaration de sinistre avait été correctement traitée, elle aurait abouti à une prise en charge de celui-ci.
Ainsi, la SAS EL BARATILLO sera déboutée de sa demande au titre d’une perte d’exploitation entre mai 2019 et octobre 2019 à hauteur de 15 775 € formée uniquement à l’encontre de la MACIF, et de sa demande au titre de la période de novembre 2019 à septembre 2020 concernant la MACIF.
2 / Sur les demandes formées contre la SCI JUSADA
La SCI JUSADA répond à la SAS EL BARATILLO que l’établissement, s’il avait été exploité, aurait fait l’objet d’une fermeture pendant neuf mois et six jours au moment des confinements sanitaires de 2020. Elle estime qu’en tout état de cause, l’expert caractérise tout au plus que l’exploitation n’a été affectée que de manière ponctuelle, et surtout que le fonds n’a plus été exploité à compter de mai 2018, en ce que la gérante de la SAS EL BARATILLO avait décidé de vendre, ne souhaitant plus poursuivre son activité.
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Il convient de relever d’abord que la demande de la SAS EL BARATILLO contre la SCI JUSADA concerne exclusivement la période de novembre 2019 à juin 2021, et qu’elle est calculée sur la base des chiffres retenus par l’expert pour la période de mai à octobre 2019, celui-ci ne s’étant pas prononcé quant à une perte d’exploitation postérieure à cette date.
Ensuite, il apparaît qu’aucun élément du dossier ne permet de considérer que l’exploitation a cessé dès mai 2018, la SAS EL BARATILLO ayant justifié, pour le calcul de sa perte d’exploitation, d’une poursuite d’activité jusqu’en mai 2019.
Par ailleurs, l’expert judiciaire établit la relation de cause à effet entre les insuffisances des réseaux d’évacuation des eaux pluviales et d’acheminement de l’eau potable, et les inondations subies par le local commercial, et indique que « lorsqu’elles surviennent, les inondations périodiques affectent fortement l’activité de l’établissement recevant du public et elles endommagent les embellissements, les matériels et les fournitures ».
Ainsi, si c’est à raison que la SCI JUSADA souligne que les dégâts ne sont pas permanents, il n’en demeure pas moins qu’ils affectent l’exploitation des lieux.
Par ailleurs, la SAS EL BARATILLO démontre qu’au regard de la multiplicité des dégâts des eaux, elle n’a plus pu assurer le local, ce qui a à l’évidence été un obstacle à la reprise de l’activité.
Or, il ressort des pièces produites par la SCI JUSADA qu’elle a réalisé les travaux de reprise au second semestre 2021, soit postérieurement à la cession du fonds de commerce et à la résiliation du bail.
Dans ces conditions, la SAS EL BARATILLO démontre qu’elle ne pouvait plus exploiter le local commercial en raison des manquements de son bailleur.
De manière surabondante, il sera relevé que le fait qu’elle ait voulu vendre son fonds de commerce n’apparaît pas pertinent pour expliquer la cessation d’activité, dès lors d’une part que ce projet, de l’avis même de la SCI JUSADA, est bien antérieur à l’arrêt de l’exploitation, lui-même concomitant au dégât des eaux de mai 2019, ce qui démontre que le projet de revente était indépendant de l’arrêt de l’activité, et d’autre part, que la valorisation d’un fonds de commerce dépend directement de son activité, ce qui ne fait que confirmer le caractère parfaitement hypothétique d’une relation entre le projet de revente et l’arrêt de l’activité.
Par conséquent, la SCI JUSADA doit réparer le préjudice qui a résulté de l’arrêt de l’exploitation causé par ses fautes.
A ce titre, elle ne conteste pas le mode de calcul retenu par la SAS EL BARATILLO, mais soutient qu’aucune perte d’exploitation n’est due au titre de la période de confinement sanitaire, pendant laquelle les restaurants ont fermé au public.
A cet endroit, il sera simplement observé que des aides de l’Etat ont permis de compenser les pertes d’exploitation liées à ces fermetures imposées, de sorte que cet argument est inopérant.
Dans ces conditions, il sera fait droit à la demande de la SAS EL BARATILLO au titre d’une perte d’exploitation imputable à la SCI JUSADA entre novembre 2019 et le 16 septembre 2020 à hauteur de 4 233, 33 € par mois (pendant 10,5 mois) soit 44 449, 96 €.
B / Sur la perte de valeur du fonds de commerce
La SAS EL BARATILLO soutient que l’état du local commercial n’a pas permis la vente du fonds de commerce au prix espéré. Elle expose qu’elle l’a acquis en 2015 pour un prix de 170 000 €, qu’elle a souhaité le revendre au même prix, contre l’avis des agents immobiliers qui soulignaient l’importance des dégâts des eaux sur la valeur du bien et sa dépréciation consécutive à l’arrêt de l’exploitation, et qu’elle n’a trouvé acquéreur que pour 78 000 €, alors que sa localisation permettait de compter sur une prise de valeur du bien si les difficultés imputables à la SCI JUSADA n’avaient pas existé.
La SCI JUSADA répond qu’elle a eu recours à un expert aux fins d’établir la valeur vénale du fonds de commerce au regard de sa situation matérielle et économique, lequel l’a estimée à 65 490, 60 € au regard du chiffre d’affaire moyen net de la SAS EL BARATILLO entre 2016 et 2018. Elle en déduit que la SAS EL BARATILLO n’a subi aucun préjudice, la perte de valeur du fonds entre son acquisition et sa revente étant exclusivement liée à une diminution du chiffre d’affaire entre l’exploitant précédent et la SAS EL BARATILLO.
La MACIF soutient qu’elle ne saurait supporter les conséquences des manquements du bailleur.
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Il ressort du rapport de « recherche de la valeur vénale d’un fonds de commerce » établi par un expert près la Cour d’appel de Toulouse à la demande de la SCI JUSADA le 27 juin 2022, que l’évaluation de cette valeur à hauteur de 65 000 € s’appuie sur l’activité de la SAS EL BARATILLO entre 2016 et 2018, et donc avant la survenance des dégâts des eaux objet du présent litige.
Par conséquent, l’absence d’exploitation et la perte de la clientèle au moment de la vente du fonds n’a pas été prise en compte par les experts, qui se sont replacés à la date à laquelle la SAS EL BARATILLO a souhaité vendre pour réaliser leur évaluation, ce choix étant favorable à cette dernière en ce qu’il conduit à apprécier le prix qu’elle pouvait tirer du fonds à la période où elle en tirait la meilleure rentabilité.
Par ailleurs, ce rapport est étayé par une comparaison des prix dans le quartier, et des explications quant au taux appliqué au chiffre d’affaire et quant à l’équilibre des valeurs obtenues, notamment au regard du montant du loyer. Surtout, il met en exergue que la valeur du fonds de commerce a été dépréciée entre son acquisition par la SAS EL BARATILLO et sa revente au regard de la forte diminution du chiffre d’affaire depuis que la SAS EL BARATILLO exploite les lieux, par rapport au chiffre d’affaire dont l’exploitant précédent pouvait se prévaloir, et dont il résultait une valeur plus importante du fonds.
Il est indéniable que l’expert de la SCI JUSADA fait peu allusion à l’état des lieux, et n’en tire aucune conséquence pour expliquer la dévalorisation du fonds, dès lors que l’évaluation est faite sans considération de l’apparition des désordres à compter de 2019 et de la perte d’exploitation qui en a résulté.
Pour autant, de la même manière que l’exclusion des chiffres d’affaire des années 2019 et suivantes est favorable à la SAS EL BARATILLO, il apparaît utile d’apprécier la situation du fonds en dehors des désordres pour estimer s’il a été vendu à un prix inférieur, en raison de ces désordres.
A l’inverse, la prise en compte du chiffre d’affaire des années antérieures à 2019 comme étant significatif de l’activité de la SAS EL BARATILLO au titre des années suivantes si elle avait poursuivi son activité doit être nuancée au regard des avis des agents immobiliers produits par la SAS EL BARATILLO, qui soulignent que l’aménagement du quartier, et notamment des [Adresse 6], en 2019, a entraîné une valorisation des commerces alentours, et notamment des restaurants.
Cependant, au regard de l’importance de la diminution du chiffre d’affaire entre le jour de l’acquisition du fonds (soit une moyenne de 302 153 € de chiffre d’affaire hors taxes sur les trois dernières années, et un résultat d’exploitation de 28 201 € en moyenne sur la même période), et le moment où la SAS EL BARATILLO a souhaité le vendre (soit une moyenne de 96 129 € de chiffre d’affaire hors taxes sur les années 2016 à 2018, et un résultat d’exploitation de 4 632 € en moyenne sur la même période), et alors que cette dernière, qui supporte la charge de la preuve, ne propose pas d’évaluation étayée par des éléments techniques pour fonder l’existence et le montant de son préjudice, et surtout son lien de causalité avec les fautes de la SCI JUSADA, notamment par la prise en compte d’autres éléments de valorisation du fonds que son chiffre d’affaire, elle sera déboutée de sa demande au titre d’une perte de valeur du fonds imputable aux fautes de la SCI JUSADA, tant à l’égard de cette dernière que de la MACIF.
C / Sur les frais bancaires
La SAS EL BARATILLO demande le paiement d’une somme de 787, 73 € sur le fondement d’une attestation de son expert comptable selon laquelle elle a eu à payer cette somme au titre de commissions d’intervention sur son compte bancaire, de frais d’impayés d’intérêts débiteurs et de commissions de découvert en raison de l’absence d’exploitation du fonds de commerce entre mai 2019 et juillet 2021.
Il a été retenu supra qu’il n’est pas établi de lien de causalité entre la faute caractérisée contre la MACIF et l’arrêt de l’exploitation du fonds, de sorte que cette demande à l’égard de la MACIF sera rejetée.
En revanche, les fautes du bailleur étant à l’origine de l’arrêt de l’activité, dont la SAS EL BARATILLO établit qu’elle a généré des frais bancaires, il sera condamné à l’indemniser à hauteur de 787, 73 €.
D / Sur les factures d’électricité et de location d’un climatiseur
La SAS EL BARATILLO demande la prise en charge de frais d’électricité à hauteur de 334, 96 € et de location d’un climatiseur à hauteur de 360 €, qu’elle a engagés postérieurement au 16 septembre 2020.
Dès lors qu’elle ne caractérise aucun lien de causalité entre ces dépenses et la faute retenue contre la MACIF, elle sera déboutée de cette demande à l’égard de l’assureur.
Concernant la SCI JUSADA, il a été rappelé supra qu’elle est devenue propriétaire du fonds de commerce à compter du 16 septembre 2020, de sorte que les éventuels frais engagés pour le local commercial au-delà de cette date lui incombent.
Pour autant, la SAS EL BARATILLO ne produit aux débats aucun justificatif de ces dépenses, qu’elle vise comme pièce 10 dans ses écritures, alors que son bordereau comporte la mention « néant » au titre de la pièce 10 et qu’il n’est effectivement versé aucune pièce 10 au dossier communiqué au tribunal.
Dans ces conditions, la SAS EL BARATILLO sera déboutée de ses demandes en paiement de factures d’électricité et de location d’un climatiseur à l’égard de la SCI JUSADA.
IV / Sur la demande en paiement de loyers
La SCI JUSADA reproche à la SAS EL BARATILLO le défaut de paiement de ses loyers entre mai 2019 et mai 2021, soit une somme de 65 694, 38 €.
Elle fait valoir qu’elle a signifié le 29 décembre 2020 à la SAS EL BARATILLO un commandement de payer visant la clause résolutoire portant sur la somme de 50 469 € relative aux loyers de mai 2019 à décembre 2020, charges comprises, et que celui-ci n’a pas été contesté.
La SAS EL BARATILLO répond que le bailleur ne peut recevoir de loyers qu’en contre partie de la délivrance d’un local exploitable dans des conditions normales, ce qui n’a pas été le cas à compter de mai 2019. Elle se prévaut de la mauvaise foi du bailleur, observant qu’il a préempté avant de ne pas signer l’acte de cession pour enfin réclamer le paiement des loyers jusqu’à la date de celui-ci alors qu’il savait qu’il n’était plus possible d’exploiter le local objet du bail.
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A titre liminaire, il sera rappelé que compte tenu de la cession du fonds de commerce survenue le 16 septembre 2020, la SCI JUSADA en est devenue propriétaire, dans les conditions qui étaient prévues avec le cessionnaire et qui ont été reprises dans l’acte de cession finalement régularisé par la SCI JUSADA.
Or, il ressort de cet acte de cession que la cession du fonds de commerce emportait, comme habituellement, la cession du droit au bail, celui-ci figurant dans la liste des éléments incorporels composant le fonds.
Il s’en déduit qu’en tout état de cause, la SCI JUSADA ne saurait réclamer à la SAS EL BARATILLO le paiement de loyers postérieurs au 16 septembre 2020, cette dernière n’étant plus titulaire du droit au bail.
L’article 1728 du code civil dispose que le preneur est tenu de deux obligations principales, dont celle de payer le prix du bail aux termes convenus.
Il est toutefois admis que le preneur se prévale d’une exception d’inexécution en refusant de payer son loyer lorsque, du fait de l’inexécution par le bailleur de ses obligations, il s’est trouvé dans l’impossibilité d’user des lieux conformément à leur destination contractuelle.
Concernant la période écoulée entre le mois de mai 2019 et le 16 septembre 2020, il a été jugé supra que l’impossibilité d’exploiter le fonds subie par la SAS EL BARATILLO a été causée par les fautes du bailleur, et notamment son manquement à l’obligation de délivrance.
Il a de même été retenu que la multiplicité des dégâts des eaux à compter de mai 2019 rendait le local loué impropre à sa destination, s’agissant d’un restaurant recevant du public, et alors qu’il en est résulté un refus systématique de garantie de la part de l’ensemble des assureurs sollicités par la SAS EL BARATILLO.
Dans ces conditions, la SAS EL BARATILLO est bien fondée à opposer à la SCI JUSADA son manquement à son obligation de délivrance pour refuser de payer les loyers relatifs aux mois de mai 2019 à décembre 2020.
La SCI JUSADA sera donc déboutée de sa demande en paiement des loyers échus entre mai 2019 et mai 2021.
V / Sur l’opposition au paiement du prix de cession du fonds de commerce
La SCI JUSADA demande au tribunal de dire que son opposition au paiement du prix de cession du fonds de commerce est bien fondée. Elle soutient qu’elle n’a pris connaissance de la cessation de l’exploitation du fonds de commerce que lors de la première réunion d’expertise judiciaire, et qu’elle l’ignorait avant cette date. Elle affirme qu’il ressort des déclarations de la gérante de la SAS EL BARATILLO qu’elle a cessé d’exploiter en mai 2018, date à laquelle elle a décidé de vendre son fonds. Elle dénonce que lorsqu’elle a exercé son droit de préemption, elle ignorait que le fonds ne représentait plus aucune valeur, l’absence d’exploitation faisant obstacle à l’existence même d’une clientèle, qui en constitue l’élément principal. Elle ajoute que depuis mai 2019, la SAS EL BARATILLO a refusé de payer ses loyers, rendant le droit au bail d’autant plus inexistant.
Elle se fonde sur les articles 1128 et 1169 du code civil pour affirmer que l’objet du contrat ayant disparu, c’est à bon droit qu’elle a délivré le 29 décembre 2020 un commandement de payer visant la clause résolutoire, portant sur les loyers dus au titre des mois de mai 2019 à décembre 2020. Elle souligne que faute de contestation de ce commandement, la clause résolutoire est acquise, d’autant que le preneur ne conteste pas devoir la somme réclamée au titre de ces loyers.
Elle précise qu’en revanche, elle a payé le prix de la cession du fonds de commerce, puis a signifié une opposition relative aux loyers impayés de mai 2019 à mai 2021, étant observé que la SAS EL BARATILLO n’a quitté les lieux qu’au mois de juin 2021.
La SAS EL BARATILLO répond que le bailleur a exercé son droit de préemption en septembre 2020, et que c’est de son seul fait que la résolution du bail n’a ensuite été signée qu’en juillet 2021, puisqu’il a été nécessaire de saisir le juge des référés pour qu’il accepte de signer l’acte de cession. Elle se prévaut de la mauvaise foi du bailleur, qui demande désormais le paiement de loyers afférents à une période qui n’est imputable qu’à sa seule insuffisance dans les diligences à accomplir.
Elle ajoute qu’en tout état de cause, les travaux nécessaires à l’exploitation du fonds n’ont été faits qu’après la signature de la résolution du bail. Elle en déduit que c’est la faute du bailleur qui est à l’origine de l’impossibilité d’exploiter le fonds de commerce, de sorte qu’il ne saurait obtenir le paiement des loyers qu’elle se trouvait dans l’impossibilité d’honorer au regard de la cessation d’activité suscitée par ce manquement à l’obligation de délivrance. Dans ces conditions, la SAS EL BARATILLO demande que l’opposition soit déclarée mal fondée.
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L’article L.141-14 du code de commerce dispose : « Dans les dix jours suivant la dernière en date des publications prévues à l’article L. 141-12, tout créancier du précédent propriétaire, que sa créance soit ou non exigible, peut former au domicile élu, par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, opposition au paiement du prix. L’opposition, à peine de nullité, énonce le chiffre et les causes de la créance et contient une élection de domicile dans le ressort de la situation du fonds. Le bailleur ne peut former opposition pour loyers en cours ou à échoir, et ce, nonobstant toutes stipulations contraires. Aucun transport amiable ou judiciaire du prix ou de partie du prix n’est opposable aux créanciers qui se sont ainsi fait connaître dans ce délai. »
L’article L.141-16 du même code précise que « Si l’opposition a été faite sans titre et sans cause ou est nulle en la forme et s’il n’y a pas instance engagée au principal, le vendeur peut se pourvoir en référé devant le président du tribunal, à l’effet d’obtenir l’autorisation de toucher son prix, malgré l’opposition. »
En l’espèce, l’opposition au paiement du prix de vente du fonds de commerce signifiée par la SCI JUSADA en sa qualité de créancier du précédent propriétaire du fonds, la SAS EL BARATILLO, est faite à titre de garantie d’une somme de 65 303 € représentant des loyers impayés.
Dès lors qu’il a été jugé supra que la SCI JUSADA ne pouvait revendiquer le paiement des loyers postérieurs à avril 2019 au regard de ses propres manquements à ses obligations de bailleur, cette opposition apparaît infondée.
Par conséquent, il y a lieu de faire droit à la demande de la SAS EL BARATILLO d’ordonner la mainlevée de l’opposition au paiement du prix formée par la SCI JUSADA, et de débouter cette dernière de sa demande tendant à voir ordonner la distraction du prix de cession du fonds de commerce à son profit à hauteur de 65 694, 387 €.
VI / Sur les demandes accessoires
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la SCI JUSADA, qui succombe à l’instance, sera condamnée aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.
La SAS EL BARATILLO demande une somme de 6000 € au titre des frais irrépétibles, outre 399, 98 € au titre de frais d’huissier, qui en font partie.
La solution du litige conduit à accorder à la SAS EL BARATILLO une indemnité pour frais de procès à la charge de la SCI JUSADA qu’il paraît équitable de fixer à une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
De même, la SCI JUSADA sera condamnée à payer une somme de 1500 € à la SA AXA FRANCE IARD, qu’elle a attrait dans la cause à tort.
Il n’y a pas lieu de faire d’autres applications de l’article 700 du Code de procédure civile.
En application de l’article 514 du Code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Le Tribunal, statuant par décision contradictoire rendue en premier ressort et mise à disposition au greffe,
Met la SA AXA FRANCE IARD hors de cause ;
Rejette la demande de la SAS EL BARATILLO tendant à voir déterminer les parts de responsabilité du bailleur et de l’assureur pour indemniser les conséquences financières du sinistre ;
Déboute la SAS EL BARATILLO de sa demande en paiement de la somme de 15 775 € au titre de la perte d’exploitation entre mai 2019 et octobre 2019 formée contre la MACIF ;
Déboute la SAS EL BARATILLO de ses demandes au titre d’une perte d’exploitation entre le 17 septembre 2020 et le mois de juin 2021 ;
Déboute la SAS EL BARATILLO de sa demande formée contre la MACIF au titre d’une perte d’exploitation entre le mois de novembre 2019 et le 16 septembre 2020 ;
Condamne la SCI JUSADA à payer à la SAS EL BARATILLO une somme de 44 449, 96 € au titre de sa perte d’exploitation entre novembre 2019 et le 16 septembre 2020 ;
Déboute la SAS EL BARATILLO de sa demande au titre de la perte de valeur du fonds de commerce ;
Condamne la SCI JUSADA à payer à la SAS EL BARATILLO une somme de 787, 73 € au titre des frais bancaires générés par l’arrêt de l’exploitation du fonds de commerce ;
Déboute la SAS EL BARATILLO de sa demande contre la MACIF au titre des frais bancaires ;
Déboute la SAS EL BARATILLO de ses demandes en paiement de factures d’électricité et de location d’un climatiseur ;
Déboute la SCI JUSADA de sa demande en paiement des loyers échus entre mai 2019 et mai 2021 ;
Ordonne la mainlevée de l’opposition au paiement du prix du fonds de commerce faite par la SCI JUSADA ;
Déboute la SCI JUSADA de sa demande tendant à voir ordonner la distraction du prix de cession du fonds de commerce à son profit à hauteur de 65 694, 387 € ;
Met les dépens à la charge de la SCI JUSADA en ce compris les frais d’expertise judiciaire ;
Condamne la SCI JUSADA à payer à la SAS EL BARATILLO la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI JUSADA à payer à la SA AXA FRANCE IARD la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les autres demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle que la décision du tribunal est exécutoire de droit à titre provisoire.
Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 31 janvier 2025, et signé par la présidente et la greffière.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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