Conflit autour de la résiliation d’un contrat de travail et des conséquences d’un licenciement pour inaptitude professionnelle

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Conflit autour de la résiliation d’un contrat de travail et des conséquences d’un licenciement pour inaptitude professionnelle

L’Essentiel : M. [O] a été engagé par la société Dourmap en mai 1992, évoluant d’électricien à conducteur de travaux. Malgré plusieurs promotions, il a fait face à des sanctions disciplinaires, notamment un avertissement pour violation de confidentialité et une mise à pied pour manquements aux règles de sécurité. Licencié pour inaptitude en décembre 2018, il a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes, qui a jugé celui-ci nul en mars 2021, condamnant l’employeur à verser des indemnités. Les deux parties ont interjeté appel, et une médiation a été tentée sans succès, l’affaire étant réexaminée en octobre 2024.

Engagement et évolution professionnelle de M. [O]

M. [V] [O] a été engagé par la société Dourmap le 1er mai 1992 en tant qu’électricien sous un contrat à durée déterminée, qui a ensuite été renouvelé et transformé en contrat à durée indéterminée. Au fil des années, il a connu plusieurs promotions, passant de compagnon professionnel à conducteur de travaux, avec des augmentations de coefficient et des changements de statut.

Sanctions disciplinaires et arrêts de travail

M. [O] a reçu un avertissement en novembre 2014 pour avoir violé son obligation de confidentialité et a été mis à pied pendant cinq jours en décembre 2016 pour des manquements aux règles de sécurité. Il a également été en arrêt de travail à plusieurs reprises en raison de problèmes de santé, notamment un burn-out, et a demandé la reconnaissance de sa maladie comme professionnelle.

Licenciement et contentieux

Le 31 décembre 2018, M. [O] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement après une visite médicale. Il a saisi le conseil de prud’hommes pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail et diverses indemnités, incluant des rappels de salaires et des dommages-intérêts pour licenciement abusif et harcèlement moral.

Jugement du conseil de prud’hommes

Le 12 mars 2021, le conseil de prud’hommes a jugé que le licenciement était nul et a prononcé la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur. La SAS Dourmap a été condamnée à verser plusieurs sommes à M. [O], y compris des rappels de salaires et des dommages-intérêts pour harcèlement moral et licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Appels et procédures ultérieures

La SAS Dourmap a interjeté appel du jugement, tout comme M. [O]. Les deux parties ont formulé des demandes contradictoires concernant les décisions du conseil de prud’hommes. En parallèle, la CPAM a rejeté la reconnaissance de la maladie de M. [O] comme professionnelle, mais un jugement ultérieur a déclaré l’affection d’origine professionnelle.

Médiation et audience finale

Une mesure de médiation a été ordonnée suite à la jonction des deux instances d’appel, mais celle-ci n’a pas abouti. L’affaire a été réexaminée lors d’une audience en octobre 2024, où les parties ont présenté leurs dernières conclusions.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le parcours professionnel de M. [O] au sein de la société Dourmap ?

M. [O] a été engagé par la société Dourmap le 1er mai 1992 en tant qu’électricien sous un contrat à durée déterminée, qui a ensuite été renouvelé et transformé en contrat à durée indéterminée.

Au fil des années, il a connu plusieurs promotions, passant de compagnon professionnel à conducteur de travaux, avec des augmentations de coefficient et des changements de statut.

Quelles sanctions disciplinaires a reçues M. [O] ?

M. [O] a reçu un avertissement en novembre 2014 pour avoir violé son obligation de confidentialité.

Il a également été mis à pied pendant cinq jours en décembre 2016 pour des manquements aux règles de sécurité.

De plus, il a été en arrêt de travail à plusieurs reprises en raison de problèmes de santé, notamment un burn-out, et a demandé la reconnaissance de sa maladie comme professionnelle.

Pourquoi M. [O] a-t-il été licencié ?

Le 31 décembre 2018, M. [O] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement après une visite médicale.

Il a saisi le conseil de prud’hommes pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail et diverses indemnités, incluant des rappels de salaires et des dommages-intérêts pour licenciement abusif et harcèlement moral.

Quel a été le jugement du conseil de prud’hommes concernant le licenciement de M. [O] ?

Le 12 mars 2021, le conseil de prud’hommes a jugé que le licenciement était nul et a prononcé la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur.

La SAS Dourmap a été condamnée à verser plusieurs sommes à M. [O], y compris des rappels de salaires et des dommages-intérêts pour harcèlement moral et licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Quelles ont été les actions entreprises par les deux parties après le jugement ?

La SAS Dourmap a interjeté appel du jugement, tout comme M. [O].

Les deux parties ont formulé des demandes contradictoires concernant les décisions du conseil de prud’hommes.

En parallèle, la CPAM a rejeté la reconnaissance de la maladie de M. [O] comme professionnelle, mais un jugement ultérieur a déclaré l’affection d’origine professionnelle.

Quelles mesures ont été prises lors de la médiation ?

Une mesure de médiation a été ordonnée suite à la jonction des deux instances d’appel, mais celle-ci n’a pas abouti.

L’affaire a été réexaminée lors d’une audience en octobre 2024, où les parties ont présenté leurs dernières conclusions.

Quels articles du code du travail sont mentionnés concernant la mise à pied disciplinaire ?

En vertu des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail, le juge apprécie la régularité de la procédure disciplinaire suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

Il peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Quels éléments ont été présentés par l’employeur pour justifier la mise à pied de M. [O] ?

L’employeur a invoqué des manquements aux règles de sécurité sur le chantier Q Park et un comportement désorganisateur dû à l’absence de M. [O].

Cependant, ces faits, qui remontent à plus de deux mois, ne justifient pas directement la sanction disciplinaire.

Comment M. [O] a-t-il contesté les griefs qui lui étaient reprochés ?

M. [O] a contesté tout manquement de sa part en rappelant qu’un échafaudage était bien initialement présent sur le chantier et qu’il avait pris des mesures pour assurer la sécurité.

Il a également montré qu’il avait tenté de maintenir un contact avec l’employeur pendant son absence pour cause de maladie.

Quelles conclusions a tirées la cour concernant la mise à pied de M. [O] ?

La cour a considéré que la mise à pied de 5 jours notifiée à M. [O] le 20 décembre 2016 était injustifiée.

Elle a donc prononcé l’annulation de cette sanction et a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes concernant le rappel de salaire.

Quelles sont les dispositions légales concernant les heures supplémentaires ?

L’article L.3121-27 du code du travail fixe la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet à 35 heures par semaine.

L’article L.3121-28 précise que toute heure accomplie au-delà de cette durée est considérée comme une heure supplémentaire, ouvrant droit à une majoration salariale.

Quelles heures supplémentaires M. [O] a-t-il revendiquées et comment a-t-il justifié sa demande ?

M. [O] a sollicité le paiement de 32 heures supplémentaires pour 2015 et 8 heures pour 2016.

Il a produit des documents tels qu’un récapitulatif des heures travaillées et des bulletins de salaire pour justifier sa demande.

Quelles conclusions a tirées la cour concernant les heures supplémentaires de M. [O] ?

La cour a conclu que M. [O] avait réalisé les heures supplémentaires revendiquées pour 2015 et 2016.

Elle a donc ordonné le paiement des sommes dues, y compris les congés payés afférents.

Quelles sont les dispositions concernant le travail dissimulé ?

L’article L 8221-5 du Code du travail stipule que se soustraire à l’accomplissement de la déclaration préalable à l’embauche ou mentionner un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli est considéré comme du travail dissimulé.

L’article L 8223-1 prévoit une indemnité forfaitaire en cas de rupture de la relation de travail.

Quelles ont été les conclusions de la cour concernant la demande de M. [O] pour travail dissimulé ?

La cour a confirmé que le fait de minorer le nombre d’heures supplémentaires ne permettait pas d’établir l’intention de dissimuler la réalité des heures réalisées.

Elle a donc débouté M. [O] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.

Quelles sont les conditions pour demander une résiliation judiciaire du contrat de travail ?

La résiliation judiciaire peut être demandée par un salarié sur le fondement de l’article 1304 du code civil, lorsque les manquements de l’employeur rendent impossible la poursuite du contrat de travail.

Cette résiliation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Quels éléments M. [O] a-t-il présentés pour justifier sa demande de résiliation judiciaire ?

M. [O] a soutenu avoir été victime de harcèlement moral, se traduisant par des refus de RTT, des remises en cause de son comportement, et des pressions psychologiques.

Il a également mentionné des actes de harcèlement moral de la part de la direction des opérations.

Quelles conclusions a tirées la cour concernant la demande de résiliation judiciaire de M. [O] ?

La cour a considéré que les faits retenus par M. [O] étaient de nature à dégrader ses conditions de travail et à porter atteinte à sa dignité.

Elle a donc prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur.

Quelles sont les conséquences de la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l’employeur ?

La résiliation judiciaire prononcée aux torts de l’employeur pour cause de harcèlement moral produit les effets d’un licenciement nul.

M. [O] a donc droit à des indemnités de rupture et à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du licenciement.

Quel montant M. [O] a-t-il sollicité en dommages-intérêts pour licenciement nul ?

M. [O] a sollicité le paiement de la somme de 81 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.

La cour a finalement accordé la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi.

Quelles sont les dispositions concernant l’exécution de bonne foi du contrat de travail ?

L’article L. 1222-1 du code du travail stipule que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

M. [O] a sollicité des dommages-intérêts pour manquements de l’employeur à cette obligation.

Quelles conclusions a tirées la cour concernant la demande de M. [O] pour exécution déloyale ?

La cour a retenu l’existence d’un harcèlement moral réparé par l’octroi de la somme de 5 000 euros.

Elle a donc confirmé le jugement en ce qui concerne la demande d’indemnité pour exécution déloyale.

Quelles sont les conséquences du licenciement nul sur les indemnités de chômage ?

En cas de licenciement nul, l’employeur doit rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié.

La cour a ordonné le remboursement des indemnités de chômage payées à M. [O] à compter de la rupture du contrat de travail.

Quelles sont les obligations de l’employeur concernant la remise des documents sociaux ?

L’employeur doit remettre les documents sociaux rectifiés (bulletin de salaire, certificat de travail, attestation Pôle emploi) conformes à la décision de la cour.

Cette remise doit se faire dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt.

Quelles sont les décisions concernant les dépens et frais irrépétibles ?

La société Dourmap a été condamnée à payer à M. [O] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle sera également condamnée aux dépens d’appel, tandis que la demande d’indemnité de procédure de Pôle Emploi a été rejetée.

8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°451

N° RG 21/02632 et 21/02965 joints –

N° Portalis DBVL-V-B7F-RSU7

SAS DOURMAP

C/

M. [V] [O]

Sur appel du jugement du C.P.H.de [Localité 6] du 12/03/2021 – RG : F 17/00241

Réformation partielle

Copie exécutoire délivrée

le : 28-11-24

à :

-Me Christophe LHERMITTE

-Me Agnès PAILLONCY

-Me Mélanie VOISINE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,

Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur [E] RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 03 Octobre 2024

En présence de Madame [K] [W], médiatrice judiciaire,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 27 Novembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE et INTIMÉE :

La SAS DOURMAP prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 2]

Présente à l’audience en la personne de M. [N] [D], Directeur Administratif et Financier, suivant pouvoir, ayant Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représentée à l’audience par Me Françoise NGUYEN de la SELARL AMALYS, Avocat plaidant du Barreau de BREST

INTIMÉ et APPELANT :

Monsieur [V] [O]

né le 02 Février 1965 à [Localité 10] (57)

demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Agnès PAILLONCY de la SELARL AVOCADYS, Avocat au Barreau de QUIMPER

…/…

INTERVENANT VOLONTAIRE :

L’Etablissement Public POLE EMPLOI BRETAGNE devenu FRANCE TRAVAIL pris en la personne de son représentant légal et ayant son siège :

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Charles PIOT substituant à l’audience Me Mélanie VOISINE de la SELARL BALLU-GOUGEON, VOISINE, Avocats au Barreau de RENNES

=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=

M. [V] [O] a été engagé par la société Dourmap le 1er mai 1992, selon contrat de travail à durée déterminée à temps complet en qualité d’électricien, relevant de la qualification de compagnon professionnel, niveau III – coefficient 210. Ce contrat de travail à durée déterminée a été renouvelé puis s’est poursuivi sous la forme d’un contrat de travail à durée indéterminée

La société Dourmap est spécialisée dans les installations et équipements électriques.

L’intimé a bénéficié d’une évolution professionnelle comme suit :

– au 1er septembre 1994 : Compagnon Professionnel, coefficient 230 ;

– au 1er mai 2001 : Maître Ouvrier, coefficient 250 ;

– au 1er avril 2006 : Maître Ouvrier, coefficient 270 ;

– au 1er juin 2009 : ETAM niveau E ;

– au 23 mars 2013 : Conducteur de Travaux ETAM niveau F.

Un avertissement a été signifié à M. [O] le 7 novembre 2014 pour avoir transmis à un client des documents internes à l’entreprise traduisant le manquement grave à son obligation de confidentialité.

Une mise à pied de 5 jours lui a été notifiée le 20 décembre 2016 pour irrespect des règles de sécurité et manque de communication avec les clients et le directeur des opérations. Cette sanction a été exécutée au cours de la période du 2 au 7 octobre 2017.

Du 11 octobre 2016 au 27 novembre 2016, l’exécution du contrat de travail de l’intimé a été suspendue pour maladie provoquée par des problématiques dorsales.

M. [O] a de nouveau été placé en arrêt de travail du 16 décembre 2016 au 1er octobre 2017.

Le 2 octobre 2017, en suite d’une visite médicale de reprise qui a eu lieu le même jour, il reprenait son poste de conducteur de travaux dans le cadre d’un temps partiel thérapeutique.

Il a repris à temps plein le 31 octobre 2017.

Le 27 novembre 2017, M. [O] a été placé en arrêt de travail pour « Burn out : rechute après arrêt de travail dans un contexte de burn out identifié le 16/12/2016 ».

Le 6 décembre 2017, Monsieur [O] a introduit une demande de reconnaissance de maladie professionnelle.

Le 29 décembre 2017, M. [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Brest aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et d’obtenir diverses indemnités.

Le 6 septembre 2018, à l’issue de ces arrêts lors de la visite de reprise qui a eu lieu, le médecin du Travail a conclu à « l’inaptitude ce jour en une seule visite à tout poste dans cette entreprise» du salarié’.

Le 3 décembre 2018, les membres du Comité Social et Economique de la société ont été consultés sur l’impossibilité de reclassement.

Le 14 décembre suivant, M. [O] était informé des raisons de cette impossibilité.

La société a engagé la procédure de licenciement en le convoquant à un entretien préalable qu’il a fixé le jeudi 26 décembre 2018.

Le 31 décembre 2018, M. [O] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Aux termes de ses dernières écritures devant la juridiction prud’homale, M. [O] a présenté les demandes tendant à voir :

‘ Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail unissant la SAS Dourmap à M. [O],

‘ Condamner la SAS Dourmap à verser à M. [O] les sommes suivantes :

– 998,10 € bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

– 99,81 € bruts au titre des congés payés afférents,

– 18.641,22 € nets à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 586,35 € bruts à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied disciplinaire injustifiée,

– 58,63 € bruts au titre des congés payés afférents,

– 81.000 € nets de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,

– 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut d’exécution loyale de la relation de travail par l’employeur,

– 25.000 € nets de CSG-CRDS de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

– 2.000 € d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Dire que les sommes à caractère :

– salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice,

– caractère non salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

‘ Condamner la SAS Dourmap à remettre à M. [O] un bulletin de

salaire, un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi sous astreinte de 50 € par jour de retard, dans les 15 jours de la décision à intervenir,

‘ Dire que le Conseil se réserve le droit de liquider cette astreinte,

‘ Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,

‘ Condamner la SAS Dourmap aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais d’exécution forcée de la décision à intervenir,

‘ Débouter la SAS Dourmap de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

La Caisse de Congés Intempéries BTP Caisse de l’Ouest est intervenue volontairement à l’instance, en sollicitant sa mise hors de cause

Par jugement du 12 mars 2021, le Conseil de prud’hommes de Brest a :

‘ Mis hors de cause la caisse de CONGES INTEMPERIES BTP – CAISSE DE L’OUEST,

‘ Dit et jugé que le licenciement pour inaptitude notifié le 31 décembre 2018 à M. [O] produisait les effets d’un licenciement nul,

‘ Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur à la date du 31 décembre 2018,

‘ Condamné la SAS Dourmap à payer à M. [O] les sommes suivantes :

– 998,10 € à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires,

– 99,81€ au titre des congés payés afférents au rappel de salaires pour heures supplémentaires,

– 586,30 € à titre de rappel de salaires sur la mise à pied disciplinaire injustifiée,

– 58,63 € au titre des congés payés afférents au rappel de salaires sur la mise à pied disciplinaire injustifiée,

– 15.000 € à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral,

– 24.799,61 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Disposé que les sommes allouées seraient porteuses des intérêts de droit à compter de la date d’effet de la résiliation pour les créances à caractère salarial, à compter de la notification pour les dommages et intérêts,

‘ Laissé le soin à la SAS Dourmap de procéder à la régularisation des sommes dues en considération de ces condamnations, devant les caisses de maladie et de prévoyance, pour, notamment, le versement de l’indemnité de licenciement convertie en dommages et intérêts,

‘ Condamné la SAS Dourmap à remettre à M. [O] les documents suivants : un bulletin de salaire, un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi, rectifiés pour tenir compte de la présente décision, sous astreinte de 10 € par jour de retard et par document, à compter du délai de 30 jours suivant notification du jugement à intervenir, et pour une période limitée à 30 jours, le conseil s’en réservant la liquidation éventuelle,

‘ Rappelé le cadre de l’exécution provisoire délimité par l’article R. 1454-28 du code du travail, en l’espèce le salaire moyen mensuel pouvant valablement être fixé à la somme de 2.759,30 €,

‘ Ordonné le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés de tout ou

partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités,

‘ Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

‘ Condamné la SAS Dourmap aux dépens, et y compris en cas d’exécution forcée, les éventuels honoraires et frais d’huissier.

La société DOURMAP a interjeté appel par acte du 30 avril 2021 et a communiqué ses conclusions d’appelante le 30 juillet 2021. Cette procédure a été enrôlée sous le numéro RG 21/02632.

Monsieur [O] a également interjeté appel du jugement du conseil de prud’hommes par acte du 12 mai 2021. Sa déclaration d’appel a été enregistrée sous le numéro de RG 21/02965 et Monsieur [O] a communiqué ses écritures d’appelant le 12 août 2021, le 8 février 2022, le 6 février 2024 puis le 3 avril 2024.

Le 7 mars 2019, après avis du CRRMP, et rejet du recours devant la commission amiable, la CPAM n’a pas reconnu le caractère professionnel de la maladie de Monsieur [O].

Par jugement rendu le 6 avril 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Brest a « dit que l’affection déclarée par Monsieur [V] [O] le 27 novembre 2017 est d’origine professionnelle ».

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 26 mars 2024 suivant lesquelles la SAS Dourmap demande à la cour de :

A titre liminaire,

‘ Joindre les deux déclarations d’appel des deux parties (RG 21/02632 et RG 21/02965) en application des dispositions du code de procédure civile,

‘ Infirmer le jugement en ce qu’il a :

– jugé que le licenciement pour inaptitude notifié le 31 décembre 2018 à M. [O] produisait les effets d’un licenciement nul,

– prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur à la date du 31 décembre 2018,

– condamné la SAS Dourmap à payer à M. [O] les sommes suivantes :

– 998,10 € à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires,

– 99,81€ au titre des congés payés afférents au rappel de salaires pour heures supplémentaires,

– 586,3 € à titre de rappel de salaires sur la mise à pied disciplinaire injustifiée,

– 58,63 € au titre des congés payés afférents au rappel de salaires sur la mise à pied disciplinaire injustifiée,

– 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

– 24.799,61 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 8.910 € au titre du remboursement des allocations Pôle Emploi,

– 2.000 € au titre de l’article 700,

‘ Juger que :

– M. [O] a été rémunéré de l’intégralité de ses heures de travail effectives,

– les dispositions de l’article L. 8223-1 du code du travail sont, dès lors, inapplicables,

– la mise à pied du 20 décembre 2016 était parfaitement justifiée,

– M. [O] ne démontre aucun fait ou d’actes de ‘harcèlement moral’,

– M. [O] ne justifie d’aucun manquement d’une gravité suffisante qui empêcherait la poursuite de l’exécution de son contrat de travail pour justifier sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la SAS Dourmap,

‘ Débouter le POLE EMPLOI de toutes demandes, fins et conclusions,

Si par extraordinaire, la cour de céans considérait le licenciement de M. [O] abusif,

‘ Condamner la SAS Dourmap au remboursement des allocations Pôle Emploi dans une proportion réduite que la juridiction de céans décidera,

‘ Constater, dire et juger qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la SAS Dourmap les frais irrépétibles de la présente procédure,

‘ Débouter M. [O] de toutes demandes, fins et conclusions.

‘ Condamner en conséquence, M. [O] à payer à la SAS Dourmap la somme de 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

‘ Le condamner aux entiers frais et dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 3 avril 2024, suivant lesquelles M. [O] demande à la cour de :

‘ Prononcer la jonction des procédures enrôlées sous les numéros RG 21/02632 et RG 21/02965,

‘ Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Brest en ce qu’il a :

– condamné la SAS Dourmap à payer à M. [O] 24.799,61 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– laissé le soin à la SAS Dourmap de procéder à la régularisation des sommes dues en considération de ces condamnations, devant les caisses de maladie et de prévoyance, pour, notamment, le versement de l’indemnité de licenciement convertie en dommages et intérêts,

– condamné la SAS Dourmap à remettre à M. [O] les documents suivants : un bulletin de salaire, un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi, rectifiés pour tenir compte de la présente décision, sous astreinte de 10 € par jour de retard et par document, à compter du délai de 30 jours suivant notification du jugement à intervenir, et pour une période limitée à 30 jours, le conseil s’en réservant la liquidation éventuelle,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

‘ Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Brest le 12 mars 2021 en toutes ses autres dispositions,

Statuant à nouveau,

‘ Condamner la SAS Dourmap à verser à M. [O] les sommes suivantes :

– 18.641,22 € nets à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 81.000 € nets de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,

– 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour défaut d’exécution loyale de la relation de travail par l’employeur,

– 3.000 € d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel,

‘ Déclarer irrecevable la demande en remboursement de l’indemnité spéciale de licenciement formulée par la SAS Dourmap,

‘ Débouter la SAS Dourmap de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

‘ Dire que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice,

‘ Dire que les sommes à caractère non salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

‘ Condamner la SAS Dourmap à remettre à M. [O] un bulletin de salaire, un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi sous astreinte de 50 € par jour de retard, dans les 15 jours de la décision à intervenir,

‘ Dire que la cour se réserve le droit de liquider cette astreinte,

‘ Condamner la SAS Dourmap aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais d’exécution forcée de la décision à intervenir,

‘ Débouter la SAS Dourmap de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 13 avril 2022, suivant lesquelles l’établissement public Pôle Emploi Bretagne demande à la cour de :

‘ Condamner la SAS Dourmap à rembourser auprès du Pôle Emploi les indemnités versées à M. [O], dans la limite de 6 mois d’allocations, soit 8.910 €,

‘ Condamner la SAS Dourmap à verser à Pôle Emploi la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Condamner la même aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 4 avril 2024

Par arrêt du 17 avril 2024, la jonction des instances ouvertes sous les numéros RG 21/2632 et 21/2965 a été prononcée et une mesure de médiation a été ordonnée.

La médiation n’ayant pas abouti, l’affaire a été de nouveau évoquée lors de l’audience du 3 octobre 2024.

Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la demande d’annulation de la mise à pied disciplinaire

En vertu des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail, le juge apprécie la régularité de la procédure disciplinaire suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, au regard des éléments produits par l’employeur au soutien de sa sanction et de ceux fournis par le salarié. Il peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise et si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de sanction disciplinaire du 20 décembre 2016 signée par Monsieur [Z] [L], directeur de opérations, et M. [F] [Y], Président, précise d’abord :

« ‘Au mois de septembre, la Chargée d’Opérations du chantier Q-PARK vous a demandé de vous conformer aux règles de sécurité suite au passage du coordinateur SPS qui avait relevé d’importants manquements en la matière.

Comme je vous l’ai rappelé alors il n’est pas tolérable que le personnel de la Société travaille dans des conditions ne garantissant pas sa sécurité sur le chantier ou celle des tiers. En qualité de conducteur de travaux, vous êtes tenu de faire respecter les règles de sécurité sur les chantiers que vous supervisez.

De même, le 16 octobre dernier, je vous avais signifié par courriel mon mécontentement suite à votre comportement créant une désorganisation du fait du non-respect des règles en vigueur dans la Société . Pour rappel, vous aviez demandé aux clients de prendre contact avec les différents services de la société alors même que je n’étais pas informé de votre future absence et de vos dossiers en cours ».

Ces faits, qui remontent à plus de deux mois, sont invoqués par l’employeur à titre de ‘rappel’ mais ne justifient pas directement la sanction disciplinaire.

Dès lors qu’ils sont toutefois contestés par le salarié, la cour peut les examiner.

Sur le premier grief (manque de sécurité sur le chantier Q Park), l’employeur fait état, sans toutefois la communiquer, d’une fiche d’observations du coordonnateur SPS de la ville de [Localité 6] concernant les travaux du parking des Capucins.

Afin d’y répondre, Monsieur [O] communique le mail du 16/09/2016 qu’il a adressé à Mme [X] [H], chargée d’opérations du chantier Q Park, dans lequel il rappelle la livraison sur le chantier d’un petit échafaudage roulant et la mise à disposition le lendemain de plateformes individuelles roulantes légères, ajoutant’les consignes ont également été redonnées au chantier de ne pas travailler sur les escabeaux’

En outre, dans son courrier du 15 février 2017, Monsieur [O] conteste tout manquement de sa part en rappelant qu’un échafaudage était bien initialement présent sur le chantier mais tranféré et utilisé pour un autre chantier (médiathèque) et qu’il avait répondu le jour même à Mme [H] afin de fournir un autre échafaudage ainsi que des plateformes individuelles roulantes légères (PIRL). Il rappelait également l’existence d’un PPSPS mis en place avant le démarrage des travaux, présent sur le chantier afin d’être mis en euvre par le chef de chantier et chaque compagnon intervenant sur le site, soulignant en outre que ‘sur l’ensemble de mes chantiers j’ai toujours mis en avant la sécurité et insisté sur le droit de retrait en cas de travail où le danger n’aurait pas été bien identifié’.

Sur le second grief relatif au non respect des règles, du fait de l’absence de Monsieur [O] comme étant à l’origine d’une désorganisation de la société, l’employeur communique un mail du 16 octobre 2016 adressé par Monsieur [S] [L] à Monsieur [O] lui reprochant une mauvaise gestion de ses absences auprès des clients et de ne pas en avoir avisé au préalable son responsable par téléphone. Faisant allusion au message d’absence transmis par Monsieur [O] le 16 octobre 2016 (‘je vais être absent quelques temps et ne pourrai pas être présent pour suivre l’évolution de nos affaires’), Monsieur [L] indiquait ‘une dizaine de mails reçus ce matin avec les coordonnées de la société, de ton responsable ou du BE, c’est cavalier et donne l’impression que tu te débarasses de tes affaires. On ne travaille pas dans l’administration et je te pense capable d’utiliser ton téléphone professionnel pour échanger sur les chantiers en cours’. Je constate que tu me demandes une intervention dans le cadre d’une GPA qui date du 1er septembre. Cela ne pouvait pas être fait quand tu étais présent’ Le métier de conducteur de travaux réclame quelques obligations et responsabilité. Je te demande de ‘m’appeler impérativement lundi prochain pour m’informer de ton absence et discuter des affaires en cours’.

Ce mail intervenait toutefois alors que Monsieur [O], était en arrêt de travail depuis le 11 octobre 2016, et alors qu’il résulte des échanges de mail intervenus les 11 et 12 octobre avec [E] [C], responsable d’affaires ainsi que [S] [L], directeur des opérations, qu’il lui était reproché, dans le cadre du chantier Q Park, de ne pas avoir prévenu le client de son absence à la réunion de chantier du 11 octobre et de ne pas s’être assuré des réponses apportées à ce dernier.

Or, les réponses apportées par Monsieur [O] à ce mail qui lui était adressé suite au compte-rendu de réunion relative au chantier Q Park avec la société Bouygues et le fait qu’il indique avoir tenté d’assurer la représentation de la société Dourmap à cette réunion montrent en outre que, contrairement aux reproches de l’employeur, Monsieur [O] a cherché à maintenir un contact avec celui-ci afin d’assurer la continuité de service pendant son absence pour cause de maladie à compter du 11 octobre 2016.

Alors que Monsieur [O] était en arrêt de travail jusqu’au 27 novembre, l’employeur fait valoir à l’encontre de celui-ci, dans son courrier du 20 décembre 2016, de ‘nouveaux manquements’, lui reprochant précisément un manque de communication et une attitude de désinvolture.

– sur le manque de communication :

Le courrier de notification de la sanction reproche à Monsieur [O] un manque de communication comme suit :

– avec la direction des opérations

‘ vous ne répondez toujours pas sur votre téléphone portable, ceci ne nous permettant pas de vous faire part des interventions urgentes à réaliser’

‘De même sur le chantier en cours de la Maison de l’enfance de [Localité 8], je vous ai sollicité, à de nombreuses reprises, pour obtenir les plannings des travaux, de tâches et objectifs’ (…) ‘Vous n’êtes pas sans ignorer qu’en votre qualité de conducteur de travaux, vous devez assurer une bonne transmission des informations et ceci pour une parfaite satisfaction des clients de la société

– avec les clients : l’employeur reproche la gestion du dossier avec la société Bouygues : ‘je déplore totalement le type d’échange que vous avez avec ce type de clients. Je regrette la manière dont vous gérez cette affaire. En effet en votre qualité de conducteur de travaux, j’attends de vous des relations avec les clients durables et profitables, basées sur une réponse adaptée au plan technique et commercial’.

Sur le premier point, imprécis et non daté, la cour relève d’abord que l’employeur ne communique aucune pièce permettant de considérer que Monsieur [O] était peu joignable, ou qu’il ne répondait pas aux messages ou appels téléphoniques.

Le seul mail adressé par Monsieur [O] à Monsieur [L] le 16 septembre 2016, mentionnant ’17 coups de téléphone en même pas deux heures … pour uniquement un raccordement à reprendre (…)’, en ce qu’il remonte à plus de deux mois, ne peut donc utilement établir le fait fautif.

Sur l’absence de communication des plannings de travaux concernant le chantier de la maison de l’enfance de [Localité 8] (dénommée Ti’Loustic), l’employeur verse aux débats le mail adressé à Monsieur [O] le 30 août 2016 lui demandant de ‘préparer un phasage’ et évoquant la ‘validation du planning de charges’ suite à la réunion de préparation de chantier du 29 août 2016, ainsi que celui du 15 septembre 2016 faisant suite à la réunion de chantier du 12 septembre en reprochant à Monsieur [O] de ne pas avoir transmis à sa hiérarchie des informations sur les travaux et leur planification, tels que le planning de tâches et objectifs, ainsi qu’un manque de rigueur et d’anticipation de sa part.

Dans son courrier du 15 février 2017, Monsieur [O] reconnaît ne pas avoir communiqué de planning précis d’intervention sur le chantier tout en expliquant avoir ‘concentré ses efforts’ sur les réunions de chantier et réponses aux mails, et ne pas avoir reçu de planning général du chantier par l’architecte permettant d’y inclure les tâches de la société Dourmap.

En tout état de cause, la cour relève qu’il s’agit de faits remontant à plus de deux mois qui, faute d’éléments plus récents versés aux débats par l’employeur, ne peuvent justifier la sanction disciplinaire.

Sur le second point, relatif aux échanges avec les clients, et plus particulièrement avec la société Bouygues, l’employeur communique des échanges de mails entre le 10 et le 11 octobre 2016 entre Monsieur [O] et Monsieur [A] [R], chef de projet transport au sein de la société Bouygues, concernant la nécessité de remédier à des malfaçons constatées sur le chantier du téléphérique (cordons de brassage complémentaires), et le mail du mercredi 12 octobre (21H47) de Monsieur [O] indiquant son absence pour la semaine et avoir laissé des consignes pour la livraison des cordons de brassage. Il communique également le mail du 11 octobre 2016 de Monsieur [E] [C] reprochant à Monsieur [O] son absence à la réunion de chantier et les manquements reprochés à ce titre.

Il est également versé aux débats des courriers adressés à l’entreprise Dourmap concernant le retard d’exécution dans le chantier Q Park (parking des capucins)

Toutefois, de même que précédemment, la cour relève qu’il s’agit de faits qui remontent à plus de deux mois, lesquels étaient en outre déjà évoqués par l’employeur au titre du ‘rappel’ des précédents manquements, et qui ne peuvent donc permettre à celui-ci, qui ne communique aucun élément plus récent, de justifier la sanction de mise à pied.

– sur la désinvolture :

La société Dourmap reproche enfin à Monsieur [O] un ‘comportement désinvolte’, en visant des faits du 28 novembre 2016 :

« Le 28 novembre 2016, jour de votre reprise, nous nous sommes entretenus au sujet de l’organisation de votre charge de travail à venir pour éviter tout litige potentiel et votre attitude démontrait que vous n’entendiez pas prendre en compte mes conseils.

Je ne saurais admettre ce type de comportement lors d’entrevues qui ont pour seul objectif d’assurer une bonne transmission de l’information au sein de la Société et ainsi une satisfaction de nos clients.

Vous avez déclaré qu’en ce moment, vous vous sentiez « démotivé au travail en raison de problèmes personnels ». Ce contexte n’apparaît toutefois pas suffisant puisque vous n’avez pas donné plus d’explications et de solutions. (‘) ».

Toutefois, la cour relève que l’employeur ne verse aux débats aucune pièce permettant d’établir un possible comportement désinvolte de Monsieur [O] à son égard, lequel conteste, dans son courrier du 15 février 2017, avoir adopté une telle attitude.

En conséquence de l’ensemble de ces éléments, prenant également en considération l’ancienneté de Monsieur [O] et son parcours professionnel au sein de la société Dourmap, la cour relève le caractère injustifié de la sanction de mise à pied de 5 jours notifiée à Monsieur [O] le 20 décembre 2016 , et par voie de confirmation du jugement déféré, prononce l’annulation de cette sanction.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera également confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de rappel de salaire à hauteur de 586,35 euros bruts outre 58,63 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Sur les heures supplémentaires :

L’article L.3121-27 du code du travail dispose que la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à 35 heures par semaine.

L’article L.3121-28 du même code précise que toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent

En l’espèce, il n’est pas contesté que Monsieur [O] était engagé comme conducteur de travaux moyennant la réalisation d’un horaire hebdomadaire de 35 heures, comme cela résulte des bulletins de salaire communiqués.

Monsieur [O], qui ne conteste pas l’application d’une modulation annuelle du temps de travail, sollicite le paiement des heures supplémentaires pour 2015 et 2016.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En ce qui concerne l’année 2015, Monsieur [O] sollicite le paiement de 32 heures supplémentaires restant dues.

Il verse aux débats :

– un document intitulé ‘récapitulatif 2015″ reprenant pour chaque salarié le nombre d’heures de travail réalisées chaque mois et établissant ainsi, en ce qui concerne Monsieur [O], un solde de 62 heures de travail à la fin de l’année 2015.

– son bulletin de salaire du mois de décembre 2015 dont il résulte que seules 30 heures supplémentaires (à 25%) ont été payées à celui-ci.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre.

L’employeur, qui ne conteste pas l’absence de paiement de ces heures supplémentaires, indique avoir réduit le ‘temps excédentaire’ retenu par Monsieur [O], en ce qui concerne les heures affectées aux travaux dits ‘indirects’ (réunions, formations, informations, visites à la médecine du travail), qualifiées d »heures sur frais’

Il verse aux débats l’attestation de Monsieur [N] [D], directeur administratif et financier qui rappelle d’abord le mode de fonctionnement de la société Dourmap en matière de décompte et de paiement des heures de travail et précise à ce titre que ‘la direction générale étudie la cohérence des temps relevés de toute nature et arbitre’.

En ce qui concerne l’année 2015, Monsieur [D] explique ‘quand il a été constaté que les heures sur frais inscrites par Monsieur [O] en 2015 représentaient 11,4% sur les 3 934 heures réalisées par les 66 personnes concernées (448 heures) alors que l’année précédente elles n’excédaient pas 7,3% des 3 871 heures par les 63 personnes concernées (283 heures), il a été décidé de réduire 32 heures sur les 62 heures relevées au 31 décembre de cette année 2015″. Il précise que ‘53% d’augmentation de 283 H à 448 H’ est une ‘variation anormalement inexpliquée’ ayant entraîné une ‘réduction de 51, 6% sur les heures excédentaires’.

Selon Monsieur [D] ‘D’ailleurs l’année suivante ces heures ne représentaient que 249 H.

Monsieur [O] a constaté cet arbitrage sur le relevé annuel qui a donné lieu au paiement de 32 heures dites supplémentaires sur la paie de décembre 2015. Il n’a émis aucune remarque.

Ce procédé n’a nullement été mis en oeuvre pour sanctionner ce salarié’.

Toutefois, l’employeur n’établit par aucune pièce objective les éléments avancés dans cette attestation quant à la justification de la réduction unilatéralement décidée par lui des heures mentionnées sur le document récapitulatif versé aux débats. Il ne communique aucun document de contrôle relatif au décompte de la durée de travail et ne fournit aucun élément permettant de contredire sérieusement les décomptes du salarié.

En considération de ces éléments, la cour a dès lors la conviction que M. [O] a réalisé les 32 heures supplémentaires qu’il revendique au titre de l’année 2015.

Monsieur [O] est donc bien fondé à solliciter le paiement, pour l’année 2015, de 32 heures supplémentaires restant dues.

En ce qui concerne l’année 2016, Monsieur [O] sollicite le paiement de 8 heures réalisées sur les deux dernières semaines du mois de septembre 2016, lesquelles n’ont pas été intégrées par l’employeur dans le décompte des heures réalisées sur l’année 2016.

Monsieur [O] verse aux débats le décompte de ses heures pour la semaine du 19 au 25 septembre 2016 et du 26 au 30 septembre 2016, mentionnant le nombre d’heures de travail réalisées dans le cadre des chantiers sur lesquels il était affecté. Ces fiches horaires apparaissent toutefois rectifiées par l’employeur, ayant mentionné 8H00 quotidiennes à la place de 9H00, déduisant ainsi un total de 8 heures de travail sur ces deux semaines (pièce 9 du salarié).

L’employeur, qui ne conteste pas ces modifications, explique procéder à un décompte du temps de travail en fonction de ratios de rentabilité et non d’après les heures de travail réellement déclarées par les salariés.

Il verse aux débats l’attestation de Monsieur [D] qui précise ‘au titre de l’année 2016 les heures sur deux semaines réduites d’une heure par jour qui ont été modifiées par le directeur des opérations n’a fait l’objet d’aucune remarque de la part de Monsieur [O]. D’ailleurs ce dernier a mentionné ce même nombre d’heures de 8 heures sur les feuilles hebdomadaires suivantes’

Toutefois, de même que précédemment, si l’employeur conteste le nombre d’heures de travail portées par Monsieur [O] sur ses relevés horaires, il ne communique pas de document de contrôle relatif au décompte de la durée de travail ni d’élément permettant de contredire sérieusement les décomptes établis par le salarié.

En conséquence, la cour a la conviction que M. [O] a réalisé les heures supplémentaires qu’il revendique, de sorte qu’il est bien fondé à solliciter le paiement, pour l’année 2016, de 8 heures supplémentaires.

Dès lors que l’employeur ne soulève aucun moyen de nature à contester le calcul réalisé par le salarié, adopté par le conseil de prud’hommes ayant appliqué une majoration de 50%, la société Dourmap est donc redevable, en considération du salaire horaire de base de Monsieur [O] fixé à 16,63 euros, et de la majoration de 50% applicable, de la somme de 998,10 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires réalisées par celui-ci en 2015 et 2016, outre 99,81 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement déféré sera ainsi confirmé de ce chef.

Sur le travail dissimulé :

En vertu des dispositions de l’article L 8221-5 du Code du travail, le fait de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la déclaration préalable à l’embauche ou de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, est réputé travail dissimulé.

En application de l’article L 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits visés à l’article L 8221-5, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l’espèce, le seul fait pour l’employeur de minorer le nombre d’heures supplémentaires mentionnées sur le bulletin de paie au motif d’un arbitrage sur la réalité des heures accomplies par le salarié, qui concerne au demeurant un faible nombre d’heures sur deux années, ne permet pas d’établir l’intention de dissimuler la réalité des heures réalisées par celui-ci.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [O] de sa demande au titre de l’indemnité pour travail dissimulé.

‘ sur la demande de résiliation judiciaire :

La résiliation judiciaire du contrat de travail peut être demandée par un salarié sur le fondement de l’article 1304 du code civil. Les manquements de l’employeur, susceptibles de justifier cette demande, doivent rendre impossible la poursuite du contrat de travail. La résiliation judiciaire prononcée à l’initiative du salarié aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d’un licenciement nul.

Dès lors que Monsieur [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Brest d’une demande de résiliation judiciaire en date du 29 décembre 2017, soit avant la notification de son licenciement pour inaptitude intervenue par courrier du 31 décembre 2018, il appartient donc à la cour d’examiner les éléments présentés par Monsieur [O] à l’appui de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

En l’espèce, Monsieur [O] soutient avoir été victime, à compter de sa demande de revalorisation de qualification au mois de septembre 2016, d’actes de harcèlement moral de la part de la direction des opérations, se traduisant par un refus sans motif de ses demandes de RTT, le fait que les fiches horaires de travail qu’il complétait étaient toujours revues à la baisse, une remise en cause systématique de son comportement, le retrait sans explication dès les premières semaines de son arrêt de travail de son téléphone portable et de son ordinateur portable, des reproches injustifiés (désinvolture et défaillance dans l’accompagnement commercial) ainsi que des pressions psychologiques exercée par le directeur des opérations (17 appels téléphoniques en 2 heures).

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L. 1152-3 du code du travail prévoit que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En application de l’article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement, et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L.1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le harcèlement moral peut en outre résulter de méthodes de gestion mises en ‘uvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

– sur le refus des demandes de RTT :

Monsieur [O] communique une demande d’absence datée du 7 septembre 2016 au titre de RTT pour la période du 14 au 25 novembre 2016, avec la mention ‘refus’.

Ce fait est donc matériellement établi par le salarié.

– sur les heures de travail revues à la baisse par l’employeur :

Monsieur [O] communique les fiches horaires remplies par lui pour la période du 19 septembre au 30 septembre 2016 et rectifiées par l’employeur le 4 octobre 2016 ayant mentionné 8H00 quotidiennes à la place de 9H00.

Ce fait, ayant été examiné dans le cadre de la demande formée au titre des heures supplémentaires, est ainsi établi.

Sur la remise en cause de son comportement et les reproches injustifiés :

Monsieur [O] communique la lettre de mise à pied disciplinaire du 20 décembre 2016 et son courrier de contestation de cette mise à pied en date du 15 février 2017 par lequel il répond aux griefs qui lui sont énoncés, ainsi que la réponse apportée par la société Dourmap le 15 mars 2017 qui confirme avoir constaté des manquements professionnels du salarié au cours du dernier semestre 2016.

Il communique également les échanges de mails intervenus en septembre et octobre 2016 entre Monsieur [O] et son employeur ou avec les clients, montrant qu’il a fait l’objet de nombreux reproches de la part de son employeur en un temps limité.

La cour retient donc comme établis les faits relatifs à la remise en cause de son comportement et aux reproches répétés, étant rappelé qu’il a été considéré que la sanction de 5 jours de mise à pied était injustifiée et qu’elle devait être annulée.

– sur la restitution du téléphone portable et de l’ordinateur professionnels :

Monsieur [O] communique le courrier du 7 février 2017 lui ayant été adressé par [I] [D] (directeur administratif et financier de la société Dourmap) rappelant qu’il se trouve en arrêt de travail depuis le 16 décembre 2016, prolongé au 5 mars 2017, et sollicitant la restitution du téléphone portable de l’entreprise ‘dans les plus brefs délais’ ainsi que le courrier du 13 février 2017 attestant de la remise en main propre de ce téléphone.

Bien que ces courriers ne concernent que le seul téléphone portable, le salarié justifie du retrait sans explication de son outil de travail pendant la période de suspension du contrat de travail pour cause de maladie.

– sur les ‘pressions psychologiques’

Monsieur [O] communique le mail qu’il a adressé à Monsieur [L] le 16 septembre 2016 à 7H40 relatif à l »intervention urgente Siemens [Localité 9]’ mentionnant ’17 coups de téléphone en même pas deux heures…pour uniquement un raccordement à reprendre’ …’bref [T] sera sur site ce matin à 8H00″ (…) ‘Concernant mon implication au affaire Siemens j’étais encore au téléphone avec [N] à 21H30… comme très souvent en soirée, voir le week-end’ (…)’

Ces 17 appels téléphoniques émanant du supérieur hiérarchique de Monsieur [O] en deux heures caractérisent l’existence des pressions telles qu’invoquées par le salarié.

Pris dans leur ensemble, les faits ainsi retenus par la cour, qui sont de nature à dégrader les conditions de travail ou à porter atteinte aux droits, à la dignité ou à la santé physique et mentale du salarié, laissent supposer l’existence d’une situation de harcèlement moral, et il incombe dès lors à l’employeur de démontrer que ses agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

Sur le refus de demande de RTT, l’employeur conteste la transmission de cette requête par le salarié. La cour note en effet l’absence de date et de signature du responsable sur cette demande. S’agissant en outre d’une demande unique, sans qu’il ne soit caractérisé le contexte dans lequel celle-ci a été formée, la cour considère donc que l’employeur apporte à ce refus une justification objective étrangère à toute harcèlement.

Sur la restitution du téléphone professionnel, la société Dourmap explique dans ses conclusions que la requête était bien fondée dès lors que Monsieur [O], qui se trouvait en arrêt de travail, a toutefois maintenu un lien avec certains clients sans en référer à sa hiérarchie.

Toutefois, la cour note que cette demande de restitution est intervenue plus d’un mois après le courrier de mise à pied disciplinaire adressé à Monsieur [O] le 20 décembre 2016 et alors qu’il lui était reproché des manquements remontant à octobre 2016 sachant qu’il résulte de l’attestation de paiement des indemnités journalières versées aux débats qu’il a été placé en arrêt de travail du 11 au 27 novembre 2016, puis de nouveau à compter du 16 décembre 2016. L’employeur n’apporte donc pas de justification objective étrangère à tout harcèlement à sa décision du 7 février 2017 de solliciter la restitution du téléphone professionnel du salarié placé en arrêt de travail.

La cour ayant considéré que la mise à pied disciplinaire était injustifiée, les explications fournies par l’employeur à l’appui de la sanction sont inopérants.

Enfin, les pièces produites par l’employeur dans le cadre de la procédure disciplinaire ne permettent pas de justifier de manière objective l’ensemble des reproches formulés dans un délai rapproché à l’encontre de Monsieur [O], étant rappelé que certains de ces reproches lui ont été faits alors qu’il était en arrêt de travail, l’employeur n’apportant davantage de justification objective étrangère à tout harcèlement au fait qu’il ait été contraint d’appeler Monsieur [O] à 17 reprises en l’espace de deux heures alors que ce dernier n’était pas en mesure de répondre (il indique qu’il était en intervention et ne pouvait pas laisser son portable allumé).

L’employeur échoue ainsi à démontrer que les faits matériellement établis sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

Le harcèlement moral étant établi, le salarié est fondé, compte tenu de la nature des agissements et de leur durée, à obtenir la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera ainsi infirmé du chef du quantum des dommages-intérêts accordés au titre du harcèlement moral.

En outre, la cour relève qu’alors qu’il résulte des pièces produites et notamment des échanges de mails, que les relations entre les parties se sont dégradées à compter du mois de septembre 2016, Monsieur [O] a été placé en arrêt de travail entre le 11 octobre et le 27 novembre 2016, puis de nouveau du 16 décembre 2016 au 1er octobre 2017 ; qu’il n’a réellement repris son poste à temps partiel que le 8 octobre 2017 après exécution de la mise à pied disciplinaire de 5 jours, avant d’être à nouveau placé en arrêt de travail le 27 novembre 2017 avec la mention de ‘burn out’ ou ‘état dépressif’ par le médecin ayant établi un certificat ‘ATMP’.

Il résulte par ailleurs des éléments médicaux versés aux débats que le salarié n’a pas été en mesure de reprendre son emploi de façon pérenne, ayant finalement bénéficié d’un arrêt de travail qualifié d’ATMP pour cause d’un état dépressif .

Dans ce contexte, les faits de harcèlement moral à l’origine de la dégradation de l’état de santé de Monsieur [O], constituant des manquements graves de l’employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail, justifient la demande de résiliation formée par celui-ci le 29 décembre 2017 soit un mois après son dernier arrêt de travail.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, et en ce qu’il a fixé la date d’effet de cette résiliation au jour du licenciement pour inaptitude notifié le 31 décembre 2018.

– sur les conséquences de la résiliation :

La résiliation judiciaire, prononcée aux torts de l’employeur pour cause de harcèlement moral produit les effets d’un licenciement nul.

Monsieur [O] sollicite l’infirmation du jugement en ce qui concerne le quantum des dommages et intérêts lui ayant été accordés pour licenciement nul et sollicite devant la cour le paiement de la somme de 81 000 euros de ce chef.

En application des dispositions de l’article L1235-3-1 du code du travail dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 22 septembre 2017, le salarié victime d’un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration a droit, quelle que soit son ancienneté dans l’entreprise, d’une part, aux indemnités de rupture, d’autre part, à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire.

En cas d’arrêts de travail pour arrêt maladie durant la période précédant la rupture, il convient de prendre en compte les salaires des derniers mois précédant ces arrêts.

En l’espèce, lors de la rupture des relations contractuelles, M. [O] était âgé de 53 ans et justifiait d’une ancienneté de plus de 26 ans au sein de la société Dourmap laquelle emploie plus de 10 salariés.

Ainsi, en considération de ces éléments, du montant du salaire brut de référence perçu par Monsieur [O] de 2.759,30 € non contesté, ainsi que de sa situation personnelle et professionnelle depuis la rupture (il verse aux débats une attestation Pole Emploi du 5 mars 2020 mentionnant son inscription depuis le 9 janvier 2019 et Pôle emploi justifie lui avoir versé des allocations ARE au moins jusqu’au 7 août 2019), Il y a lieu en conséquence de lui accorder la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.

Le jugement déféré sera infirmé du chef du quantum de l’indemnité ainsi accordée.

sur l’exécution déloyale :

En vertu de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Monsieur [O] sollicite l’infirmation du jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages-intérêts sur ce fondement, et sollicite la condamnation de la société Dourmap à lui payer la somme de 5 000 € de ce chef.

Au soutien de sa demande indemnitaire, Monsieur [O] fait valoir plusieurs manquements commis par l’employeur, et plus particulièrement l’attitude de celui-ci dans le cadre de la mise à pied disciplinaire, ayant été exécutée dès le retour du salarié dans l’entreprise pendant une période de reprise à temps partiel thérapeutique, ainsi que l’acharnement dont a fait montre l’employeur à son égard par le fait de lui confier des dossiers très complexes et en grand nombre, dans le but de le déstabiliser, ce qui l’a conduit à l’inaptitude.

La cour ayant toutefois retenu l’existence d’un harcèlement moral réparé par l’octroi de la somme de 5 000 euros à titre de dommages -intérêts, et Monsieur [O] ne justifiant pas d’un préjudice distinct, le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [O] de cette demande.

sur la demande au titre de l’indemnité spéciale de licenciement

Aux termes de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, ‘la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion’.

S’il se déduit du corps des écritures de Monsieur [O] qu’il sollicite l’infirmation du jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a déduit des ‘dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’ le montant considéré comme trop perçu au titre de l’indemnité spéciale de licenciement à hauteur de 26 248,44 €, le dispositif de ses conclusions est formulé comme suit : ‘Déclarer irrecevable la demande de remboursement de l’indemnité spéciale de licenciement formulée par la société Dourmap’.

La société Dourmap ne formule, au dispositif de ses conclusions, aucune demande de remboursement au titre de l’indemnité spéciale de licenciement qu’elle a versée à Monsieur [O].

En conséquence, la cour considère qu’elle n’est donc saisie d’aucune demande de ce chef.

Sur le remboursement des indemnités de chômage

Par application combinée des articles L. 1235-3 et L. 1235-4 du code du travail dans leur version applicable au litige, lorsque le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse ou que la nullité du licenciement est prononcée en application de l’article L1152-3 du code du travail, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Sur ce fondement, dès lors que la cour a ordonné la résiliation judiciaire du contrat de travail et considéré qu’elle produisait les effets d’un licenciement nul pour cause de harcèlement moral, il y a lieu de condamner la société Dourmap à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées à Monsieur [O] à compter du jour de la rupture du contrat de travail, dans la limite de six mois d’indemnités, soit la somme de 8 910 euros selon le décompte transmis par Pôle Emploi Bretagne.

Sur la remise des documents sociaux

La demande de remise des documents sociaux rectifiés (bulletin de salaire, certificat de travail et attestation pole emploi) conformes à la présente décision est fondée en son principe, et la société Dourmap doit être condamnée à cette remise dans un délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt.

Les circonstances de la cause ne justifient pas le prononcé d’une astreinte. Cette demande est rejetée.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné le société Dourmap à payer à Monsieur [O] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la société Dourmap, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel, et elle sera également condamnée à payer à Monsieur [O] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’employeur sera débouté de sa demande d’indemnité de procédure.

Il n’est toutefois pas justifié de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à l’égard de Pôle Emploi devenu France Travail qui sera ainsi débouté de la demande formée de ce chef.

*

*

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant contradictoirement par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris en ses chefs contestés sauf en ce qui concerne le quantum des dommages-intérêts alloués au salarié en réparation des faits de harcèlement moral et le quantum de l’indemnité allouée au salarié pour licenciement nul.

Statuant à nouveau des chefs infirmés

CONDAMNE la SAS Dourmap à payer à M. [V] [O] les sommes de :

– 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

– 50 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul

DIT que les sommes allouées porteront intérêts légaux à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes à caractère salarial et à compter de la notification de l’arrêt pour les sommes à caractère indemnitaire.

Y ajoutant

ORDONNE à la SAS Dourmap de remettre à M. [V] [O] un bulletin de paie récapitulatif ainsi qu’une attestation destinée à Pole Emploi Bretagne (devenue France Travail) dans un délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt.

REJETTE la demande de prononcé d’une astreinte,

CONDAMNE la SAS Dourmap à rembourser à Pole Emploi Bretagne (devenu France Travail) les indemnités de chômage payées à Monsieur [V] [O] représentant la somme de 8 910 euros.

CONDAMNE la SAS Dourmap à payer à Monsieur [V] [O] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

REJETTE la demande formée par Pole Emploi Bretagne (devenue France Travail) et celle de la société Dourmap au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la SAS Dourmap aux dépens d’appel

LE GREFFIER, P/LE PRÉSIDENT empêché

A.-L. DELACOUR, Conseiller


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