Conflit autour de la rémunération et des conditions de travail d’un formateur en alternance

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Conflit autour de la rémunération et des conditions de travail d’un formateur en alternance

L’Essentiel : L’association Suger Formation, régie par la loi de 1901, a engagé M. [J] comme formateur à temps partiel en 2018. Son contrat a été modifié en 2019 pour augmenter sa charge de travail et son salaire. En mars 2020, M. [J] a saisi le conseil de prud’hommes pour des rappels de salaires et des indemnités, mais a été débouté en mars 2022. Après avoir interjeté appel, il a demandé la revalorisation de son salaire et des indemnités de licenciement. La cour a finalement confirmé le jugement initial, rejetant toutes ses demandes et le condamnant aux dépens.

Contexte de l’Affaire

L’association Suger Formation, régie par la loi du 1er juillet 1901, se consacre à la formation technique et professionnelle, notamment pour les BTS. Employant moins de 11 salariés, elle a engagé M. [K] [J] en tant que formateur à temps partiel par un contrat à durée indéterminée le 16 octobre 2018, avec une charge de travail initiale de 132 heures par an.

Modification du Contrat de Travail

À la demande de M. [J], un avenant au contrat a été signé le 1er septembre 2019, augmentant la durée de travail à 183 heures par an, soit 8 heures hebdomadaires, avec un salaire brut revalorisé à 686,25 euros par mois.

Procédures Judiciaires

M. [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 9 mars 2020, demandant le paiement de rappels de salaires, de frais professionnels et d’indemnités de licenciement. Le 27 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de l’association Suger Formation.

Licenciement de M. [J]

Le 11 décembre 2020, la société [E] [O], mandataire-liquidateur, a notifié à M. [J] son licenciement pour motif économique en raison de la cessation d’activité de l’association.

Jugement du Conseil de Prud’hommes

Le 17 mars 2022, le conseil de prud’hommes a débouté M. [J] de toutes ses demandes, ainsi que les autres parties de leurs demandes. M. [J] a interjeté appel de ce jugement le 11 avril 2022.

Demandes de M. [J] en Appel

Dans ses conclusions du 29 juin 2022, M. [J] a demandé à la cour de déclarer son appel recevable et fondé, d’infirmer le jugement et de fixer sa créance au passif de l’association à plusieurs montants, incluant des rappels de salaires et des indemnités de licenciement.

Réponse de la Société Liquidatrice

La société [E] [O] a demandé la confirmation du jugement du 17 mars 2022, soutenant que M. [J] devait être débouté de ses demandes. Elle a également contesté le taux horaire et la nature des demandes de M. [J].

Position de l’AGS

La Délégation Île-de-France Ouest de l’AGS a également demandé la confirmation du jugement, arguant que les demandes de M. [J] n’étaient pas justifiées et que l’AGS ne devait pas être tenue de payer les frais irrépétibles de la procédure.

Questions de Convention Collective

La cour a examiné si une convention collective était applicable à la relation de travail. M. [J] a soutenu que son contrat n’était soumis à aucune convention collective, tandis que l’employeur a affirmé que la convention de l’enseignement privé des professeurs du secondaire s’appliquait.

Fixation des Rappels de Salaires

M. [J] a demandé un rappel de salaire de 10 682,17 euros, arguant que son taux horaire devait être revalorisé. L’employeur a soutenu que la mensualisation et le taux horaire avaient été correctement appliqués.

Durée Légale du Temps Partiel

M. [J] a également demandé un rappel de salaire de 87 329,67 euros, affirmant que la durée de travail à temps partiel ne pouvait être inférieure à 24 heures hebdomadaires. L’employeur a contesté cette demande, soulignant que M. [J] travaillait également pour d’autres établissements.

Indemnité de Licenciement

Les demandes de M. [J] concernant l’indemnité de licenciement ont été rejetées, étant donné que ses revendications précédentes avaient été déboutées.

Décision Finale de la Cour

La cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, déboutant M. [J] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamnant M. [J] aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la convention collective applicable à la relation de travail entre M. [J] et l’association Suger Formation ?

La question de la convention collective applicable est cruciale dans le cadre de la relation de travail entre M. [J] et l’association Suger Formation. M. [J] soutient que son contrat de travail n’est soumis à aucune convention collective, se basant sur le fait que les conventions existantes excluent les enseignants des classes de BTS.

Cependant, l’article L. 2222-1 du Code du travail stipule que les conventions et accords collectifs de travail déterminent leur champ d’application territorial et professionnel. Ce champ est défini en termes d’activités économiques.

En l’espèce, l’association Suger Formation, dont l’activité principale est la formation d’étudiants dans le cadre des contrats en alternance pour l’obtention de BTS, ne peut pas échapper à l’application de la convention collective de l’enseignement privé des professeurs du secondaire.

Cette convention précise que son champ d’application inclut les professeurs enseignant dans les classes du premier et du second cycle de l’enseignement privé. Ainsi, même si M. [J] enseigne dans des classes de BTS, la convention collective applicable demeure celle de l’enseignement privé, confirmant ainsi le jugement entrepris.

Comment se détermine la mensualisation et le taux horaire applicable au contrat de M. [J] ?

M. [J] conteste la mensualisation de son salaire et le taux horaire qui lui a été appliqué. Il réclame un rappel de salaire en se basant sur un taux horaire qu’il estime supérieur à celui qui lui a été versé.

L’article L. 3123-06 du Code du travail précise que le contrat de travail à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue ainsi que les modalités de communication des horaires de travail.

Dans le cas présent, M. [J] a signé un contrat de travail à temps partiel qui stipule une annualisation de son temps de travail. Pour l’année 2018-2019, il était convenu d’un volume de 132 heures, soit 4 heures par semaine, rémunérées au taux de 29,01 euros, conduisant à un salaire brut de 502,85 euros.

Pour l’année 2019-2020, ce volume a été porté à 183 heures, soit 6 heures par semaine, avec un salaire brut de 686,25 euros. Les bulletins de paie confirment cette mensualisation et le taux horaire appliqué.

Ainsi, la demande de M. [J] concernant un taux horaire supérieur n’est pas fondée, car les éléments de preuve fournis ne démontrent pas que son taux horaire ait été modifié. Le jugement a donc été confirmé sur ce point.

Quelles sont les implications de la durée légale du contrat de travail à temps partiel pour M. [J] ?

M. [J] soutient que la durée de son contrat à temps partiel ne respecte pas la durée minimale de 24 heures hebdomadaires, ce qui justifierait un rappel de salaire.

L’article L. 3123-19 du Code du travail stipule que la durée minimale de travail de 24 heures hebdomadaires peut être réduite par une convention collective ou un accord de branche étendu.

Dans le cas présent, l’accord de branche du 18 octobre 2013 applicable à l’employeur prévoit que la durée minimale du temps de travail pour un salarié à temps partiel peut être de 17h30.

De plus, l’article L. 2123-7 du Code du travail prévoit une dérogation à cette durée minimale en cas de cumul d’activités. M. [J] travaillait pour plusieurs autres établissements, ce qui limite sa disponibilité pour effectuer plus d’heures que celles contractuellement prévues.

Ainsi, le jugement a été confirmé, déboutant M. [J] de sa demande, car il n’a pas prouvé qu’il aurait pu travailler plus que les heures convenues dans son contrat.

Quelles sont les conséquences de la demande de rappel d’indemnité de licenciement de M. [J] ?

M. [J] a également formulé une demande de rappel d’indemnité de licenciement, qui découle des revendications précédentes.

Il est important de noter que l’indemnité de licenciement est généralement liée à la rupture du contrat de travail et aux droits du salarié en matière de licenciement.

Dans ce cas, le licenciement de M. [J] a été prononcé pour motif économique suite à la liquidation judiciaire de l’association Suger Formation.

Les articles L. 1234-1 et suivants du Code du travail régissent les indemnités de licenciement, stipulant que le salarié a droit à une indemnité en fonction de son ancienneté et des dispositions de la convention collective applicable.

Cependant, puisque M. [J] a été débouté de ses demandes de rappels de salaires et d’autres créances, il ne peut pas prétendre à une indemnité de licenciement supplémentaire.

Le jugement a donc été confirmé, rejetant les demandes de M. [J] concernant le rappel d’indemnité de licenciement.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-3

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 13 JANVIER 2025

N° RG 22/01175 –

N° Portalis DBV3-V-B7G-VEEM

AFFAIRE :

[K] [J]

C/

[E] [O] ès qualité de mandataire liquidateur de l’association ‘ SUGER FORMATION’

Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 17 Mars 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Section : E

N° RG : F 20/00362

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Geneviève TOUATI

Me Stéphanie FOULON BELLONY

Me Sophie CORMARY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [K] [J]

né le 23 avril 1955 à [Localité 7] (92)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Geneviève TOUATI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0621

APPELANT

****************

Monsieur [E] [O] ès qualités de mandataire liquidateur de l’association ‘ SUGER FORMATION’

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Stéphanie FOULON BELLONY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 673

Plaidant : Me Jean-Pierre LAIRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: B1101

Association CGEA IDF OUEST

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Mme Florence SCHARRE, Conseillère chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Présidente,

Mme Florence SCHARRE, Conseillère,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

Adjoint administratif faisant fonction de greffier lors du prononcé : Madame Patricia GERARD,

FAITS ET PROCÉDURE

L’association Suger Formation est soumise à la loi du 1er juillet 1901, elle a pour objet social le développement de formations techniques, secondaires ou supérieures ainsi que l’organisation de formation professionnelles en alternance, notamment de BTS. Elle employait moins de 11 salariés.

Par contrat à durée indéterminée en date du 16 octobre 2018, M. [K] [J] a été engagé par l’association Suger Formation, en qualité de formateur à temps partiel, statut cadre, en vue de dispenser, pour l’année 2018-2019 des cours de gestion aux étudiants préparant le brevet de technicien supérieur des métiers du tertiaire. A son embauche, M. [J] était soumis à une durée de travail fixée à 132 heures par an, soit 4 heures de cours hebdomadaires, en contrepartie d’un salaire moyen brut de 502,85 euros par mois.

Par avenant en date du 1er septembre 2019, et à la demande de M. [J], la durée annuelle du travail pour l’année 2019-2020 a été portée à 183 heures, soit 8 heures hebdomadaires, ce en contrepartie d’un salaire brut revalorisé de 686,25 euros par mois.

Par requête introductive reçue au greffe le 9 mars 2020, M. [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt d’une demande tendant à obtenir le paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaires, de remboursement de frais professionnels et d’indemnités de licenciement.

Par jugement rendu le 27 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de l’association Suger Formation et a désigné la société [E] [O] en qualité de mandataire-liquidateur.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 11 décembre 2020, la société [E] [O] a notifié à M. [J] son licenciement pour motif économique, du fait de la cessation d’activité de l’association.

Par jugement rendu le 17 mars 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a:

– débouté M. [K] [J] de l’ensemble de ses demandes ;

– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

– déclaré le jugement opposable à M. [E] [O], es-qualité de liquidateur judiciaire de l’association Suger Formation et à l’association de gestion du régime de garantie des salaires (AGS) représentée par le centre de gestion et d’études agréé (CGEA) d’Île-de-France.

Par déclaration d’appel reçue au greffe le 11 avril 2022, M. [K] [J] a interjeté appel de ce jugement.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 25 septembre 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 29 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [K] [J], appelant, demande à la cour de :

– déclarer recevable et bien fondé l’appel de M. [J] ;

– infirmer le jugement entrepris ;

Et statuant à nouveau,

– fixer la créance de M. [K] [J] au passif de l’association Suger Formation aux sommes suivantes :

* 10 682,17 euros de rappels de salaires ;

* 87 329,67 euros pour inobservation des dispositions de L. 3123-27 du code du travail ;

* 2 428,30 euros de rappel d’indemnité de licenciement.

– condamner M. [E] [O] es qualité de liquidateur judiciaire de l’association Formation Suger à remettre à M. [J] des bulletins de salaire de régularisation sous astreinte de 50 euros par jour de retard limité à 120 jours à compter du 10ème jour suivant la notification de l’arrêt à intervenir ;

– condamner M. [E] [O] es qualité de liquidateur judiciaire de l’association Formation Suger à verser à M. [J] la somme de 3 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– déclarer l’arrêt à intervenir opposable à M. [E] [O] es qualité de liquidateur judiciaire de l’association Suger Formation et à l’AGS CGEA Ile-de-France.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 27 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société [E] [O], en sa qualité de mandataire-liquidateur de l’association Suger Formation, intimée, demande à la cour de :

– confirmer le jugement prononcé par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 17 mars 2022 ;

En conséquence,

– débouter M. [K] [J] de l’ensemble de ses demandes.

En tout état de cause,

– juger que le taux horaire convenu entre l’association Suger Formation et M. [K] [J] était de brut 29,01 euros ;

– juger que toute demande de rappel d’indemnité ou de rémunération devra, semaine par semaine, prendre en compte l’ensemble des activités menées par M. [K] [J], en qualité de salarié et de non salarié, en considération d’une durée minimale du temps de travail hebdomadaire de 15h50 ou de 17h30 suivant la convention collective que la cour jugera applicable à la relation de travail ;

– débouter M. [K] [J] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et d’astreinte.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 13 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Délégation Île-de-France Ouest de l’Association de gestion du régime de garantie des salaires (AGS), représentée par le Centre de gestion et d’études agréé (CGEA), intimée, demande à la cour de :

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

– débouter M. [J] de ses demandes ;

En tout état de cause :

– mettre hors de cause l’AGS s’agissant des frais irrépétibles de la procédure ;

– juger que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l’ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l’article L. 622-28 du code du commerce ;

– juger que le CGEA, en sa qualité de représentant de l’AGS, ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-19 à 21 et L. 3253-17 du code du travail, selon les plafonds légaux.

MOTIFS

A titre préliminaire, et avant d’examiner les demandes formées par M. [J], il convient de s’interroger sur la question de savoir si une convention collective était ou non applicable à la relation de travail entre les parties ou si les seules dispositions du code du travail avaient vocation à s’appliquer.

Sur la convention collective applicable

M. [J] considère que la relation de travail n’est soumise à aucune convention collective et fonde l’ensemble de ses demandes, eu égard aux termes de son contrat de travail, sur la seule application des dispositions du code du travail.

Il soutient d’une part que la convention collective de l’enseignement privé des professeurs du secondaire est inapplicable car son champ d’application exclu les enseignants des classes de BTS et d’autre part que l’accord de branche du 18 octobre 2013, relatif à l’enseignement privé, lui est aussi inapplicable car les classes de BTS n’entrent pas dans le champ d’application de la convention collective.

Le mandataire judiciaire de l’employeur, comme l’AGS CGEA d’Ile-de-France, opposent à M. [J] que les bulletins de paie mentionnent que la convention collective applicable est celle de l’enseignement privé des professeurs du secondaire. Subsidiairement, ils invoquent l’applicabilité de la convention collective des organismes de formation.

En l’espèce,

Lorsque les dispositions de la convention collective ne sont pas intégrées à un contrat de travail, le salarié peut toujours se prévaloir des clauses dont il a individuellement convenu avec son employeur si celles-ci lui sont plus favorables (Cass. Soc. 10 février 2016, n°14-26147).

Cependant, la jurisprudence de la chambre sociale retient que l’application d’une convention collective au personnel d’une entreprise dépend de l’activité principale de celle-ci, peu important les fonctions assumées par le salarié (Soc., 4 novembre 1988, Bull.1988, V, n° 566 ; Soc., 6 décembre 1995, Bull. 1995, V, n° 333).

Par ailleurs, la référence à l’identification INSEE ou APE n’a qu’une valeur indicative (Soc., 26 novembre 2002, Bull. 2002, V, n° 359).

De plus, l’employeur doit, au visa de l’article 11 R. 3243-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive européenne n°91/533/CEE du 14 octobre 1991, informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail.

En outre, la mention sur le bulletin de paie vaut reconnaissance de l’application de la convention collective (Soc., 18 novembre 1998, pourvoi n° 96-42.991, Bull. 1998, V, n° 499 ; Soc., 26 octobre 1999, pourvois n° 97-44.188 à 97-44.192).

Enfin, aux termes de l’article L. 2222-1 du code du travail les conventions et accords collectifs de travail déterminent leur champ d’application territorial et professionnel. Le champ d’application professionnel d’une convention ou d’un accord est défini en termes d’activités économiques.

Au cas d’espèce, le contrat de travail conclu le 18 octobre 2018 entre l’association Suger Formation et M. [J] précisait un engagement « en qualité de formateur de GUC et MUC en classes de BTS MUC1. Cet emploi relève de la catégorie cadre et n’est soumis à aucune convention collective particulière mais au code du travail. »

Cependant, et dès le premier bulletin de salaire du mois d’octobre 2018, l’employeur a mentionné que le code NAF/APE était n°8559A, lequel correspond aux activités de formation continue pour adultes, et à côté de la mention relative à la convention collective a apposé la précision « Enseignement privé (professeurs du secondaire) ».

Il s’avère que l’activité principale de l’association employeur, telle que décrite dans sa plaquette d’information, est spécifiquement, et au-delà de l’indice mentionné au travers son code APE, est la formation d’étudiants dans le cadre des contrats en alternance à l’obtention des BTS des métiers du tertiaire (et précisément les BTS Support Actions Managériales, Négociation et digitalisation de la relation client et Management Commercial Opérationnel). M. [J] avait à ce titre été engagé en qualité de formateur pour le BTS Management des Unités Commerciales.

L’employeur ne pouvait donc pas exclure l’application de la convention collective ou les accords de branche relevant de son activité.

Dès lors, que la convention collective de l’enseignement privé des professeurs du secondaire mentionne que son champ d’application est celui des « professeurs enseignant dans les classes du premier et du second cycle de l’enseignement privés »., il s’en déduit qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris et de juger que cette convention collective doit être retenue comme constituant le cadre conventionnel des relations entre les parties.

Sur la fixation au passif de la liquidation judiciaire de l’employeur des demandes formées au titre des rappels de salaires

Sur la mensualisation et le taux horaires applicable

M. [K] [J] sollicite la fixation de la somme de 10 682,17 euros au passif de l’association Suger Formation au titre d’un rappel de salaire pour l’année scolaire 2019-2020 et 2020-2021.

Il considère que son employeur avait prévu qu’il exerce au départ 4 heures hebdomadaires sur 33 semaines par an et qu’il a en ce sens procédé au lissage de sa rémunération pour ne pas le laisser sans salaire pendant les 11 semaines durant lesquelles il était sans activité, ce qui a ramené son taux horaire à 29,01 euros. Il ajoute que cette mensualisation supposait qu’il ait conclu un contrat d’intermittent qui supposait qu’un accord collectif le prévoit.

Il soutient que son taux horaire était de 41,90 euros et que par mail du 23 octobre 2019 son employeur a porté son taux horaire à 45 euros.

Le représentant de l’employeur oppose à M. [J] que son contrat de travail, tout comme les bulletins de paie, sont dépourvus d’ambiguïté et que le salarié percevait une rémunération mensuelle annualisée. Il soutient que le temps de travail mensuel pour l’année 2018/2019 était fixé (sur la base hebdomadaire de 4 h), au taux horaire de 29,01 €, soit un salaire mensuel brut de 502,85 €, tant pour les périodes travaillées que les périodes durant lesquelles l’appelant n’effectuait pas d’enseignement au sein de Suger Formation. Il souligne que le taux horaire est demeuré inchangé pour l’année scolaire 2019/2020, l’augmentation de la rémunération étant la conséquence de l’accroissement du nombre d’heures d’enseignement, soit une rémunération mensuelle brute sur 12 mois de 686,25 euros.

L’AGS indique s’en rapporter aux explications du mandataire liquidateur et demande que M. [J] soit débouté de cette demande.

En l’espèce,

L’annualisation du temps de travail est une méthode de gestion des horaires des salariés dont la durée de travail est calculée sur une période d’une année plutôt que d’une semaine. Cet aménagement du temps de travail assure une flexibilité avec des heures travaillées variables et assure au salarié une nombre d’heures annuelles convenues et une rémunération fixe.

En l’espèce, en signant son contrat de travail à temps partiel, M. [J] a accepté cette annualisation laquelle était convenue pour l’année pour 2018/2019 d’un volume de 132 heures, soit 4 heures par semaine, rémunérées au taux de 29,01 euros, conduisant à verser un salaire brut de 502,85 euros

Pour l’année 2019-2020, le volume a été portée à 183 heures, soit 6 heures par semaine, rémunérées au taux de 29,01 euros, conduisant à verser un salaire brut de 686,25 euros.

Le fait que le contrat prévoit 33 semaines travaillées et 19 semaines non travaillés ne permet pas d’en déduire comme affirmé par M. [J] qu’il s’agisse d’un contrat intermittent qui obéit à un autre cadre juridique.

Si le contrat de travail intermittent se caractérise également pas des périodes travaillées et des périodes non travaillées, il doit également être prévu par un accord collectif et doit faire l’objet d’un écrit spécifique ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

L’activité à temps partiel de M. [J] conduisait donc à lui verser une rémunération mensuelle brute qui a été portée à la somme de à 686,25 euros pour 183 heures annuelles effectuées, soit 23.65 heures mensuelles annualisées.

Au titre de la rémunération, les bulletins de paie délivrés au cours de la période d’exécution du contrat de travail, soit pendant deux ans, mentionnaient « une rémunération brute mensualisée de

502,85 euros », et pour l’année 2018/2019 un taux horaire de 29,01 euros. Cette rémunération était prévue pour les périodes travaillées et pour les périodes non travaillées.

Concernant l’augmentation du taux horaire invoquée, il ne ressort pas des pièces versées aux débats, ni du mail invoqué par le salarié, et qu’il a échangé avec son employeur, que ce taux horaire ait été modifié pour l’année scolaire 2019/2020. Sur cette période d’activité, la rémunération du salarié a augmenté par l’effet du passage de 4 à 6 heures de formation avec maintien du même taux horaire.

Par confirmation du jugement entrepris, il y a lieu de débouter M. [J] de sa demande à ce titre retenant que la mensualisation, ainsi le taux horaire convenu entre les parties, ont été correctement appliqués par l’employeur.

Sur les demandes formées en raison de la durée légale du contrat de travail à temps partiel

M. [K] [J] sollicite la fixation de la somme de 87 329,67 euros au passif de l’association Suger Formation. Il invoque le fait que la durée d’emploi du temps partiel ne peut pas être inférieure à 24 heures hebdomadaires et sollicite à ce titre un rappel de salaire.

Le représentant de l’employeur oppose que M. [J] n’a pas travaillé durant les heures dont il demande le paiement et en conclut que sa demande n’a pas une nature salariale mais indemnitaire. Il ajoute que l’appelant travaillait dans le même temps 8 heures hebdomadaires pour le compte de la chambre de commerce.

L’AGS CGEA d’Ile-de-France considère que la demande de M. [J] n’est pas justifiée dans la mesure où il exerçait d’autres activités et qu’il ne justifie pas qu’il aurait été disponible pour effectuer plus d’heures que contractuellement prévu. A tout le moins, si la demande en paiement devait prospérer, l’AGS demande que le taux applicable soit alors de 29,01 euros et non pas comme revendiqué de

45 euros de l’heure.

En l’espèce,

Aux termes de l’article L.3123-06 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne notamment les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue ainsi que les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiquées par écrit au salarié.

L’article 3123-19 ajoute que la durée minimale de travail de 24 heures hebdomadaire (prévue à l’article L.3123-27) peut être réduite par une convention collective ou un accord de branche étendu.

L’article L. 2123-7 du code du travail prévoit quant à lui une dérogation à la durée minimale de l’emploi à temps partiel en cas de cumul d’activités.

Il résulte des pièces même versées aux débats par l’appelant que celui-ci travaillait pour six autres écoles dans lesquelles il délivrait des cours tant dans le cadre d’une activité salariée que dans le cadre d’une activité libérale. Il ne pouvait donc prétendre disposer du temps nécessaire au-delà de ce cumul d’emplois salariés pour être rémunéré des 24 heures hebdomadaires dont il demande le paiement.

Par ailleurs, l’article 2 de l’accord de branche du 18 octobre 2013, applicable à l’employeur en raison de la convention collective de l’enseignement privé des professeurs du secondaire, dispose que la durée minimale du temps de travail du salarié à temps partiel peut être de 17h30 et non pas 24 heures hebdomadaires.

Par confirmation du jugement entrepris, qui a retenu que M. [J] n’apportait pas la preuve de ce qu’il aurait travaillé moins de 17h30 par semaine, il y a lieu de le débouter de sa demande à ce titre retenant que la durée légale du temps de travail était conforme à l’accord sur le temps de travail du 18 octobre 2013.

Sur le rappel d’indemnité de licenciement

Il résulte de ce qui précède qu’l y a lieu de rejeter les demandes faites au titre du rappel de l’indemnité de licenciement qui découlaient des revendications reprises ci-dessus et pour lesquelles l’appelant a été débouté.

En conséquence de ces motifs, il y a lieu de confirmer la décision prud’homale en ce qu’elle a débouté M. [J] de ses demandes en fixation au passif des créances salariales et indemnitaires qu’il revendique et de débouter M. [J] de l’ensemble de ses demandes.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Succombant en ses prétentions, M. [J] sera débouté de sa demande faite au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt du 17 mars 2022 ;

Y ajoutant ;

DÉBOUTE l’appelant de sa demande formée en appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties pour le surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE M. [J] aux entiers dépens.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Patricia GERARD, Adjoint administratif faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


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