Conflit sur la reconnaissance des droits salariaux et la prescription des créances dans le cadre d’un contrat d’apprentissage.

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Conflit sur la reconnaissance des droits salariaux et la prescription des créances dans le cadre d’un contrat d’apprentissage.

L’Essentiel : M. [D] [M] a été embauché par la SAS Tari en tant qu’apprenti pour un CAP cuisine, puis a travaillé comme commis de cuisine. En décembre 2022, il a saisi le conseil de prud’hommes pour des demandes de paiement. Le 28 novembre 2023, le tribunal a jugé recevable sa demande de rappel de salaire et a condamné la SAS Tari à verser des sommes pour heures supplémentaires et dommages-intérêts. La SAS Tari a fait appel, contesté la non-prescription des demandes et demandé la confirmation de certains points du jugement. M. [D] [M] a également sollicité des modifications.

Exposé du litige

M. [D] [M] a été embauché par la SAS Tari en tant qu’apprenti pour obtenir un CAP cuisine, avec un contrat à durée déterminée du 5 août 2019 au 4 août 2021. Il a ensuite travaillé comme commis de cuisine du 9 au 13 août 2021 dans le cadre d’un contrat d’extra. Un nouveau contrat d’apprentissage a été signé le 4 août 2021, prenant effet le 16 août 2021 et se terminant le 15 août 2023, pour l’obtention d’un BP Art de la cuisine. Le 1er décembre 2022, M. [D] [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Troyes pour diverses demandes de paiement.

Jugement du conseil de prud’hommes

Le 28 novembre 2023, le conseil de prud’hommes a rendu un jugement déclarant non prescrite la demande de rappel de salaire pour la période d’août 2019 au 1er décembre 2019. M. [D] [M] a été jugé recevable et partiellement fondé dans ses réclamations. La SAS Tari a été condamnée à verser plusieurs sommes à M. [D] [M], incluant des rappels d’heures supplémentaires et des dommages-intérêts pour non-respect du repos légal. La SAS Tari a également été ordonnée de remettre des bulletins de paie rectifiés pour les années 2019 à 2022.

Appel de la SAS Tari

Le 19 décembre 2023, la SAS Tari a formé une déclaration d’appel contre le jugement. Un jugement rectificatif a été rendu le 29 décembre 2023, retirant la mention de la condamnation pour préjudice moral, dont M. [D] [M] avait été débouté.

Prétentions des parties

Dans ses écritures du 15 mars 2024, la SAS Tari a demandé la confirmation de certains points du jugement tout en sollicitant l’infirmation d’autres, notamment concernant la prescription des demandes de rappel de salaire et les condamnations financières. M. [D] [M] a, quant à lui, demandé la confirmation de plusieurs chefs du jugement tout en demandant l’infirmation du surplus.

Analyse des heures supplémentaires

La SAS Tari a contesté la déclaration de non-prescription des demandes de rappel de salaire, arguant que M. [D] [M] avait connaissance des heures payées. M. [D] [M] a soutenu qu’il n’avait pris connaissance du non-paiement qu’en décembre 2019. Le tribunal a confirmé que M. [D] [M] était recevable dans sa demande d’heures supplémentaires à partir d’août 2019.

Évaluation des heures supplémentaires

M. [D] [M] a affirmé avoir effectué un nombre significatif d’heures supplémentaires, mais la SAS Tari a contesté ce décompte. Le tribunal a noté que les parties s’accordaient sur l’application de la modulation du temps de travail et a évalué les heures supplémentaires à 103 heures pour la période août-décembre 2019 et 70 heures pour janvier-août 2022, totalisant 1500 euros.

Dépassement du contingent annuel

La SAS Tari a soutenu que M. [D] [M] n’avait pas dépassé le contingent annuel d’heures supplémentaires, tandis que M. [D] [M] a demandé la confirmation de la condamnation à ce titre. Le tribunal a infirmé la demande de M. [D] [M] sur ce point.

Temps de pause et repos quotidien

Concernant les temps de pause et de repos, le tribunal a constaté que M. [D] [M] n’avait pas bénéficié de ses droits, confirmant ainsi la condamnation de la SAS Tari à verser 1000 euros pour préjudice subi.

Préjudice moral

M. [D] [M] a demandé des dommages-intérêts pour préjudice moral, mais n’a pas réussi à prouver que le non-paiement des heures supplémentaires avait causé des difficultés financières ou des problèmes de santé. Le tribunal a confirmé le rejet de cette demande.

Bulletins de paie rectificatifs

Le tribunal a ordonné à la SAS Tari de remettre un bulletin de paie rectificatif à M. [D] [M] tenant compte de la décision rendue.

Dépens et frais

Le jugement a confirmé la condamnation de la SAS Tari aux dépens et a rejeté sa demande d’indemnité de procédure. La cour a également rejeté la demande de M. [D] [M] sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la prescription de la demande de rappel de salaire

La SAS Tari conteste la décision du conseil de prud’hommes qui a déclaré non prescrite la demande de rappel de salaire de M. [D] [M] pour la période d’août 2019 au 1er décembre 2019.

Selon l’article L. 3245-1 du Code du travail, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Ainsi, la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Dans cette affaire, M. [D] [M] a soutenu qu’il n’avait pris connaissance du non-paiement des heures supplémentaires qu’en décembre 2019, ce qui justifie sa demande.

La cour a donc confirmé que le délai de prescription n’avait pas commencé à courir avant cette date, rendant la demande recevable.

Sur le rappel d’heures supplémentaires

M. [D] [M] a affirmé avoir accompli un certain nombre d’heures supplémentaires entre août 2019 et août 2022.

L’article L. 3171-4 du Code du travail stipule qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, si nécessaire, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Dans cette affaire, M. [D] [M] a produit un tableau détaillant ses heures travaillées, tandis que la SAS Tari a fourni des éléments contradictoires.

La cour a évalué les preuves fournies par les deux parties et a conclu que M. [D] [M] avait effectivement droit à un rappel d’heures supplémentaires, en se basant sur les éléments présentés.

Sur le dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires

La SAS Tari a contesté la condamnation pour dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires, affirmant que M. [D] [M] n’avait pas effectué d’heures supplémentaires au-delà de ce contingent.

L’article L. 3121-30 du Code du travail précise que les salariés ont droit à une contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel.

Dans cette affaire, le contingent annuel d’heures supplémentaires était fixé à 130 heures.

La cour a constaté que M. [D] [M] n’avait pas dépassé ce contingent et a donc infirmé le jugement sur ce point, déboutant M. [D] [M] de sa demande.

Sur le non-respect des temps de pause et du repos quotidien

M. [D] [M] a soutenu que la SAS Tari n’avait pas respecté les temps de pause et de repos quotidien.

L’article L. 3131-1 du Code du travail stipule que tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives, sauf exceptions.

L’article L. 3121-16 prévoit également qu’un salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes consécutives dès que le temps de travail quotidien atteint six heures.

La cour a constaté que M. [D] [M] n’avait pas bénéficié de ces temps de repos à plusieurs reprises, ce qui a conduit à la confirmation de la condamnation de la SAS Tari à verser des dommages-intérêts pour ce manquement.

Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral

M. [D] [M] a demandé des dommages-intérêts pour préjudice moral, soutenant que l’exécution déloyale de son contrat de travail avait causé des difficultés financières et des problèmes de santé.

Cependant, il n’a pas fourni de preuves suffisantes pour justifier ce préjudice.

La cour a noté que les extraits de compte présentés n’étaient pas nominatifs et que les pièces médicales ne démontraient pas un lien direct entre ses problèmes de santé et ses conditions de travail.

En conséquence, la cour a confirmé le jugement qui avait débouté M. [D] [M] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral.

Sur la remise de bulletins de paie rectificatifs

La SAS Tari a été condamnée à remettre à M. [D] [M] des bulletins de paie rectificatifs pour les années 2019 à 2022.

Cette obligation découle de la nécessité de respecter les décisions judiciaires et de garantir la transparence des rémunérations.

La cour a donc ordonné à la SAS Tari de se conformer à cette décision, en tenant compte des sommes dues à M. [D] [M] suite aux jugements rendus.

Cette mesure vise à assurer que M. [D] [M] dispose de documents corrects et conformes à la réalité de ses droits salariaux.

Arrêt n°

du 8/01/2025

N° RG 23/02002

AP/MLB/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 8 janvier 2025

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 28 novembre 2023 par le Conseil de Prud’hommes de TROYES, section Commerce (n° F 22/00264)

S.A.S.U. TARI

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par la SELARL IFAC, avocats au barreau de l’AUBE

INTIMÉ :

Monsieur [D] [M]

[Adresse 3]

[Localité 1]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2024-000325 du 30/01/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de REIMS)

Représenté par Me David SCRIBE, avocat au barreau de l’AUBE

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 novembre 2024, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargé du rapport, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 8 janvier 2025.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur François MÉLIN, président

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

Monsieur Olivier JULIEN, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Exposé du litige :

M. [D] [M] a été embauché par la SAS Tari dans le cadre d’un contrat d’apprentissage à durée déterminée à temps plein conclu pour la période du 5 août 2019 au 4 août 2021 en vue de l’obtention d’un CAP cuisine.

Du 9 au 13 août 2021, M. [D] [M] a travaillé en qualité de commis de cuisine dans le cadre d’un contrat d’extra.

Le 4 août 2021, les parties ont conclu un nouveau contrat d’apprentissage à temps plein à effet du 16 août suivant, pour une durée déterminée prenant fin le 15 août 2023, en vue de l’obtention d’un BP Art de la cuisine.

Le 1er décembre 2022, M. [D] [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Troyes de diverses demandes en paiement de sommes à caractère salarial et indemnitaire.

Par jugement du 28 novembre 2023, le conseil de prud’hommes a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

– déclaré non prescrite la demande de rappel de salaire pour la période d’août 2019 au 1er décembre 2019 ;

– dit M. [D] [M] recevable et partiellement fondé en ses réclamations ;

– condamné la SAS Tari à verser à M. [D] [M] les sommes suivantes :

12942, 95 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires d’août 2019 à août 2022,

500 euros à titre de dommages-intérêts pour dépassement du contingent annuel,

1000 euros titre de dommages-intérêts pour non-respect du repos légal et du temps de pause,

1000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

1000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné à la SAS Tari de remettre à M. [D] [M] des bulletins de paie rectifiés pour les années 2019 à 2022 tenant compte de la présente décision ou un seul bulletin de paie rectificatif sur lequel chaque année sera différenciée ;

– débouté M. [D] [M] du surplus de ses demandes ;

– pris acte de ce que la SAS Tari a régularisé le paiement de la journée du 2 janvier 2022 sur le bulletin de paie de mars 2023 à hauteur de 73.99 euros bruts ;

– débouté la SAS Tari de toutes ses autres demandes ;

– condamné la SAS Tari aux dépens.

Le 19 décembre 2023, la SAS Tari a formé une déclaration d’appel.

Par jugement rectificatif d’erreur matérielle en date du 29 décembre 2023, le conseil de prud’hommes a retiré la mention du chef de la condamnation à des dommages-intérêts pour préjudice moral, dont il avait débouté le demandeur dans les motifs de l’arrêt.

Exposé des prétentions et moyens des parties :

Dans ses écritures remises au greffe le 15 mars 2024, la SAS Tari demande à la cour :

– de confirmer le jugement en ce qu’il a :

débouté M. [D] [M] des demandes suivantes :

259,21 euros à titre d’indemnités journalières non versées,

2500 euros au titre du préjudice moral ;

pris acte de ce qu’elle a régularisé le paiement de la journée du 2 janvier 2022 sur le bulletin de paie de mars 2023 à hauteur de 73,99 euros bruts ;

– d’infirmer le jugement en ce qu’il :

a déclaré non prescrite la demande de rappel de salaire pour la période d’août 2019 au 1er décembre 2019 ;

a dit M. [D] [M] recevable et partiellement fondé en ses réclamations ;

l’a condamnée à verser à M. [D] [M] les sommes suivantes :

12942, 95 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires d’août 2019 à août 2022,

500 euros à titre de dommages-intérêts pour dépassement du contingent annuel,

1000 euros titre de dommages-intérêts pour non-respect du repos légal et du temps de pause,

1000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

lui a ordonné de remettre à M. [D] [M] des bulletins de paie rectifiés pour les années 2019 à 2022 tenant compte de la présente décision ou un seul bulletin de paie rectificatif sur lequel chaque année sera différenciée ;

l’a déboutée de toutes ses autres demandes ;

l’a condamnée aux dépens.

Et statuant à nouveau,

– de déclarer les demandes de rappels de salaires pour la période antérieure au 1er décembre 2019, comme irrecevables car prescrites ;

– de débouter M. [D] [M] de l’ensemble de ses demandes ;

– de condamner M. [D] [M] au paiement de la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de condamner M. [D] [M] aux entiers dépens de la première et présente instance.

Dans ses écritures remises au greffe le 23 septembre 2024, M. [D] [M] demande à la cour :

– de confirmer le jugement en ce qu’il a :

déclaré non prescrite la demande de rappel de salaire pour la période d’août 2019 au 1er décembre 2019 ;

condamné la SAS Tari à lui verser les sommes suivantes :

12942, 95 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires d’août 2019 à août 2022,

500 euros à titre de dommages-intérêts pour dépassement du contingent annuel,

1000 euros titre de dommages-intérêts pour non-respect du repos légal et du temps de pause,

1000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

ordonné à la SAS Tari de lui remettre des bulletins de paie rectifiés pour les années 2019 à 2022 tenant compte de la présente décision ou un seul bulletin de paie rectificatif sur lequel chaque année sera différenciée ;

pris acte de ce que la SAS Tari a régularisé le paiement de la journée du 2 janvier 2022 sur le bulletin de paie de mars 2023 à hauteur de 73.99 euros bruts ;

débouté la SAS Tari de toutes ses autres demandes ;

ordonné l’exécution provisoire ;

condamné la SAS Tari aux dépens.

– d’infirmer le surplus du jugement ;

Et statuant à nouveau,

– de condamner la SAS Tari à lui verser la somme de 2500 euros au titre du préjudice moral ;

– de condamner la SAS Tari à verser à la SCP Scribe Bailleul Sottas la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 en cause d’appel ;

– de condamner la SAS Tari aux entiers frais et dépens de la présente instance.

Motifs :

Sur la demande au titre des indemnités journalières non versées

La SAS Tari demande la confirmation du chef de jugement qui a débouté M. [D] [M] de sa demande au titre des indemnités journalières non versées.

M. [D] [M] sollicite la confirmation de plusieurs chefs de jugement et l’infirmation ‘pour le surplus’ en ce compris celui au titre des indemnités journalières non versées. Toutefois, il ne réitère pas sa demande ce titre.

En conséquence, le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires

sur la prescription

La SAS Tari reproche aux premiers juges d’avoir déclaré non prescrite la demande de rappel de salaire pour la période d’août 2019 au 1er décembre 2019,alors que la saisine du conseil de prud’hommes date du 1er décembre 2022 et que M. [D] [M] avait connaissance des heures payées au moment de la délivrance, chaque mois, de son bulletin de salaire, puisqu’il est mensualisé.

M. [D] [M] réplique que c’est seulement au mois de décembre 2019 qu’il a pris connaissance du non paiement des heures supplémentaires qu’il avait réalisées depuis août 2019, de sorte que sa demande n’est pas prescrite.

Aux termes de l’article L. 3245-1 du code du travail, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

La SAS Tari soutient à tort que le point de départ de la prescription au titre de la demande en paiement des heures supplémentaires doit être fixé, comme en matière de salaire à la date habituelle du paiement, alors qu’il ressort de ses écritures qu’elle appliquait le régime de la modulation, de sorte que ce n’est qu’au 31 décembre que le paiement des heures supplémentaires devenait exigible. Le délai de prescription de la créance salariale au titre des heures supplémentaires a donc commencé à courir à compter de cette date.

Il s’ensuit que M. [D] [M] est recevable en sa demande au titre des heures supplémentaires à compter du mois d’août 2019.

Le jugement est confirmé de ce chef.

sur le fond

M. [D] [M] affirme avoir accompli 371,51 heures supplémentaires entre les mois d’août 2019 et août 2020, 381,55 heures supplémentaires entre les mois d’août 2020 et août 2021 et 349,15 heures supplémentaires entre les mois d’août 2021 et août 2022.

L’employeur réplique que le décompte de M. [D] [M] est erroné et conclut au rejet de sa demande de rappel de salaire à ce titre.

Selon l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

A titre liminaire, il convient de relever que les parties s’accordent sur l’application de la modulation du temps de travail au sein de la SAS Tari et sur une durée de travail de 1607 heures. A cela, il convient d’ajouter que le décompte des heures supplémentaires s’effectue par année civile et que sur la base des dispositions applicables -celles relatives à l’avenant n°2 du 5 février 2007 relatif à l’aménagement du temps de travail- lorsqu’un salarié n’a pas accompli la totalité de la période de modulation du fait de son entrée ou départ de l’entreprise au cours de cette période, sa rémunération est régularisée sur la base des heures supplémentaires effectivement travaillées au cours de la période par rapport à l’horaire moyen hebdomadaire.

M. [D] [M] produit aux débats un tableau dans lequel il indique pour chaque journée travaillée le nombre d’heures effectuées et les motifs d’absence pour les jours non travaillés (accident du travail, maladie ou fermeture covid).

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre avec ses propres éléments.

Celui-ci produit :

– des pages d’un cahier dans lequel M. [D] [M] a renseigné ses horaires de travail et apposé sa signature pour la période comprise entre décembre 2019 et juin 2022,

– les relevés de pointage de M. [D] [M] pour la période courant du 27 juin 2022 au 4 septembre 2022,

– un mail du centre de formation de M. [D] [M] précisant qu’une journée de formation dure 7 heures,

– un courrier du centre de formation recensant l’ensemble des absences et retards de M. [D] [M] sur la période courant du 26 août 2019 au 17 février 2023,

– des publications facebook annonçant les ouvertures et fermetures du restaurant en raison des périodes de confinement permettant d’établir que le restaurant a été fermé sur les périodes suivantes :

du 15 mars au 31 mai 2020,

du 30 octobre 2020 au 8 février 2021,

du 30 avril au 19 mai 2021,

– une attestation de la comptable du restaurant qui affirme ne pas avoir donné l’autorisation à M. [D] [M] d’effectuer des achats de marchandises pour le compte de la SAS Tari ni de moyens de paiement à cet effet.

C’est à tort au vu du cahier produit que M. [D] [M] soutient que celui-ci serait partiellement illisible.

S’agissant de prétendues modifications faites par le supérieur hiérarchique, seules six ratures sont observées sur l’ensemble des pages du cahier concernant M.[D] [M] et ne concernent que deux dates sur lesquelles les parties sont en désaccord (1er décembre 2019 et 14 février 2022)

M. [D] [M] n’est pas davantage fondé à prétendre avoir effectué des courses certains matins, avant sa prise de poste, dès lors qu’il ne procède sur ce point que par voie d’allégation et que la comptable de la SAS Tari atteste en sens contraire.

C’est également vainement qu’il affirme que ses journées au centre de formation étaient supérieures à 7 heures, compte tenu du courrier de ce dernier.

Il ressort enfin des dates de fermeture du restaurant et des pièces produites à ce titre, que contrairement à ce qu’il soutient, le salarié n’a pas travaillé pendant les périodes de fermeture.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, et après avoir relevé que le décompte du salarié est erroné en ce qu’il n’est pas fait à partir d’un décompte par année civile, et que le décompte de l’employeur l’est également au titre des années 2019 et 2022, en ce que les années travaillées étant incomplètes, la référence n’est pas de 1607 heures pour le déclenchement du seuil des heures supplémentaires, la cour a la conviction que M.[D] [M] n’a effectué aucune heure supplémentaire en 2020 et en 2021, puisqu’il n’a pas travaillé plus de 1607 heures.

En revanche, la cour évalue le rappel des heures supplémentaires, au titre de la période août-décembre 2019 sur la base de 103 heures supplémentaires et au titre de la période janvier-août 2022 sur la base de 70 heures supplémentaires -déduction faite des heures supplémentaires payées au mois d’août 2022- , soit un montant total de 1500 euros, outre les congés payés afférents.

La SAS Tari doit donc être condamnée à lui payer ces sommes et le jugement doit être infirmé en ce sens.

Sur la demande au titre du dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires

La SAS Tari soutient que M. [D] [M] n’a effectué aucune heure supplémentaire au-delà du contingent annuel et sollicite en conséquence l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a condamnée au paiement de la somme de 500 euros à ce titre, tandis que M. [D] [M] demande la confirmation de ce chef de jugement.

Il résulte de l’article L.3121-30 du code du travail, qu’en plus des majorations prévues en contrepartie des heures supplémentaires, les salariés ont droit à une contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel.

Le salarié qui n’a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l’indemnisation du préjudice subi, laquelle comporte le montant d’une indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos auquel s’ajoute le montant de l’indemnité de congés payés afférent.

Il ressort de la condamnation qui précède que le contingent annuel d’heures supplémentaires utilisable sans avoir recours à l’autorisation de l’inspecteur du travail – ce qui est le cas en l’espèce, puisqu’il n’est pas invoqué une telle autorisation – fixé à 130 heures par an (article 19.5 de l’avenant susvisé) n’a pas été dépassé.

M. [D] [M] doit donc être débouté de sa demande et le jugement est infirmé de ce chef.

Sur la demande au titre des temps de pause et du repos quotidien

L’employeur soutient qu’il n’a commis aucun manquement au titre des temps de pause et au titre du repos quotidien de M.[D] [M] et qu’en toute hypothèse, l’intimé ne caractérise aucun préjudice, tandis que ce dernier conclut à la confirmation du jugement du chef de la condamnation de l’employeur à ce titre.

Selon l’article L.3131-1 du code du travail, tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L.3131-3 ou en cas d’urgence, dans des conditions déterminées par décret.

L’article L.3121-16 du même code prévoit, dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, que le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes consécutives.

La preuve du respect des temps de repos et de pause incombe à l’employeur.

Le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail quotidienne et du non-respect du temps de pause quotidien ouvre droit à la réparation.

L’employeur n’établit pas au moyen des attestations qu’il produit -et qui ne sont pas irrecevables au motif qu’à certaines d’entre elles ne sont pas jointes de pièces d’identité- que M. [D] [M] a bénéficié de tous ses temps de pause, dès lors que le temps de présence de ses collègues ne coïncide pas systématiquement avec son temps de travail.

S’agissant du temps de repos quotidien, il ressort du cahier des horaires qu’à plusieurs reprises M. [D] [M] n’en a pas bénéficié et d’ailleurs l’employeur le reconnaît dans ses écritures, même s’il le minimise, puisqu’il écrit que celui-ci ‘a toujours bénéficié du repos quotidien de 11 heures à de très rares exceptions’. Il en est ainsi par exemple, entre le 30 et 31 décembre 2019, puisqu’il a terminé son service le 30 à 00h30 et a repris le lendemain à 10h ou encore entre la nuit du 26 au 27 février 2020 avec un départ à 00h15 et une reprise à 10h30 ou entre le 22 et 23 novembre 2021 avec un départ à 23h30 et une reprise à 10h.

Le jugement doit donc être confirmé du chef de la condamnation prononcée à hauteur de 1000 euros au titre du préjudice subi par M. [D] [M] que les premiers juges ont entièrement réparé.

Sur la demande au titre du préjudice moral

M. [D] [M] demande à la cour d’infirmer le jugement du chef du rejet de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral, soutenant que l’exécution déloyale de son contrat de travail par l’employeur l’a plongé dans une situation financière précaire et que ses conditions de travail sont à l’origine de ses problèmes de santé, ce que conteste la SAS Tari.

M.[D] [M] ne justifie pas au moyen des pièces qu’il produit -des extraits de compte non nominatifs- que le non-paiement de la totalité des heures supplémentaires lui aurait causé des difficultés financières, à l’origine d’un préjudice moral.

Il ne justifie pas davantage au moyen des pièces médicales qu’il produit que ses problèmes de santé découleraient de ses conditions de travail, étant précisé que le non-respect des temps de pause et des temps de repos a été précédemment indemnisé.

En conséquence, M. [D] [M] doit être débouté de sa demande et le jugement doit être confirmé de ce chef.

Sur la demande au titre du bulletin de paie rectificatif

Il y a lieu d’enjoindre à la SAS Tari de remettre à M. [D] [M] un bulletin de paie rectificatif tenant compte de la présente décision.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement doit être confirmé du chef des dépens et des frais irrépétibles.

A hauteur d’appel, la SAS Tari doit être condamnée aux dépens et déboutée de sa demande d’indemnité de procédure.

Il y a lieu en équité de rejeter la demande présentée par l’intimé sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a :

– déclaré non prescrite la demande de rappel de salaire pour la période d’août 2019 au 1er décembre 2019 ;

– dit M. [D] [M] recevable et partiellement fondé en ses réclamations ;

– condamné la SAS Tari à verser à M. [D] [M] les sommes de :

1000 euros titre de dommages-intérêts pour non-respect du repos légal et du temps de pause ;

1000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté M. [D] [M] du surplus de ses demandes ;

– condamné la SAS Tari aux dépens ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau dans les limites des chefs d’infirmation et y ajoutant ;

Condamne la SAS Tari à payer à M. [D] [M] les sommes de :

1500 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires ;

150 euros à titre de congés payés afférents ;

Dit que les condamnations sont prononcées sous déduction des éventuelles cotisations sociales salariales applicables ;

Déboute M. [D] [M] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires ;

Enjoint à la SAS Tari de remettre à M. [D] [M] un bulletin de paie rectificatif tenant compte de la présente décision ;

Déboute M.[D] [M] de sa demande au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Déboute la SAS Tari de sa demande d’indemnité de procédure à hauteur d’appel ;

Condamne la SAS Tari aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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