L’Essentiel : La Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Vienne a détecté des anomalies de facturation lors d’un contrôle de l’EHPAD LES FOUGERES pour 2021, entraînant un indu de 43.530,79 €. Après le rejet du recours par la Commission de recours amiable, l’EHPAD a saisi le tribunal judiciaire de Poitiers. Le tribunal a partiellement annulé l’indu, le réduisant à 42.875,05 €, tout en condamnant l’EHPAD à payer 655,74 € pour des chefs non contestés. La CPAM a également été condamnée à verser 1.000 € à l’EHPAD pour ses frais de justice.
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Contexte du litigeLa Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Vienne a effectué un contrôle sur la consommation médicale des résidents de l’EHPAD LES FOUGERES pour l’année 2021. Ce contrôle a mis en évidence des anomalies de facturation, entraînant une incidence financière de 46.233,65 €. Notification d’induLe 23 septembre 2022, la CPAM a notifié à l’EHPAD un indu réduit à 43.530,79 € suite aux observations du contrôle. L’EHPAD a contesté cette décision en saisissant la Commission de recours amiable (CRA) le 29 novembre 2022. Rejet du recoursLa CRA a rejeté le recours de l’EHPAD par décision du 23 février 2023, notifiée le 10 mars 2023. En réponse, l’EHPAD a saisi le tribunal judiciaire de Poitiers le 9 mai 2023 pour contester cette décision. Procédure judiciaireLe juge de la mise en état a établi un calendrier procédural, avec une audience prévue pour le 1er octobre 2024. Lors de cette audience, l’EHPAD a demandé l’annulation de la décision de la CPAM et la restitution des sommes retenues. Arguments de la CPAMLa CPAM a demandé le débouté de l’EHPAD et a réclamé le paiement de 43.530,79 € au titre de l’indu notifié. Elle a soutenu que les dispositifs de perfusion à domicile facturés avaient déjà été pris en charge dans le cadre du forfait global de soins. Analyse des dispositifs médicauxLe tribunal a examiné la législation applicable, notamment les articles du code de la sécurité sociale et du code de l’action sociale et des familles, pour déterminer la prise en charge des dispositifs médicaux dans les EHPAD sans pharmacie à usage intérieur. Décision du tribunalLe tribunal a partiellement annulé l’indu notifié à l’EHPAD, le réduisant à 42.875,05 €, tout en condamnant l’EHPAD à payer 655,74 € pour les chefs non contestés. La CPAM a été condamnée à verser 1.000 € à l’EHPAD pour couvrir ses frais de justice. ConclusionLe tribunal a statué sur les demandes des parties, en déboutant celles qui n’ont pas été retenues et en condamnant la CPAM aux dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique de la contestation de l’indu par l’EHPAD LES FOUGERES ?L’EHPAD LES FOUGERES conteste l’indu notifié par la CPAM de la Vienne sur la base de plusieurs articles du Code de la sécurité sociale et du Code de l’action sociale et des familles. L’article L. 165-1 du Code de la sécurité sociale précise que : « Le remboursement par l’assurance maladie des dispositifs médicaux à usage individuel, des tissus et cellules issus du corps humain quel qu’en soit le degré de transformation et de leurs dérivés, des produits de santé autres que les médicaments visés à l’article L. 162-17 et des prestations de services et d’adaptation associées est subordonné à leur inscription sur une liste établie après avis d’une commission de la Haute Autorité de santé mentionnée à l’article L. 161-37. » Cet article établit que les dispositifs médicaux doivent être inscrits sur une liste pour être remboursés. De plus, l’article L. 133-4-4 du même code stipule que : « Lorsqu’un organisme chargé de la gestion d’un régime obligatoire d’assurance maladie prend en charge, pour une personne résidant dans un établissement mentionné aux I, II et IV bis de l’article L. 313-12 du code de l’action sociale et des familles, à titre individuel, des prestations d’assurance maladie qui relèvent des tarifs afférents aux soins fixés en application de l’article L. 314-2 du même code, les sommes en cause, y compris lorsque celles-ci ont été prises en charge dans le cadre de la dispense d’avance des frais, sont déduites par la caisse mentionnée à l’article L. 174-8 du présent code, sous réserve que l’établissement n’en conteste pas le caractère indu. » Cet article précise les conditions de prise en charge des prestations d’assurance maladie dans les EHPAD, ce qui est central dans la contestation de l’indu. Quelles sont les conséquences de la décision de la CPAM sur l’EHPAD ?La décision de la CPAM de notifier un indu a des conséquences financières significatives pour l’EHPAD LES FOUGERES. Selon l’article R. 314-166 du Code de l’action sociale et des familles : « I.- Les produits de la part du forfait global relatif aux soins prévue au 1° de l’article R. 314-159 et des tarifs journaliers relatifs aux soins ne peuvent être employés qu’à couvrir les charges suivantes : 1° Les charges relatives aux prestations de services à caractère médical, au petit matériel médical et aux fournitures médicales dont la liste est fixée par arrêté des ministres chargés des affaires sociales et de la sécurité sociale, dans les conditions prévues à l’article L. 314-8. » Cet article indique que les fonds alloués dans le cadre du forfait global ne peuvent être utilisés que pour des charges spécifiques, ce qui limite la capacité de l’EHPAD à utiliser ces fonds pour d’autres dépenses. En conséquence, l’EHPAD est contraint de rembourser la somme de 655,74 € pour les chefs non contestés de l’indu, ce qui impacte directement sa trésorerie et sa capacité à fournir des soins. Comment la jurisprudence interprète-t-elle les dispositions relatives à la prise en charge des dispositifs médicaux ?La jurisprudence a établi des principes clairs concernant la prise en charge des dispositifs médicaux dans les EHPAD. L’article L. 314-8 du Code de l’action sociale et des familles précise que : « Dans les établissements et services mentionnés au 6° du I de l’article L. 312-1 qui ne disposent pas de pharmacie à usage intérieur qui ne sont pas membres d’un groupement de coopération sanitaire ou d’un groupement de coopération sociale et médico-sociale disposant d’une pharmacie à usage intérieur, les prestations de soins mentionnées au 1° du I de l’article L. 314-2 ne comprennent pas l’achat, la fourniture, la prise en charge et l’utilisation de médicaments inscrits sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables mentionnées à l’article, L. 162-17 du code de la sécurité sociale, ni ceux des produits et prestations mentionnés à l’article L. 165-1 du même code, à l’exception de certains dispositifs médicaux dont la liste est fixée par arrêté. » Cet article souligne que les EHPAD sans pharmacie à usage intérieur ne peuvent pas prétendre à la prise en charge de certains dispositifs médicaux, ce qui a été un point central dans le litige. La jurisprudence a également confirmé que les dispositifs médicaux doivent être réutilisables et amortissables pour être pris en charge, ce qui a été un élément clé dans la décision de la CPAM de contester la facturation des dispositifs de perfusion à domicile. Quelles sont les implications financières pour l’EHPAD concernant les frais de justice ?Les implications financières pour l’EHPAD en matière de frais de justice sont également significatives. L’article 700 du Code de procédure civile stipule que : « Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. » Dans ce cas, le tribunal a condamné la CPAM de la Vienne à verser à l’EHPAD LES FOUGERES une somme de 1.000 euros au titre de cet article, ce qui compense partiellement les frais engagés par l’EHPAD pour sa défense. Cela montre que même si l’EHPAD a été partiellement débouté, il a obtenu une compensation pour ses frais de justice, ce qui est une pratique courante dans les litiges impliquant des organismes publics. Ainsi, bien que l’EHPAD ait été condamné à rembourser une partie de l’indu, il a également reçu une aide financière pour ses frais de justice, ce qui atténue l’impact financier global de la décision. |
JUGEMENT DU 19 NOVEMBRE 2024
N° RG 23/00149 – N° Portalis DB3J-W-B7H-GAI5
AFFAIRE : EHPAD LES FOUGERES
C/ CPAM de la Vienne
TRIBUNAL JUDICIAIRE de POITIERS
PÔLE SOCIAL
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU 19 NOVEMBRE 2024
DEMANDERESSE
EHPAD LES FOUGERES sis 1 Allée des Fougères – 86440 MIGNE-AUXANCES, exploité par le CENTRE COMMUNAL D’ACTION SOCIALE (CCAS) DE MIGNE-AUXANCES (86440),
représenté par Maître François REYE, avocat au barreau de POITIERS ;
DÉFENDERESSE
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA VIENNE, dont le siège est sis 41 rue du Touffenet – 86043 POITIERS CEDEX 9,
représentée par Madame [J] [V], munie d’un pouvoir ;
DÉBATS
A l’issue des débats en audience publique le 1er octobre 2024, le tribunal a indiqué que le jugement sera prononcé par mise à disposition au Greffe le 19 novembre 2024.
COMPOSITION DU TRIBUNAL
PRÉSIDENTE : Nicole BRIAL,
ASSESSEUR : Céline SCHWEBEL, représentant les employeurs,
ASSESSEUR : Catherine LEFEVRE, représentant les salariés,
GREFFIER, lors des débats et de la mise à disposition au greffe : Olivier PETIT.
LE : 19/11/2024
Notifications à :
– EHPAD LES FOUGERES
– CPAM de la Vienne
Copie à :
– Me François REYE
La Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Vienne a procédé à un contrôle du suivi de la consommation médicale des résidents de l’Etablissement d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD) LES FOUGERES sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2021. A ce titre, elle a relevé plusieurs anomalies de facturation sur l’enveloppe soins de ville pour une incidence financière de 46.233,65 €.
Par décision du 23 septembre 2022, la CPAM de la Vienne a adressé à l’EHPAD LES FOUGERES une notification d’indu ramené à un montant de 43.530,79 € suites aux observations produites à l’issue du contrôle.
Le 29 novembre 2022, l’EHPAD LES FOUGERES a saisi la Commission de recours amiable (CRA) en contestation de la décision d’indu.
Par décision du 23 février 2023, notifiée le 10 mars suivant, la CRA a rejeté le recours de l’EHPAD LES FOUGERES.
Par requête déposée au greffe le 9 mai 2023, l’EHPAD LES FOUGERES a saisi le tribunal judiciaire de Poitiers en contestation de la décision de rejet de la CRA.
Par une ordonnance du 21 mars 2024, le juge de la mise en état a fixé: un calendrier procédural d’échange des écritures et pièces entre les parties, la clôture des débats au 23 septembre 2024 et la date d’audience au 1er octobre 2024.
L’affaire a été utilement appelée et plaidée à l’audience du 1er octobre 2024.
A cette audience, l’EHPAD LES FOUGERES, représenté par conseil, a demandé au tribunal de :
– annuler la décision de la CPAM de la Vienne lui notifiant un indu d’un montant de 43.530,79 € ;
– condamner la CPAM de la Vienne à lui restituer toute somme qui aurait été retenue pour couvrir le prétendu indu ;
– condamner la CPAM de la Vienne à lui verser la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il sera renvoyé à ses conclusions reçues au greffe le 23 septembre 2024, pour un plus ample exposé des moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
En défense, la CPAM de la Vienne, valablement représentée, a conclu au débouté, et a sollicité la condamnation de l’EHPAD LES FOUGERES à lui payer la somme actualisée de 43.530,79 € au titre de l’indu notifié.
Il sera renvoyé à ses conclusions reçues au greffe le 23 septembre 2024, pour un plus ample exposé des moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
A l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 19 novembre 2024, par mise à disposition au greffe.
Sur le bien-fondé de l’indu :
A titre liminaire, il convient de préciser que seule l’absence de prise en charge des dispositifs de perfusion à domicile par diffuseur par l’assurance maladie est contestée au titre de l’indu, de sorte que les autres chefs d’indu seront maintenus pour un montant de 655.74 €, selon le décompte produit par la CPAM de la Vienne.
Le premier alinéa de l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale indique : « Le remboursement par l’assurance maladie des dispositifs médicaux à usage individuel, des tissus et cellules issus du corps humain quel qu’en soit le degré de transformation et de leurs dérivés, des produits de santé autres que les médicaments visés à l’article L. 162-17 et des prestations de services et d’adaptation associées est subordonné à leur inscription sur une liste établie après avis d’une commission de la Haute Autorité de santé mentionnée à l’article L. 161-37. L’inscription est effectuée soit par la description générique de tout ou partie du produit concerné, soit sous forme de marque ou de nom commercial. L’inscription sur la liste peut elle-même être subordonnée au respect de spécifications techniques, d’indications thérapeutiques ou diagnostiques et de conditions particulières de prescription, d’utilisation et de distribution ».
L’article L. 133-4-4 du même code énonce : « Lorsqu’un organisme chargé de la gestion d’un régime obligatoire d’assurance maladie prend en charge, pour une personne résidant dans un établissement mentionné aux I, II et IV bis de l’article L. 313-12 du code de l’action sociale et des familles, à titre individuel, des prestations d’assurance maladie qui relèvent des tarifs afférents aux soins fixés en application de l’article L. 314-2 du même code, les sommes en cause, y compris lorsque celles-ci ont été prises en charge dans le cadre de la dispense d’avance des frais, sont déduites par la caisse mentionnée à l’article L. 174-8 du présent code, sous réserve que l’établissement n’en conteste pas le caractère indu, des versements ultérieurs que la caisse alloue à l’établissement au titre du forfait de soins. Les modalités de reversement de ces sommes aux différents organismes d’assurance maladie concernés sont définies par décret.
L’action en recouvrement se prescrit par trois ans à compter de la date de paiement à la personne de la somme en cause. Elle s’ouvre par l’envoi à l’établissement d’une notification du montant réclamé ».
L’article R. 314-166 du code de l’action sociale et des familles dispose: » I.- Les produits de la part du forfait global relatif aux soins prévue au 1° de l’article R. 314-159 et des tarifs journaliers relatifs aux soins ne peuvent être employés qu’à couvrir les charges suivantes : 1° Les charges relatives aux prestations de services à caractère médical, au petit matériel médical et aux fournitures médicales dont la liste est fixée par arrêté des ministres chargés des affaires sociales et de la sécurité sociale, dans les conditions prévues à l’article L. 314-8 ; […] ».
L’article R. 314-167 dudit code énonce : « Ne relèvent pas d’une prise en charge par les produits du forfait global relatif aux soins et sont à la charge des régimes obligatoires de base de l’assurance maladie, dans les conditions prévues par le code de la sécurité sociale, ou de l’aide médicale d’Etat, les prestations suivantes : […] 8° Pour les établissements ne disposant pas d’une pharmacie à usage intérieur, les dispositifs médicaux qui ne sont pas inclus dans la liste prévue au septième alinéa de l’article L. 314-8 ».
L’article L. 314-8 du même code, septième alinéa, prévoit : « Dans les établissements et services mentionnés au 6° du I de l’article L. 312-1 qui ne disposent pas de pharmacie à usage intérieur qui ne sont pas membres d’un groupement de coopération sanitaire ou d’un groupement de coopération sociale et médico-sociale disposant d’une pharmacie à usage intérieur, les prestations de soins mentionnées au 1° du I de l’article L. 314-2 ne comprennent pas l’achat, la fourniture, la prise en charge et l’utilisation de médicaments inscrits sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables mentionnées à l’article, L. 162-17 du code de la sécurité sociale, ni ceux des produits et prestations mentionnés à l’article L. 165-1 du même code, à l’exception de certains dispositifs médicaux dont la liste est fixée par arrêté. Ces dispositions s’appliquent à compter du 1er janvier 2008. Elles sont applicables aux contrats mentionnés au IV ter de l’article L. 313-12 en cours à cette date ».
L’arrêté du 26 avril 1999, dans sa version modifiée par l’arrêté du 30 mai 2008, prévoit en son article 1er que « le tarif journalier afférent aux soins, dénommé partiel, en application de l’article 9 du décret du 26 avril 1999 susvisé comprend les charges suivantes : […]
5° Le petit matériel médical dont la liste figure en annexe I du présent arrêté et les fournitures médicales ;
6° L’amortissement du matériel médical dont la liste figure en annexe II du présent arrêté »
L’article 2 de ce même arrêté énonce que « Le tarif journalier afférent aux soins, dénommé global, en application de l’article 9 du décret susvisé, inclut, outre les charges prévues à l’article 1er :
1° Les charges correspondant aux dépenses de rémunération et de prescriptions des médecins généralistes libéraux intervenant dans l’établissement ;
2° Les charges correspondant aux dépenses de rémunération des auxiliaires médicaux libéraux ;
3° Les examens de biologie et de radiologie autres que ceux inclus dans les dispositions prévues à la rubrique f de l’annexe III du décret précité ».
Il ressort de l’arrêté du 30 mai 2008 fixant la liste du petit matériel médical et des fournitures médicales ainsi que la liste du matériel médical amortissable compris dans le tarif journalier afférent aux soins, que celui-ci vise, outre les petits matériels, le matériel médical amortissable. L’acception économique de l’épithète « amortissable » implique qu’il s’agit de matériel médical d’un coût nécessairement plus élevé, qui ne peut faire l’objet d’une prise en charge comptable par le mouvement d’un simple compte « achat », mais devant au contraire être comptabilisé par l’intermédiaire d’un compte « amortissement » qui a vocation à étaler la charge comptable de ces types de matériels sur plusieurs exercices. En effet, les biens amortissables sont par nature des « immobilisations » dont la durée d’utilisation est limitée dans le temps, mais qui doit être a minima d’un an et dont la valeur est, généralement, supérieure ou égale à 500 € hors taxes.
L’annexe de l’arrêté du 30 mai 2008, se substituant à celle de l’arrêté du 26 avril 1999, établit ainsi la liste des dispositifs médicaux compris dans le tarif afférent aux soins prévu par l’article R 314-161 du code de l’action sociale et des familles en application de l’article R 314-162 de ce code. Si en toute logique on peut trouver dans son paragraphe I relatif au « petit matériel et fournitures médicales » l’abaisse-langue, le doigtier, le gant stérile, les articles pour pansements, les sondes (naso-gastriques, naso-entérale, vésicale), la seringue et l’aiguille ainsi que d’autres matériels faisant à l’évidence l’objet d’une consommation finale, au sens économique du terme, le paragraphe II consacré au « matériel médical amortissable » comprend pour sa part le chariot de soins, l’électrocardiographe, le stérilisateur, le fauteuil roulant, le lit médicalisé ainsi que d’autres matériels d’un coût justifiant un amortissement comptable.
Ce même paragraphe II fait également référence aux « Matériels de perfusion périphérique et leurs accessoires (pied à sérum, potence, panier de perfusion) ». Il convient ainsi de comprendre que ces matériels de perfusion sont réutilisables, et donc amortissables au sens de l’acception précitée.
En outre, si cette annexe précise en introduction que « Les dispositifs médicaux cités dans la présente annexe et inscrits en outre sur la liste des produits et prestations remboursables mentionnée à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale doivent respecter les spécifications techniques prévues, le cas échéant, par ladite liste », cette précision n’a pas d’autre portée que de rappeler que les matériels qui sont inscrits sur la liste des produits et prestations (LPP) doivent en respecter les spécifications techniques.
L’arrêté du 12 avril 2016, portant modification des modalités de prise en charge de dispositifs médicaux de perfusion à domicile et prestations associées visées sur la liste des produits et prestations prévue à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, rectifié par un arrêté du 28 avril 2016, vient uniquement créer, au sein de la LPP, une nouvelle sous-section 1 intitulée « Dispositifs médicaux et prestations associées de perfusion à domicile (hors insulinothérapie) » au sein de la section 2 relative aux « Dispositifs médicaux pour perfusion à domicile ».
En l’espèce, il n’est pas contesté que l’EHPAD LES FOUGERES a opté pour un forfait global de soins versé par l’assurance maladie et qu’il ne dispose pas d’une pharmacie à usage intérieur.
La CPAM de la Vienne a relevé plusieurs anomalies de facturation sur l’enveloppe soins de ville à hauteur de 43.530,79 €, au motif que les dispositifs de perfusion à domicile qui lui ont été facturés par le fournisseur de l’EHPAD LES FOUGERES, la société LG POITOU SERVICES, étaient déjà pris en charge par l’assurance maladie au titre du forfait global de soins alloué à l’EHPAD, occasionnant ainsi une double facturation de ces dispositifs médicaux au regard de l’arrêté du 30 mai 2008.
La caisse indique avoir adressé un rappel réglementaire à certains fournisseurs d’EHPAD en matière d’appareillages médicaux, notamment à la société LG POITOU SERVICES, par un courrier du 8 septembre 2022 qui indique : « La CPAM a été sollicitée à de nombreuses reprises par des EHPAD suite à la proposition de contractualisation réalisée par des entreprises fournisseurs d’appareillages.
Dans ce contexte, nous souhaitons vous rappeler le périmètre de prise en charge des dispositifs médicaux dans les EHPAD (conformément à l’article 314-8 du CASF).
Pour les EHPAD sans pharmacie à usage interne, tous les dispositifs médicaux remboursables sont pris en charge en sus du forfait de soins à l’exception de la liste du petit matériel médical, des fournitures médicales et du matériel médical amortissable annexée à l’arrêté du 30/05/2008 (Voir Liste des dispositifs médicaux en document en pièce jointe) qui sont inclus dans le forfait de soin.
Pour les EHPAD avec pharmacie à usage interne, tous les dispositifs médicaux remboursables sont inclus dans le forfait de soins quelle que soit l’option tarifaire choisie par l’EHPAD y compris la liste du petit matériel médical, des fournitures médicales et du matériel médical amortissable annexée à l’arrêté du 30/05/2008 (Voir Liste des dispositifs médicaux en document en pièce jointe).
Nous vous remercions de prendre en compte ce rappel réglementaire ».
Or, dans ce courrier la CPAM se borne à rappeler des textes avec des indications de portée générale qui, au demeurant, ne permettent pas à son destinataire de comprendre précisément en quoi les dispositifs de perfusion à domicile qu’il a facturés à l’assurance maladie ne peuvent être pris en charge en sus du forfait de soins déjà alloué aux EHPAD qu’il fournit.
Cet arrêté du 30 mai 2008, détaille la liste des dispositifs médicaux concernés par la réintégration budgétaire au sein des « forfaits soins » des établissements sans pharmacie à usage interne. Il n’est toutefois pas contesté par les parties que cet arrêté n’a pas été modifié par l’arrêté du 12 avril 2016, lequel a seulement créé une nouvelle nomenclature des dispositifs de perfusion à domicile.
Au soutien de ses prétentions, la CPAM de la Vienne produit un listing faisant apparaître le nom de chaque résident intéressé, la prestation, le produit ou le matériel payé, leur date, le montant de la dépense et du remboursement, ainsi que le nom de l’exécutant et soutient que ces prestations et soins ont été pris en charge à tort par l’assurance maladie au titre des soins de ville comme étant inclus dans le forfait soins versé directement à l’établissement, pour un indu total de 43.540,29 €.
Le moyen soulevé par la CPAM selon lequel l’EHPAD LES FOUGERES aurait déjà reconnu l’indu est inopérant dès lors que celui a été contesté dans son intégralité devant la CRA.
Elle relève ainsi plusieurs codes issus de la LPP qui ne pourraient pas faire l’objet d’une prise en charge en sus du forfait de soins déjà alloué à l’EHPAD :
– 1107250 : PERFADOM36-C-DIFF=4A6/S – Forfait hebdomadaire de consommables et d’accessoires de la perfusion à domicile par diffuseur pour la prescription de quatre à six perfusions par semaine. La prise en charge est assurée pour les patients répondant aux conditions générales d’attribution de la perfusion à domicile, définies au point I de la présente sous-section, pour un des modes d’administration de la perfusion listés au point III.1.3 relatif aux diffuseurs. Ce forfait comprend un ou plusieurs des 9 types d’ensembles de consommables et d’accessoires décrits au point II.3.2 ;
– 1179165 : PERFADOM8-S-DIFF – Forfait hebdomadaire de suivi de la perfusion à domicile par diffuseur. La prise en charge est assurée pour les patients répondant aux conditions générales d’attribution de la perfusion à domicile, définies au point I de la présente sous-section, pour un mode d’administration de la perfusion listé au point III.1.3, relatif aux diffuseurs ;
– 1101648 : PERFADOM35-C-DIFF=2A3/S – Forfait hebdomadaire de consommables et d’accessoires de la perfusion à domicile par diffuseur pour la prescription de deux à trois perfusions par semaine. La prise en charge est assurée pour les patients répondant aux conditions générales d’attribution de la perfusion à domicile, définies au point I de la présente sous-section, pour un des modes d’administration de la perfusion listés au point III.1.3 relatif aux diffuseurs. Ce forfait comprend un ou plusieurs des 9 types d’ensembles de consommables et d’accessoires décrits au point II.3.2 ;
– 1164778 : PERFADOM4-I1-DIFF – Forfait de première installation de la perfusion à domicile par diffuseur. La prise en charge est assurée pour les patients répondant aux conditions générales d’attribution de la perfusion à domicile, définies au point I de la présente sous-section, pour un mode d’administration de la perfusion défini au point III.1.3 relatif aux diffuseurs ;
– 1154018 : PERFADOM37-C-DIFF=1/J – Forfait hebdomadaire de consommables et d’accessoires de la perfusion à domicile par diffuseur, pour la prescription d’une perfusion par jour ou 7 perfusions sur 7 jours. La prise en charge est assurée pour les patients répondant aux conditions générales d’attribution de la perfusion à domicile, définies au point I de la présente sous-section, pour un des modes d’administration de la perfusion listés au point III.1.3 relatif aux diffuseurs. Ce forfait comprend un ou plusieurs des 9 types d’ensembles de consommables et d’accessoires décrits au point II.3.2 ;
– 1191108 : PERFADOM5-I2-DIFF – Forfait de seconde installation d’un diffuseur à compter du 5ème jour (à partir de J+4) après une première installation de perfusion à domicile par système actif ou de nutrition parentérale à domicile ;
– 1131030 : PERFADOM38-C-DIFF=2/J – Forfait hebdomadaire de consommables et d’accessoires de la perfusion à domicile par diffuseur pour la prescription de deux perfusions par jour ou 14 perfusions sur 7 jours. La prise en charge est assurée pour les patients répondant aux conditions générales d’attribution de la perfusion à domicile, définies au point I de la présente sous-section, pour un des modes d’administration de la perfusion listés au point III.1.3 relatif aux diffuseurs. Ce forfait comprend un ou plusieurs des 9 types d’ensembles de consommables et d’accessoires décrits au point II.3.2 ;
Ces codes LPP concernent ainsi, soit des forfaits hebdomadaires de consommables et d’accessoires de la perfusion à domicile par diffuseur, soit des forfaits d’installation ou de suivi de la perfusion à domicile par diffuseur.
A ce titre, la LPP indique expressément qu’un « diffuseur portable est un dispositif médical stérile externe non implantable, à usage unique, qui permet la diffusion en ambulatoire de médicaments par un mécanisme utilisant une énergie autre que l’électricité, la gravité ou le corps humain et fournie par le dispositif ».
Il résulte de tout ce qui précède, qu’au regard du contenu limitatif des matériels compris dans le forfait au sens de l’arrêté du 30 mai 2008 et des listes annexées à cet arrêté, le matériel de perfusion par diffuseur n’est pas compris dans le forfait de soins puis qu’il n’est pas réutilisable et donc pas « amortissable ». Il en va de même pour les accessoires autres que ceux expressément mentionnés par ledit arrêté « pied à sérum, potence, panier de perfusion », ainsi que pour les consommables qui sont par définition à usage unique.
En outre, si l’annexe I dudit arrêté prévoit que les seringues et aiguilles sont comprises dans le forfait de soin, elle précise « sauf si le matériel est compris dans la rémunération de l’acte ». Les petits matériels compris dans les forfaits de perfusion à domicile par diffuseur, ne rentrent donc pas dans le forfait de soin.
Il ressort également de cet arrêté que l’installation et le suivi des dispositifs de perfusion par diffuseur n’y sont pas expressément mentionnés, de sorte qu’ils ne sont pas compris dans le forfait de soin.
En conséquence, il conviendra d’annuler partiellement l’indu réclamé à l’EHPAD LES FOUGERES dès lors que l’ensemble des dispositifs médicaux de perfusions à domicile par diffuseur devait être pris en charge par l’assurance maladie en sus du forfait global de soins alloué à l’EHPAD. Toutefois, l’EHPAD LES FOUGERES sera condamné à payer à la CPAM de la Vienne la part non contestée de l’indu, pour un montant de 655.74 €.
L’EHPAD LES FOUGERES ne rapportant pas la preuve d’éventuelles retenues opérées par la CPAM de la Vienne pour couvrir l’indu, il sera débouté de sa demande de restitution.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Il serait inéquitable de laisser à l’EHPAD LES FOUGERES l’entière charge de ses frais de justice. Aussi, la CPAM de la Vienne sera condamnée à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Le Tribunal judiciaire, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
ANNULE partiellement l’indu notifié à l’Etablissement d’hébergement des personnes âgées dépendantes LES FOUGERES le 23 septembre 2022, pour un montant de 42.875,05 euros ;
CONDAMNE l’Etablissement d’hébergement des personnes âgées dépendantes LES FOUGERES à payer à la Caisse primaire d’assurance maladie de la Vienne, en deniers ou quittances, la somme de 655.74 euros au titre des chefs non contestés de l’indu notifié le 23 septembre 2022 ;
CONDAMNE la Caisse primaire d’assurance maladie de la Vienne à verser à la l’Etablissement d’hébergement des personnes âgées dépendantes LES FOUGERES une somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties de leurs autres demandes ;
CONDAMNE la Caisse primaire d’assurance maladie de la Vienne aux dépens.
Ainsi dit et jugé les jour, mois et an susdits.
Le Greffier, La Présidente,
O. PETIT N. BRIAL
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