L’Essentiel : M. [R] [U] et Mme [O] [C] [V] se sont mariés en 1990 sous le régime de la communauté légale, puis ont opté pour la séparation de biens en 1992. Leur divorce a été prononcé en 2022, mais la liquidation de leur régime matrimonial est en suspens. Leur patrimoine indivis comprend un ancien domicile conjugal et un immeuble générant des revenus fonciers. La société CTI [U] Bâtiment a assigné Mme [V] et M. [U] pour le paiement de travaux, mais le tribunal a débouté Mme [V] et condamné M. [U] à payer. La cour a confirmé ce jugement en appel.
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Contexte matrimonial et séparation des biensM. [R] [U] et Mme [O] [C] [V] se sont mariés le 21 avril 1990 sous le régime de la communauté légale, avant d’adopter le régime de la séparation de biens par jugement d’homologation le 12 décembre 1992. M. [U] est gérant unique de la société CTI [U] Bâtiment, immatriculée le 31 mars 2015. Le divorce a été prononcé par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 9 juin 2022, mais la liquidation du régime matrimonial reste en suspens. Patrimoine immobilier des épouxLe patrimoine indivis des époux comprend deux biens immobiliers : un immeuble à usage d’habitation, ancien domicile conjugal, occupé par M. [U], et un immeuble générant des revenus fonciers, composé de quatre appartements et d’une maison. M. [U] possède également deux autres immeubles à Mérignac et quatre parts de la SCI ACS, tandis que Mme [V] détient un immeuble à Mérignac et quatre parts de la même SCI. Litige concernant des travaux réalisésLa société CTI [U] Bâtiment a assigné Mme [V] et M. [U] en juillet 2019 pour obtenir le paiement de travaux réalisés, incluant une facture de 19 720,80 euros pour des travaux sur un bien propre de Mme [V] et deux factures totalisant 104 061,65 euros pour des travaux effectués dans l’ancien logement familial. Le tribunal a débouté la société de ses demandes contre Mme [V] mais a condamné M. [U] à payer la somme de 104 061,65 euros. Appel de la société CTI [U] BâtimentLa société CTI [U] Bâtiment a fait appel du jugement, contestando le débouté de ses demandes contre Mme [V] et la condamnation de M. [U]. Elle a demandé la réformation du jugement pour obtenir le paiement des factures contestées et la confirmation de la condamnation de M. [U]. Arguments des parties en appelLes parties ont présenté des conclusions variées. La société CTI [U] Bâtiment a soutenu que les travaux avaient été réalisés sur des biens indivis et a demandé des condamnations in solidum. M. [U] a contesté sa condamnation à payer la somme de 104 061,65 euros, tandis que Mme [V] a demandé la confirmation du jugement initial et des dommages et intérêts pour procédure abusive. Décision de la courLa cour a examiné les demandes en paiement, notamment celles relatives aux factures de 2017. Elle a constaté que les travaux avaient été réalisés sur des biens personnels et indivis, sans preuve suffisante de l’accord de Mme [V] pour le paiement. La cour a confirmé le jugement initial, rejetant les demandes de la société CTI [U] Bâtiment et condamnant celle-ci aux dépens et à verser des frais irrépétibles à Mme [V]. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature des obligations contractuelles entre M. [U] et Mme [V] concernant les travaux réalisés ?Les obligations contractuelles entre M. [U] et Mme [V] concernant les travaux réalisés sont régies par les dispositions du Code civil, notamment les articles 1359 et 1360. Selon l’article 1359 du Code civil, « l’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant 1.500 euros doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique. » Cela signifie qu’en l’absence d’un écrit, il est difficile de prouver l’existence d’une obligation de paiement pour des travaux d’un montant supérieur à ce seuil. De plus, l’article 1360 précise que ces règles de preuve peuvent être assouplies en cas d’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit. Dans le cas présent, Mme [V] soutient que les travaux ont été réalisés par M. [U] sur son temps personnel et non dans le cadre de son entreprise, ce qui complique la question de l’existence d’une obligation contractuelle. En l’absence d’un écrit ou d’un commencement de preuve, l’existence du consentement de Mme [V] à payer pour les travaux n’est pas établie, ce qui renforce la position de Mme [V] dans ce litige. Quelles sont les implications de la séparation de biens sur les travaux réalisés dans le domicile conjugal ?La séparation de biens a des implications significatives sur la gestion des biens et des obligations entre époux, comme le stipule l’article 1400 du Code civil. Cet article précise que « chacun des époux conserve la propriété de ses biens personnels et a la libre disposition de ceux-ci. » Ainsi, dans le cadre d’un régime de séparation de biens, les travaux réalisés sur un bien propre d’un époux, comme c’est le cas pour Mme [V], ne peuvent pas être considérés comme une obligation de l’autre époux, M. [U], à moins qu’il n’existe un accord explicite. Dans cette affaire, les travaux réalisés par M. [U] sur le bien de Mme [V] n’ont pas été formalisés par un contrat écrit, ce qui complique la possibilité de réclamer un paiement. De plus, les travaux d’entretien, comme ceux réalisés dans le domicile conjugal, sont généralement considérés comme des obligations incombant à l’occupant des lieux, ce qui renforce l’argument selon lequel M. [U] ne peut pas réclamer de paiement pour ces travaux. Comment la prescription des demandes en paiement est-elle appliquée dans ce cas ?La prescription des demandes en paiement est régie par l’article L 218-2 du Code de la consommation, qui stipule que « l’action en paiement se prescrit par deux ans à compter de la date à laquelle le créancier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. » Dans le cas présent, Mme [V] évoque la prescription des demandes en paiement des factures datées du 12 juillet et du 21 octobre 2017, soutenant que le point de départ de la prescription devrait être la date de réalisation des travaux et non celle de l’émission des factures. Le tribunal a retenu que le point de départ du délai de prescription était la date d’édition des factures, ce qui est conforme à l’article L 218-2. Cependant, la cour a également noté que la fin de non-recevoir relative à la prescription n’a pas été reprise dans le dispositif des conclusions de Mme [V], ce qui a conduit à son rejet. Ainsi, la question de la prescription est cruciale dans ce litige, car elle détermine si les demandes de paiement de la société CTI [U] Bâtiment sont recevables ou non. Quels sont les critères pour établir une procédure abusive dans le cadre de ce litige ?La notion de procédure abusive est encadrée par le Code de procédure civile, notamment par l’article 32-1, qui stipule que « le droit d’agir en justice et d’exercer une voie de recours ne dégénère en abus qu’en cas de faute caractérisée par l’intention de nuire de son auteur, sa mauvaise foi ou sa légèreté blâmable. » Dans le cas présent, Mme [V] soutient que la société CTI [U] Bâtiment a établi des factures sans cause, ce qui pourrait constituer une procédure abusive. Cependant, la cour a noté que le caractère frauduleux des factures n’a pas été établi, ce qui signifie que la simple absence de fondement des prétentions ne suffit pas à caractériser une procédure abusive. Il est donc essentiel de prouver l’intention de nuire ou la mauvaise foi pour que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive soit recevable. Dans cette affaire, la cour a confirmé le jugement déféré en rejetant la demande de Mme [V] pour procédure abusive, soulignant l’absence de preuve d’une telle intention de la part de la société CTI [U] Bâtiment. |
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 25 NOVEMBRE 2024
N° RG 22/00764 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MRKQ
S.A.R.L. CTI [U] BATIMENT
c/
[R] [U]
[O] [C] [V] épouse [U]
Nature de la décision : AU FOND
Copie exécutoire délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 janvier 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de bordeaux (RG : 19/06424) suivant déclaration d’appel du 14 février 2022
APPELANTE :
S.A.R.L. CTI [U] BATIMENT agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
Activité : , demeurant [Adresse 5] – [Localité 6]
Représentée par Me Charlotte MOUSSEAU de la SCP LAYDEKER – SAMMARCELLI – MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
[R] [U]
né le 23 Novembre 1963 à [Localité 8] (Portugal)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 5] – [Localité 6]
Représenté par Me Alrick METRAL de l’ASSOCIATION METRAL ET PENAUD-METRAL, avocat au barreau de BORDEAUX
[O] [C] [V] épouse [U]
née le 05 Mai 1967 à [Localité 7] (Portugal)
de nationalité Portugaise,
demeurant [Adresse 3] – [Localité 2]
Représentée par Me David LEMEE, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 octobre 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bénédicte LAMARQUE, conseiller, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Paule POIREL, présidente,
Bénédicte LAMARQUE, conseiller,
Emmanuel BREARD, conseiller,
Greffier lors des débats : Vincent BRUGERE
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
M. [R] [U] et Mme [O] [C] [V] se sont mariés le 21 avril 1990 sous le régime de la communauté légale et ont adopté, par jugement d’homologation rendu le 12 décembre 1992, le régime de la séparation de biens.
M. [U] est gérant unique de la société CTI [U] Bâtiment, immatriculée le 31 mars 2015.
Par jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 9 juin 2022, le divorce a été prononcé, l’ordonnance de non-conciliation du 5 décembre 2017 ayant attribué la jouissance du domicile conjugal à l’époux, à titre onéreux. La liquidation du régime matrimonial n’est pas encore réglée.
Le patrimoine indivis des époux [U] – [V] comporte deux biens immobiliers :
– un immeuble à usage d’habitation, situé [Adresse 5] à [Localité 6], qui
constituait l’ancien domicile conjugal, occupé par M. [U] seul ;
– un immeuble composé de quatre appartements et d’une maison, procurant des revenus fonciers, situé [Adresse 1] à [Localité 6].
L’époux est par ailleurs propriétaire de deux immeubles à usage d’habitation situés à Mérignac et de quatre parts de la SCI ACS.
L’épouse est de son côté propriétaire d’un immeuble à usage d’habitation, situé à Mérignac, et de quatre parts de la SCI ACS.
Les époux ont fait le choix, sur les années de vie commune, d’effectuer ou de faire effectuer des travaux dans divers biens indivis ou personnels de Mme [V].
Par acte d’huissier du 11 juillet 2019, la société CTI [U] Bâtiment a fait assigner Mme [V] et M. [U] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins, notamment, d’obtenir le paiement par Mme [V] d’une facture d’un montant de 19 720,80 euros pour le paiement de travaux réalisés sur un bien propre et par Mme [V] et M. [U], in solidum, de deux factures totalisant la somme de 104 061,65 euros correspondant à des travaux effectués dans l’ancien logement familial.
Par jugement contradictoire du 13 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
– débouté la société CTI [U] Bâtiment de l’ensemble de ses demandes formées à l’encontre de Mme [V] ;
– condamné M. [U], conformément à sa demande, à payer à la société CTI [U] Bâtiment la somme de 104 061,65 euros ;
– condamné la société CTI [U] Bâtiment à payer à Mme [V] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les parties du surplus de leurs prétentions ;
– condamné in solidum la société CTI [U] et M. [U] aux dépens.
La société CTI [U] Bâtiment a relevé appel de ce jugement par déclaration du 14 février 2022, en ce qu’il a :
– débouté la société CTI [U] Bâtiment de l’ensemble de ses demandes formées à l’encontre de Mme [V] ;
– condamné M. [U], conformément à sa demande, à payer à la société CTI [U] Bâtiment la somme de 104 061,65 euros ;
– condamné la société CTI [U] Bâtiment à payer à Mme [V] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les parties du surplus de leurs prétentions ;
– condamné in solidum la société CTI [U] et M. [U] aux dépens.
Par dernières conclusions déposées le 26 octobre 2022, la société CTI [U] Bâtiment demande à la cour de :
– réformer le jugement en ce qu’il a :
– débouté la société CTI [U] Bâtiment de ses demandes en paiement au titre des factures du 12 juillet 2017 et du 21 octobre 2017 à l’égard de Mme [V] ;
– condamné la société CTI [U] Bâtiment à verser à Mme [V] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société CTI [U] Bâtiment aux dépens ;
– confirmer le jugement pour le surplus.
Statuant à nouveau :
– condamner Mme [V] à verser à la société CTI [U] Bâtiment une somme de 19 720,80 euros TTC au titre de la facture établie le 12 juillet 2017 par la société CTI [U] Bâtiment, avec intérêt au taux légal à compter de l’assignation ;
– condamner in solidum Mme [V] et M. [U] à verser à la société CTI [U] Bâtiment une somme de 100 903 euros TTC au titre de la facture établie le 21 octobre 2017 par la société CTI [U] Bâtiment, avec intérêt au taux légal à compter de l’assignation ;
– débouter Mme [V] de ses demandes ;
– condamner in solidum Mme [V] et M. [U] à verser à la société CTI [U] Bâtiment une somme de 6 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner in solidum Mme [V] et M. [U] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Laydeker Sammarcelli Mousseau, avocats, sous ses affirmations de droit.
Par dernières conclusions déposées le 21 juillet 2022, M. [U] demande à la cour de :
– réformer le jugement datant du 13 janvier 2022 en ce qu’il a condamné M. [U] à payer à la société CTI [U] Bâtiment la somme de 104 061,65 euros.
Statuant de nouveau :
– condamner in solidum Mme [V] et M. [U] à verser à la société CTI [U] Bâtiment une somme de 104 061,65 euros au titre de deux factures établies les 21 octobre 2017 et 8 juillet 2019 par la société CTI [U] Bâtiment ;
– débouter Mme [V] de toute autre demande ;
– débouter la CTI [U] Bâtiment de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile à l’égard de M. [U] ;
– débouter la CTI [U] Bâtiment de sa demande de condamnation aux entiers dépens envers M. [U] ;
– condamner Mme [V] à verser à M. [U] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Mme [V] aux dépens d’appel.
Par dernières conclusions déposées le 5 août 2022, Mme [V] demande à la cour de :
– déclarer la société CTI [U] Bâtiment recevable mais non fondée en son appel ;
– confirmer le jugement du 13 janvier 2022 en ce qu’il a débouté la société CTI [U] Bâtiment de l’ensemble de ses demandes à l’égard de Mme [V] ;
– le réformer en que la demande de Mme [V] en dommages et intérêts pour procédure abusive a été rejetée ;
– débouter la société CTI [U] Bâtiment de l’ensemble de ses demandes ;
– débouter M. [U] de ses demandes ;
– condamner la société CTI [U] Bâtiment à verser à Mme [V] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive outre 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
L’affaire a été fixée à l’audience rapporteur du 14 octobre 2024.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 30 septembre 2024.
La cour est saisie de la condamnation en paiement prononcée par le tribunal, de M. [U] seul au titre de la facture du 12 juillet 2017 alors que l’appelante soutient qu’il s’agissait de travaux sur un bien propre de Mme [V] divorcée [U] et au titre de la facture du 21 octobre 2017 qui concernaient des travaux sur un bien indivis des époux, dont elle sollicite une condamnation in solidum des anciens époux. Les parties ne contestent pas la mise à la charge de M. [U] seul de la facture du 8 juillet 2019.
L’intimée soulève la prescription des demandes en paiement, sollicite la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu’il a rejeté sa demande de condamnation de M. [U] à des dommages et intérêts pour procédure abusive.
Elle replace cette action en paiement dans le contexte du partage de l’indivision communautaire au cours de laquelle M. [U] n’a pu obtenir récompense à l’égard de l’indivision pour les travaux qu’il a effectués à titre personnel au profit de celle-ci, ayant alors établi trois factures au nom de la société dont il est le gérant.
Sur la prescription
Mme [V] évoque dans ses conclusions la prescription des demandes en paiement des deux factures éditées le 12 juillet et 21 octobre 2017, faisant remonter le point de départ à la date de la réalisation de la prestation et non à l’établissement de la facture.
Le jugement déféré a motivé le rejet de la fin de non recevoir en retenant le point de départ du délai biennal de prescription de l’article L 218-2 du code de la consommation à la date d’édition des factures.
En application des articles 4 et 954 du code de procédure civile, la cour n’est pas saisie de la fin de non recevoir relative à la prescription qui n’a pas été reprise au dispositif des conclusions de l’intéressée.
Sur les demandes en paiement
– Sur la facture du 12 juillet 2017
L’appelante et M. [U] font valoir l’impossibilité morale dans laquelle se trouvait l’époux de solliciter la signature d’un écrit, qui aurait été contraire aux habitudes du couple, étant mariés depuis 30 ans et ayant noué un lien de confiance, rappelant que M. [U] était le seul gérant de la société, c’est lui qui faisait signer les devis par ses clients.
Ils confirment que les travaux ont été réalisés par un salarié de la société, conformément aux demandes de Mme [V] .
En l’espèce, Mme [V] ne conteste pas que les travaux ont bien eu lieu sur le bien qui lui appartient en propre [Adresse 4] à [Localité 6], mais soutient qu’ils ont été effectués par M. [U] sur son temps personnel et non avec son entreprise, sans que soit sollicitée une contrepartie financière à l’égard de la société de travaux dont il était gérant.
Selon l’article 1359 du code civil, l’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant 1.500 euros doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique.
Il ne peut être prouvé outre ou contre un écrit établissant un acte juridique, même si la somme ou la valeur n’excède pas ce montant, que par un autre écrit sous signature privée ou authentique.
L’article 1360 du même code précise toutefois que ces règles de preuve reçoivent exception en cas d’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit, s’il est d’usage de ne pas établir un écrit ou, lorsque l’écrit a été perdu par force majeure.
Enfin, selon l’article 1353, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Comme l’a parfaitement relevé le premier juge, la facture est émise par la société CTI [U] Bâtiment, détentrice de la personnalité morale, et non par M. [U] lui-même, sans qu’un devis préalable n’ait été signé. La société ne démontre pas qu’un salarié serait intervenu pour réaliser les travaux en lieu et place de M. [U].
Par ailleurs, les travaux ont été réalisés sur un bien propre de Mme [V], alors que les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens, justifiant la nécessité de rédaction d’un écrit.
Les appelants ne démontrent pas l’impossibilité morale à la signature d’un devis, puis d’un contrat entre la société et Mme [U].
En l’absence d’écrit ou de tout autre commencement de preuve, l’existence du consentement de Mme [V] à payer à la société le prix des travaux réalisés par son époux, n’est pas établi, la production de la facture émise le 12 juillet 2017 ne peut faire office de preuve dès lors que nul ne peut se constituer un titre à soit-même.
– sur la facture du 21 octobre 2017
La facture concerne des travaux réalisés dans l’ancienne maison conjugale en terrassement et pose de granit sur la terrasse Nord et de la plage de la piscine en terrasse Nord sur 180m2, la mise en peinture en 2017 de la murette, le nettoyage de la toiture et des murs de l’immeuble.
Les appelants soutiennent que les travaux ont été réalisés fin 2016 jusqu’en 2017, suite à des malfaçons sur des lames Silvadec recouvrant la plage de la piscine côté Nord. Ils versent le compte-rendu d’une réunion d’expertise du 25 août 2015 avec la société MBA ayant fourni les lames Silvadec ainsi que la facture du 30 juin 2016 de la société MBA pour 209 lames faisant expressément référence à la réunion d’expertise et le courrier du directeur administratif de MBA en date du 7 mars 2022 confirmant l’accord amiable intervenu, la société CTI [U] prenant en charge la dépose et repose de la terrasse contre un prix réduit de 50% des lames.
En appel est produit par la société CITI [U] un procès-verbal d’huissier du 28 mars 2022 attestant de modifications apportées par le changement de lames de la plage de la piscine : les lames Silvadec non rainurées sont de 18 cm de large remplaçant les précédentes lames de 11 cm et rainurées figurant sur les photos produites par Mme [U].
Le procès-verbal atteste que des carreaux de la terrasse et des marches permettant d’accéder à la piscine ont été refaits car des carreaux dans un ton de gris plus récents sont posés à côté de carreaux dans un ton de beige, plus anciens.
Il confirme la réfection des murs, repeints à neuf.
M. [T], salarié de l’entreprise CTI [U] atteste être intervenu pour des travaux sur l’ancienne maison conjugale, pour du pavage en granit et pour le pourtour de la piscine ainsi que pour des travaux intérieurs, ce que confirme un voisin, M. [B], sans précision de date, mentionnant toutefois dans une seconde attestation du 16 mai 2022 que les travaux se sont déroulés 5 à 6 ans auparavant.
Mme [V] confirme que les travaux ont bien été réalisés, mais par M. [U] sur son temps personnel et avant que la société CTI [U] Bâtiment ne soit constituée le 31 mars 2015. Elle produit des photos de la famille prises en 2008 sur la terrasse Nord qui n’était pas carrelée, puis en 2010, le carrelage ayant été acheté au Portugal et les lames Silvatec apparaissant déjà posées sur la place de la piscine.
Se reportant à la réunion d’expertise du 25 août 2015, elle maintient que les travaux de terrassement ont commencé avant 2006, les lames de la terrasse ont été achetées en 2007 sur lesquelles des fissures sont apparues en 2013. Après dédommagement et indemnisation par la société MBA, M. [U] s’est engagé à titre personnel à effectuer le remplacement des lames Silvadec.
Mme [V] confirme que M. [U] a effectué des travaux de peinture sur la murette en 2015 et que le nettoyage au karcher de la toiture et des murs a relevé de ses travaux d’entretien du domicile conjugal, sur son temps de week-end.
Enfin, s’agissant des travaux sur la terrasse Nord, elle soutient que les pavés en granit ont été posés sur du sable par l’oncle de M. [U] à une date antérieure à 2016.
En l’espèce, la société CTI [U] Bâtiment produit une simple facture en date du 30 juin 2016, sans devis signé. La facture est adressée au nom des deux époux. Il n’est pas contesté que les lames de la piscine ont été posées avant 2010, comme identifiées sur la photo produite par Mme [V], donc antérieurement à la création de la société CTI [U] Bâtiment, M. [U] ne produisant aucune facture, ce qui vient corroborer la pose de ces lames par lui seul sur son temps personnel.
Il n’est pas démontré que la remise en état des lames déteriorées en 2016/2017 a été faite par la société, même s’il est produit une facture au nom de la société CTI [U] Bâtiment en date du 30 octobre 2016 reprenant les termes du protocole d’accord, accompagné d’une attestation du directeur administratif de la société MBA en date du 7 mars 2022 attestant de l’arrangement amiable avec la société CTI [U] prenant à charge 50% des lames de terrasse, la dépose et la repose de la terrasse.
En effet, le protocole d’accord avec la société MBA fournisseur porte le nom de M. [U] en son nom personnel sans intervention de la société CITI [U] Bâtiment, celui ci s’engageant à titre personnel à la pose et la dépose des lames remplacées, l’expert désigné par l’assureur Pacifia de M. [U] mettant en relation la société MBA fournisseur et la société Silvadec, fabricant de lames sans que l’assurance de la société CTI [U] Bâtiment n’intervienne dans la procédure.
Le salarié attestant de son intervention ne précise pas à quel titre il est intervenu ni à quelle date.
Il n’est donc pas démontré que la société soit intervenue, la seule production de la facture et du grand livre ne pouvant constituer une preuve suffisante. La réalité de l’exécution par la société n’est pas établie.
Comme rappelé ci-dessus, même s’agissant du bien acquis en commun ayant constitué le domicile conjugal alors que les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens et que la réfection faisait suite à un litige résolu à l’amiable, M. [U] n’établit pas l’impossibilité d’éditer un devis régularisant les travaux de réparation qui auraient été prises en charge par une facture au nom de la société CTI [U] Bâtiment en date du 30 octobre 2016 reprenant les termes du protocole d’accord, permettant également indemnisation par l’assureur de M. [U].
En l’absence d’écrit, l’existence du consentement de Mme [V] sur le prix à payer en contrepartie de la réfection des lames n’est pas établi.
Les autres travaux de peinture et de nettoyage des murs constituent des travaux d’entretien incombant aux occupants des lieux, de sorte que la société, qui au surplus, ne démontre pas la réalisation des travaux, ne peut en réclamer le paiement.
Les travaux de pose de dalles en granit sur la terrasse Nord ne sont pas suffisamment étayés quant à leur nature et leur importance, aucune photo n’étant produite ni temps d’intervention permettant d’établir la réalité de l’intervention de la société.
Pour l’ensemble de ces raisons, le jugement déféré sera confirmé.
Sur la demande de Mme [V] pour procédure abusive
Soutenant que la CTI [U] Bâtiment a établi de factures sans cause, sous le couvert de son associé unique, Mme [V] sollicite sa condamnation à lui verser 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Le droit d’agir en justice et d’exercer une voie de recours ne dégénère en abus qu’en cas de faute caractérisée par l’intention de nuire de son auteur, sa mauvaise foi ou sa légèreté blâmable, qui ne résultent pas du seul caractère infondé des prétentions formulées.
Le caractère frauduleux des factures émises par la CTI [U] Bâtiment n’est pas établi.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de Mme [V].
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La CTI [U] Bâtiment partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel ainsi qu’au paiement à Mme [V] de la somme complémentaire de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d’appel.
La Cour,
Dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Condamne la CTI [U] Bâtiment à verser à Mme [V] la somme complémentaire de 4.000 euros au titre des frais irréptibles engagés en cause d’appel,
Condamne la CTI [U] Bâtiment aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Paule POIREL, présidente, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,
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