Conflit autour des obligations locatives et des conséquences d’un commandement de payer

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Conflit autour des obligations locatives et des conséquences d’un commandement de payer

L’Essentiel : M. [T], usufruitier d’un local commercial loué à la société Barat corporate, a assigné cette dernière en référé pour obtenir le paiement de loyers impayés s’élevant à 136.977,77 euros. Lors de l’audience du 23 octobre 2024, le juge a rejeté la demande de résiliation du bail formulée par la société, constatant que la clause résolutoire n’était pas acquise. Le tribunal a ordonné le paiement des loyers dus à M. [T] et a condamné la société à couvrir ses frais de justice, s’élevant à 3.000 euros. L’ordonnance a été mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.

Contexte de l’affaire

M. [T] est usufruitier d’un local commercial qu’il a loué à la société Barat corporate pour une activité de restauration rapide. Le bail, effectif depuis le 19 février 2018, stipule un loyer annuel de 190.000 euros, payable trimestriellement. En avril 2024, M. [T] a assigné la société en référé pour obtenir le paiement des loyers impayés.

Demandes de M. [T]

Lors de l’audience du 23 octobre 2024, M. [T] a demandé au juge de rejeter les demandes de la société Barat corporate, de condamner cette dernière à payer 136.977,77 euros pour loyers et charges impayés, ainsi qu’une somme de 3.500 euros pour les frais de justice. Il a également souhaité que la demande d’annulation du commandement de payer soit déclarée sans objet.

Demandes de la société Barat corporate

La société Barat corporate a demandé la résolution du bail, arguant que la clause résolutoire était acquise en raison de l’absence de paiement dans le délai imparti. Elle a également contesté la clarté du commandement de payer et a sollicité des délais de paiement de 24 mois, invoquant des difficultés financières.

Analyse des demandes de résiliation

Le juge a précisé que, bien qu’il puisse constater l’effet d’une clause résolutoire, il ne peut pas prononcer la résolution d’un contrat en raison de l’inexécution d’une obligation. La locataire ayant réglé une partie des arriérés, la clause résolutoire n’était pas acquise, et la demande de résiliation a été rejetée.

Décision sur la demande de provision

Le juge a constaté qu’il existait un arriéré de loyers et charges de 136.977,77 euros, montant qui n’était pas sérieusement contesté par la société Barat corporate. En conséquence, M. [T] a été condamné à recevoir cette somme à titre provisionnel.

Demande de délais de paiement

La demande de la société Barat corporate pour des délais de paiement a été rejetée. Le juge a noté que la société n’avait pas fourni de preuves suffisantes de difficultés financières, malgré un chiffre d’affaires significatif.

Frais et dépens

La société Barat corporate, en tant que partie perdante, a été condamnée à payer les dépens et une somme de 3.000 euros à M. [T] pour couvrir ses frais de justice.

Conclusion de l’ordonnance

Le tribunal a statué en faveur de M. [T], ordonnant le paiement des loyers dus et rejetant les demandes de la société Barat corporate. L’ordonnance a été mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de la clause résolutoire dans le cadre d’un bail commercial ?

La clause résolutoire est un mécanisme contractuel qui permet à une partie de mettre fin à un contrat en cas de manquement de l’autre partie à ses obligations.

Selon l’article L. 145-41 du Code de commerce, la clause résolutoire d’un bail commercial peut être mise en œuvre après un commandement de payer resté infructueux pendant un mois.

Dans le cas présent, la société Barat corporate a invoqué la clause résolutoire suite à un commandement de payer délivré le 12 avril 2023.

Cependant, il a été établi que la locataire a apuré les causes du commandement dans le délai imparti, en réglant la somme due le 12 mai 2023.

Ainsi, la clause résolutoire n’était pas acquise, et le bail n’a pas été résilié.

Le juge des référés ne peut pas prononcer la résolution d’un contrat pour non-respect des obligations par une partie, mais peut constater les effets d’une clause résolutoire mise en œuvre régulièrement.

Quelles sont les conditions pour obtenir une provision en référé ?

L’article 835 du Code de procédure civile précise que le juge des référés peut accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Dans le cas présent, le bailleur a demandé une provision pour des loyers et charges impayés, s’élevant à 136.977,77 euros au 23 octobre 2024.

Le relevé de compte locatif produit par le bailleur a confirmé l’existence de cet arriéré.

La société Barat corporate a contesté le commandement de payer, mais n’a pas remis en cause le montant réclamé.

Ainsi, l’obligation de paiement n’étant pas sérieusement contestable, le juge a condamné la société à verser la somme demandée à titre provisionnel.

Quelles sont les conditions pour obtenir des délais de paiement ?

L’article 1343-5 du Code civil permet au juge de reporter ou d’échelonner le paiement des sommes dues, dans la limite de deux années, en tenant compte de la situation du débiteur et des besoins du créancier.

La société Barat corporate a sollicité un délai de 24 mois, invoquant des difficultés financières.

Cependant, la seule pièce fournie était une attestation de son expert-comptable, indiquant un chiffre d’affaires de 3.712.055 euros pour l’année en cours.

Cette information ne justifiait pas des difficultés financières suffisantes pour accorder un délai de paiement.

Par conséquent, la demande de délais de paiement a été rejetée.

Quelles sont les conséquences des frais et dépens dans cette affaire ?

L’article 696 du Code de procédure civile stipule que la partie perdante est tenue aux dépens.

Dans cette affaire, la société Barat corporate, ayant perdu, a été condamnée à payer les dépens.

De plus, M. [T] a été indemnisé pour les frais non compris dans les dépens, conformément à l’article 700 du Code de procédure civile, à hauteur de 3.000 euros.

Cette indemnisation vise à couvrir les frais engagés par le demandeur pour faire valoir ses droits dans le cadre de la procédure.

Ainsi, la société Barat corporate a été condamnée à rembourser ces frais, en plus des sommes dues au titre des loyers impayés.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/52599 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4P25

N° : 17

Assignation du :
02 Avril 2024

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le :

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 21 novembre 2024

par Rachel LE COTTY, Première vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Larissa FERELLOC, Greffier.
DEMANDEUR

Monsieur [O] [T]
[Adresse 5]
[Localité 4]

représenté par Maître Françoise HERMET LARTIGUE, avocat au barreau de PARIS – #C0716

DEFENDERESSE

La société BARAT CORPORATE, pour signification [Adresse 1]
[Adresse 3]
[Localité 2]

représentée par Maître Stéphane INGOLD de la SELARL RETAIL PLACES, avocats au barreau de PARIS – #D266

DÉBATS

A l’audience du 23 Octobre 2024, tenue publiquement, présidée par Rachel LE COTTY, Première vice-présidente, assistée de Larissa FERELLOC, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

M. [T] est usufruitier d’un local commercial situé à [Adresse 6], qu’il a donné à bail à la société Barat corporate pour y exercer une activité de restauration rapide, selon contrat prenant effet le 19 février 2018, moyennant un loyer annuel de 190.000 euros, payable trimestriellement et d’avance en 4 termes égaux, charges en sus.

Par acte du 2 avril 2024, il a assigné la société Barat corporate devant le président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience du 23 octobre 2024, il demande au juge des référés de :

rejeter l’intégralité des demandes de la société Barat corporate ;dire sans objet sa demande d’annulation du commandement de payer du 22 février 2024 ;rejeter sa demande de délais de paiement ;condamner la défenderesse au paiement de la somme provisionnelle de 136.977,77 euros au titre des loyers et charges impayés au 23 octobre 2024 ;condamner la défenderesse au paiement d’une somme de 3.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement de payer, de l’assignation et de la signification des conclusions pour l’audience de renvoi.
Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience du 23 octobre 2024, la société Barat corporate demande au juge des référés de :

A titre principal,
juger que la clause résolutoire est acquise faute de paiement dans le délai d’un mois des causes du commandement de payer délivré le 12 avril 2023 ;juger que les locaux ne sont plus exploités ;juger que le bailleur a lui-même pris acte de la résiliation du bail en délivrant un second commandement sans viser la clause résolutoire ;En conséquence,
prononcer la résolution et/ou résiliation du bail ;A titre subsidiaire,
juger que le commandement de payer du 22 février 2024 n’est ni clair ni précis ;En conséquence,
prononcer la nullité du commandement de payer du 22 février 2024 et le juger nul et de nul effet ;débouter M. [T] de toutes ses demandes :En tout état de cause,
suspendre les effets du commandement de payer ;lui accorder 24 mois de délais pour s’acquitter des sommes mises à sa charge ;condamner le demandeur au paiement d’une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens.

MOTIFS

Sur la demande de résiliation ou de résolution du bail formée par la locataire

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

La locataire sollicite le prononcé de la résolution ou de la résiliation du bail sur le fondement des articles 1227 et 1228 du code civil, aux termes desquels le juge peut constater ou prononcer la résolution du contrat.

Elle expose qu’elle n’exerce plus aucune activité dans les locaux loués depuis la fin du mois d’avril 2024 et qu’elle tente en vain de céder son fonds de commerce, le loyer étant trop élevé. Elle ajoute que le bailleur, qui est conscient de cette difficulté, aurait dû tirer les conséquences du commandement de payer visant la clause résolutoire délivré en avril 2023 en constatant la résiliation du bail et estime que celui-ci ne maintient le contrat que de façon abusive.

Cependant, il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de prononcer la résolution d’un contrat pour méconnaissance par une partie de ses obligations.

S’il peut constater le jeu d’une clause résolutoire mise en oeuvre régulièrement et, en particulier, constater les effets de la clause résolutoire d’un bail commercial, en application de l’article L. 145-41 du code de commerce, un mois après un commandement demeuré infructueux, en l’espèce, il ne peut qu’être relevé qu’à la suite du commandement de payer visant la clause résolutoire du 12 avril 2023, la locataire a apuré les causes du commandement dans le délai d’un mois, réglant la somme de 67.601,64 euros le 12 mai 2023, de sorte que la clause résolutoire n’est pas acquise et que le bail n’est pas résilié.

La demande de la locataire sera donc rejetée.

Sur la demande de provision formée par le bailleur

En application de l’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile précité, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.
Aux termes de l’article 1728 du code civil, le paiement du prix du bail aux termes convenus constitue l’une des deux obligations principales du locataire.

En l’espèce, le relevé de compte locatif versé aux débats mentionne l’existence d’un arriéré de loyers et charges de 136.977,77 euros au 23 octobre 2024, échéance du 4ème trimestre 2024 incluse.

La société Barat corporate sollicite l’annulation du commandement de payer délivré le 22 février 2024 pour absence de décompte précis. Mais les causes de ce commandement ont été apurées, de sorte que le demandeur ne se fonde plus sur cet acte.

En tout état de cause, pas plus qu’il ne peut résilier un contrat le juge des référés ne peut-il annuler un commandement de payer.

Le décompte produit par le demandeur est précis et actualisé et la société Barat corporate ne conteste pas le montant réclamé, se bornant à contester les sommes visées au commandement du 22 février 2024.

Son obligation n’étant pas sérieusement contestable, elle sera condamnée à titre provisionnel à payer la somme de 136.977,77 euros au bailleur.

Sur la demande de délais de paiement

Aux termes de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

La société Barat corporate sollicite des délais de paiement de 24 mois, invoquant des difficultés financières.

Toutefois, la seule pièce récente communiquée sur sa situation financière est une attestation de son expert-comptable du 23 octobre 2024, qui affirme qu’elle a réalisé un chiffre d’affaires de 3.712.055 euros du 1er janvier au 23 octobre 2024.

Au regard de ce chiffre d’affaires et de l’absence de toute autre pièce justifiant de difficultés financières effectives, son incapacité à régler immédiatement la somme due au bailleur, lequel est un particulier retraité, n’est pas établie.

Sa demande sera donc rejetée.

Sur les frais et dépens

La société Barat corporate, partie perdante, sera tenue aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile, qui n’incluront pas le coût du commandement de payer sur lequel le bailleur ne se fonde plus.

Elle sera par suite condamnée à payer à M. [T] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile afin d’indemniser celui-ci des frais non compris dans les dépens qu’il a été contraint d’exposer.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,

Disons n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Barat corporate ;

Condamnons la société Barat corporate à payer à M. [T] la somme provisionnelle de 136.977,77 euros au titre des loyers et charges impayés au 23 octobre 2024, échéance du 4ème trimestre 2024 incluse ;

Rejetons sa demande de délais de paiement ;

Condamnons la société Barat corporate aux dépens ;

Condamnons la société Barat corporate à payer à M. [T] la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelons que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.

Ainsi ordonné et mis à disposition au greffe le 21 novembre 2024

Le Greffier, Le Président,

Larissa FERELLOC Rachel LE COTTY


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