Conflit locatif : enjeux de responsabilité et de régularisation des charges d’eau

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Conflit locatif : enjeux de responsabilité et de régularisation des charges d’eau

L’Essentiel : La SA PATRIMOINE LANGUEDOCIENNE a loué un immeuble à Monsieur [V] [U] et Madame [W] [X] [K] en novembre 2019. En mars 2023, une consommation d’eau anormale a été signalée, entraînant une régularisation de charges de 4.193,11€. Après des échanges infructueux, Monsieur [V] [U] a cessé de payer son loyer, menant à un commandement de payer en juillet 2023. Le 9 novembre 2023, le bailleur a assigné le locataire pour résiliation du bail et expulsion. Le tribunal a constaté un manquement du bailleur à alerter le locataire sur la surconsommation, ordonnant la réouverture des débats.

Contexte de la location

La SA PATRIMOINE LANGUEDOCIENNE a loué un immeuble à usage d’habitation à Monsieur [V] [U] et Madame [W] [X] [K] le 14 novembre 2019, avec un loyer fixé à 544,70€. Après le départ de Madame [W] [X] [K], Monsieur [V] [U] est devenu le seul titulaire du bail.

Problèmes de consommation d’eau

En mars 2023, une consommation d’eau anormale a été signalée, entraînant une régularisation de charges d’eau de 4.193,11€. Malgré des échanges entre le bailleur et le locataire, aucune solution n’a été trouvée, et Monsieur [V] [U] a cessé de payer son loyer, ce qui a conduit à un commandement de payer délivré le 17 juillet 2023.

Procédure judiciaire

Le 9 novembre 2023, la SA PATRIMOINE LANGUEDOCIENNE a assigné Monsieur [V] [U] pour obtenir la résiliation du bail, son expulsion, le paiement des charges d’eau et des arriérés de loyer, ainsi qu’une indemnité d’occupation. L’affaire a été retenue pour audience le 1er octobre 2024.

Arguments du bailleur

Le bailleur a soutenu qu’il avait tenté de résoudre le problème de fuite d’eau, mais que Monsieur [V] [U] n’avait pas coopéré. Il a également affirmé que le locataire avait manifesté un défaut d’entretien du logement, ce qui justifiait la résiliation du bail.

Arguments du locataire

Monsieur [V] [U] a contesté la facture d’eau, arguant qu’il n’avait pas occupé le logement pendant la période de surconsommation et que la fuite signalée ne pouvait pas expliquer l’ampleur de la consommation. Il a demandé une expertise judiciaire pour déterminer les origines de la fuite et a sollicité des délais de paiement.

Décision du tribunal

Le tribunal a constaté que la SA PATRIMOINE LANGUEDOCIENNE n’avait pas pris les mesures nécessaires pour alerter le locataire sur la consommation anormale d’eau. Il a jugé que le bailleur était mal fondé dans sa demande de régularisation des charges d’eau et a ordonné la réouverture des débats pour permettre au bailleur de produire un nouveau décompte.

Résiliation du bail et expulsion

Le tribunal a prononcé la résiliation judiciaire du bail à compter du 21 novembre 2024 et a ordonné l’expulsion de Monsieur [V] [U] en cas de non-respect de cette décision. L’indemnité d’occupation a été fixée au montant du loyer sans majoration pour la consommation d’eau jusqu’à la réouverture des débats.

Demande indemnitaire

La demande de dommages et intérêts de Monsieur [V] [U] a été rejetée, le tribunal considérant qu’il n’avait pas fait preuve de diligence face aux alertes du bailleur. Les autres demandes ont été réservées pour une audience ultérieure.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la base légale pour la résiliation judiciaire du bail ?

La résiliation judiciaire du bail est régie par l’article 1224 du Code civil, qui stipule :

« La résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. »

Dans le cas présent, Monsieur [V] [U] a été en arrérage de loyers à deux reprises, ce qui constitue une inexécution suffisamment grave de ses obligations contractuelles.

De plus, malgré la procédure engagée à son encontre, il n’a pas repris le paiement des échéances courantes.

Il a également quitté le logement, laissant des occupants, ce qui ne l’exonère pas de sa responsabilité contractuelle.

Ainsi, ces manquements justifient la résiliation judiciaire du bail.

Quelles sont les obligations du locataire en matière de paiement des loyers et charges ?

Les obligations du locataire en matière de paiement des loyers et charges sont énoncées dans la loi du 6 juillet 1989, notamment dans son article 7, qui précise :

« Le locataire est tenu de payer le loyer et les charges aux termes convenus. »

Il est également précisé que le locataire doit prendre à sa charge l’entretien courant du logement.

Dans cette affaire, Monsieur [V] [U] a cessé de s’acquitter de ses paiements de loyers et de provisions pour charges, ce qui constitue une violation de ses obligations contractuelles.

Cette inaction a conduit le bailleur à engager une procédure de résiliation du bail.

Quelles sont les conséquences d’une consommation d’eau anormale sur la facturation ?

L’article 2224-12-4 du Code général des collectivités territoriales stipule :

« III bis. – Dès que le service d’eau potable constate une augmentation anormale du volume d’eau consommé par l’occupant d’un local d’habitation susceptible d’être causée par la fuite d’une canalisation, il en informe sans délai l’abonné. »

Cet article précise également que l’abonné n’est pas tenu au paiement de la part de la consommation excédant le double de la consommation moyenne s’il présente une attestation d’une entreprise de plomberie indiquant qu’il a fait procéder à la réparation d’une fuite.

Dans le cas présent, la SA PATRIMOINE LANGUEDOCIENNE, en tant qu’abonné, n’a pas justifié d’une alerte préalable à Monsieur [V] [U] concernant la consommation anormale.

De plus, aucune mesure d’expertise n’a été réalisée pour vérifier la situation, ce qui remet en question la légitimité de la facturation de la régularisation des charges d’eau.

Quelles sont les obligations du bailleur en matière de maintenance et d’entretien ?

Le bailleur a l’obligation de garantir au locataire un logement en bon état d’usage et de réparation, conformément à l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, qui dispose :

« Le bailleur est tenu de délivrer au locataire un logement décent, en bon état d’usage et de réparation. »

Dans cette affaire, la SA PATRIMOINE LANGUEDOCIENNE a tenté de faire intervenir une société de maintenance pour réparer une fuite signalée par Monsieur [V] [U].

Cependant, il est apparu que le bailleur n’a pas pris les mesures nécessaires pour alerter le locataire de la consommation anormale d’eau, ce qui pourrait être interprété comme un manquement à ses obligations de maintenance.

Ce manquement pourrait également avoir des conséquences sur la validité des charges réclamées au locataire.

Quelles sont les implications d’une demande d’expertise judiciaire dans ce contexte ?

La demande d’expertise judiciaire est généralement fondée sur la nécessité de clarifier des points techniques ou des éléments de preuve.

Cependant, dans cette affaire, le juge a estimé qu’aucun élément ne justifiait d’ordonner cette mesure, car les faits étaient suffisamment clairs pour statuer sur les demandes des parties.

L’absence de diligence de Monsieur [V] [U] lorsqu’il a été alerté par le bailleur a également été un facteur déterminant dans le rejet de sa demande d’expertise.

Ainsi, le juge a conclu que la demande d’expertise ne présentait plus d’intérêt, ce qui souligne l’importance de la responsabilité de chaque partie dans la gestion des obligations contractuelles.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]

NAC: 5AA

N° RG 23/03038 – N° Portalis DBX4-W-B7H-SFUZ

JUGEMENT

N° B

DU : 21 Novembre 2024

S.A. PATRIMOINE LANGUEDOCIENNE

C/

[V] [U]

Expédition revêtue de
la formule exécutoire
délivrée le 21 Novembre 2024

à Maître Nicolas LARRAT

Expédition délivrée
à toutes les parties

JUGEMENT

Le Jeudi 21 Novembre 2024, le Tribunal judiciaire de TOULOUSE,

Sous la présidence de Sophie MOREL, Vice Présidente au Tribunal judiciaire de TOULOUSE, chargée des contentieux de la protection, statuant en matière civile, assistée de Halima KAHLI Greffière, lors des débats et Fanny ACHIGAR, Greffière chargée des opérations de mise à disposition.

Après débats à l’audience du 01 Octobre 2024, a rendu la décision suivante, mise à disposition conformément à l’article 450 et suivants du Code de Procédure Civile, les parties ayant été avisées préalablement ;

ENTRE :

DEMANDERESSE

S.A. PATRIMOINE LANGUEDOCIENNE, dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Maître Nicolas LARRAT de la SCP LARRAT, avocats au barreau de TOULOUSE

ET

DÉFENDEUR

M. [V] [U], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Anita BUZONIE, avocat au barreau de TOULOUSE

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 14 novembre 2019, la SA PATRIMOINE LANGUEDOCIENNE a donné en location à Monsieur [V] [U] et Madame [W] [X] [K] un immeuble à usage d’habitation situé [Adresse 1] à [Localité 2] moyennant un loyer de 544,70€.

Madame [W] [X] [K] a délivré congé et Monsieur [V] [U] est devenu le seul titulaire du bail.

Suite à une importante consommation d’eau d’origine indéterminée signalée en mars 2023, il était facturé au locataire la somme de 4.193,11€ de régularisation de charge d’eau et son compte qui était créditeur se trouvait débiteur. Malgré les échanges entre les parties, aucune solution n’était trouvée.

Monsieur [V] [U] ne s’acquittait pas de la facture d’eau et cessait de payer son loyer et la provision pour charge a doublé.

Commandement de payer visant la clause résolutoire était délivré 17 juillet 2023, en vain.

Par acte de commissaire de justice en date du 9 novembre 2023, dénoncé le 10 novembre 2023 à la Préfecture de la Haute-Garonne, la SA PATRIMOINE LANGUEDOCIENNE a fait assigner Monsieur [V] [U] afin d’obtenir, avec exécution provisoire :
– la constatation de la résiliation du bail,
– l’expulsion des occupants,
– le paiement de la somme provisionnelle de 4.193,11€ au titre de la régularisation des charges du mois de juin 2023 et 1.737,95€ correspondant à l’arriéré de loyers et provision sur charge selon décompte arrêté au 31 août 2023,
– la fixation d’une indemnité d’occupation au montant du loyer et charge actualisé soit la somme de 544,70€,
– l’allocation de la somme de 500€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
– sa condamnation aux dépens.

L’affaire après de nombreux renvois à la demande des parties, était retenue à l’audience du 1er octobre 2024.

La SA PATRIMOINE LANGUEDOCIENNE, valablement représentée, maintient ses demandes et actualise sa créance locative, hors régularisation de charge à la somme de 8.287€ arrêtée au
25 septembre 2024 et à 800€ les frais irrépétibles.

Au soutien de sa position et en réplique aux moyens soulevés par le locataire, elle fait valoir :
– le 21 mars 2023, dans le cadre d’une opération de relevé de compteurs effectués pour le calcul de régularisation de charge, elle a été informée qu’une fuite affectait le logement de Monsieur [U], le technicien intervenu a tenté d’entrer en contact avec lui mais sans succès et a fermé par prévention le compteur général d’alimentation du logement,
– elle a pris contact avec le locataire et appelé la société de maintenance, LOGISTICA pour qu’elle procède à la réparation, mais malgré les relances et les tentatives pour le joindre Monsieur [U] ne donnait aucune suite aux propositions de rendez-vous,
– le 5 avril 2023, le bailleur adressait un courrier à Monsieur [U] pour lui rappeler de prendre rendez-vous rapidement avec la société de maintenance, mais faute de résultat, elle le relançait les 2 et 6 juin 2023, elle a même tenté de joindre la mère du locataire et l’a contacté par SMS, elle lui annonçait la facturation de la fuite pour un montant 4.193,11€ ce qui l’a enfin fait réagir;
– le 12 juin 20223, il lui écrivait qu’il n’aurait eu aucun retour suite à la fuite du ballon d’eau chaude et que la société LOGISTICA aurait dû intervenir dans les 4 heures suivants son appel, ce qu’elle n’a pas fait, et que depuis le mois de mars, il devait vider des seaux d’eau toutes les 5 heures,
– le 15 juin 2023, la société LOGISTICA tentait de se rapprocher de monsieur [U], en vain,
– le 30 juin 2023, elle facturait à Monsieur [U] la régularisation de charge ramenant le solde en débit à la somme de 3.766,32€ alors qu’il était créditeur suite à un rappel d’aide au logement,
– le 16 juillet 2023, il indiquait au bailleur que la société LOGISTICA ne faisait que le promener et qu’il avait pris les choses en main en contactant lui même un plombier pour réparer la fuite le 13 juillet 2023, il indiquait que le relevé de compteur était aberrant,
– par courriel du 17 juillet, elle lui rappelait les diligences entreprises pour lui pour réparer la fuite et l’inertie du locataire qui par son comportement a manifesté un défaut d’entretien du logement, il se dédouanait en indiquant avoir été informé de la présence d’une fuite très tard, après la réalisation d’une consommation anormale;
– depuis il refuse de s’acquitter de la facture et a cessé de s’acquitter des échéances mensuelles du loyers et de la provision pour charge,
– dans ses dernières conclusions il sollicite des dommages et intérêts, conteste les sommes réclamées et sollicite des délais de paiements sur 36 mois et une mesure d’expertise, ce à quoi elle s’oppose.

En droit, elle rappelle que qu’en vertu de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est tenu au paiement des loyers et charges au terme convenu et de prendre à sa charge l’entretien courant du logement ce qu’il ne fait pas, elle est donc fondée à solliciter la résolution judiciaire du contrat. Elle rappelle que le locataire malgré ses appels, ses relances par courrier et par courriels, n’a pas fait intervenir la société maintenance et a fait appel à un plombier qu’en juillet 2023, ce qui caractérise le défaut d’entretien du logement. Depuis la facturation d’eau, il ne s’est plus acquitté d’aucun paiement de loyers et de provision sur charges sauf un paiement partiel en juin 2024, ne couvrant pas le loyer résiduel.

Elle démontre toutes les diligences entreprises pour tenter de faire intervenir la société de maintenance et elle ne l’a pas laissé se débrouiller seul comme il le prétend. Sa dette aujourd’hui s’élève à la somme de 12.480,11€.

Elle maintient ses demandes de résiliation du bail et d’expulsion et conclut au rejet de la demande d’expertise car la fuite a été réparée.

Monsieur [V] [U], valablement représenté, s’oppose et demande avant dire droit une mesure d’expertise judiciaire afin de déterminer les origines de la fuite.

A titre principal , il demande à ce que la facture d’eau litigieuse ne soit pas répercutée sur son compte locataire compte tenu de l’absence d’explication de la consommation excessive d’eau, de l’attitude de la SA PATRIMOINE LANGUEDOCIENNE et de l’absence du locataire du 12 novembre 2022 au 20 février 2023 en raison de son incarcération et ordonner qu’il ne pourra être répercutée d’augmentation du montant des provisions sur charge qui ne pourra excéder 128,57€ au lieu de 374,26€ tel que cela est pratiqué actuellement et renvoyer le bailleur à mieux se pourvoir afin de produire un nouveau décompte locatif en tenant compte de ces éléments.

A titre subsidiaire, ordonner le plafonnement de la facture litigieuse au double de la consommation habituelle ressortant des factures sur les trois années précédentes et ordonner qu’il ne pourra être répercutée l‘augmentation du montant des provisions sur charge à fixer à la somme de 128,57€ et ordonner un nouveau décompte.

En tout état de cause, il sollicite l’allocation de la somme de 4.000€ à titre de dommages et intérêts en raison de l’inaction fautive du bailleur et de son action tardive, la compensation des sommes dues et lui octroyer des délais de paiement pour la dette qu’il conviendra de fixer à la somme de 4.796,89€ et de maintenir la provision sur charge à la somme de 128,57€, le paiement de la somme de 2.000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de sa position, il fait valoir :
– qu’il n’a pas occupé le logement pendant la période de surconsommation et que ce n’est que lors du relevé des compteurs que la consommation excessive a été détectée alors que le bailleur qui est l’abonné aurait du lui répercuter l’information pendant la période précédente ; qu’il n’a eu connaissance de l’ampleur de la surconsommation qu’au moment de l’établissement de la facture;
– qu’il a signalé une fuite du ballon d’eau chaude qui ne peut à elle seule expliquer la surconsommation et que le technicien de la société de maintenance n’est pas intervenu le contraignant à faire appel à un plombier ;
– que depuis la réparation de la fuite, le bailleur ne justifie aucune raison pour doubler la provision pour charge,
– que le bailleur aurait dû être informé de la consommation anormale et saisir le médiateur de l’eau ce qu’il ne justifie pas avoir fait ; que seul le double de la consommation habituelle ne peut lui être facturé,
– qu’une fois déduites les sommes comptabilisées en fraude de ses droits et ramené la provision sur charges au montant antérieur à la fuite d’eau sa dette ne s’élève qu’à la somme de 4.796,89€ qu’il s’engage à payer en 36 mois;
– que le bailleur a manqué à ses obligations de vérification et de contrôle de la consommation d’eau et s’est borné à lui demander de prendre de rendez vous sans l’informer de la réalité de la situation;
– que le commandement de payer n’a été délivré que sur le fondement de la facture de régularisation d’eau qui est contestée.

La décision était mise en délibéré au 21 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la preuve des sommes dues et le bien fondé de la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire

La délivrance du commandement de payer est fondé sur la dette consécutive à la régularisation de la facture d’eau et l’arrêt du paiement des échéances courantes par Monsieur [V] [U] alors qu’il présentait un solde créditeur de 971,49€ et enfin à l’arrêt du versement des Allocation logement à compter du mois de juin 2023.

Cependant, il apparaît à la lecture de du relevé de consommation d’eau froide que l’alerte d’une consommation anormale a été effectuée à l’abonné, à savoir la SA PATRIMOINE LANGUEDOCIENNE le 21 mars 2023 alors que l’examen attentif du relevé produit, il apparaît que la consommation journalière d’eau de Monsieur [U] était globalement inférieure à 1 mètre cube par jour et qu’à compter du mois de mars 2022 elle a été supérieure presque du double soit en moyenne de 1,5 m3, en avril elle était quotidiennement de plus de 2m3, à partir du mois de mai 2022 elle passait à plus de 3mètres cubes par jour, à partir du mois de juin 2022, elle passait à plus de 4 m3 par jour, à partir du mois de juillet 2022 elle oscillait entre 6 et 7 m3 par jour, à partir du mois d’octobre 2022, elle passait à plus de 8m3 par jour, et le 16 décembre 2022, elle passait à 16m3 pour la journée, pour revenir à 8 m3 puis à 0 pendant quelques jours puis à compter du 8 janvier 2023 jusqu’au 18 février 2023, elle était à 0 pour reprendre à 7 voir 8 m3 par jours à compter du 20 février 2023. Puis les consommations reprenaient à ce rythme jusqu’au pic du 3 juin 2023 où 17m3 était comptabilisé pour revenir à une consommation normale à compter du 24 juin 2023, soit avant l’intervention du plombier mandaté par Monsieur [U] et intervenu le 13 juillet 2023.

Ainsi, il résulte de cet examen, d’une part, que l’anomalie a débuté dès le mois de mars 2022 puisqu’à compter de cette date la consommation était plus du double de celle habituelle de Monsieur [U], qu’aucune alerte n’est démontrée avant l’année d’après, qu’aucune fuite d’eau équivalente à 40 baignoires par jour aurait pu se produire dans le logement sans que le locataire s’en aperçoive ou le voisinage et que ce n’est pas le défaut de diligence de Monsieur [U] après le signalement du mois de mars 2023 qui est à l’origine des 1240m3 facturé sur l’année 2022. Ainsi aucun défaut d’entretien sur cette période ne peut lui être reproché. Il s’avère au contraire, que le fournisseur d’eau et le bailleur n’ont pas signalé l’anomalie, n’ont pas réalisé d’expertise.

Or l’article 2224-12-4 du Code général des collectivités territoriales dispose « III bis. – Dès que le service d’eau potable constate une augmentation anormale du volume d’eau consommé par l’occupant d’un local d’habitation susceptible d’être causée par la fuite d’une canalisation, il en informe sans délai l’abonné. Une augmentation du volume d’eau consommé est anormale si le volume d’eau consommé depuis le dernier relevé excède le double du volume d’eau moyen consommé par l’abonné ou par un ou plusieurs abonnés ayant occupé le local d’habitation pendant une période équivalente au cours des trois années précédentes ou, à défaut, le volume d’eau moyen consommé dans la zone géographique de l’abonné dans des locaux d’habitation de taille et de caractéristiques comparables.

L’abonné n’est pas tenu au paiement de la part de la consommation excédant le double de la consommation moyenne s’il présente au service d’eau potable, dans le délai d’un mois à compter de l’information prévue au premier alinéa du présent III bis, une attestation d’une entreprise de plomberie indiquant qu’il a fait procéder à la réparation d’une fuite sur ses canalisations.

L’abonné peut demander, dans le même délai d’un mois, au service d’eau potable de vérifier le bon fonctionnement du compteur. L’abonné n’est alors tenu au paiement de la part de la consommation excédant le double de la consommation moyenne qu’à compter de la notification par le service d’eau potable, et après enquête, que cette augmentation n’est pas imputable à un défaut de fonctionnement du compteur.

A défaut de l’information mentionnée au premier alinéa du présent III bis, l’abonné n’est pas tenu au paiement de la part de la consommation excédant le double de la consommation moyenne. »

Aucune alerte n’est justifiée avant le 21 mars 2023, aucune mesure urgente autre que des rappels n’ont été faites alors même que l’équivalent de la moitié d’une piscine olympique était comptabilisé et que la consommation d’eau a baissé avant même l’intervention du plombier de Monsieur [U].

Ainsi, d’une part, le bailleur en qualité d’abonné ne justifie d’aucune mesure d’alerte, d’expertise ou de vérification de compteur qui n’avait en outre, pas besoin de la présence du locataire ; qu’elle s’est bornée à lui facturer le montant d’une régularisation sans lui offrir la possibilité de bénéficier de l’écrêtement prévu par l’article précité. Elle a persévéré en augmentant la provision au double de charge d’eau alors qu’il résulte des derniers relevés que sa consommation est redevenue normale.

Il convient, en conséquence, de juger que la SA PATRIMOINE LANGUEDOCIENNE est mal fondée en sa demande de régularisation des charges d’eau et elle devra procéder à l’écrêtement des factures d’eau litigieuse jusqu’au jour de l’audience à venir, puisque la réouverture des débats sera ordonnée sur ce point.

Sur la demande de résiliation judiciaire du bail

L’article 1224 du Code civil dispose « La résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. »

A deux reprises, Monsieur [V] [U] s’est trouvé en arrérage de loyers et malgré la procédure engagée à son encontre, il n’a pas repris le paiement des échéances courantes et indique avoir quitté le logement en laissant à l’intérieur une dame et ses deux enfants, ce qui ne constitue pas une exonération de sa responsabilité contractuelle mais en l’occurrence une faute. N’occupant plus le logement, il ne peut bénéficier du délai de 36 mois pour apurer sa dette locative mais ne l’ayant pas libéré et n’ayant pas repris le paiement des échéances courantes au jour de l’audience, il convient de constater que ces manquements sont suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire du bail et de rejeter sa demande de délais.

Sur la demande d’expertise

Aucun élément ne justifie d’ordonner cette mesure qui ne présente plus aucun intérêt du fait des dispositions précédentes.

Sur la demande indemnitaire de Monsieur [U]

Cette demande ne repose sur aucun fondement puisqu’il n’a pas fait diligence lorsqu’il a été alerté par le bailleur et qu’en outre, il ne justifie pas de ses diligences pour obtenir l’intervention de la société en charge de la maintenance.

Sa demande sera rejetée.

Les demandes accessoires seront réservées.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant par jugement mixte contradictoire rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe,

Prononce la résolution judiciaire du contrat de bail signé le 14 novembre 2019 à compter du 21 novembre 2024,

Ordonne l’expulsion de Monsieur [V] [U] et à défaut de départ volontaires des lieux loués situés [Adresse 1] à [Localité 2] deux mois après la notification au préfet du commandement d’avoir à quitter les lieux, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, avec l’assistance de la force publique, si besoin est, et au transport des meubles laissés dans les lieux aux frais des expulsés dans tel garde-meuble désigné par eux ou à défaut par le bailleur,

Fixe l’indemnité d’occupation due par Monsieur [V] [U] à compter du 21 novembre 2024 à la SA PATRIMOINE LANGUEDOCIENNE au montant du loyer et charge sans majoration pour la consommation de l’eau jusqu’à la réouverture des débats et condamne Monsieur [V] [U] au paiement de cette indemnité jusqu’à libération complète des lieux,

Déboute Monsieur [V] [U] de sa demande de délais,

Juge mal fondée la SA PATRIMOINE LANGUEDOCIENNE à réclamer la régularisation de la facture d’eau de Monsieur [V] [U] pour l’année 2022 et 2023,

Ordonne la réouverture des débats à l’audience du 20 février 2025 à 9h Tribunal judiciaire de Toulouse site Camille Pujol, salle Marianne, [Adresse 3] aux fins de permettre à la SA PATRIMOINE LANGUEDOCIENNE de produire un décompte expurgé de la facture excessive, des provisions sur charge doublée et de justifier de leur calcul, d’écrêter les factures d’eau à compter du mois de mars 2023 et de produire un nouveau décompte des sommes dues par Monsieur [V] [U] et du montant actualisé du loyers et charges en tenant compte de ces dispositions,

Rejette la demande indemnitaire de Monsieur [U],

Réserve les autres demandes.

Le Greffier Le Juge


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