Conflit locatif et obligations contractuelles en période de crise sanitaire

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Conflit locatif et obligations contractuelles en période de crise sanitaire

L’Essentiel : La société bailleur a donné à bail à la société locataire des locaux commerciaux pour un restaurant. Le bail stipule que le restaurant peut vendre à emporter et servir des boissons sans licence IV. En octobre 2021, le bailleur a signifié à la locataire une sommation de payer un arriéré locatif de 24.886,87 euros. En janvier 2022, le bailleur a assigné la locataire devant le tribunal judiciaire pour obtenir le paiement des loyers dus. Le tribunal a condamné la locataire à payer 49.690,47 euros au bailleur, ainsi qu’une somme de 600 euros au titre de la clause pénale, rejetant ses demandes.

Contexte du litige

La société ALLIANZ PIERRE a donné à bail à la société France Quick, maintenant FRANCE BKR, des locaux commerciaux pour un restaurant. Le bail stipule que le restaurant peut vendre à emporter et servir des boissons sans licence IV.

Demande de paiement

En octobre 2021, ALLIANZ PIERRE a signifié à FRANCE BKR une sommation de payer un arriéré locatif de 24.886,87 euros. En janvier 2022, ALLIANZ PIERRE a assigné FRANCE BKR devant le tribunal judiciaire de Versailles pour obtenir le paiement des loyers dus.

Conclusions d’ALLIANZ PIERRE

Dans ses conclusions de 2024, ALLIANZ PIERRE demande le paiement de 49.963,47 euros pour loyers et accessoires, ainsi que des pénalités et des frais liés à la sommation. Elle conteste les demandes de FRANCE BKR concernant l’abandon de loyer et la suspension de paiement, arguant que FRANCE BKR a accumulé des impayés et n’a pas respecté ses obligations contractuelles.

Arguments de FRANCE BKR

FRANCE BKR, dans ses conclusions, conteste la demande de paiement, invoquant des difficultés dues à la crise sanitaire et demandant un abandon de loyer pour la période de fermeture. Elle sollicite également un aménagement des conditions de paiement et conteste la validité des charges facturées par ALLIANZ PIERRE.

Décision du tribunal

Le tribunal a déclaré irrecevable la demande de FRANCE BKR concernant la prescription des charges de 2015. Il a condamné FRANCE BKR à payer 49.690,47 euros à ALLIANZ PIERRE, ainsi qu’une somme de 600 euros au titre de la clause pénale. Les demandes de FRANCE BKR ont été rejetées, et elle a été condamnée aux dépens.

Conclusion

Le jugement a été prononcé le 6 février 2025, avec une exécution provisoire de droit. Le tribunal a statué sur les demandes des deux parties, en tenant compte des arguments avancés et des obligations contractuelles respectives.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature des obligations du preneur en vertu de l’article 1728 du Code civil ?

L’article 1728 du Code civil stipule que « le preneur est tenu de payer le prix du bail au terme convenu ». Cela signifie que le preneur, en l’occurrence la société FRANCE BKR, a l’obligation de s’acquitter des loyers et des charges selon les modalités prévues dans le contrat de bail.

En cas de non-paiement, le bailleur, ici la société ALLIANZ PIERRE, peut engager des actions en justice pour obtenir le paiement des sommes dues.

Il est également précisé que le preneur doit user de la chose louée en bon père de famille et respecter les clauses du contrat, ce qui inclut le paiement des loyers à la date convenue.

Ainsi, le non-respect de cette obligation peut entraîner des conséquences juridiques, telles que des pénalités ou des actions en recouvrement.

Quelles sont les conséquences du non-paiement des loyers selon l’article 9 du bail ?

L’article 9 des conditions particulières du bail prévoit des pénalités en cas de non-paiement des loyers. En général, ce type de clause stipule que le preneur doit payer une somme supplémentaire, souvent sous forme de pénalité, si les loyers ne sont pas réglés dans les délais impartis.

Dans le cas présent, la société ALLIANZ PIERRE a demandé le paiement d’une somme de 2.464,53 euros à titre de pénalités, conformément à cette clause.

Il est important de noter que ces pénalités ne peuvent être appliquées qu’après une sommation de payer, ce qui a été fait par la société ALLIANZ PIERRE le 7 octobre 2021.

Ainsi, le non-paiement des loyers entraîne non seulement l’obligation de régler les sommes dues, mais également des pénalités financières qui s’ajoutent à la dette initiale.

Comment la crise sanitaire a-t-elle influencé les obligations contractuelles des parties ?

La crise sanitaire liée à la COVID-19 a eu un impact significatif sur les obligations contractuelles, notamment en ce qui concerne les baux commerciaux. Les articles 1104 et 1190 du Code civil stipulent que les contrats doivent être exécutés de bonne foi et que les parties peuvent convenir d’aménagements en cas d’impossibilité d’exécution.

La société FRANCE BKR a soutenu que les mesures gouvernementales ont rendu impossible l’exploitation de ses locaux entre le 16 mars et le 15 juin 2020, ce qui constitue un cas de force majeure.

En vertu de l’article 1719 du Code civil, le bailleur doit délivrer la chose louée en bon état, et si cette obligation n’est pas respectée, le preneur peut demander une réduction de loyer ou une suspension de paiement.

Ainsi, la crise sanitaire pourrait justifier une adaptation des obligations contractuelles, notamment en ce qui concerne le paiement des loyers pendant la période de fermeture.

Quelles sont les implications de la prescription sur les demandes de remboursement de charges ?

La prescription est régie par les articles 1343-5 et suivants du Code civil, qui stipulent que les actions en paiement se prescrivent par cinq ans. Dans le cas présent, la société ALLIANZ PIERRE a soulevé la prescription concernant la demande de remboursement de la reddition de charges de l’année 2015.

Le tribunal a déclaré irrecevable la fin de non-recevoir présentée par la société ALLIANZ PIERRE, ce qui signifie que la demande de remboursement n’est pas considérée comme prescrite.

Cela souligne l’importance de respecter les délais de prescription pour toute action en justice, car une demande tardive peut être rejetée, même si elle est fondée sur des éléments valables.

Ainsi, la gestion des délais de prescription est cruciale pour la protection des droits des parties dans le cadre d’un litige contractuel.

Quels sont les droits du bailleur en cas de non-respect des obligations par le preneur ?

En cas de non-respect des obligations par le preneur, le bailleur, ici la société ALLIANZ PIERRE, dispose de plusieurs droits. Selon l’article 1722 du Code civil, le bailleur peut demander l’exécution forcée du contrat, ce qui inclut le paiement des loyers dus.

De plus, le bailleur peut également résilier le bail en cas de manquement grave aux obligations contractuelles, comme le non-paiement des loyers.

Il peut également demander des dommages-intérêts pour le préjudice subi en raison de ce manquement.

Enfin, le bailleur a le droit de demander des pénalités, comme prévu dans le contrat de bail, pour compenser les retards de paiement.

Ces droits visent à protéger les intérêts du bailleur et à garantir le respect des engagements contractuels par le preneur.

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
06 FÉVRIER 2025

N° RG 22/00293 – N° Portalis DB22-W-B7G-QLX6
Code NAC : 30B
TLF

DEMANDERESSE :

La société ALLIANZ PIERRE, société civile de placement immobilier immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 328 470 570 dont le siège social est situé [Adresse 4] et agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Michèle DE KERCKHOVE de la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Typhaine DE PEYRONNET du Cabinet PEYRONNET AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS.

DÉFENDERESSE :

La société FRANCE BKR, société par actions simplifiée immatriculée
au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro
950 026 914 dont le siège social est situé [Adresse 2] et prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Gabriel DE FROISSARD DE BROISSIA du Cabinet JUNON AVOCATS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Virginie DELANNOY de L’AARPI PREMIERE LIGNE AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS.

ACTE INITIAL du 10 Janvier 2022 reçu au greffe le 14 Janvier 2022.

DÉBATS : A l’audience publique tenue le 03 Décembre 2024, Monsieur LE FRIANT, Vice-Président et Madame CELIER-DENNERY, Vice-Présidente, siégeant en qualité de juges rapporteurs avec l’accord des parties en application de l’article 805 du Code de procédure civile, assistés de Madame LOPES
DOS SANTOS, Greffier, ont indiqué que l’affaire sera mise en délibéré
au 06 Février 2025.

MAGISTRATS AYANT DÉLIBÉRÉ :
M. JOLY, Premier Vice-Président Adjoint
Monsieur LE FRIANT, Vice-Président
Madame CELIER-DENNERY, Vice-Présidente

GREFFIER : Madame LOPES DOS SANTOS

* * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous-seing privé en date du 29 décembre 1989, renouvelé en dernier lieu le 3 novembre 2017, la société ALLIANZ PIERRE, venant aux droits de MONCEAU IMMOVALOR 2, a donné à bail à la société France Quick, désormais dénommée FRANCE BKR, elle-même venant aux droits de NEGOCE PIERRE, divers locaux commerciaux dépendant d’un immeuble situé [Adresse 3] et [Adresse 1].

Le bail prévoit comme destination contractuelle : « Restaurant sous toutes ses formes avec vente à emporter et débit de boissons ne nécessitant pas de licence IV ».

Par acte extrajudiciaire du 7 octobre 2021, la société ALLIANZ PIERRE a fait signifier à la société FRANCE BKR une sommation de payer la somme de 24.886,87 euros TTC, se décomposant entre :
• 24.645,31 euros TTC, au titre de l’arriéré locatif imputé à la locataire arrêté au 20 septembre 2021,
• 221,56 euros au titre du coût de l’acte.

Par acte d’huissier du 17 janvier 2022, la société ALLIANZ PIERRE a assigné la société FRANCE BKR devant le tribunal judiciaire de Versailles.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 octobre 2024.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 octobre 2024, la société ALLIANZ PIERRE demande au tribunal, vu l’article 1728 du code civil, vu la jurisprudence citée, vu le bail du
3 novembre 2017, de :

– condamner la société FRANCE BKR à payer à la société ALLIANZ PIERRE la somme de 49.963,47 euros TTC, correspondant au montant des loyers et accessoires arrêtés à la date du 3 octobre 2024 ;
– condamner la société FRANCE BKR à payer à la société ALLIANZ PIERRE la somme de 221,56 euros TTC, correspondant au coût de la sommation de payer délivrée le 7 octobre 2021 ;
– condamner la société FRANCE BKR à payer à la société ALLIANZ PIERRE la somme de 2.464,53 euros à titre de pénalités fixées à l’article 9 des conditions particulières du bail ;
– dire et juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer du 7 octobre 2021 pour les sommes qui y sont visées, et de l’assignation pour le surplus, et ce, jusqu’au complet paiement ;
– débouter la société FRANCE BKR de sa demande d’abandon de loyer à hauteur de 25.743,94 euros TTC;
– débouter la société FRANCE BKR de sa demande de suspension définitive de l’obligation de paiement des loyers à hauteur de 25.743,94 euros TTC ;
– débouter la société FRANCE BKR de sa demande de délais de paiement ;
– débouter la société FRANCE BKR de sa demande de remboursement de provisions et redditions de charges à hauteur de 67.018,40 euros TTC et a minima de la somme de 19.590,05 euros TTC correspondant aux honoraires de gestion et aux charges « Habitation » subsidiairement, de compensation avec les sommes dues à Allianz Pierre ;
– débouter la société FRANCE BKR de toutes ses demandes, fins et
conclusions ;
– juger prescrite la demande de remboursement de la reddition de charges de l’année 2015 ;
– condamner la société FRANCE BKR à payer à la société ALLIANZ PIERRE la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société FRANCE BKR aux entiers dépens, qui incluront le coût de signification de l’assignation et autoriser Maître Michèle de KERCKHOVE à les recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
– juger qu’il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire.

Elle fait valoir que :
– le preneur a accumulé des impayés de loyers, charges et accessoires,
– il ne peut lui être reproché de mauvaise foi dès lors qu’elle n’a jamais opposé de refus à la société ALLIANZ PIERRE lui demandant simplement de communiquer les documents comptables de sa société et de son groupe pour prioriser les aides accordées aux locataires les plus en difficulté,
– elle a accepté la demande de son locataire de pouvoir régler mensuellement les loyers à terme échu,
– elle a attendu 21 mois avant d’assigner et n’a entretemps diligenté aucune mesure coercitive, ni conservatoire à l’encontre de son locataire,
– il n’y a pas eu perte de la chose louée ni exception d’inexécution ni manquement à l’obligation de délivrance du fait de la crise sanitaire et les arrêts de la Cour de cassation sur ces points sont applicables à la société FRANCE BKR,
– rien ne justifie que la société FRANCE BKR laisse courir un arriéré locatif au vu de ses résultats financiers,
– il est inopérant que le restaurant soit exploité par un locataire gérant dès lors que le bail a été conclu par FRANCE QUICK devenue FRANCE BKR,
– la société ALLIANZ PIERRE a rempli l’intégralité de ses obligations contractuelles,
– pendant toute la période durant laquelle la société FRANCE BKR demande la suspension ou l’exonération de ses loyers et charges, les locaux étaient occupés par l’intégralité de ses ingrédients, de sa marchandise, de ses machines, de ses archives, et de ses documents de gestion,
– elle a pu exploiter ses cuisines, et faire travailler ses salariés pour la vente à emporter et les livraisons (UberEats, Deliveroo, Just Eat…), avec bien moins de difficultés que les restaurants classiques au regard de son activité connaissant parfaitement les contours de la vente à emporter,
– s’agissant de la clause d’indexation au titre des années 2022, 2023 et 2024, la société ALLIANZ PIERRE a attendu juillet 2024 pour que la société FRANCE BKR lui indique qu’au regard de son chiffre d’affaires, elle ne pouvait pas bénéficier du plafonnement de l’indexation,
– la clause pénale prévue au bail s’applique 8 jours après la sommation sur la somme due à ce titre,
– le non-règlement de ses loyers à hauteur de 18.261,65 euros TTC est incompréhensible, de même que l’irrégularité des règlements de la société FRANCE BKR qui ne règle jamais ses loyers et charges à bonne date et selon les termes du contrat,
– la situation financière de la société FRANCE BKR ne justifie pas l’octroi de délais de paiement,
– une partie des demandes de la société FRANCE BKR est en tout état de cause prescrite, dès lors que la reddition de charges 2015 a été facturée le
13 avril 2017, et son remboursement est demandé pour la première fois
dans les conclusions adverses signifiées le 13 juin 2022,
– les redditions 2019, 2020, 2021, qui étaient créditrices, et dont la société FRANCE BKR se plaint, sont étonnamment exclues du calcul global des redditions de charges dont il faudrait prononcer l’annulation,
– la société ALLIANZ PIERRE a effectué et communiqué toutes les redditions de charges jusqu’à 2022 inclus et celle de 2023 est en cours,
-l’immeuble étant soumis au régime de la copropriété, l’assemblée générale qui viendra clôturer l’exercice 2023 ne s’est pas encore tenue,
– les relevés individuels de dépenses détaillant l’ensemble des postes et la quote-part imputable à la société FRANCE BKR sont produits dans le cadre de la présente instance,
– les relevés généraux des dépenses détaillant chacun de ses postes pour l’immeuble sont également produits dans le cadre de la présente instance,
– dans la mesure où la société FRANCE BKR ne cible ni ses demandes ni ses contestations, mais se contente de solliciter le justificatif de toutes les charges facturées depuis 5 ans, la communication de toutes les factures intervenues, sur tous les postes de charges, depuis 2017, dans le cadre de la présente procédure, paraît difficilement réaliste compte-tenu de leur volume,
– elle verse dans la présente procédure, le dernier état descriptif de division de la copropriété justifiant les tantièmes de la société FRANCE BKR, locataire des lots 2, 8, et 9 et le détail des clés de répartition du bail de FRANCE BKR, en fonction des postes de charges visés,
– le bailleur ne transfère pas intégralement au preneur le montant des charges appelées par le syndic de l’immeuble pour tous les lots détenus par ALLIANZ PIERRE,
– s’agissant du libellé « CH NR HABITATION » sur les relevés de dépense, ce libellé signifie que la dépense est récupérable sur les locataires sauf sur les locataires habitation, et il s’agit soit de charges qui concernent les charges générales, soit des charges du bâtiment,
– elle n’a jamais facturé de charges liées à la gestion des loyers,
– elle n’a jamais commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité,
– alors qu’elle n’avait jamais formulé la moindre critique ni contestation sur les charges appelées et les redditions de charges pratiquées, la société FRANCE BKR a tenté de faire diversion dans la présente procédure en multipliant les contestations et les demandes. Ces contestations qui se sont révélées chaque fois sans fondement ont considérablement allongé la durée de la procédure et les échanges d’écritures entre les parties, occasionnant des frais significatifs à la société ALLIANZ PIERRE.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 septembre 2024, la société FRANCE BKR demande au tribunal, vu les articles 1104, 1106, 1190, 1719 et 1722 du code civil, les articles 1343-5 et 1347 et suivants du code civil, l’article R.145-36 du code de commerce, l’arrêté du 15 mars 2020 complétant l’arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19, le décret n°2020-1262 du 16 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, le décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire de :

– juger recevables et bien fondées les demandes, fins et conclusions de la société FRANCE BKR ;
– juger bien fondée la contestation de la société FRANCE BKR d’exigibilité du solde du 2ème trimestre 2020 et ordonner l’abandon de loyer à hauteur de 25.743,94 euros TTC, correspondant à un mois et demi du fait de l’impossibilité d’exploiter les locaux entre le 16 mars et le 15 juin 2020 ;

A titre subsidiaire,
– ordonner un aménagement des conditions d’exécution des obligations contractuelles de la société FRANCE BKR de manière exceptionnelle et temporaire à savoir une suspension définitive de l’obligation de paiement de la société FRANCE BKR, à hauteur 25.743,94 € TTC pour la période entre le
16 mars et le 15 juin 2020 ;

A titre très subsidiaire,
– rejeter l’ensemble des demandes de la société ALLIANZ PIERRE de voir appliqués la clause pénale et des intérêts de retard et le cas échéant, juger excessive la clause pénale et la réduire à une somme de un (1) euro ;
– octroyer à la société FRANCE BKR un échéancier de vingt-quatre (24) mois pour s’acquitter de l’arriéré locatif arrêté à la date des présentes, la première échéance intervenant le 1er du mois suivant la signification de la décision à intervenir ;

A titre reconventionnel,
– ordonner à la société ALLIANZ PIERRE :
o L’annulation des provisions de charges réglées depuis la prise d’effet du Bail, soit la somme de 58.752 euros TTC, à parfaire ;
o L’annulation des redditions de charges réglées depuis la prise d’effet du Bail, soit la somme de 8.266,40 euros TTC ;
o Le remboursement consécutif des provisions et redditions de charges depuis la prise d’effet du Bail, soit la somme de 67.018,40 euros TTC à parfaire et a minima de la somme de 19.590,05 euros TTC correspondant aux honoraires de gestion et aux charges « Habitation » ;

– A titre subsidiaire sur ce point, ordonner la compensation entre les sommes que se doivent réciproquement la société ALLIANZ PIERRE et la société FRANCE BKR ;

En tout état de cause,
– débouter la société ALLIANZ PIERRE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– condamner la société ALLIANZ PIERRE à payer à la société FRANCE BKR la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société ALLIANZ PIERRE aux entiers dépens ;
– juger de ne pas faire application de l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Elle fait valoir que :
– les arrêts du 30 juin 2022 rendus par la Cour de cassation ne sauraient être transposables puisqu’ils concernent une activité autre que celle de restauration, spécifique au regard des fermetures administratives dont elle a fait l’objet,
– l’activité de restauration n’a pas été soumise aux mêmes périodes de fermetures que les commerces qualifiés de non essentiels,
– la bonne foi entre les parties fait défaut du fait de l’envoi d’une mise en demeure le 13 octobre 2020 soit quelques jours avant la mise en place de nouvelles mesures de restriction d’exploitation du fait de la dégradation des conditions sanitaires et de l’absence de toute proposition du bailleur,
– les manœuvres de la société ALLIANZ PIERRE pour maintenir la pression sur la société FRANCE BKR ne souffrent pas de contestation,
– le bailleur n’a à aucune moment voulu accompagner la société FRANCE BKR,
– elle était à jour du paiement des loyers pendant toute la durée d’occupation antérieure des locaux jusqu’à la crise sanitaire et même postérieurement,
– le bailleur n’a pas fait de démarche pour annuler le loyer de novembre 2020 alors que cela lui permettait de bénéficier d’un avantage fiscal ni pour obtenir une exonération même partielle de la taxe foncière,
– elle sollicite une adaptation exceptionnelle et temporaire se matérialisant par une diminution du loyer proportionnelle à la baisse du chiffre d’affaires subie, par comparaison avec l’année précédente sur le même site car retenir le chiffre d’affaires global tel que voulu par le bailleur n’a aucun sens ni fondement,
– les décisions gouvernementales ont donc contraint la société FRANCE BKR à fermer son établissement, constituant un cas fortuit ayant pour conséquence la perte temporaire des locaux,
– en application de la théorie des risques, le contrat se maintient pour la part dont l’exécution demeure possible. Il en résulte une réduction des obligations à hauteur de ce que le débiteur / preneur empêché peut fournir. La réduction de loyer peut se traduire par une exonération du paiement du loyer en cas de perte temporaire ou de remboursement du loyer qui a été réglé,
– la société FRANCE BKR s’est trouvée empêchée pendant une durée limitée et de manière absolue d’exploiter son activité,
– au regard de la perte de la chose louée, les demandes du bailleur d’obtenir l’application de la clause pénale d’un montant élevé et le paiement consécutif ne pourront qu’être rejetées,
– compte tenu de l’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020, aucune pénalité ne saurait être appliquée pour le défaut de paiement des loyers et charges locatives pendant la période d’état d’urgence sanitaire pour les entreprises dont l’activité s’est trouvée affectée par la propagation de l’épidémie de Covid-19,
– en tout état de cause, le tribunal dispose d’un pouvoir souverain au regard de l’article 1231-5, alinéa 2 du code civil, pour réduire la clause pénale de 10 % et la réduira consécutivement à 1 € compte tenu de son caractère manifestement excessif et des circonstances exceptionnelles,
– le bailleur ne démontre nullement le préjudice subi qui justifierait l’application de la clause pénale, a fortiori face à son refus obstiné de tout accord amiable,
– nonobstant ce loyer partiellement impayé pour les causes sus énoncées, aucun incident de quelque ordre que ce soit n’est à relever dans l’exécution par le preneur de ses obligations locatives : absence d’incident de paiement, absence d’infraction aux clauses du Bail et aux dispositions légales, alors que le bailleur n’a pas respecté de son côté ses obligations relatives aux charges.
– sa bonne foi et les conséquences économiques inédites auxquelles elle a été confrontée justifient pleinement sa demande de délais de paiement,
– le bailleur n’a pas respecté ses obligations contractuelles en transmettant les régularisations de charges de plusieurs jours à plus d’une année après la date fixée au contrat du 30 septembre,
– le bailleur n’a transmis que des justificatifs incomplets, insuffisants et pour certains d’entre eux incompréhensibles,
– ce retard ne peut se justifier ni par les retards des tiers cocontractants ni la date de tenue de l’assemblée générale pour l’exercice 2022, celle-ci s’étant tenue le 26 juin 2023,

– aucun justificatif n’a été transmis pour les taxes foncières et taxes d’enlèvement des ordures ménagères,
– il appartient à la société ALLIANZ PIERRE en tant que bailleur de justifier du principe et du calcul des charges,
– la société ALLIANZ PIERRE indique que les lieux loués correspondent aux lots n°2,8 et 9 alors qu’il résulte des régularisations de charges de la société ALLIANZ PIERRE est propriétaire des lots à savoir 2,3,5 et 8 mais que le lot n°9 n’apparaît pas de sorte qu’il est impossible de s’assurer que la société ALLIANZ PIERRE ne lui impute pas des charges correspondant à d’autres lots,
– il ne peut être déterminé à quoi correspondent les charges « CH NR HABITATION »,
– figure dans les provisions sur charges réglées par le preneur un poste intitulé « Honoraires » d’un montant de 4,15 €/m² pourtant proscrit depuis la réforme Pinel,
– en l’absence d’un inventaire des catégories de charges, impôts, taxes et redevances et même si d’autres clauses mettent à la charge du preneur des charges ou taxes, les clauses du bail relatives au transfert de charges (article 6 « CHARGES, IMPOTS ET TAXES ») doivent être réputées non écrites,
– le bailleur, pourtant professionnel de l’immobilier et foncière cotée, a persisté dans son attitude procédurière malgré l’ancienneté de la relation locative et dans le cadre de la présente procédure, a poursuivi sur ce comportement, ne daignant même pas répondre aux demandes légitimes du preneur sur les charges.

L’affaire a été plaidée à l’audience du 3 décembre 2024 et mise en délibéré au 6 février 2025. Le tribunal a invité les parties à faire connaître leurs observations sur la recevabilité de la fin de non-recevoir opposée par la société ALLIANZ PIERRE dans un délai de quinze jours.

Par note en délibéré reçue le 4 décembre 2024 la société ALLIANZ PIERRE fait valoir que le tribunal peut statuer sur sa fin de non-recevoir, la compétence du juge de la mise en état prévue par l’article 789 du code de procédure civile n’étant pas d’ordre public, les articles 122 et 123 du même code prévoyant que les fins de non-recevoir peuvent être soulevées en tout état de cause.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la fin de non-recevoir opposée par la société ALLIANZ PIERRE à la société FRANCE BKR

Aux termes des dispositions de l’article 789 du code de procédure civile, « Le juge de la mise en état est, à compter de sa désignation et, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : […]
6° Statuer sur les fins de non-recevoir ».

L’article 122 du code de procédure civile précise que « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »

En l’espèce, la prétention soulevée par la société ALLIANZ PIERRE consistant à ce que le tribunal juge prescrite la demande de remboursement de la reddition de charges de l’année 2015 constitue une fin de non-recevoir au regard du texte précité. En outre, elle a été présentée par conclusions déposées durant la mise en état.

En application de l’article 789 du code de procédure civile, cette fin de non-recevoir relevait donc de la compétence exclusive du juge de la mise en état et, faute d’avoir été soulevée devant ce magistrat, doit être déclarée irrecevable.

Sur l’arriéré locatif sollicité par la société ALLIANZ PIERRE

Aux termes des dispositions de l’article 1709 du code civil, le louage des choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer.

En outre, en application des dispositions des premier et dernier alinéas de l’article 1728 du même code, le preneur est tenu de payer le prix du bail aux termes convenus.

En l’espèce, la société ALLIANZ PIERRE produit le décompte suivant :
– Période du 1er avril au 30 juin 2020 :
Loyer hors taxes………………………………… 56.595,32 €
Provision sur charges hors taxes…………….… 1.530,00 €
Provision Taxes Foncières ……………………… 2.500,00 €
TVA à 20 % ……………………………………….12.125,06 €
Sous-total TTC 72.750,38 €

– Période du 1er juillet au 30 septembre 2020 :
Loyer hors taxes…………………………………..56.595,32 €
Provision sur charges hors taxes………………… 1.530,00 €
Provision Taxes Foncières ………………………. 2.500,00 €
TVA à 20 % ………………….…………………..12.125,06 €
Sous-total TTC 72.750,38 €

– Période du 1er octobre au 31 décembre 2020 :
Loyer hors taxes………………………………….56.595,32 €
Provision sur charges hors taxes……………..… 1.530,00 €
Provision Taxes Foncières ………………………… 2.500,00 €
TVA à 20 % ………………………………………12.125,06 €
Sous-total TTC 72.750,38 €

– Refacturation des taxes foncières de l’année 2020 :
Provision Taxes Foncières ……..…………… -10.000,00 €
Taxes Foncières 2020 ……………………….. 6.924,09 €
Taxes ordures ménagères 2020 …………….… 1.455,04 €
TVA à 20 % ………………………………………… -324,17 €
Montant TTC -1.945,04 €

– Période du 1er janvier au 31 mars 2021 :
Loyer hors taxes……………………………………….58.561,81 €
Provision sur charges hors taxes…………….…… 1.530,00 €
Provision Taxes Foncières ………………………….. 2.500,00 €
TVA à 20 % …………………………………………..12.518,36 €
Réindexation Dépôt de garantie ………………… 5.311,81 €
Sous-total TTC 80.421,98 €

– Période du 1er avril au 30 juin 2021 :
Loyer hors taxes…………………………………….. 58.561,81 €
Provision sur charges hors taxes……………………..1.530,00 €
Provision Taxes Foncières ……………………………. 2.500,00 €
TVA à 20 % ……………………………………………12.518,36 €
Sous-total TTC 75.110,17 €

– Période du 1er juillet au 30 septembre 2021 :
Loyer hors taxes…………………………………….. 58.561,81 €
Provision sur charges hors taxes…………..……… 1.530,00 €
Provision Taxes Foncières ………………………… 2.500,00 €
TVA à 20 % …………………………………………….12.518,36 €
Sous-total TTC 75.110,17 €

– Reddition des charges 2016 :
Montant TTC ……………………………………… 2.007,28 €

– Période du 1er octobre au 31 décembre 2021 :
Loyer hors taxes……………………………………… 58.561,81 €
Provision sur charges hors taxes…………………….. 1.530,00 €
Provision Taxes Foncières ………………………… 2.500,00 €
TVA à 20 % …………………………………………..12.518,36 €
Sous-total TTC 75.110,17 €

– Reddition des charges 2017 :
Montant TTC ……………………………………… 3.105,91 €

– Reddition de taxe foncière 2021 :
Montant TTC ……………………………………… – 1.668,96 €

– Reddition des charges 2018 :
Montant TTC ……………………………………… 2.426,76 €

– Période du 1er janvier au 31 mars 2022 :
Loyer hors taxes………………………………………… 58.561,81 €
Provision sur charges hors taxes………………..…… 1.530,00 €
Provision Taxes Foncières ………………..………… 2.500,00 €
TVA à 20 % ……………………………………………. 12.518,36 €
Sous-total TTC 75.110,17 €

– Période du 1er avril au 30 juin 2022 :
Loyer hors taxes……………………………………………. 58.561,81 €
Provision sur charges hors taxes……………….……… 1.530,00 €
Provision Taxes Foncières ………………………………… 2.500,00 €
TVA à 20 % ………………………………………………. 12.518,36 €
Sous-total TTC 75.110,17 €

– Période du 1er juillet au 30 septembre 2022 :
Loyer hors taxes……………………………………………. 58.561,81 €
Provision sur charges hors taxes ……..………………… 1.530,00 €
Provision Taxes Foncières ……………………………..… 2.500,00 €
TVA à 20 % ………………………………………………. 12.518,36 €
Sous-total TTC 75.110,17 €

– Période du 1er octobre au 31 décembre 2022 :
Loyer hors taxes………………………………………… 58.561,81 €
Provision sur charges hors taxes…………………….… 1.530,00 €
Provision Taxes Foncières ……………………………… 2.500,00 €
TVA à 20 % ………………………………………………. 12.518,36 €
Sous-total TTC 75.110,17 €

– Reddition de taxe foncière 2022 : – 1.335,70 €

– Période du 1er janvier 2023 au 31 mars 2023 :
Loyer hors taxes…………………………………………… 58.561,81 €
Provision sur charges hors taxes…………..…………… 1.530,00 €
Provision Taxes Foncières ………………………………. 2.500,00 €
TVA à 20 % ……………………………………………… 12.518,36 €
Sous-total TTC 75.110,17 €

– Reddition des charges 2019 :
Montant TTC ……………………………………… – 2.668,91 €

– Reddition des charges 2020 :
Montant TTC ……………………………………… – 2.632,68 €

– Reddition des charges 2021 :
Montant TTC ……………………………………… – 4.158,74 €

– Période du 1er avril au 30 juin 2023 :
Loyer hors taxes…………………………………………. 58.561,81 €
Provision sur charges hors taxes………………………… 1.530,00 €
Provision Taxes Foncières ……………………………… 2.500,00 €
TVA à 20 % ……………………………………………… 12.518,36 €
Sous-total TTC 75.110,17 €

– Période du 1er juillet au 30 septembre 2023 :
Loyer hors taxes…………………………………………. 58.561,81 €
Provision sur charges hors taxes…………………….… 1.530,00 €
Provision Taxes Foncières ………………………………. 2.500,00 €
TVA à 20 % ………………………………………………. 12.518,36 €
Sous-total TTC 75.110,17 €

– Période du 1er octobre au 31 décembre 2023 :
Loyer hors taxes………………………………………….… 58.561,81 €
Provision sur charges hors taxes……………………….. 1.530,00 €
Provision Taxes Foncières ……………………………… 2.500,00 €
TVA à 20 % ………………………………………………. 12.518,36 €
Sous-total TTC 75.110,17 €

– Reddition de taxes foncières 2023 : – 857,22 €

– Période du 1er janvier au 31 mars 2024 :
Loyer hors taxes…………………………………………. 58.561,81 €
Provision sur charges hors taxes………………………. 1.530,00 €
Provision Taxes Foncières …………………………….… 2.500,00 €
TVA à 20 % ………………………………………………. 12.518,36 €
Sous-total TTC 75.110,17 €

– Reddition des charges 2022 :
Montant TTC ……………………………………… – 4 376,38€

– Période du 1er avril au 30 juin 2024 :
Loyer hors taxes…………………………………………… 58.561,81 €
Provision sur charges hors taxes………………………… 1.530,00 €
Provision Taxes Foncières ……………………………… 2.500,00 €
TVA à 20 % …………………………………………..….. 12.518,36 €
Sous-total TTC 75.110,17 €

– Période du 1er juillet au 30 septembre 2024 :
Loyer hors taxes………………………………………….. 66.877,76 €
Provision sur charges hors taxes…………………….… 1.530,00 €
Provision Taxes Foncières ………………………………. 2.500,00 €
TVA à 20 % ……………………………………….………. 14.181,55 €
Sous-total TTC 85.089,31 €

– Rappel d’indexation 2022 :
Rappel d’indexation HT ………………………………… 6.068,26 €
TVA à 20 % …………………………………………… 1.213,65 €
Sous-total TTC 7.281,91 €

– Rappel d’indexation 2023 :
Rappel d’indexation HT ………………………………… 16.702,94 €
TVA à 20 % ……………………………………………… 3.340,59 €
Sous-total TTC 20.043,53 €

– Rappel d’indexation 2024 :
Rappel d’indexation HT ……………………………… 16.631,92 €
TVA à 20 % ……………………………………………… 3.326,38 €
Sous-total TTC 19.958,30 €

– Période du 1er octobre au 31 décembre 2024 :
Loyer hors taxes………………………………………. 66.877,76 €
Provision sur charges hors taxes……………………… 1.530,00 €
Provision Taxes Foncières …………………………… 2.500,00 €
TVA à 20 % ……………………………………………… 14.181,55 €
Sous-total TTC 85.089,31 €

Soit un total dû pour la période du 1er avril 2020 au 31 décembre 2024 de 1.480.464,01 euros TTC.

Elle fait état des paiements suivants de la part de la société FRANCE BKR dont les montants sont admis par celle-ci :
– 11.931,06 € TTC le 17 juin 2020,
– 4.024,00 € TTC le 14 août 2020,
– 145.500,76 € TTC le 29 octobre 2020,
– 32.212,16 € TTC le 15 janvier 2021,
– 4.836,00 € TTC le 8 avril 2021,
– 98.534,89 € TTC le 29 avril 2021,
– 23.424,72 € TTC le 17 mai 2021,
– 23.424,72 € TTC le 17 juin 2021,
– 75.110,17 € TTC le 20 août 2021,
– 5.311,81 € TTC le 27 août 2021,
– 75.110,17 € TTC le 5 octobre 2021,
– 2.007,28 € TTC le 17 novembre 2021,
– 3.105,91€ TTC le 17 décembre 2021,
– 73.441,21 € TTC le 4 janvier 2022,
– 2.426,76 € TTC le 17 janvier 2022,
– 75.110,17 € TTC le 4 avril 2022,
– 75.110,17 € TTC le 5 septembre 2022,
– 73.774,47 € TTC le 17 novembre 2022,
– 140.760,01 € TTC le 13 avril 2023,
– 75.110,17 € TTC le 3 août 2023,
– 75.110,17 € TTC le 4 octobre 2023,
– 74.252,95 € TTC le 4 janvier 2024,
– 70.733,79 € TTC le 11 avril 2024,
– 85.089,31 € TTC le 29 août 2024,
– 19.958,30 € TTC le 4 septembre 2024,
– 85.089,31 € TTC le 3 octobre 2024

soit un montant total réglé de 1.430.773,44 euros TTC outre un solde créditeur de 0,10 euros au 1er avril 2020.

Il en résulte selon le propre décompte du bailleur un solde à la charge de la société FRANCE BKR de 49.690,47 euros TTC et non 49.963,47 euros (1.480.464,01 – 1.430.773,44 – 0,10).

Sur la demande de dispense du solde du 2ème trimestre 2020

Par application de l’article 4 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, l’état d’urgence sanitaire a été déclaré sur l’ensemble du territoire national.
En application de l’article 3, I, 2°, du décret n° 2020-293 du
23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire
face à l’épidémie de covid-19 et du décret n° 2020-423 du 14 avril 2020
le complétant, jusqu’au 11 mai 2020, tout déplacement de personne hors
de son domicile a été interdit à l’exception des déplacements pour effectuer
des achats de fournitures nécessaires à l’activité professionnelle et des
achats de première nécessité.

Edictée pour limiter la propagation du virus par une restriction des rapports interpersonnels, l’interdiction de recevoir du public, sur la période du 17 mars au 10 mai 2020, prévue par les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, ainsi que par les décrets précités, résulte du caractère non indispensable à la vie de la Nation et à l’absence de première nécessité des biens ou des services fournis.

Par suite, cette interdiction a été décidée, selon les catégories d’établissement recevant du public, aux seules fins de garantir la santé publique.

En l’espèce, il est constant qu’en application des dispositions précitées, la société FRANCE BKR a été contrainte de cesser l’activité du restaurant objet du bail le 14 mars 2020 pour ne rouvrir intégralement que le 15 juin 2020.

– Sur la bonne foi du bailleur et l’adaptation des modalités d’exécution des obligations des parties

En application de l’article 1104 du code civil, les parties sont tenues, en cas de circonstances exceptionnelles, de vérifier si ces circonstances ne rendent pas nécessaire une adaptation des modalités d’exécution de leurs obligations respectives.

En l’espèce, il résulte des différents échanges par mail et courrier produits par les parties que le bailleur a accepté d’échanger avec sa locataire sur les conséquences de la crise sanitaire. Il a ensuite décidé notamment suivant courrier du 12 février 2021 d’octroyer la possibilité à la société FRANCE BKR de régler ses loyers mensuellement et à terme échu sur toute l’année 2021.

Il apparaît par ailleurs que s’il a fait délivrer une sommation de payer le 7 octobre 2021, il n’a pratiqué aucune mesure d’exécution forcée ni saisie conservatoire à l’encontre de la société FRANCE BKR même après la fin des périodes de restrictions sanitaires.

Enfin, s’il a finalement refusé d’accéder aux demandes de la société FRANCE BKR concernant l’octroi de franchises de loyer, ce refus n’est pas motivé par l’absence de prise en compte de la situation de sa locataire mais au contraire par le constat d’un retour à un résultat bénéficiaire de 5.321.667 euros pour la société FRANCE BKR dès l’année 2021 de sorte que l’impact financier de la crise sanitaire n’est pas apparu comme risquant de compromettre sa situation.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le manquement de la société ALLIANZ PIERRE à son obligation de bonne foi n’est pas démontré et les moyens à ce titre seront écartés.

– Sur la perte de la chose louée

L’article 1741 du code civil prévoit que le contrat de louage se résout par la perte de la chose louée, et par le défaut respectif du bailleur et du preneur de remplir leurs engagements.

L’article 1722 du code civil dispose que si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement.

En l’espèce, les mesures ci-dessus rappelées prises durant la crise sanitaire ayant eu un effet général et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, elles ne peuvent donc être assimilées à la perte de la chose, au sens de l’article 1722 du code civil.

Le moyen à ce titre sera donc écarté.

Il en résulte qu’il convient de débouter la société FRANCE BKR de ses demandes d’abandon de loyer et de suspension de son obligation de paiement.

Sur la clause pénale et les intérêts de retard

Selon l’article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.

L’article 1244 du code civil ajoute que le débiteur est mis en demeure de payer soit par une sommation ou un acte portant interpellation suffisante, soit, si le contrat le prévoit, par la seule exigibilité de l’obligation.

Enfin, l’article 1231-5 du code civil dispose que lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent. Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite. Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.

L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19 dispose que les personnes mentionnées à l’article 1er ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et
L. 641-12 du code de commerce.

Les dispositions ci-dessus s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée.
L’article 1er du même texte précise que l’article 4 s’applique aux personnes pouvant bénéficier du fonds de solidarité.

En l’espèce, l’article 9 du bail objet du litige prévoit que « A défaut de paiement des loyers et accessoires à leur échéance, comme de tout complément de loyer, d’indemnité d’occupation, de complément de dépôt de garantie, et d’une façon générale à défaut de paiement de toute somme en application des présentes, huit (8) jours après l’envoi au Preneur d’une lettre recommandée avec avis de réception valant mise en demeure, ou en toute hypothèse en cas de notification d’un commandement, le montant des sommes dues sera majoré de plein droit de 10% (DIX POUR CENT), et ce indépendamment de tous actes ou exploits d’huissiers, frais de procédure, de même que de tous intérêts dus dans les termes de la loi, de tous dommages et intérêts comme de la mise en jeu éventuelle de la clause résolutoire ».

Cette clause constitue une clause pénale au sens de l’article 1231-5 du code civil.

Le 7 octobre 2021, la société ALLIANZ PIERRE a fait délivrer à la société FRANCE BKR une sommation de payer la somme de 24.645,31 euros dont la société FRANCE BKR ne prétend pas avoir apuré la cause dans un délai de huit jours. Dès lors, cette somme doit être majorée d’une indemnité contractuelle prévue à l’article 9 ci-dessus cité.

La locataire ne saurait, en tout état de cause, se prévaloir de l’article 4 de l’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 dès lors qu’il résulte de ses propres conclusions qu’elle n’était pas éligible au fonds de solidarité, critère exigé par le texte précité.

Toutefois, conformément aux dispositions de l’article 1231-5 du code civil, il convient de modérer son montant pour tenir compte des difficultés d’exploitation rencontrées par la société FRANCE BKR durant les années 2020 et 2021 telles qu’elles résultent de ses comptes 2021 et du fait qu’au mois d’octobre 2021 son activité était encore impactée par l’exigence du pass sanitaire pour permettre une consommation sur place dans le restaurant.

Il sera donc fixé une somme de 600 euros à la charge de la société FRANCE BKR à titre de clause pénale.

Sur la demande de remboursement des provisions et redditions de charges

L’article L. 145-40-2 du ode de commerce dispose que “tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire dans un délai fixé par voie réglementaire. En cours de bail, le bailleur informe le locataire des charges, impôts, taxes et redevances nouveaux.

Lors de la conclusion du contrat de location, puis tous les trois ans, le bailleur communique à chaque locataire :

1° Un état prévisionnel des travaux qu’il envisage de réaliser dans les trois années suivantes, assorti d’un budget prévisionnel ;

2° Un état récapitulatif des travaux qu’il a réalisés dans les trois années précédentes, précisant leur coût.

Dans un ensemble immobilier comportant plusieurs locataires, le contrat de location précise la répartition des charges ou du coût des travaux entre les différents locataires occupant cet ensemble. Cette répartition est fonction de la surface exploitée. Le montant des impôts, taxes et redevances pouvant être imputés au locataire correspond strictement au local occupé par chaque locataire et à la quote-part des parties communes nécessaires à l’exploitation de la chose louée. En cours de bail, le bailleur est tenu d’informer les locataires de tout élément susceptible de modifier la répartition des charges entre locataires.

Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application du présent article. Il précise les charges, les impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, ne peuvent être imputés au locataire et les modalités d’information des preneurs”.

Conformément à l’article 21 II de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, ces dispositions sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014.

L’article R. 145-35 du même code précise que ne peuvent être imputés au locataire :

1° Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l’article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ;

2° Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l’immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu’ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l’alinéa précédent ;

3° Les impôts, notamment la contribution économique territoriale, taxes et redevances dont le redevable légal est le bailleur ou le propriétaire du local ou de l’immeuble ; toutefois, peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l’usage du local ou de l’immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement ;

4° Les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l’immeuble faisant l’objet du bail ;

5° Dans un ensemble immobilier, les charges, impôts, taxes, redevances et le coût des travaux relatifs à des locaux vacants ou imputables à d’autres locataires.

La répartition entre les locataires des charges, des impôts, taxes et redevances et du coût des travaux relatifs à l’ensemble immobilier peut être conventionnellement pondérée. Ces pondérations sont portées à la connaissance des locataires.

Ne sont pas comprises dans les dépenses mentionnées aux 1° et 2° celles se rapportant à des travaux d’embellissement dont le montant excède le coût du remplacement à l’identique.

L’article R.145-36 du même code ajoute que l’état récapitulatif annuel mentionné au premier alinéa de l’article L. 145-40-2, qui inclut la liquidation et la régularisation des comptes de charges, est communiqué au locataire au plus tard le 30 septembre de l’année suivant celle au titre de laquelle il est établi ou, pour les immeubles en copropriété, dans le délai de trois mois à compter de la reddition des charges de copropriété sur l’exercice annuel. Le bailleur communique au locataire, à sa demande, tout document justifiant le montant des charges, impôts, taxes et redevances imputés à celui-ci.

L’article R. 145-37 du même code dispose que les informations mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 145-40-2 sont communiquées au locataire dans le délai de deux mois à compter de chaque échéance triennale. A la demande du locataire, le bailleur lui communique tout document justifiant le montant de ces travaux.

Les dispositions des articles R.145-35, 145-36 et 145-37 sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter de la publication du décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014.

En l’espèce, l’article 6.2 du bail objet du litige stipule que :

« De façon déterminante et de rigueur entre les parties, le Preneur devra acquitter au Bailleur la quote-part de charges relative aux locaux loués de l’ensemble des prestations communes, assurances, impôt foncier, taxes locatives, fournitures individuelles, des dépenses nécessaires au fonctionnement, à la propreté, à l’entretien, aux réparations de l’ensemble immobilier et notamment tous frais concernant l’entretien des ascenseurs, chauffage, cours et jardins, ainsi que tous aménagements, mobilier, matériel d’exploitation des parties communes, de rembourser même la quote-part des salaires et toutes charges concernant tout le personnel affecté à l’immeuble, tels que gardiens, personnel de nettoyage, d’administration, ainsi que les avances de trésorerie appelées par le syndic, les honoraires de gestionnaire de l’immeuble (à la seule exception des honoraires du Bailleur liés à la gestion des loyers des locaux) etc… le tout de telle sorte que le loyer ci-après stipulé soit net de toutes charges pour le Bailleur.

Un budget prévisionnel des charges et taxes (avec indication de la répartition entre le Bailleur et le Preneur) figure en annexe du présent Bail.

Un état récapitulatif annuel des charges et taxes pour l’année écoulée sera transmis au Preneur, pour information, au plus tard le 30 septembre de chaque année. Le Bailleur s’engage d’ores et déjà à communiquer au Preneur, à sa demande, tout document justifiant le montant des charges, impôts, taxes et redevances imputés à celui-ci.

Si l’immeuble est en copropriété ou s’il dépend d’une ASL ou d’une AFUL, l’arrêté des comptes sera transmis au Preneur dans un délai de trois mois à compter de l’établissement de la reddition des comptes de la copropriété, de l’AFUL ou de l’ASL.

Le Bailleur s’engage d’ores et déjà à communiquer au Preneur, à sa demande, tout document justifiant le montant des charges, impôts, taxes et redevances imputés à celui-ci.

Le montant de la provision sur charges pourra être modifié chaque année en fonction de l’expérience résultant de l’exploitation de l’immeuble.

En tout état de cause, le Bailleur pourra toujours ajuster en cours d’année le budget prévisionnel établi pour l’année civile en cours et les provisions en résultant s’il apparaît que ce budget est inférieur à la réalité.

Par ailleurs, figurent en annexe du présent Bail (i) un état récapitulatif des travaux que le Bailleur a réalisé dans l’immeuble entre 2013 et 2016 (ainsi que le coût associé) et (ii) un budget prévisionnel des travaux que le Bailleur envisage de réaliser dans les trois années suivant la date de prise d’effet du bail.

Conformément à l’article R.145-37 du code de commerce, une mise à jour des documents et informations visés au paragraphe précédent sera communiquée au Preneur dans un délai de deux mois à compter de chaque échéance triennale. A la demande du Preneur, le Bailleur lui communiquera tout document justifiant le montant des travaux. »

– Sur les retards dans la transmission des états récapitulatifs annuels

Il est constant que le bail objet du présent litige a été renouvelé le 3 novembre 2017 avec une prise d’effet au 1er janvier 2017.

Il en résulte que tant les dispositions légales et réglementaires ci-dessus rappelées issues de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 et du décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014 que les stipulations contractuelles convenues par les parties le 3 novembre 2017 ne sont pas applicables aux relations des parties antérieures au 1er janvier 2017.

Les parties n’ont pas versé aux débats le bail antérieur mais la société FRANCE BKR indique elle-même dans ses conclusions que le bail était « muet à ce sujet ».

Dès lors, aucune obligation n’incombait au bailleur de justifier de la régularisation des charges dans le délai prévu à l’article R. 145-36 précité et aux troisième et quatrième alinéa de l’article 6.2 du bail.

S’agissant des exercices postérieurs au renouvellement du bail, il apparaît que :
– la reddition des charges de l’exercice 2017 a été facturée le :
19 novembre 2021,
– la reddition des charges de l’exercice 2018 a été facturée le :
22 décembre 2021,
– la reddition des charges de l’exercice 2019 a été facturée le :
2 février 2023,
– la reddition des charges de l’exercice 2020 a été facturée le :
2 février 2023,
– la reddition des charges de l’exercice 2021 a été facturée le :
2 février 2023,
– la reddition des charges de l’exercice 2022 a été émise le :
18 janvier 2024.

Il en résulte que le bailleur a manifestement manqué de manière réitérée aux obligations qui lui incombaient en application de l’article R. 145-36 précité et aux troisième et quatrième alinéa de l’article 6.2 du bail dès lors que, pour les exercices 2017 à 2022, au regard des durées de plusieurs années écoulés entre la fin de l’exercice et la reddition de charges, les délais prévus par les textes précités n’ont pas été respectés.

Toutefois, il ressort des articles L. 145-40-2 et R. 145-36 précités qu’aucune sanction n’est prévue du seul fait du retard du bailleur.

Dès lors, s’il est susceptible d’encourir les sanctions ordinaires résultant du manquement aux obligations d’un bail commercial (résiliation à ses torts, intérêts de retard après mise en demeure lorsque l’état récapitulatif fait apparaître un avoir, dommages-intérêts réparant le préjudice résultant du retard), ces manquements ne peuvent justifier l’ « annulation » des provisions sur charges puisque celles-ci ont été justifiées par la communication des états récapitulatifs.

Le moyen à ce titre sera écarté.

S’agissant de l’exercice 2023, le bailleur prétend que l’assemblée générale devant venir clôturer l’exercice 2023 ne s’est pas encore tenue sans que ses affirmations sur ce point ne soient contestées par la société FRANCE BKR.

Au regard des dispositions de l’article R.145-36 précité concernant les biens soumis au régime de la copropriété et les stipulations du quatrième alinéa de l’article 6.2 du bail, le manquement du bailleur n’apparaît pas caractérisé et le moyen sera également écarté sur cet exercice.

– Sur l’insuffisance des documents transmis par le bailleur

Conformément aux dispositions de l’article R. 145-36 précité et de l’alinéa 5 de l’article 6.2 du bail, le bailleur est tenu de produire tout document justifiant le montant des charges, impôts, taxes et redevances imputés à la demande du preneur.

Il en résulte que le bailleur n’est pas tenu de produire de lui-même l’ensemble des documents justifiant les charges, impôts et taxes réclamées au locataire mais il appartient à ce dernier, le cas échéant, de solliciter de manière précise le ou les documents justifiant le ou les postes de charges dont il souhaite obtenir la communication.

En conséquence, le locataire ne saurait invoquer par des considérations générales et imprécises sur la qualité des états récapitulatifs et des justificatifs produits par le bailleur l’imprécision ou l’absence de justification des charges sans lui-même, au préalable, préciser le ou les postes querellés sur quel exercice.

En l’espèce, la locataire qui se contente pour l’essentiel de considérations générales sans préciser ni le poste de charges ni l’exercice concerné ne peut utilement critiquer les états récapitulatifs fournis par le bailleur.

Au surplus, s’agissant des deux postes qui font l’objet d’une critique précise quant à la nature, au montant et aux exercices des charges querellés à savoir les charges intitulées « CH NR HABITATION » et les honoraires de gestion, il convient de rappeler, en tout état de cause, qu’à supposer que ces charges ne seraient pas dues ou justifiées, cela ne saurait, en aucun cas, justifier l’annulation de l’ensemble des provisions pour charges versées et le remboursement de celles-ci mais uniquement la répétition de l’indu des sommes versées au titre des charges injustifiées. La locataire qui ne forme pas une telle demande aux termes de son dispositif ne pourra donc, en toute hypothèse, qu’être déboutée du moyen présenté à ce titre.

– Sur l’absence d’inventaire au sein du bail

L’article L. 145-40-2 du code de commerce précité prévoit que le bail doit comporter un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire.

En l’espèce, l’alinéa 1er de l’article 6.2 du bail précité prévoit une liste précise des charges qui pourront être imputées à la locataire.

Il ne saurait dès lors être considéré que le bail serait dépourvu de l’inventaire exigé par l’article L. 145-40-2 précité et le moyen à ce titre sera écarté.

Il en résulte que l’ensemble des moyens étant écarté, la société FRANCE BKR sera déboutée de ses demandes d’annulation de provisions de charges, d’annulation des redditions de charges, de remboursements des provisions et redditions de charges depuis la prise d’effet du Bail et aux fins de compensation avec les sommes dues au bailleur.

Il en résulte que la société FRANCE BKR doit être condamnée à payer à la société ALLIANZ PIERRE la somme de 49.690,47 euros TTC, au titre du solde de l’arriéré locatif ci-dessus fixé, avec intérêts au taux légal à compter du
7 octobre 2021 sur la somme de 24.645,31 euros visée au commandement, à compter du 10 janvier 2022 sur la somme de 1.098,63 euros (différence entre la somme de 25.743,94 euros visée à l’assignation et la somme visée au commandement) et à compter de la présente décision pour le surplus.

La demande de la société FRANCE BKR sollicitant qu’il ne soit pas octroyé d’intérêts de retard sera écartée dès lors que la perte de la chose louée n’est pas établi, que l’ordonnance du 25 mars 2020 n’est pas applicable pour les motifs précédemment énoncés et que par ailleurs, l’article 1231-6 du code civil n’accorde pas de pouvoir de modération au juge à ce titre.

Sur la demande de délais de paiement

L’article 1343-5 du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.

Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

En l’espèce, les éléments comptables concernant la société FRANCE BKR versés aux débats font apparaître qu’elle présente une situation financière lui permettant d’assumer le paiement des sommes dues. Sa situation ne justifie donc pas qu’il soit fait droit à sa demande d’octroi de délais de paiement et elle sera déboutée de sa demande sur ce point.

Sur les demandes accessoires

La société FRANCE BKR qui succombe supportera la charge des dépens conformément à l’article 695 du code de procédure civile.

Dès lors, il y a lieu de la condamner à payer à la société ALLIANZ PIERRE une somme de 10.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile qui comprendront le coût de la sommation de payer qui fait partie des frais irrépétibles.

Il convient de rappeler qu’en application de l’article 514 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. En l’espèce, aucun motif ne justifie qu’il soit dérogé au principe de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal judiciaire statuant par décision contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe après débats en audience publique,

Déclare irrecevable la fin de non-recevoir présentée par la société ALLIANZ PIERRE aux fins de faire juger prescrite la demande de remboursement de la reddition de charges de l’année 2015 ;

Condamne la société FRANCE BKR à payer à la société ALLIANZ PIERRE la somme de 49.690,47 euros TTC correspondant au montant des loyers et accessoires arrêtés à la date du 3 octobre 2024 avec intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2021 sur la somme de 24.645,31 euros, à compter du 10 janvier 2022 sur la somme de 1.098,63 euros et à compter de la présente décision pour le surplus ;

Condamne la société FRANCE BKR à payer à la société ALLIANZ PIERRE la somme de 600 euros au titre de la clause pénale prévue à l’article 9 du bail liant les parties ;

Déboute la société FRANCE BKR de l’ensemble de ses prétentions ;

Condamne la société FRANCE BKR aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Michele DE KERCKHOVE ;

Condamne la société FRANCE BKR à payer à la société ALLIANZ PIERRE une somme de 10.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en ce compris le coût de la sommation de payer du 7 octobre 2021 ;

Rappelle que le présent jugement est exécutoire de droit à titre provisoire.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 FÉVRIER 2025 par M. JOLY, Premier Vice-Président Adjoint, assisté de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquels ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Carla LOPES DOS SANTOS Eric JOLY


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