Conflit locatif et obligations contractuelles : enjeux de la clause résolutoire et de la régularisation des charges.

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Conflit locatif et obligations contractuelles : enjeux de la clause résolutoire et de la régularisation des charges.

L’Essentiel : La S.C.I. NOAH possède le lot n°2, comprenant une boutique et un sous-sol à [Adresse 2] [Localité 6]. Monsieur [U] détient les lots n°3, 4, 5 et 8, incluant une boutique sur rue à [Adresse 5] [Localité 6]. Les baux de la S.C.I. NOAH et de Monsieur [U] sont distincts. En 2021, Monsieur [U] a cédé son fonds de commerce à la PHARMACIE DUROC, qui a ensuite renouvelé son bail. Cependant, des loyers impayés ont conduit à une saisie conservatoire et à une action en justice pour expulsion, avec des débats en cours devant le tribunal.

Propriétaires des locaux

La S.C.I. NOAH possède le lot n°2, qui comprend une boutique, une arrière-boutique et un sous-sol dans un immeuble situé à [Adresse 2] [Localité 6]. Monsieur [U] est le propriétaire des lots n°3, 4, 5 et 8, qui incluent une boutique sur rue, une réserve, un débarras et un local sur rue dans un immeuble à [Adresse 5] [Localité 6]. Les locaux de la S.C.I. NOAH et ceux de Monsieur [U] sont attenants et font l’objet de deux baux distincts.

Renouvellement des baux

Le 5 novembre 2013, la S.C.I. NOAH a renouvelé le bail commercial de Monsieur [U] pour une durée de neuf ans à partir du 1er juillet 2017. Le 9 septembre 2021, Monsieur [U] a cédé son fonds de commerce à la société PHARMACIE DUROC, incluant le droit au bail sur les locaux. Le 22 juin 2022, la S.C.I. NOAH a renouvelé le bail commercial pour la PHARMACIE DUROC pour neuf ans à compter du 1er octobre 2021, avec un loyer annuel de 39.500 euros.

Impayés et actions judiciaires

Des loyers impayés ont conduit la S.C.I. NOAH à délivrer un commandement de payer le 23 janvier 2024, réclamant 23.785,02 euros. Le 9 février 2024, une saisie-conservatoire de ce montant a été effectuée sur le compte de la PHARMACIE DUROC. La S.C.I. NOAH a ensuite cité la PHARMACIE DUROC devant le tribunal judiciaire de Paris pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire et demander l’expulsion.

Développements judiciaires

L’affaire a été renvoyée à plusieurs reprises, notamment le 17 mai 2024, où les parties ont été invitées à rencontrer un médiateur, mais ont refusé. Elle a été plaidée le 30 août 2024, et les débats ont été réouverts le 31 octobre 2024 pour respecter le principe du contradictoire. Lors de l’audience du 22 novembre 2024, la S.C.I. NOAH a demandé la constatation de l’apurement de la dette locative par la PHARMACIE DUROC.

Arguments de la PHARMACIE DUROC

La PHARMACIE DUROC a contesté la validité de l’assignation, arguant de mentions erronées, et a demandé la suspension du paiement des loyers jusqu’à la réalisation de travaux nécessaires dans les locaux. Elle a également sollicité la mainlevée de la saisie conservatoire, affirmant que la S.C.I. NOAH avait agi de manière abusive.

Décision du tribunal

Le tribunal a donné acte à la S.C.I. NOAH de son désistement concernant la clause résolutoire et les demandes d’expulsion. Il a déclaré irrecevable l’exception de nullité de la PHARMACIE DUROC et a jugé qu’il n’y avait pas lieu à référé sur ses demandes reconventionnelles, y compris la suspension des loyers et la mainlevée de la saisie. La demande d’amende civile pour procédure abusive a également été rejetée.

Condamnations

La PHARMACIE DUROC a été condamnée aux dépens et à verser 1.500 euros à la S.C.I. NOAH au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences de l’acquisition de la clause résolutoire dans le cadre d’un bail commercial ?

L’acquisition de la clause résolutoire dans un bail commercial a des conséquences significatives pour le bailleur. Selon l’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile, la clause résolutoire est acquise de plein droit à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la notification d’un commandement de payer.

Ce délai est crucial car il permet au locataire de régulariser sa situation avant que le bailleur ne puisse demander l’expulsion. En l’espèce, la S.C.I. NOAH a notifié un commandement de payer le 23 janvier 2024, et la clause résolutoire a été considérée comme acquise le 24 février 2024.

Ainsi, si le locataire ne s’acquitte pas de ses obligations locatives dans ce délai, le bailleur peut demander l’expulsion et la résiliation du bail. Cela souligne l’importance pour le locataire de respecter ses engagements financiers pour éviter des conséquences graves.

Quelles sont les obligations du bailleur en matière de délivrance et d’entretien des locaux loués ?

Les obligations du bailleur sont clairement définies par l’article 1719 du Code civil. Cet article stipule que le bailleur est tenu de délivrer au preneur la chose louée, de l’entretenir en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée, et d’assurer la

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/52406 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4JJ7

N° : 9

Assignation du :
07 Mars 2024

[1]

[1] 2 copies exécutoires
délivrées le :

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 31 décembre 2024

par Cristina APETROAIE, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Estelle FRANTZ, Greffier.

DEMANDERESSE

La société S.C.I. NOAH, Société Civile Immobilière
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître David FERTOUT, avocat au barreau de PARIS – #E1770

DEFENDERESSE

S.E.L.A.R.L. PHARMACIE DUROC
[Adresse 2]
[Localité 6]

représentée par Maître Mathilde BERNARDIN-HOCQUARD, avocat au barreau de PARIS – #E1947

DÉBATS

A l’audience du 22 Novembre 2024, tenue publiquement, présidée par Cristina APETROAIE, Juge, assistée de Estelle FRANTZ, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

EXPOSE DU LITIGE

La S.C.I. NOAH est propriétaire du lot n°2, constitué d’une boutique, une arrière-boutique et un sous-sol au sein d’un immeuble sis [Adresse 2] [Localité 6].

Monsieur [U] est quant à lui propriétaire des lots n°3, 4, 5 et 8, constitués d’une boutique sur rue, une réserve, un débarras et un local sur rue au sein d’un immeuble sis [Adresse 5] [Localité 6].

Les locaux appartenant à la S.C.I. NOAH et ceux appartenant à Monsieur [U], qui sont attenants, ont été réunis au rez-de-chaussée et font l’objet de deux baux distincts.

Selon acte sous seing privé du 5 novembre 2013, la S.C.I. NOAH a renouvelé le contrat de bail commercial consenti à Monsieur [U], pour une durée de neuf années à compter du 1er juillet 2017.

Aux termes d’un acte sous signature privée du 9 septembre 2021, Monsieur [U] a cédé son fonds de commerce d’officine à la société PHARMACIE DUROC (ci-après « la PHARMACIE DUROC ») à compter du 10 septembre 2021, comprenant le droit au bail sur les locaux sis [Adresse 2] et [Adresse 5] [Localité 4].

Par acte sous signature privée du 22 juin 2022, la S.C.I. NOAH a renouvelé le contrat de bail commercial consenti à la PHARMACIE DUROC pour une durée de neuf années à compter du 1er octobre 2021, moyennant le paiement d’un loyer annuel de 39.500 euros hors charges et hors taxes, payable mensuellement d’avance.

Des loyers étant demeurés impayés, la S.C.I. NOAH a fait délivrer au preneur, par exploit du 23 janvier 2024, un commandement de payer visant la clause résolutoire, portant sur la somme en principal de 23.785,02 euros au titre des loyers et charges échus à cette date.

La S.C.I. NOAH a fait pratiquer le 9 février 2024, une saisie-conservatoire de la somme de 23.785,02 euros sur le compte bancaire de la PHARMACIE DUROC ouvert dans les livres de la société CREDIT LYONNAIS.

Se prévalant de l’acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail, la S.C.I. NOAH a, par exploit délivré le 7 mars 2024, fait citer la PHARMACIE DUROC devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, aux fins de voir, au visa de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile :
« – CONSTATER l’acquisition de plein droit de la clause résolutoire stipulée par le contrat de bail liant la Société SCI NOAH, d’une part, et la Société PHARMACIE DUROC, d’autre part, à l’expiration du délai d’un mois suivant la notification du commandement de payer visant la clause résolutoire du 23 janvier 2024, soit le 24 février 2024 ;
En conséquence,
– ORDONNER l’expulsion des lieux loués de la Société PHARMACIE DUROC et de tout occupant de son chef, et ce avec l’assistance de la force publique s’il y a lieu qu’ils occupent à [Localité 6], [Adresse 2] ;
– ORDONNER le transport et la séquestration des meubles conformément aux dispositions légales applicables ;
– AUTORISER la SCI NOAH à faire constater et estimer les réparations locatives par un huissier de justice qui sera commis à cet effet ;
– ORDONNER la conversion de la saisie conservatoire en saisie attribution ;
– CONDAMNER la Société PHARMACIE DUROC, à titre provisionnel, la somme de 20 195,16 € au titre des loyers, taxes et charges, éventuellement à parfaire au jour de la décision à intervenir ; cette somme devant être augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation ;
– CONDAMNER la Société PHARMACIE DUROC à payer à la SCI NOAH une indemnité d’occupation correspondant au double du montant journalier du loyer facturé, et ce jusqu’à la libération effective des lieux et la remise des clés,
– ORDONNER la capitalisation des intérêts ;
– CONDAMNER la Société PHARMACIE DUROC à payer à SCI NOAH la somme de 2600 Euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, qui comprendront notamment le coût de la présente assignation. ».

L’affaire, appelée pour la première fois à l’audience du 17 mai 2024, a fait l’objet d’un renvoi à la demande des parties, celles-ci ayant par ailleurs reçu injonction de rencontrer un médiateur.

Les parties n’ayant pas souhaité entrer en médiation, l’affaire a été plaidée à l’audience du 30 août 2024.

Par mention apposée au dossier le 31 octobre 2024, l’affaire a fait l’objet d’une réouverture des débats afin de respecter le principe du contradictoire et l’oralité des débats, les parties ayant transmis plusieurs notes en délibéré les 9 septembre, 2, 3 et 7 octobre 2024.

A l’audience de renvoi du 22 novembre 2024, par écritures déposées et oralement soutenues, la demanderesse, représentée, sollicite du juge des référés de :
« – CONSTATER que la société PHARMACIE DUROC a apuré sa dette locative au-delà du délai de 30 jours à compter du commandement de payer du 23 janvier 2024,
– DEBOUTER la société PHARMACIE DUROC de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,
– ORDONNER la capitalisation des intérêts ;
– CONDAMNER la société PHARMACIE DUROC à payer à la SCI NOAH la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, qui comprendront notamment le coût de la présente assignation. ».

Elle indique cependant se désister de sa demande de capitalisation des intérêts.

En réplique, par écritures déposées et soutenues à l’audience, la défenderesse, par l’intermédiaire de son conseil, demande au juge des référés de :
« Recevoir la pharmacie DUROC, en ses conclusions,
Y faire droit,
Constater que :
– La nullité de l’assignation, du commandement de payer, ainsi que de la saisie conservatoire de la SCI NOAH ne justifiant pas d’un siège social, la comparution mentionnée étant donc erronée.
En conséquence, débouter purement et simplement la SCI NOAH de l’ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire,
Constater que :
– La dette de la Pharmacie DUROC a été totalement apurée depuis le 2 septembre 2024,
– La SCI NOAH ayant manqué à ses obligations de délivrance et d’entretien du local commercial et d’assureur à son locataire la jouissance paisible du local,
– La SCI NOAH a manqué à ses obligations au titre de la régularisation des charges récupérables sur le preneur,
– La Pharmacie DUROC a répondu à la mise en demeure ainsi qu’au commandement de payer qui lui ont été adressés par la SCI NOAH de sorte que ces derniers ont reçus exécution,
En conséquence, débouter purement et simplement la SCI NOAH de sa demande d’acquisition de la clause résolutoire et de sa demande d’expulsion, celle-ci étant non seulement irrecevable mais mal fondée,
A titre reconventionnel,
Ordonner la suspension du paiement des loyers jusqu’à la réalisation des travaux de reprise du mur, des travaux de ventilation et de mise en conformité du faux plafond et à défaut, ordonner la consignation des loyers entre les mains du bâtonnier et ce jusqu’à ce que le Tribunal judiciaire se soit prononcé dans le cadre de la procédure pendante devant la 18 ème chambre ou que la SCI NOAH justifie d’une comparution juste et conforme à la législation applicable,
Ordonner la main levée de la saisie conservatoire pratiquée dont l’ensemble des frais devront rester à la charge de la SCI NOAH et ce sous astreinte de 500€ par jour, et condamner la SCI NOAH a versé à la Pharmacie DUROC la somme de 5.000€ au titre du caractère abusif de la saisie pratiquée,
Condamner la SCI NOAH à demander la convocation d’une assemblée générale extraordinaire afin que soit voter la reprise du mur et ce sous astreinte de 500 € par jour à compter de la présente ordonnance,
Se réserver au besoin, la liquidation de l’astreinte qui aura couru à défaut de respect des condamnations prononcées ;
Condamner la SCI NOAH à verser la somme de 5.000€ sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile,
Condamner la SCI NOAH a versé à la Pharmacie DUROC la somme de 5.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens. ».

La défenderesse précise également maintenir sa demande afférente à la régularisation des charges.

Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il doit être constaté que par note en délibéré du 6 septembre 2024 sollicitée par le magistrat à propos de l’encaissement d’un chèque remis par la défenderesse, la demanderesse a informé la juridiction de l’encaissement de ce chèque et de la remise de deux virements et de ce que sa locataire a donc apuré la totalité des causes de la dette locative.

Sur le désistement

En vertu de l’article 394 du code de procédure civile, il sera donné acte à la requérante qu’elle se désiste de sa demande tendant à la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire ainsi que des demandes subséquentes en expulsion et condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation, mais également de sa demande de capitalisation des intérêts.

Sur l’exception de nullité

La défenderesse soulève la nullité de l’assignation puisque celle-ci comporte des mentions erronées et notamment la mention du siège social de la demanderesse qui n’est pas la bonne.

En réplique, la S.C.I. NOAH soulève l’irrecevabilité de l’exception de nullité, celle-ci devant être soutenue in limine litis, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. En outre, elle précise que le siège social renseigné sur l’assignation est bien le sien, comme il ressort de son extrait Kbis versé aux débats, de sorte qu’aucun grief ne peut être invoqué par la PHARMACIE DUROC.

Aux termes de l’article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

En application de l’article 54 alinéa 2 du même code, l’assignation doit contenir, à peine de nullité, pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement.

La nullité encourue pour omission de l’une des mentions exigées pour la désignation du requérant est une nullité de forme telle que prévue par l’article 114 du code de procédure civile à charge pour le destinataire d’établir que le vice lui cause un grief.

Selon l’article 74 du code de procédure civile, les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

Il est admis qu’est recevable l’exception de nullité présentée oralement à l’audience avant toute référence aux écritures portant sur le fond du litige, alors même que ces écritures auraient été préalablement déposées.

Or, en l’espèce, la défenderesse a soutenu oralement, lors de l’audience de plaidoirie du 30 août 2024, plusieurs défenses au fond et après que le demandeur ait oralement soutenu ses moyens et prétentions.

Il convient donc de déclarer irrecevable la PHARMACIE DUROC en son exception de nullité de l’assignation.

Sur les demandes reconventionnelles

* Sur la suspension ou consignation des loyers et la régularisation des charges

En vertu de l’article 1103 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Aux termes de l’article 1719 du code civil : « Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant ;
2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ;
3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
4° D’assurer également la permanence et la qualité des plantations. ».

Selon l’article 1728 du code civil, « Le preneur est tenu de deux obligations principales :
1° D’user de la chose louée en bon père de famille, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d’après les circonstances, à défaut de convention ;
2° De payer le prix du bail aux termes convenus. ».

L’exception d’inexécution ne peut être opposée au paiement des loyers qu’à la condition de démontrer que les locaux n’étaient pas conformes à leur destination contractuelle. Ainsi, il est admis que le locataire n’est pas tenu de payer le loyer quand il se trouve dans l’impossibilité d’utiliser les lieux loués comme le prévoit le bail.

La PHARMACIE DUROC sollicite la suspension du paiement de ses loyers jusqu’à la réalisation de différents travaux dans les locaux pris à bail et notamment la reprise du mur, la construction d’une ventilation et la mise en conformité du faux plafond. A défaut, elle demande la consignation des loyers entre les mains du bâtonnier jusqu’à ce que le tribunal judiciaire de Paris, saisi d’une procédure au fond, rende sa décision.

Elle se prévaut également de ce que la bailleresse n’a pas produit les régularisations de charges qui doivent pourtant être transmises au locataire et qu’elle a donc appelé sans le justifier 7.500 euros (300 euros x 25 mois).

En réplique, la bailleresse rappelle que les travaux de reprise du mur ont d’ores et déjà été votés en assemblée générale, que les travaux de création d’une VMC dans la cave ont été portés à l’ordre du jour lors de l’assemblée générale du 12 juin 2024 et que l’affaissement du faux plafond ne fait pas suite à un défaut structurel de l’immeuble, mais doit faire l’objet de travaux de réparation. Elle argue de ce que sa locataire ne peut s’acquitter du paiement des loyers et des charges, celle-ci n’ayant pas cessé d’exploiter les locaux.

La bailleresse indique en outre avoir opéré des rectifications sur la facturation des charges, de sorte qu’il n’existe plus aucun grief à l’encontre de sa locataire.

Au cas particulier, la cession de fonds de commerce d’officine du 9 septembre 2021comprenant le droit au bail prévoit expressément que : « Ce Bail autorise l’exercice du commerce de « PHARMACIE D’OFFICINE ».

Il est constant qu’une expertise judiciaire visant à déterminer la consistance et l’origine des désordres survenus dans les locaux de la pharmacie ainsi que leur imputabilité est en cours de réalisation, de sorte que les parts de responsabilités n’ont pas encore été déterminées. Rien ne permet donc d’établir que les désordres allégués procèdent d’un manquement du bailleur à ses obligations contractuelles.

En outre, il n’est aucunement établi que les désordres survenus dans les locaux empêcheraient complètement la société preneuse de les exploiter, la teneur des pièces produites démontrant au contraire une exploitation continue de la pharmacie.

Aussi n’y a-t-il pas lieu à référé sur la demande de suspension de l’obligation de paiement des loyers et à défaut de consignation des loyers.

En ce qui concerne la demande afférente aux régularisations de charges, si la défenderesse développe, à titre de moyen, que la bailleresse n’a pas justifié des provisions pour charges appelées, celle-ci n’en tire aucune conséquence et ne formule aucune prétention à ce titre dans le dispositif de ses écritures, de sorte que conformément aux dispositions de l’article 446-2 du code de procédure civile, il n’y sera pas répondu.

* Sur la mainlevée de la saisie conservatoire

En application de l’article R. 512-2 du code des procédures civiles d’exécution, la demande de mainlevée est portée devant le juge qui a autorisé la mesure. Si celle-ci a été prise sans autorisation préalable du juge, la demande est portée devant le juge de l’exécution du lieu où demeure le débiteur. Toutefois, lorsque la mesure est fondée sur une créance relevant de la compétence d’une juridiction commerciale, la demande de mainlevée peut être portée, avant tout procès, devant le président du tribunal de commerce de ce même lieu.

La PHARMACIE DUROC sollicite la mainlevée de la saisie conservatoire exercée au nom d’une société dont le siège social n’existe pas et pratiquée avant l’expiration du délai d’un mois à compter du commandement de payer dont les frais engagés par la S.C.I. NOAH devront demeurer à sa charge, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et de condamner la S.C.I. NOAH à lui verser 5.000 euros au titre du caractère abusif d’une telle saisie.

Compte tenu de ce que le juge des référés n’est pas compétent pour se prononcer sur la mainlevée de la mesure conservatoire ainsi opérée, qui relève de la compétence exclusive du juge de l’exécution, il n’y a pas lieu à référé sur ce chef de demande ni sur la demande subséquente de condamnation au paiement d’une somme de 5.000 euros au titre du caractère abusif de la mainlevée.

* Sur la convocation de l’assemblée générale

La défenderesse sollicite la convocation d’une assemblée générale extraordinaire afin de voter la reprise du mur et la création d’une VMC, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

En réplique, la S.C.I. NOAH précise que les travaux de reprise du mur ont été votés lors de l’assemblée générale du 12 juin 2024, que les travaux de renforcement du plancher du rez-de-chaussée sont terminés. Enfin, sur la convocation de l’assemblée générale, elle expose qu’elle est devenue sans objet, puisque les travaux de reprise ont été votés.
Au cas particulier, la S.C.I. NOAH produit le procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire qui s’est tenue le 12 juin 2024, dont il résulte que les travaux proposés de réfection et de reprise du mur mitoyen entre les [Adresse 2] [Adresse 5] ont été adoptés à la majorité de l’article 24. En outre, il ressort également de ce procès-verbal qu’une résolution visant à autoriser la SCI NOAH à créer une ventilation dans les caves a été inscrite à l’ordre du jour et que cette résolution a été rejetée.

Dans ces circonstances, la demande tendant à obtenir la convocation d’une assemblée générale extraordinaire pour obtenir le vote des travaux de reprise du mur est sans objet et il n’y a donc pas lieu à référé.

Sur l’amende civile

En application de l’article 32-1 du code de procédure civile, « Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamé. ».

Le juge des référés peut allouer des dommages-intérêts pour procédure abusive.

Si le droit d’agir est susceptible de dégénérer en abus, celui qui l’invoque doit démontrer que l’action a été initiée avec une intention malveillante ou de mauvaise foi, ou qu’elle repose sur une erreur grossière ou a été initiée avec une légèreté blâmable.

La PHARMACIE DUROC soutient que la S.C.I. NOAH a eu un comportement abusif, puisqu’elle n’ignorait pas les difficultés éprouvées par sa locataire et qu’elle lui a pourtant fait délivrer un commandement de payer alors que la pharmacie avait déjà repris spontanément le paiement du loyer courant et proposé un échéancier d’apurement de son arriéré de loyers qui ne portait que sur une partie de l’année 2023. Elle sollicite donc la condamnation de la bailleresse à une somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 32-2.

La bailleresse indique que la PHARMACIE DUROC est de mauvaise foi, puisqu’elle n’a jamais cessé d’exploiter son local commercial et qu’elle ne justifie d’aucune difficulté financière, comme en atteste la saisie conservatoire pratiquée.

En l’espèce, la circonstance selon laquelle la bailleresse a refusé de mettre en œuvre un échéancier de paiement et a fait délivrer un commandement de payer, puis pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes de la PHARMACIE DUROC, qui ne conteste pas au demeurant avoir été redevable, jusqu’à l’apurement de sa dette, de certaines sommes échues auprès de sa bailleresse, ne suffit pas à caractériser un abus par la demanderesse de son droit d’agir.

Par ailleurs, si la défenderesse invoque qu’elle a subi un préjudice, celle-ci ne démontre pas qu’il est imputable à certains manquements qui auraient été commis par la bailleresse.

Dès lors, la demande d’amende civile au titre de la procédure abusive sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Succombant, la PHARMACIE DUROC sera condamnée aux dépens et à verser à la S.C.I. NOAH la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant en référé, par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,

Donnons acte à la société S.C.I. NOAH de ce qu’elle se désiste de sa demande tendant à la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire ainsi que des demandes subséquentes en expulsion et condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation, mais également de sa demande de capitalisation des intérêts ;

Déclarons irrecevable la société PHARMACIE DUROC en son exception de nullité de l’assignation ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur les demandes reconventionnelles de suspension et consignation des loyers formulées par la société PHARMACIE DUROC ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de mainlevée formée par la société PHARMACIE DUROC et sur la demande subséquente de condamnation au paiement d’une somme de 5.000 euros au titre du caractère abusif ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de convocation d’une assemblée générale extraordinaire formulée par la société PHARMACIE DUROC ;

Rejetons la demande formée par la société PHARMACIE DUROC au titre de l’amende civile ;

Condamnons la société PHARMACIE DUROC aux dépens ;

Condamnons la société PHARMACIE DUROC à verser à la société S.C.I. NOAH la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Fait à Paris le 31 décembre 2024

Le Greffier, Le Président,

Estelle FRANTZ Cristina APETROAIE

Décision préparée avec le concours de [W] [C], juriste-assistante.


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