Exposé du LitigeLe 2 juillet 2020, des commissaires de justice à Valenciennes ont signifié un commandement de payer des loyers à Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I], à la demande de Monsieur [W] [U], Monsieur [M] [U] et Madame [E] [U]. Ce commandement concernait une somme de 14 025,22 euros, en vertu d’un bail privé signé le 8 juillet 2010. Le 13 juin 2024, un procès-verbal de saisie-vente a été dressé pour le paiement d’une somme de 2 540,38 euros, suite à un jugement du tribunal judiciaire de Valenciennes. Par la suite, le 9 juillet 2024, les créanciers ont été assignés à comparaître devant le juge de l’exécution, avec plusieurs renvois avant l’audience du 15 octobre 2024. Demandes des PartiesLors de l’audience, Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I] ont demandé la nullité du procès-verbal de saisie-vente, le déboutement des demandes reconventionnelles, un délai de grâce, et une indemnité procédurale de 1 500 euros. Ils ont justifié leur demande par l’absence de désignation détaillée des biens saisis et l’absence d’interrogation sur d’éventuelles saisies antérieures. Ils ont également évoqué leur situation financière précaire, avec un seul revenu et sept enfants, dont trois sans emploi. De leur côté, les créanciers ont demandé le déboutement des demandes de Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I], ainsi que des dommages et intérêts pour procédure abusive. Ils ont soutenu que les irrégularités alléguées n’entraînaient pas de nullité et que la situation des débiteurs était connue de longue date, sans perspective d’amélioration. Motivation du JugementLe juge a d’abord examiné la demande de nullité du procès-verbal de saisie-vente, concluant que le commissaire de justice avait correctement dressé la liste des biens saisis et que les griefs des débiteurs n’étaient pas fondés. Concernant la demande de délai de paiement, le juge a noté que la situation financière des débiteurs était précaire, mais qu’ils avaient déjà bénéficié de rétablissements personnels sans liquidation judiciaire, ce qui ne justifiait pas un report de paiement. Le juge a également statué sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, concluant que les débiteurs avaient agi de manière dilatoire et sans moyens sérieux, entraînant des frais pour les créanciers. En conséquence, ils ont été condamnés à verser 1 000 euros de dommages et intérêts. Décisions du JugeLe juge a débouté Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I] de leur demande en nullité du procès-verbal de saisie-vente et de leur demande de report de la dette. Ils ont été condamnés à payer 1 000 euros pour procédure abusive et à voir leur aide juridictionnelle réduite de 50 %. Aucune amende civile n’a été prononcée, et ils ont été condamnés aux dépens de l’instance, ainsi qu’à verser 500 euros chacun aux créanciers au titre des frais irrépétibles. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Tribunal judiciaire de Valenciennes
RG n°
24/02092
Minute n° 24/00107
AFFAIRE : [G] [I] épouse [F], [A] [F] / [W], [X] [U], [M], [S] [U], [E] [U] épouse [Z]
Code NAC : 78F Nature particulière :5C
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES
LE JUGE DE L’EXÉCUTION
JUGEMENT DU 05 NOVEMBRE 2024
JUGE DE L’EXÉCUTION : Madame Agnès DEIANA, Juge,
GREFFIER : Madame Anne Sophie BIELITZKI
DEMANDEURS
Mme [G] [I] épouse [F], née le [Date naissance 7] 1977 à [Localité 11] (GUINEE), demeurant [Adresse 6] ;
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2024/003609 du 05/07/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Valenciennes)
M. [A] [F], né le [Date naissance 5] 1969 à [Localité 11] (GUINEE), demeurant [Adresse 6] ;
Représentés par Me Caroline LE BOT, avocat au barreau de VALENCIENNES, vestiaire : 43 ;
DÉFENDEURS
M. [W], [X] [U], né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 10], demeurant [Adresse 3] ;
M. [M], [S] [U], né le [Date naissance 8] 1969 à [Localité 12] (USA), demeurant [Adresse 9] ;
Mme [E] [U] épouse [Z], née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 10], demeurant [Adresse 4] ;
Représentés par Maître Loïc RUOL de la SCP COURTIN & RUOL, avocats au barreau de VALENCIENNES, vestiaire : 3 ;
Le juge de l’exécution après avoir entendu les parties et leurs avocats en leurs conclusions à l’audience du 15 octobre 2024 a mis l’affaire en délibéré et indiqué que le jugement sera prononcé par mise à disposition au greffe le 05 novembre 2024, date à laquelle a été rendu le jugement dont la teneur suit:
EXPOSE DU LITIGE
Le 2 juillet 2020, M [N] [P], commissaires de justice à Valenciennes, agissant à la requête de Monsieur [W] [U], Monsieur [M] [U] et Madame [E] [U] a procédé en vertu d’un bail privé conclue le 8 juillet 2010, à la signification au domicile commun de Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I] d’un commandement aux fins de payer les loyers pour la somme de 14025,22 euros en principal, frais et intérêts.
Le 13 juin 2024, était dressé en vertu d’un jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Valenciennes en date du 29 février 2024 un procès-verbal de saisie-vente de biens meubles de Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I] pour avoir paiement de la somme de 2540,38 euros en principal, frais et intérêts.
Par acte de commissaire de justice en date du 9 juillet 2024, Monsieur [W] [U], Monsieur [M] [U] et Madame [E] [U] étaient assignés à comparaître par Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Valenciennes en l’audience du 30 juillet 2024.
Après avoir fait l’objet de quatre renvois à la demande de l’une ou l’autre des parties, l’affaire a été retenue à l’audience du 15 octobre 2024.
À cette audience, Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I], représentés par leur conseil, se sont référés à leurs écritures déposées aux termes desquelles ils demandent au juge de l’exécution au visa des articles R 221-16 du code des procédures civiles d’exécution et 1343-1 du code civil:
– de prononcer la nullité du procès verbal de saisie vente en date du 13 juin 2024 et partant la caducité de la saisie vente en ordonner la mainlevée
– débouter les défendeurs de leurs demandes reconventionnelles
– leur octroyer un délai de grâce maximum
– condamner les défendeurs à leur payer une indemnité procédurale de 1500 € outre aux entiers dépens.
Ils font valoir que le procès verbal est nul en raison de l’absence de désignation détaillée des biens objets de la saisie et pour absence de mention de l’interrogation du saisie quant aux éventuelles saisies antérieures sur les biens constituant l’assiette de la saisie.
Ils exposent que seule Madame [F] travaille et perçoit des revenus de l’ordre de 470 € par mois, qu’ils ont sept enfants dont trois majeurs qui sont sans emploi et résident toujours avec eux, que la dette locative a été générée par l’arrêt de l’aide au logement en raison de l’indécence du logement, que l’entièreté des travaux mentionnés sur la fiche décence n’a pas été effectué. Ils estiment que la dette de loyer n’est pas du et avoir interjeté appel de la décision ordonnant leur expulsion et les condamnant au paiement d’une indemnité d’occupation.
Ils estiment que la demande reconventionnelle en dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code civil est irrecevable et ne relève pas de la compétence du juge de l’exécution en l’absence de lien avec la mesure contestée et qu’ils n’ont commis aucun abus dans leur droit d’agir justifiant de prononcer une amende civile pour le retrait de l’aide juridictionnelle.
Monsieur [W] [U], Monsieur [M] [U] et Madame [E] [U], représentés par leur conseil se sont référés au contenu de leurs écritures déposées à l’audience pour solliciter, au visa des articles R 221-1 du code des procédures civiles d’exécution, 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile :
– débouter Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I] de leur demande en nullité du procès verbal de saisie vente
– débouter Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I] de leur demande de report de la dette ;
– condamner Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I] à leur payer la somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire ;
– condamner Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I] à payer une amende civile
– débouter Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I] de leur demande d’indemnité procédurale
– retirer le bénéfice de l’aide juridictionnelle à Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I] en vertu de l’article 50 de la loi n091-647 relative à l’aide juridictionnelle
Ils font valoir que Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I] ne démontrent pas le grief que leur causeraient les irrégularités alléguées de sorte qu’aucune nullité n’est encourue et que le commissaire de justice a bien établi la liste des biens saisis.
En ce qui concerne la demande de délai de grâce ils exposent que la situation des époux [D] est connue de longue date, qu’ils ont obtenu à trois reprises un effacement de leur dette de loyer suite à une procédure de redressement judiciaire sans liquidation personnelle, que partant leur situation n’a pas vocation à s’améliorer.
Ils soutiennent que les époux [F] abusent de leurs droits en les attrayant sans cesse en justice et en multipliant les procédures sans moyen légitime et alors qu’ils contreviennent à leurs obligations depuis de nombreuses années.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est fait référence à leurs conclusions écrites respectives visées à l’audience.
L’affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 5 novembre 2024.
Sur la demande relative à la saisie vente :
Aux termes de l’article L221-1 du code des procédures civiles d’exécution » tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d’un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu’ils soient ou non détenus par ce dernier. »
En vertu des articles 112 et suivants du code de procédure civile, un acte d’huissier de justice ne peut être annulé pour vice de forme que si la partie qui l’invoque justifie d’un grief que lui cause l’irrégularité.
En l’espèce, Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I] font reproche au procès verbal de ne pas lister précisément les biens saisis et l’absence de mention de l’interrogation du saisi quant aux éventuelles saisies antérieures sur les biens constituant l’assiette de la saisie.
Or, force est de constater que le commissaire de justice a bien dressé la liste des biens saisis en indiquant » une salle à manger avec buffet – un salon – une TYV écran plat – une table de salon, meuble tribunal correctionnel – pas de véhicule » et qu’il a également mis en demeure les saisis de lui faire connaître les biens ayant fait l’objet d’une saisie antérieure » ainsi qu’il est indiqué en haut du feuillet numéro trois du procès verbal juste au-dessus de la liste des meubles saisis. Il ne peut valablement être fait le reproche au commissaire de justice une absence de réponse si les personnes saisies sont restées taisantes. Par ailleurs, aucun grief n’est démontré.
D’où il suit que les moyens sont mal fondés et il convient de débouter Madame [G] [I] et Monsieur [A] [F] de leur demande en nullité.
Sur la demande de délais de paiement :
En vertu de l’article 1343-5 du Code Civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ; par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital ; il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette ; la décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge ; toute stipulation contraire est réputée non écrite ; les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment ;
En l’espèce, il ressort de ces éléments du dossier et des éléments allégués que Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I] ne travaillent pas, qu’ils ont sept enfants dont trois sont majeurs mais également sans emploi ; que la famille vit exclusivement des prestations sociales et des revenus modiques du travail que Madame [G] [I] peut percevoir lorsqu’elle travaille ; que la famille a déjà bénéficié à trois reprises d’un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire avec effacement de ses dettes (en 2013, en 2016 et en 2021) notamment de loyers démontrant l’ancienneté de leur précarité financière ; qu’ils n’évoquent aucune amélioration dans un futur proche de leur situation qui leur permettrait d’apurer leur dette à l’issue d’un quelconque délai, étant précisé qu’il ne relève pas de la compétence du juge de l’exécution de porter une appréciation sur le fond et les chances de réformation du titre exécutoire dans le cadre de l’appel interjeté, le juge de l’exécution n’étant pas juge d’appel.
Par ailleurs, la situation des créanciers qui sont des particuliers en indivision n’est pas équivalente à celle d’un bailleur social. Il sera observé que la procédure tendant à mettre fin au bail et limiter l’accroissement de la dette de loyer de Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I] a été initiée en octobre 2020 soit il y a maintenant quatre années.
En conséquence, Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I] seront déboutés de leur demande de report de paiement ;
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :
En application de l’article L121-3 du Code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive ;
En l’espèce, la présente procédure étant nécessairement vouée à l’échec en l’absence de tout moyen sérieux elle cause nécessairement un grief aux défendeurs en les contraignant à exposer des frais irrépétibles, tandis que Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I] agissent à la légère grâce à l’aide juridictionnelle à laquelle ils ont droit. Ainsi ils multiplient les procédures avec une certaine forme de légèreté sans aucun moyen sérieux, en invoquant l’absence de mentions d’une parfaite mauvaise foi puisque les mentions sont présentes et en sollicitant des délais également de mauvaise foi alors que leur dessein est de contester la dette et qu’ils n’ont manifestement aucune volonté de la régler.
En conséquence, ces derniers seront condamnés à payer aux défendeurs la somme de 1000 euros.
Sur le retrait de l’aide juridictionnelle :
En vertu de l’article 50 de la loi relative à l’aide juridictionnelle, lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l’aide juridictionnelle a été jugée abusive ou manifestement irrecevable le bénéfice de l’aide juridictionnelle est retiré en tout ou en partie.
En l’espèce, la procédure ayant été jugée abusive en l’absence de tout moyen sérieux il convient de retirer aux époux [F] le bénéfice de l’aide juridictionnelle à hauteur de 50 % compte tenu de leur situation.
Sur l’amende civile :
Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile : » Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. »
Il n’y a pas lieu à amende civile au regard de l’économie du litige.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Vu les articles 696 et 700 du Code de procédure civile ;
En l’espèce, Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I] qui succombent au principal seront condamnés aux dépens de l’instance et condamnés à payer à chacun des défendeurs la somme de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Le juge de l’exécution statuant publiquement par jugement contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort :
Le dit jugement étant exécutoire de plein droit en vertu de l’article R. 121-21 du code des procédures civiles d’exécution et de l’article 504 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I] de leur demande en nullité du procès verbal de saisie vente ;
DÉBOUTE Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I] de leur demande de report de la dette ;
CONDAMNE Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I] à payer à Monsieur [W] [U], Monsieur [M] [U] et Madame [E] [U] la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
ORDONNE le retrait de l’aide juridictionnelle accordée à Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I] à hauteur de 50 % ;
DIT n’y a voir lieu à amende civile ;
DÉBOUTE Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
CONDAMNE Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I] à payer à Monsieur [W] [U], Monsieur [M] [U] et Madame [E] [U], chacun la somme de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE Monsieur [A] [F] et Madame [G] [I] aux dépens de l’instance ;
LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXÉCUTION
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