Conflit locatif et abus de saisie : enjeux et conséquences financières.

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Conflit locatif et abus de saisie : enjeux et conséquences financières.

L’Essentiel : La société Foncière Investissement, devenue Arkéa Foncière, a été assignée par BJ Invest pour résilier un bail et obtenir des dommages-intérêts. Le tribunal de grande instance de Toulouse a débouté BJ Invest en avril 2019, condamnant cette dernière à payer 913 703,76 euros. En mai 2021, la cour d’appel a partiellement confirmé le jugement, tandis qu’en février 2023, elle a infirmé la condamnation initiale, réduisant le montant dû à 340 634,12 euros. Des saisies-attributions ont eu lieu, mais la cour a jugé celle de BJ Invest abusive, entraînant des dommages-intérêts à son encontre.

Contexte du litige

La société Foncière Investissement, devenue Arkéa Foncière, a signé un bail avec la société BJ Invest pour des locaux situés dans l’immeuble ‘Le Phenix’, avec un loyer annuel de 230 832,40 euros. En raison de manquements contractuels, BJ Invest a assigné Arkéa Foncière en résiliation du bail et en indemnisation de ses préjudices.

Procédures judiciaires initiales

BJ Invest a assigné Arkéa Foncière en mars 2016, demandant la résiliation du bail et des dommages-intérêts. En octobre 2016, elle a également assigné BNP Paribas pour qualifier un acte de garantie comme contrat de caution. En novembre 2016, BJ Invest a donné congé pour l’échéance triennale, mais Arkéa Foncière a contesté ce congé.

Jugement du tribunal de grande instance

Le tribunal de grande instance de Toulouse a rendu un jugement le 4 avril 2019, déboutant BJ Invest de ses demandes de résiliation et de remboursement, tout en condamnant BJ Invest à payer 913 703,76 euros à Arkéa Foncière pour loyers et charges dus. BJ Invest a interjeté appel de cette décision.

Évolution des décisions judiciaires

La cour d’appel de Toulouse a confirmé partiellement le jugement en mai 2021, enjoignant Arkéa Foncière à produire un décompte détaillé des sommes dues. En février 2023, la cour a infirmé la condamnation initiale et a condamné BJ Invest à payer 340 634,12 euros pour l’arriéré locatif jusqu’au 31 mars 2020.

Saisies et contestations

En juin 2019, Arkéa Foncière a pratiqué une saisie-attribution sur les droits de BJ Invest. En mars 2023, BJ Invest a également tenté une saisie-attribution contre Arkéa Foncière, qui a été contestée par cette dernière. Le juge de l’exécution a ordonné la mainlevée de la saisie en novembre 2023, condamnant BJ Invest à des dommages-intérêts pour abus de saisie.

Appels et décisions récentes

BJ Invest a interjeté appel de la décision de novembre 2023. Dans ses dernières conclusions, elle a demandé l’infirmation du jugement et la confirmation de sa saisie-attribution. Arkéa Foncière a demandé la confirmation du jugement et la condamnation de BJ Invest à des dommages-intérêts pour saisie abusive.

Motifs de la décision

Le juge a considéré que la saisie-attribution de BJ Invest était infondée, car elle ne détenait pas de créance de restitution contre Arkéa Foncière. Le comportement de BJ Invest a été jugé abusif, entraînant une condamnation à des dommages-intérêts. La cour a confirmé la décision du juge de l’exécution, tout en modifiant le montant des dommages-intérêts pour abus de saisie.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la saisie-attribution selon le Code des procédures civiles d’exécution ?

La saisie-attribution est régie par l’article L. 211-1 du Code des procédures civiles d’exécution, qui stipule :

« Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers, les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières relatives à la saisie des rémunérations prévues par le code du travail. »

Ainsi, pour qu’une saisie-attribution soit valide, il est nécessaire que le créancier dispose d’un titre exécutoire, que la créance soit liquide (c’est-à-dire déterminée en montant) et exigible (c’est-à-dire que le paiement est dû).

Dans le cas présent, la société BJ Invest a tenté de justifier sa saisie-attribution en se basant sur un arrêt de la cour d’appel de Toulouse, qui a infirmé un jugement antérieur. Cependant, le juge de l’exécution a considéré que cet arrêt ne constituait pas un titre exécutoire à son profit, mais plutôt une condamnation à payer un arriéré locatif.

Comment le juge de l’exécution a-t-il apprécié la saisie-attribution pratiquée par la société BJ Invest ?

Le juge de l’exécution a estimé que la saisie-attribution pratiquée par la société BJ Invest était infondée. En effet, il a relevé que l’arrêt du 7 février 2023, qui a actualisé la créance de la société Arkéa Foncière, ne consacrait pas une créance de restitution en faveur de la société BJ Invest.

Il a précisé que :

« Le titre exécutoire servant de fondement à la mesure de saisie-attribution du 1er mars 2023 contestée ne portait pas condamnation de la société Arkéa Foncière ni ne consacrait une créance de restitution au profit de la société BJ Invest. »

Ainsi, le juge a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution, considérant que la société BJ Invest ne pouvait pas justifier d’une créance à son profit, mais était au contraire débitrice d’un montant au titre de l’arriéré locatif.

Quelles sont les conséquences d’une saisie abusive selon le Code de procédure civile ?

L’article 1240 du Code civil, qui traite de la responsabilité délictuelle, stipule que :

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

En cas de saisie abusive, le créancier peut être tenu de réparer le préjudice causé au débiteur. Dans le cas présent, la société Arkéa Foncière a été victime d’une saisie abusive, ce qui a conduit le juge à condamner la société BJ Invest à verser des dommages-intérêts.

Le juge a considéré que le comportement de la société BJ Invest, qui a procédé à une saisie-attribution en dénaturant les termes de l’arrêt du 7 février 2023, caractérisait une intention de nuire. Il a donc alloué des dommages-intérêts pour réparer le préjudice subi par la société Arkéa Foncière.

Quels sont les articles du Code de procédure civile pertinents dans cette affaire ?

Plusieurs articles du Code de procédure civile sont pertinents dans cette affaire :

1. **Article 700** : Cet article permet au juge de condamner une partie à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. Dans cette affaire, la société BJ Invest a été condamnée à verser des sommes à la société Arkéa Foncière sur ce fondement.

2. **Article 910-4** : Cet article traite de l’irrecevabilité des demandes en appel. La cour d’appel a débouté la société Arkéa Foncière de sa demande d’irrecevabilité sur ce fondement, déclarant recevable la contestation des charges par la société BJ Invest.

3. **Article 462** : Cet article précise que le juge ne peut modifier le dispositif d’une décision, mais peut en fixer le sens. Cela a été un point clé dans l’appréciation de la saisie-attribution par le juge de l’exécution.

Ces articles montrent l’importance de la procédure et des règles de droit dans la gestion des litiges entre créanciers et débiteurs.

2ème Chambre

ARRÊT N°14

N° RG 23/06804

N° Portalis DBVL-V-B7H-UJW4

(Réf 1ère instance : 23/00644)

(3)

S.A.S. BJ INVEST

C/

S.A.S. ARKEA FONCIERE

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me GRENARD

– Me BONTE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 JANVIER 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Ludivine BABIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 10 Septembre 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 14 Janvier 2025, après prorogations, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.S. BJ INVEST

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Hervé LEHMAN, plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

S.A.S. ARKEA FONCIERE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Mikaël BONTE, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Nicolas BOYTCHEV, plaidant, avocat au barreau de PARIS

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte en date du 24 février 2014, la société Foncière Investissement, dénommée par suite d’une délibération d’assemblée générale mixte du 10 avril 2024, Arkéa Foncière, a donné à bail des locaux, situés dans l’immeuble ‘Le Phenix’ à [Localité 4], à la société BJ Invest moyennant le paiement d’un loyer annuel de 230 832,40 euros hors taxes et hors charges.

Se plaignant de manquements contractuels de la bailleresse, la société BJ Invest l’a faite assigner devant le tribunal de grande instance de Toulouse, par acte d’huissier en date du 14 mars 2016, en résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de celle-ci à effet du 31 mars 2016 et en indemnisation de ses préjudices.

Par acte d’huissier en date du 26 octobre 2016, la société BJ Invest a fait assigner en intervention forcée la société BNP Paribas aux fins de voir notamment l’acte de garantie en date du 5 mars 2014 consentie par celle-ci qualifié de contrat de caution. Jonction des procédures a été ordonnée par ordonnance du 24 novembre 2016.

Au cours du 2ème trimestre 2016, la société BJ Invest n’a plus honoré le paiement des loyers et par courrier recommandé avec accusé de réception du 22 novembre 2016, elle a délivré congé pour l’échéance triennale du 31 mars 2017.

Par courrier recommandé du 30 novembre 2016, la bailleresse s’est opposée à ce congé le considérant nul faute de respecter le délai de préavis de six mois.

Après avoir fait sommation, par acte du 27 avril 2017, à la société Arkéa Foncière, d’assister à un état des lieux de sortie le 9 mai 2017, que celle-ci a refusé, par courrier du 5 mai 2017, au motif de la nullité du congé délivré, la société BJ Invest a quitté les lieux à la date du 9 mai 2017 sans restituer les clés des locaux.

Par jugement en date du 4 avril 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a :

– débouté la société BJ Invest de sa demande de résiliation du bail aux torts exclusifs de la société Arkéa Foncière,

– débouté la société BJ Invest de l’ensemble de ses demandes en remboursement de frais,

– débouté la société BJ Invest de sa demande de remboursement de loyers trop perçus,

– condamné la société BJ Invest à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 913 703,76 euros au titre des loyers et charges dus jusqu’au 31 décembre 2018,

– débouté la société Arkéa Foncière de sa demande de remise d’une nouvelle garantie à première demande,

– débouté la société BJ Invest de sa demande de requalification de la garantie en contrat de cautionnement,

– dit que l’exécution de cette garantie est pleinement opposable à la société BJ Invest,

– condamné la société BJ Invest aux dépens de l’instance,

– condamné la société BJ Invest à payer à la société Arkéa et à la société BNP Paribas chacune 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Par déclaration en date du 22 mai 2019, la société BJ Invest a relevé appel cette décision.

Par acte d’huissier en date du 17 juin 2019, la société Arkéa Foncière a fait pratiquer une saisie-attribution sur les droits d’associé et valeurs mobilières appartenant à la société BJ Invest pour la somme de 920 475,98 euros en exécution du jugement du 4 avril 2019.

Par arrêt en date du 26 mai 2021, la cour d’appel de Toulouse a confirmé partiellement le jugement de première instance sauf en ce qui concerne le montant des sommes restant dues à la société Arkéa Foncière et a, notamment, enjoint d’une part, la société Arkéa Foncière de produire un décompte détaillé individualisant pour chaque échéance le montant des loyers, des charges et de la taxe foncière et un décompte des frais prélevés et des sommes versées émanant de l’étude d’huissier mandatée pour recouvrer les condamnations prononcées en première instance et d’autre part, la société BJ Invest de justifier du versement de la somme de 927 036,08 euros.

Par arrêt en date du 7 février 2023, la cour d’appel de Toulouse a :

– infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Toulouse du 4 avril 2019 en ce qu’il a condamné la société BJ Invest à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 913 703,76 euros TTC au titre des loyers et charges dus jusqu’au 31 décembre 2018,

statuant de ce seul chef et y ajoutant :

– déclaré recevable la demande en paiement formée par la société Arkéa Foncière au titre de l’arriéré locatif postérieur au 31 décembre 2018,

– débouté la société Arkéa Foncière de sa demande d’irrecevabilité sur le fondement de l’article 910-4 du code de procédure civile et déclaré recevable la contestation des charges par l’appelante,

– condamné la société BJ Invest à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 340 634,12 euros au titre de l’arriéré locatif échu au 31 mars 2020,

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel,

– dit que les dépens de première instance et d’appel à la charge de la société BJ invest incluent les frais afférents aux voies d’exécution pratiquées (6999,75 euros),

– condamné la société BJ Invest aux dépens d’appel.

Par arrêt en date du 20 septembre 2023, la Cour d’appel de Toulouse a débouté la société Arkéa Foncière de sa demande de rectification en erreur matérielle.

Entre temps, par acte d’huissier en date du 1er mars 2023, la société BJ Invest a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la société Crédit mutuel AG ABI à l’encontre de la société Arkéa Foncière pour obtenir paiement de la somme de 917 594,50 euros. Cette saisie a été dénoncée à la société Arkéa Foncière le 6 mars 2023.

Par acte d’huissier du 5 avril 2023, la société Arkéa Foncière a saisi le juge de l’exécution d’une contestation de cette mesure d’exécution.

Par jugement en date du 28 novembre 2023, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Brest a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 1er mars 2023 par la société BJ Invest sur les comptes de la société Arkéa Foncière et condamné la société BJ Invest à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour abus de saisie. Les parties ont été déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires et la société BJ Invest a également été condamnée à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par déclaration en date du 1er décembre 2023, la société BJ Invest a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 2 juillet 2024, elle demande à la cour de :

Vu l’article R.121-1 du code des procédures civiles d’exécution,

Vu l’article 480 du code de procédure civile,

Vu les articles 1240 et 1355 du code civil,

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 novembre 2023 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Brest (RG 23/644),

Statuant à nouveau,

A titre principal,

– rejeter l’ensemble des demandes formée par la société Arkéa Foncière,

– donner plein effet à la saisie-attribution pratiquée le 1er mars 2023 entre les mains du Crédit mutuel Arkéa,

A titre subsidiaire,

– supprimer la condamnation au versement des dommages-intérêts alloués au titre de l’abus de saisie,

En tout état de cause,

– condamner la société Arkéa Foncière à payer à la société BJ Invest la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 3 juillet 2024, la société Arkéa Foncière demande à la cour de :

Vu les articles R. 211-10, L. 211-1 et L. 121-2 du code des procédures civiles d’exécution,

Vu l’article 462 du code de procédure civile,

A titre principal,

– débouter la société BJ Invest de l’ensemble de ses demandes,

– confirmer le jugement rendu le 28 novembre 2023 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Brest en toutes ses dispositions,

– déclarer la société Arkéa Foncière recevable et bien fondée en ses demandes,

– dire et juger que la société BJ Invest n’est pas créancière de la société Arkéa Foncière,

– juger que la saisie-attribution pratiquée par la société BJ Invest sur le compte bancaire de la société Arkéa Foncière est infondée et abusive,

– ordonner la mainlevée totale de la saisie-attribution pratiquée le 1er mars 2023,

– condamner la société BJ Invest à verser à la société Akéa Foncière la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour saisie abusive,

A titre subsidiaire,

– ordonner le cantonnement de la saisie-attribution pratiquée le 1er mars 2023 par la société BJ Invest à l’encontre de la société Arkéa Foncière à la somme de 573 069,64 euros,

En tout état de cause,

– condamner la société BJ Invest au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision ainsi qu’aux dernières conclusions précitées, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 4 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la mainlevée de la saisie-attribution du 1er mars 2023 :

Aux termes de l’article L. 211-1 du code des procédures civiles d’exécution, ‘tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers, les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières relatives à la saisie des rémunérations prévues par le code du travail’.

La société BJ Invest soutient que l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse en date du 7 février 2023, en infirmant le jugement du 4 avril 2019 en ce qu’il a condamné la société BJ Invest à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 913 703,76 eurosTTC au titre des loyers et charges dus jusqu’au 31 décembre 2018, lui a octroyé une créance de restitution dont la société Arkéa Foncière est redevable. Elle en conclut que l’arrêt du 7 février 2023 constitue un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible à son profit dont elle peut obtenir le paiement par la saisie-attribution qu’elle a fait pratiquer le 1er mars 2023.

Elle estime qu’en ordonnant la main-levée de cette mesure, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Brest a modifié le dispositif de l’arrêt du 7 février 2023 alors qu’il ne peut remettre en cause le titre exécutoire servant de fondement aux poursuites.

Soulignant que la cour d’appel de Toulouse, saisie par une requête en rectification d’erreur matérielle par la société Arkéa, a, dans un arrêt du 20 septembre 2023, dit que l’arrêt du 7 février 2023 n’était entaché d’aucune erreur matérielle, la société BJ Invest considère que la saisie-attribution pratiquée le 1er mars 2023 est parfaitement justifiée et qu’elle doit produire son plein effet, indiquant par ailleurs, qu’elle conteste devoir la somme de 340 634,12 euros au titre de l’arriéré locatif échu au 31 mars 2020 même si elle ne forme pas cette contestation devant le juge de l’exécution.

La société Arkéa Foncière soutient, de son côté, que la saisie-attribution pratiquée le 1er mars 2023 par la société BJ Invest est dénuée de tout fondement et sollicite la confirmation de la main-levée ordonnée par le juge de l’exécution. Elle prétend en effet que la société BJ Invest ne détient, à la lecture de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Toulouse, aucune créance de restitution à son égard.

Elle fait valoir que la cour d’appel a infirmé le jugement uniquement pour actualiser sa créance compte tenu des paiements effectués en exécution du jugement de première instance de sorte que la société BJ Invest a été condamnée à payer le solde restant dû au bailleur à l’expiration du bail.

Elle conclut donc que les sommes saisies en exécution de la décision rendue en première instance, correspondant aux arriérés échus au 31 décembre 2018, lui sont définitivement acquises.

Il est de principe que si le juge de l’exécution ne peut, sous prétexte d’interpréter une décision dont l’exécution est poursuivie, en modifier les dispositions précises, il lui appartient d’en fixer le sens.

En l’espèce, le juge de l’exécution a considéré que par son arrêt du 7 février 2023, la cour d’appel a pris en compte les paiements effectués par la société BJ Invest, notamment par le biais des saisies dont elle a été condamnée à payer les frais afférents à hauteur de 6 999,75 euros, et qu’elle a condamné cette société à payer un solde. Estimant que l’infirmation du jugement du 4 avril 2019 par la cour ne tient qu’à l’actualisation de la créance après imputation des paiements effectués, il a ordonné la main-levée de la saisie-attribution pratiquée par la société BJ Invest par acte d’huissier du 1er mars 2023.

Il sera rappelé que par acte d’huissier en date du 14 mars 2016, la société BJ Invest a fait assigner la société Arkéa Foncière en résiliation du bail commercial, reprochant à celle-ci plusieurs manquements à ses obligations de bailleresse.

Le tribunal de grande instance de Toulouse, a toutefois considéré qu’aucun manquement privant la société BJ Invest de la jouissance paisible des locaux et rendant intolérable son maintien dans les lieux n’était établi. Par jugement du 4 avril 2019, il a débouté la société BJ Invest de sa demande en résiliation du bail aux torts exclusifs de la société Arkéa Invest ainsi que de ses demandes de remboursement de frais et de trop-perçu de loyers. Puis statuant sur les demandes reconventionnelles de la société Arkéa Foncière, et estimant que la locataire n’avait pas valablement donné congé et que le bail s’était poursuivi entre les parties, il a condamné BJ Invest au paiement de la somme de 913 703,76 euros TTC au titre des loyers et charges dus jusqu’au 31 décembre 2018 et ce, avec exécution provisoire.

Sur la base de ce titre exécutoire portant condamnation de la société BJ Invest, la société Arkéa Foncière a fait diligenter des saisies-attributions sur les comptes bancaires de sa débitrice qui lui ont permis d’obtenir paiement de la somme de 911 146,62 euros.

Sur appel de la société BJ Invest du jugement du 4 avril 2019, la cour d’appel de Toulouse a rendu un premier arrêt le 26 mai 2021 par lequel, elle a confirmé la décision des premiers juges en ce qu’ils ont débouté la locataire de sa demande de résiliation du bail aux torts exclusifs de la société Arkéa Foncière et de sa demande de remboursement des frais.

Sur les demandes reconventionnelles de l’intimée, elle a considéré, comme le tribunal, que l’assignation délivrée le 14 mars 2016 ne valait pas congé, mais a tenu compte du congé délivré par la société BJ Invest par courrier du 27 septembre 2019 pour le 31 mars 2020, en retenant le décompte de la société Arkéa Foncière pour un arriéré de loyers et charges depuis le 2ème trimestre 2016 jusqu’au 31 mars 2020 pour la somme de 1 411 915,47 euros. Néanmoins alors qu’elle souhaitait déduire de cette créance, les sommes récupérées par la bailleresse au moyen des mesures de saisies -attributions, elle a estimé que les pièces versées ne lui permettaient pas de retrouver les frais d’huissier afférant à ces mesures ni les versements allégués par la société BJ Invest à hauteur de 927 036,08 euros et a donc enjoint les parties à produire les éléments nécessaires à ces vérifications.

Par arrêt en date du 7 février 2023, considérant que le décompte de l’huissier produit faisait apparaître que la société Arkéa Foncière avait perçu la somme de 911 146,62 euros et que l’huissier avait prélevé la somme de 10 248,02 euros au titre des frais à la charge du créancier et la somme de 6 999,75 euros au titre des frais à la charge du débiteur, la cour d’appel de Toulouse a, après déduction des versements résultant des saisies-attributions pratiquées par la bailleresse, des frais d’huissier et des charges, honoraires, taxes et primes pour un montant de 142 866,96 euros qu’elle a considéré non justifié, évalué le solde en principal de la créance de la société Arkéa Foncière, au titre de l’arriéré locatif échu au 31 mars 2020, à la somme de 340 634,12 euros et condamné la société BJ Invest à ce paiement.

Ce faisant, actualisant la créance de la société Arkéa Foncière, elle ne pouvait qu’infirmer la condamnation prononcée par les premiers juges à l’encontre de la sociét BJ Invest à hauteur de la somme de 913 703,76 euros TTC puisque le montant de la condamnation qu’elle prononçait tenait compte de la somme obtenue par la société Arkéa Foncière en exécution de ce jugement.

C’est ainsi que par arrêt du 20 septembre 2023, elle a débouté la société Arkéa Foncière de sa requête en erreur matérielle, en précisant dans les motifs de son arrêt, que ‘compte tenu des versements effectués au bailleur, notamment par le biais de saisies, la cour a infirmé la décision de première instance et a condamné le preneur BJ Invest, à payer le solde restant dû au bailleur à l’expiration du bail.’

Il s’ensuit que le titre exécutoire servant de fondement à la mesure de saisie-attribution du 1er mars 2023 contestée ne portait pas condamnation de la société Arkéa Foncière ni ne consacrait une créance de restitution au profit de la société BJ Invest mais comme l’a souligné le premier juge, rendait la société BJ Invest débitrice de la somme de 340 634,12 euros au titre de l’arriéré locatif au 31 mars 2020.

C’est donc sans excéder ses pouvoirs ni modifier le dispositif de l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse du 7 février 2023, au demeurant devenu définitif et irrévocable depuis le rejet du pourvoi en cassation formé par la société Arkéa Foncière, par arrêt du 14 novembre 2024, transmis dans le cadre du délibéré par l’appelante, que le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Brest a ordonné mainlevée de la mesure. Sa décision ne peut qu’être approuvée.

Sur l’abus de saisie :

C’est également à juste titre que le premier juge a considéré que le comportement de la société BJ Invest qui a fait procéder à une saisie-attribution de la somme de 917 594,50 euros en dénaturant les termes de l’arrêt du 7 février 2023 et en refusant de lever la mesure d’exécution après l’arrêt du 20 septembre 2023, caractérise une intention de nuire à la société Arkéa Foncière.

La société BJ Invest savait en effet pertinemment qu’elle ne s’acquittait plus du paiement du loyer depuis le deuxième trimestre 2016. Elle ne pouvait donc ignorer qu’ayant été déboutée de sa demande de résiliation du bail aux torts de la société Arkéa Foncière et de ses demandes de remboursement de frais et de trop-perçus de loyers et alors qu’elle avait délivré le 27 septembre 2019, un nouveau congé pour le 31 mars 2020, elle était redevable d’un arriéré locatif.

Par ailleurs, prétendant que l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse du 7 février 2023 en infirmant la condamnation prononcée à son encontre en première instance faisait naître une créance de restitution à son profit, elle s’est néanmoins gardée de déduire la somme de 340 634,12 euros au titre de l’arriéré locatif échu au 31 mars 2020 mise à sa charge par ce même arrêt, interprétant ainsi l’arrêt de manière très favorable à son seul profit.

Le montant des dommages-intérêts alloués sera cependant ramené à 10 000 euros, cette somme suffisant à réparer l’abus de saisie subi par la société Arkéa Foncière. Le jugement sera donc réformé en ce sens.

Sur les demandes accessoires :

Le présent arrêt confirmant le jugement dans ses dispositions principales, les dépens et frais irrépétibles seront également confirmés.

La société BJ Invest qui succombe en son appel supportera la charge des dépens d’appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Arkéa Foncière l’intégralité des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de l’instance d’appel. Aussi la société BJ invest sera condamnée à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 novembre 2023 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Brest sauf en ce qu’il a condamné la société BJ Invest à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour abus de saisie,

Statuant à nouveau de ce chef infirmé,

Condamne la société BJ Invest à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour abus de saisie,

Condamne la société BJ Invest à payer à la société Arkéa Foncière la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société BJ Invest aux dépens d’appel,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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