L’Essentiel : L’unité économique et sociale Ditex (UES), créée par un accord collectif le 5 mars 2018, regroupe sept sociétés, dont Zara et Bershka. Le 2 novembre 2022, la direction a convoqué une réunion pour informer le comité central sur divers sujets, y compris la politique sociale et la situation économique. Le 16 novembre, une élue a proposé de désigner un expert-comptable pour assister le comité. Le 30 novembre, le cabinet Boisseau a été choisi, avec un coût prévisionnel de 203 000 euros HT. Cependant, le 12 décembre, les sociétés ont assigné le comité et l’expert en justice pour contester cette décision.
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Création de l’Unité Économique et Sociale DitexL’unité économique et sociale Ditex (UES) a été établie par un accord collectif en date du 5 mars 2018. Elle regroupe sept sociétés, à savoir Zara France, Zara Home France, Stradivarius France, Bershka France, Massimo Dutti France, Oysho France et Pull & Bear France. Cette UES est dotée d’un comité social et économique central, ainsi que de sept comités sociaux et économiques d’établissement, chacun correspondant à l’une des sociétés membres. Convocation à une RéunionLe 2 novembre 2022, la direction de l’UES a convoqué les membres de la délégation du personnel du comité central à une réunion prévue pour le 30 novembre 2022. Cette réunion avait pour objectif d’informer et de consulter le comité sur divers sujets, notamment la politique sociale, les conditions de travail, la situation économique et financière de l’entreprise, ainsi que ses orientations stratégiques. Proposition d’ExpertiseLe 16 novembre 2022, une élue du comité central a proposé à la direction d’inscrire à l’ordre du jour de la réunion un projet de résolution visant à désigner un expert-comptable pour assister le comité lors des consultations à venir. Désignation de l’Expert-ComptableLors de la délibération du 30 novembre 2022, le comité central a décidé de désigner le cabinet Boisseau comme expert-comptable. Le 1er décembre 2022, l’expert a transmis un projet de lettre de mission à la présidente du comité central, évaluant le coût prévisionnel de son intervention à 203 000 euros HT, en plus des frais, et a fourni une liste des documents nécessaires pour mener à bien sa mission. Assignation en JusticeLe 12 décembre 2022, les sociétés composant l’UES et la présidente du comité central ont assigné le comité central et le cabinet d’expertise devant le président du tribunal judiciaire. Ils ont demandé, en premier lieu, l’annulation de la délibération du 30 novembre 2022 concernant la désignation de l’expert-comptable. En second lieu, ils ont contesté le recours à l’expertise, demandant que le comité central respecte les dispositions de l’accord collectif qui imposent d’informer les comités d’établissement avant de solliciter un expert-comptable. Enfin, ils ont demandé une réduction de l’étendue de la mission de l’expert, de sa durée et de son coût prévisionnel. Examen des MoyensConcernant les moyens soulevés, le tribunal a statué qu’il n’était pas nécessaire de rendre une décision spécialement motivée sur ces griefs, considérant qu’ils n’étaient manifestement pas de nature à entraîner la cassation. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature juridique de l’unité économique et sociale (UES) selon le droit du travail ?L’unité économique et sociale (UES) est une notion juridique qui permet de regrouper plusieurs entreprises sous une même entité pour des raisons de représentation du personnel. Selon l’article L. 2331-1 du Code du travail, l’UES est définie comme un ensemble d’entreprises qui, bien que juridiquement distinctes, sont liées par des liens économiques, financiers et organisationnels. Cette définition implique que les entreprises doivent avoir une certaine autonomie tout en étant suffisamment interconnectées pour justifier la création d’une instance unique de représentation du personnel. L’UES est dotée d’un comité social et économique central, comme le stipule l’article L. 2316-1 du Code du travail, qui permet de centraliser les consultations et les informations relatives à la politique sociale et aux conditions de travail. Ainsi, l’UES Ditex, composée de plusieurs marques, répond à ces critères, permettant une représentation collective des salariés au sein d’une structure unifiée. Quelles sont les obligations de consultation de l’employeur envers le comité social et économique ?L’employeur a l’obligation de consulter le comité social et économique (CSE) sur plusieurs sujets, notamment la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi. L’article L. 2312-8 du Code du travail précise que le CSE doit être informé et consulté sur les questions relatives à la gestion et à l’évolution économique de l’entreprise. Cette consultation doit se faire avant toute décision importante, permettant ainsi aux représentants du personnel de donner leur avis et de poser des questions. Dans le cas de l’UES Ditex, la direction a convoqué le comité central pour une réunion d’information et de consultation, respectant ainsi cette obligation légale. Il est également important de noter que l’article L. 2312-9 du Code du travail stipule que le CSE peut demander des expertises pour mieux comprendre les enjeux en jeu, ce qui a été fait par la désignation d’un expert-comptable. Quelles sont les conditions de recours à un expert-comptable par le comité social et économique ?Le recours à un expert-comptable par le comité social et économique est encadré par le Code du travail, notamment par l’article L. 2315-94. Cet article stipule que le CSE peut faire appel à un expert-comptable pour l’assister dans le cadre de ses missions, notamment lors de consultations sur des questions économiques et financières. Cependant, ce recours doit être justifié et proportionné aux enjeux de la consultation. Dans le cas présent, le comité central a décidé de désigner un expert-comptable pour l’assister dans ses consultations, ce qui est conforme à la législation. Néanmoins, l’employeur a contesté cette décision, arguant que le recours à l’expertise n’était pas conforme aux dispositions de l’accord collectif, en particulier l’article 4.4, qui impose d’informer les comités d’établissement avant de saisir un expert. Quels sont les effets d’une délibération du comité social et économique sur la désignation d’un expert ?La délibération du comité social et économique (CSE) concernant la désignation d’un expert a des effets juridiques importants. Selon l’article L. 2315-95 du Code du travail, la décision du CSE de recourir à un expert est exécutoire et doit être respectée par l’employeur. Cela signifie que l’employeur est tenu de permettre à l’expert de réaliser sa mission et de fournir les documents nécessaires à son intervention. Cependant, cette décision peut être contestée par l’employeur, comme dans le cas de l’UES Ditex, où la direction a demandé l’annulation de la délibération du 30 novembre 2022. L’employeur peut arguer que la désignation de l’expert n’a pas respecté les procédures prévues par l’accord collectif, ce qui pourrait entraîner une remise en question de la légitimité de l’expertise. Quelles sont les conséquences d’une contestation de la délibération du comité social et économique ?La contestation d’une délibération du comité social et économique (CSE) peut avoir plusieurs conséquences juridiques. Selon l’article 1014, alinéa 2, du Code de procédure civile, si la contestation ne soulève pas de griefs suffisamment sérieux, le tribunal peut décider de ne pas statuer par une décision spécialement motivée. Cela signifie que si la contestation est jugée infondée, le tribunal peut confirmer la délibération du CSE sans entrer dans le fond du débat. Dans le cas de l’UES Ditex, la direction a contesté la délibération relative à la désignation de l’expert-comptable, ce qui a conduit à une procédure judiciaire. Si le tribunal juge que la délibération est conforme aux dispositions légales et réglementaires, l’expert pourra poursuivre sa mission, et l’employeur devra se conformer à cette décision. |
JL10
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 janvier 2025
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 24 F-D
Pourvoi n° R 23-19.403
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JANVIER 2025
1°/ La société Zara France, société à responsabilité limitée,
2°/ la société Zara Home France, société à responsabilité limitée,
3°/ la société Stradivarius France, société à responsabilité limitée,
4°/ la société Bershka France, société à responsabilité limitée,
5°/ la société Massimo Dutti France, société à responsabilité limitée,
6°/ la société Oysho France, société à responsabilité limitée,
7°/ la société Pull & Bear France, société à responsabilité limitée,
toutes les sept ayant leur siège [Adresse 2],
8°/ Mme [P] [M], domiciliée [Adresse 2], agissant en qualité de présidente du comité social et économique central de l’unité économique et sociale Ditex,
ont formé le pourvoi n° R 23-19.403 contre le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 25 mai 2023 par le président du tribunal judiciaire de Paris, dans le litige les opposant :
1°/ au comité social et économique central de l’unité économique et sociale Ditex, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Cabinet Boisseau, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Arsac, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat des sociétés Zara France, Zara Home France, Stradivarius France, Bershka France, Massimo Dutti France, Oysho France, Pull & Bear France et de Mme [M], de Me Haas, avocat du comité social et économique central de l’unité économique et sociale Ditex et de la société Cabinet Boisseau, après débats en l’audience publique du 27 novembre 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Arsac, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 25 mai 2023), l’unité économique et sociale Ditex (l’UES), créée par un accord collectif du 5 mars 2018, est composée des sept sociétés Zara France, Zara Home France, Stradivarius France, Bershka France, Massimo Dutti France, Oysho France et Pull & Bear France. Elle est dotée d’un comité social et économique central (le comité central) et de sept comités sociaux et économiques d’établissement (les comités d’établissement) au niveau de chacune des sociétés la composant.
2. Le 2 novembre 2022, la direction de l’UES a convoqué les membres de la délégation du personnel du comité central à une réunion fixée au 30 novembre suivant, aux fins d’information et de consultation de l’instance sur la politique sociale et les conditions de travail et l’emploi, la situation économique et financière de l’entreprise, ainsi que les orientations stratégiques de cette dernière.
3. Le 16 novembre 2022, une élue du comité central a transmis à la direction un projet de résolution à porter à l’ordre du jour de ladite réunion, tendant à la désignation d’un expert-comptable pour assister l’instance en vue des consultations prévues.
4. Par une délibération du 30 novembre 2022, le comité central a désigné à cet effet le cabinet Boisseau. Le 1er décembre suivant, l’expert a adressé à la présidente du comité central un projet de lettre de mission, estimant le coût prévisionnel de son intervention à 203 000 euros HT hors frais, ainsi que la liste des documents nécessaires à l’exercice de sa mission.
5. Par acte délivré le 12 décembre 2022, les sociétés composant l’UES et la présidente du comité central ont fait assigner le comité central et le cabinet d’expertise, selon la procédure accélérée au fond, devant le président du tribunal judiciaire afin, à titre principal, d’annuler la délibération du 30 novembre 2022 relative à la désignation du cabinet d’expertise-comptable, à titre subsidiaire, de juger infondé et abusif le recours à l’expertise et d’ordonner au comité central de respecter les dispositions de l’article 4.4 de l’accord collectif relatif à la reconnaissance de l’UES leur imposant d’informer les comités d’établissement de chaque société préalablement à la saisine de l’expert-comptable, et à titre infiniment subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions l’étendue de la mission de l’expert, la durée et le coût prévisionnel de l’expertise et de juger que l’expert devra rectifier la liste des documents sollicités dans le cadre de sa mission.
Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en ses première et troisième branches
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