Conflit de voisinage et respect des limites de propriété : enjeux et conséquences juridiques.

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Conflit de voisinage et respect des limites de propriété : enjeux et conséquences juridiques.

L’Essentiel : Madame [U] [T]-[P] et Monsieur [O] [P] ont acquis une maison à [Adresse 3], tandis que Madame [K] [B] possède un ensemble immobilier à [Adresse 2]. Un conflit a éclaté concernant une végétation excessive près de la limite séparative. Après un rejet des demandes des consorts [T] [P] par le Tribunal en 2019, ceux-ci ont relancé des réclamations en 2023, aboutissant à une procédure judiciaire. Lors de l’audience de septembre 2024, le Tribunal a ordonné à Madame [B] de réduire ses plantations et a condamné cette dernière à verser des dommages et intérêts aux consorts [T] [P].

Acquisition des Propriétés

Madame [U] [T]-[P] et Monsieur [O] [P] ont acquis en indivision une maison avec garage à [Adresse 3]. De son côté, Madame [K] [B] a acquis un ensemble immobilier contigu à [Adresse 2]. La séparation entre les deux propriétés est matérialisée par un mur de clôture et la façade d’un garage.

Conflit de Végétation

Les consorts [T] [P] ont assigné Madame [K] [B] en septembre 2018, lui reprochant de laisser croître une végétation excessive près de la limite séparative. Le Tribunal d’instance de Toulouse a rejeté leurs demandes en juillet 2019, considérant que Madame [B] avait mis ses plantations en conformité avec la loi.

Nouvelles Réclamations

En avril 2023, les consorts [T] [P] ont de nouveau contacté Madame [B] pour l’inviter à respecter les règles de plantation. Un constat a été établi en juin 2023, suivi d’une mise en demeure en août 2023, demandant l’enlèvement de certaines plantations et la cessation de diverses atteintes à leur propriété.

Procédure Judiciaire

Le 28 septembre 2023, les consorts [T] [P] ont déposé une requête au Tribunal judiciaire de Toulouse, demandant la condamnation de Madame [B] à arracher des plantations, à cesser les atteintes à leur propriété, et à leur verser des dommages et intérêts. Ils ont également demandé une astreinte de 150€ par jour de retard.

Audience et Demandes Supplémentaires

Lors de l’audience du 23 septembre 2024, les consorts [T] [P] ont maintenu leurs demandes et ajouté une demande de droit d’échelle. Ils ont également demandé le rejet des demandes reconventionnelles de Madame [B] et la suppression de propos jugés injurieux dans ses conclusions.

Position de Madame [B]

Madame [B] a demandé une conciliation et a produit un constat affirmant que ses plantations étaient conformes. Elle a également demandé des dommages et intérêts pour procédure abusive, arguant que les consorts [T] [P] avaient refusé une conciliation antérieure.

Décision du Tribunal

Le Tribunal a rejeté la demande de retrait des propos injurieux et la demande de conciliation. Il a ordonné à Madame [B] de réduire ses plantations et de retirer un poteau soutenant un brise-vue. Madame [B] a été condamnée à verser 400€ de dommages et intérêts aux consorts [T] [P] et à payer leurs frais de justice. L’exécution provisoire a été rappelée.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les implications de l’article 671 du Code civil concernant les plantations en limite de propriété ?

L’article 671 du Code civil stipule que « Il n’est permis d’avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu’à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu’à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d’un demi-mètre pour les autres plantations. »

Cet article établit donc des règles précises concernant la distance à respecter pour les plantations en fonction de leur hauteur.

Il est important de noter que les arbres, arbustes et arbrisseaux peuvent être plantés en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans qu’il soit nécessaire d’observer aucune distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur.

Dans le cas présent, les consorts [T]-[P] soutiennent que les plantations de Madame [B] ne respectent pas ces distances, ce qui leur donne le droit d’exiger leur arrachage ou leur réduction.

Comment l’article 1240 du Code civil s’applique-t-il aux demandes de dommages et intérêts dans ce litige ?

L’article 1240 du Code civil dispose que « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Dans le cadre de ce litige, les consorts [T]-[P] demandent des dommages et intérêts en raison des plantations de Madame [B] qui, selon eux, causent un préjudice.

Pour obtenir réparation, ils doivent prouver que la faute de Madame [B] est en lien direct et certain avec le préjudice subi.

Dans cette affaire, le tribunal a reconnu que les consorts [T]-[P] avaient subi un préjudice, mais a limité le montant des dommages et intérêts à 400€, en tenant compte de l’ancienneté du litige et des éléments de preuve fournis.

Quelles sont les conséquences de la demande de conciliation selon l’article 750-1 du Code de procédure civile ?

L’article 750-1 du Code de procédure civile stipule que « En application de l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice est précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du Code de l’organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage. »

Dans cette affaire, la demande de conciliation a été rejetée par le tribunal, car il a été établi que les parties avaient déjà tenté de résoudre le litige par le passé sans succès.

Le tribunal a considéré que la conciliation ne pouvait prospérer que dans une intention commune des parties, ce qui n’était pas le cas ici.

Quelles sont les implications de l’article 662 du Code civil concernant les constructions sur un mur mitoyen ?

L’article 662 du Code civil précise que « L’un des voisins ne peut pratiquer dans le corps d’un mur mitoyen aucun enfoncement, ni y appliquer ou appuyer aucun ouvrage sans le consentement de l’autre, ou sans avoir, à son refus, fait régler par experts les moyens nécessaires pour que le nouvel ouvrage ne soit pas nuisible aux droits de l’autre. »

Dans le cadre de ce litige, il a été constaté que Madame [B] avait installé des brises vues qui empiètent sur le fond des consorts [T]-[P].

Le tribunal a jugé que cette installation était réalisée en contravention des dispositions de l’article 662, peu importe que cela cause ou non un préjudice aux demandeurs.

Il a donc ordonné le retrait du poteau soutenant l’un des panneaux de brise vue contre le garage des demandeurs, en se basant sur le non-respect des règles établies par cet article.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]

NAC: 70E

N° RG 24/00678 – N° Portalis DBX4-W-B7H-SUWR

JUGEMENT

N° B

DU : 21 Novembre 2024

[U] [P] épouse [T]
[O] [P]

C/

[K] [B]

Expédition revêtue de
la formule exécutoire
délivrée le 21 Novembre 2024

à Me GEORGE

Expédition délivrée
à toutes les parties
le 21 novembre 2024

JUGEMENT

Le Jeudi 21 Novembre 2024, le Tribunal judiciaire de TOULOUSE,

Sous la présidence de Mélanie RAINSART, Vice Présidente au Tribunal judiciaire de TOULOUSE, statuant en matière civile, assistée de Fanny ACHIGAR Greffière lors des débats et chargée des opérations de mise à disposition.

Après débats à l’audience du 23 Septembre 2024, a rendu la décision suivante, mise à disposition conformément à l’article 450 et suivants du Code de Procédure Civile, les parties ayant été avisées préalablement ;

ENTRE :

DEMANDEURS

Madame [U] [P] épouse [T], demeurant [Adresse 3]

Représentée par Maître Julien GEORGE, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [O] [P], demeurant [Adresse 3]

Représenté par Maître Julien GEORGE, avocat au barreau de TOULOUSE

ET

DÉFENDERESSE

Madame [K] [B], demeurant [Adresse 2]

Représentée par Maître Joëlle GLOCK de la SCP FOSSAT-GLOCK, avocats au barreau de TOULOUSE

EXPOSE DU LITIGE

Madame [U] [T]-[P] et Monsieur [O] [P] ont acquis en indivision une maison à usage d’habitation avec garage sis [Adresse 3].

Madame [K] [B] a acquis au [Adresse 2] un ensemble immobilier contigu.

La limite séparative entre les deux fonds est matérialisée par un mur de clôture prolongé par la façade d’un garage.

Reprochant à Madame [K] [B] d’avoir laissé se développer une végétation luxuriante à proximité de la limite séparative, Madame [U] [T]-[P] et Monsieur [O] [P] ont, par acte d’huissier en date du 1er septembre 2018, assigné Madame [K] [B] aux fins de la voir condamner, sous astreinte, à enlever les plantes litigieuses.

Par jugement du 23 juillet 2019, le Tribunal d’instance de TOULOUSE a rejeté l’ensemble des demandes aux motifs que Madame [B] avait mis en conformité ses plantations avec les dispositions légales. La demande étant fondée au jour de l’assignation, Madame [B] était condamnée aux dépens.

Estimant que les manquements réapparaissaient, les consorts [T] [P] adressaient un courrier à leur voisine le 26 avril 2023, afin de l’inviter à mettre en conformité ses plantations.

Ils faisaient par ailleurs établir un procès-verbal de constat le 20 juin 2023 par voie de Commissaire de justice.

Par courrier du 10 août 2023, ils mettaient en demeure Madame [B] de se conformer aux dispositions de l’article 671 du Code civil pour les végétaux en limite de propriété, de supprimer des bambous également en limite de propriété ou de prévoir une tranchée afin qu’ils ne puissent pas envahir leur fond, de retirer la fixation de son abri de jardin sur un mur privatif et de cesser d’apposer des brises vues sur les pieux plantés sur leur fond.

Estimant que ces difficultés ne trouvaient pas de réponses, ils déposaient une requête au Tribunal judiciaire de TOULOUSE, enregistrée le 28 septembre 2023, aux termes de laquelle ils sollicitaient la condamnation de Madame [K] [B] à :

– arracher les plantations qui ne se trouvent pas à un demi mètre de la limite séparative, arracher ou réduire les plantations qui tout en se trouvent à un demi mètre jusqu’à deux mètres de la limite séparative mesurent plus de deux mètres
– cesser les atteintes au droit de propriété en retirant la fixation de l’abri de jardin du mur du garage privatif ainsi que les brises vues empiétant sur le fond des requérants
– à leur payer la somme de 5000€ à titre de dommages et intérêts
– à leur payer la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Ils sollicitaient en outre :
– qu’il soit dit que les travaux seront constatés par la SELARL BEUSTE, huissiers de justice,
– qu’il soit prononcé une astreinte de 150€ par jour de retard à compter du 1er jour suivant le mois de la signification du jugement à venir

A l’audience du 23 septembre 2024, après plusieurs renvois à la demande des parties, Madame [U] [P] épouse [T] et Monsieur [O] [P], représentés par leur avocat, maintiennent leurs demandes mais estiment opportun de solliciter en sus un droit d’échelle. Ils sollicitent en outre : le rejet des demandes reconventionnelles de Madame [B] et considèrent que les conclusions adverses contiennent des propos injurieux et outrageant devant être retirés. Ils demandent que les travaux à réaliser soient constatés par la SELARL BEUSTE à l’issue du mois de la signification du jugement et que le coût du constat soit à la charge de la défenderesse et qu’ils soient ordonnés sous astreinte de 150€ par jour de retard à compter du premier jour suivant le mois de la signification du jugement à intervenir. Ils demandent également sa condamnation à 5000€ de dommages et intérêts et 2000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Au soutien de leurs prétentions, ils rappellent que leur demande est fondée sur l’article 672 du Code civil et n’est soumis à la démonstration d’aucun préjudice. Ils indiquent que contrairement à ce qui est soutenu par Madame [B], ils n’invoquent pas un trouble anormal de voisinage. Par ailleurs, ils font observer que la ligne divisoire entre les fonds n’a jusque-là jamais été remise en question et correspond au tracé du mur mitoyen et dans son prolongement au mur privatif du garage ainsi qu’à l’installation de la clôture grillagée. Ils font griefs à Madame [B] :

– de ne pas avoir mis en place une barrière anti rhizomes, de sorte que les bambous sur son fond envahissent le fond voisine et sont accolés au mur mitoyen sans retrait d’un demi mètre et d’une hauteur de plus de deux mètres.
– une haie au fond du jardin empiète également sur leur fond sans respecter la distance et la hauteur légale.
– trois végétaux sont plantés contre le mur mitoyen à une distance inférieure d’un demi mètre et d’autres sont contre le mur privatif et dépassent la crête du garage de 2,20 mètres.
– le toit de l’abri de jardin posé en oblique le long du mur du garage privatif est fixé à l’une de ses extrémités à une poutre du garage et l’un de ses montants s’appuie sur ce même mur
– deux brises vues sont apposés contre les pieux plantés sur leur fond et empiètent donc sur celui-ci.

Madame [K] [B], également représentée par son conseil, sollicite une mesure de conciliation et à défaut le débouté de l’ensemble des demandes, précisant qu’elle produit un constat indiquant que tout a été remis en conformité avec les dispositions invoquées. Elle accepte néanmoins de régler la facture liée à l’éradication des bambous. Au fond, elle sollicite la condamnation de Monsieur et Madame [P] [T] au paiement d’une somme de 1500€ à titre de dommages et intérêt pour procédure abusive et 1200€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Madame [K] [B] souligne qu’une précédente instance avait conduit à un rejet des demandes adverses, alors même qu’une conciliation avait été réalisée que les consorts [P] [T] avaient refusé d’avaliser. Elle soulève le fait que les demandeurs ne produisent aucun document de bornage permettant de rapporter l’emplacement exact de la ligne divisoire des héritages, de sorte que l’empiétement soulevé n’est pas démontré. Elle rappelle également que la prescription trentenaire fait obstacle à l’exigence de limite de deux mètres des plantations. Par ailleurs, les demandeurs disposent du droit de couper eux-mêmes les racines de bambous qui viendraient à migrer naturellement sur leur fond, alors même qu’elle justifie d’une protection anti rhizome. Enfin, elle indique que dès lors que l’appui des canisses n’a aucune conséquence mécanique sur le mur mitoyen, elle n’avait aucune autorisation à demander. Ce n’est que pour être agréables aux demandeurs qu’elle a déplacé un tronc décoratif et des brises vues, constaté par procès-verbal d’huissier.

L’affaire a été mise en délibéré au 21 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

I.Sur le retrait de propos injurieux des conclusions

Conformément à l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse,  » Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.

Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.  »

Il résulte de cette disposition que l’immunité des discours et écrits judiciaires, instituée à l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881, est destinée à garantir le libre exercice du droit d’agir ou de se défendre en justice. Cette immunité ne reçoit exception que dans le cas où les faits diffamatoires sont étrangers à la cause, cette condition s’imposant aux parties plaidantes comme aux tiers à l’instance initiale.

Il appartient donc à la juridiction de déterminer si les propos incriminés sont parfaitement étrangers à la cause.

En l’espèce, Madame [T] et Monsieur [P] incriminent les passages des conclusions adverses suivants :  » les demandes des consorts [P]-[T] relèvent exclusivement de la perversion intellectuelle « ,  » c’est à nouveau la même manie procédurale qui a prévalu manifestement avec la bienveillante assistance d’une protection juridique « , » cette manie processive « .

Le simple fait de manier le verbe ne saurait caractériser une diffamation. En outre, la défenderesse tente de démontrer que les demandeurs font preuve d’un acharnement à son encontre pouvant justifier à leur sens des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Par conséquent, les propos tenus n’apparaissent pas extérieurs à la cause et sont donc couverts par l’immunité judiciaire au sens de l’article 41, ils ne seront donc pas écartés des débats.

II.Sur la demande de conciliation

L’article 750-1 du Code de procédure civile dispose que  » En application de l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice est précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du Code de l’organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage.  »

Toutefois, l’instance a été introduite avant le 1er octobre 2023, date à partir de laquelle cette disposition était obligatoire, conformément à l’article 4 du décret du 11 mai 2023.

Conscient de cette absence d’obligation, la défenderesse sollicite une conciliation sur le fondement de l’article 127 du Code de procédure civile qui dispose que  » A défaut d’avoir recueilli l’accord des parties prévu à l’article 131-1, le juge peut leur enjoindre de rencontrer, dans un délai qu’il détermine, un médiateur chargé de les informer de l’objet et du déroulement d’une mesure de médiation. Cette décision est une mesure d’administration judiciaire.  »

Toutefois, compte tenu de la précédente instance judiciaire, s’étant soldée par un jugement, d’un courrier de rappel de ses obligations à Madame [B], puis d’une mise en demeure, il y a lieu de considérer que toute conciliation apparaît aujourd’hui impossible et que celle-ci ne peut prospérer que dans une commune intention des parties, ce qui à l’évidence n’est pas le cas.

Il y a donc lieu de rejeter la demande de conciliation et de statuer sur le fond.

III.Sur l’arrachage des plantations et la cessation des atteintes au droit de propriété

Au visa de l’article 671 du Code civil, il n’est permis d’avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu’à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu’à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d’un demi-mètre pour les autres plantations.

Les arbres, arbustes et arbrisseaux peuvent être plantés en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans que l’on soit tenu d’observer aucune distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur.

Si le mur n’est pas mitoyen, le propriétaire seul a le droit d’y appuyer les espaliers.

Il y a lieu de faire observer que les demandeurs se fondent sur ces dispositions et non sur la théorie des troubles anormaux de voisinage, de sorte qu’ils leur appartient de démontrer que les végétaux n’ont pas la hauteur ou la distance légale. Ils n’ont en revanche pas à démontrer le moindre trouble.

En outre, il y a lieu de faire observer que la défenderesse n’apporte aucun élément propre à contester la ligne divisoire qui n’a jamais été remise en question, y compris lors de la précédente instance.

A/ Sur l’existence des atteintes invoquées

– Les bambous

A cet égard, Madame [B] produit un constat d’huissier en date du 17 mai 2024 qui mentionne qu’une tranchée est en cours de réalisation devant le mur de clôture séparatif. Le commissaire de justice ajoute  » Un jardinier est actuellement présent sur les lieux et me déclare qu’il est en train d’installer une barrière anti rhizome  »

Par ailleurs, Madame [B] à l’audience consent à prendre à sa charge la facture pour éradiquer les bambous, laquelle s’élève à la somme de 243,20€. Il lui en sera donné acte.

– La haie au fond du jardin

Les consorts [T] [P] font également valoir qu’une haie située au fond du jardin empiète largement sur le fond de leur indivision sans respecter les règles de distance et de hauteur.

Le procès-verbal de Maître [G] en date du 9 juillet 2024 réalisé à la demande des consorts [T] [P] mentionne  » en fond de jardin, la plante de haie dépasse d’environ 1mètre sur la propriété de la requérante « .

Toutefois, il n’est mentionné en aucun cas à quelle distance cette haie est plantée par rapport à la limite de propriété ni la hauteur de cet ouvrage. Le constat de Maître [J] en date du 17 mai 2024 n’en fait pas clairement état. Il ne liste que des troncs de troène et de sureau implantés à proximité de la clôture mais dont la hauteur n’excède pas 1,70m.

Il n’est donc pas clairement démontré que cette haie serait plantée à moins d’un demi mètre de la clôture du fond adverse.

– Trois végétaux sont plantés contre le mur mitoyen

Il résulte du constate de Maître [G]  » Nous nous déplaçons à proximité du garage. Il mesure 2,20 mètres de hauteur environ. Les végétaux sur la parcelle de Madame [B] sont accolés au garage et dépassent ce dernier. Plusieurs arbustes sont accolés audit garage et dépassent ce dernier « .

Madame [B] soulève l’absence de préjudice pour les consorts [T] – [P] compte tenu de la situation des arbres et de la régularisation de la situation depuis l’intervention de son jardinier.

Il y a néanmoins lieu de rappeler que les dispositions de l’article 671 du Code civil sont prescrites sans qu’il ne soit nécessaire de démontrer le moindre préjudice. En outre, il appartient à Madame [B] de démontrer le caractère trentenaire des arbres si elle entend invoquer la prescription.

S’agissant de la régularisation de la taille des dits arbres, Madame [B] ne le démontre pas, puisqu’elle ne produit aucune facture d’un jardinier en ce sens et que le constat de Maître [J] réalisé à sa demande est antérieur à celui de Maître [G].

– Le toit de l’abri de jardin posé en oblique le long du mur du garage privatif est fixé à l’une de ses extrémités à une poutre du garage et l’un de ses montants s’appuie sur ce même mur

Il résulte du constat de Maître [G] que  » la toile d’un abri de jardin appartenant à Madame [B] est fixée contre l’une des poutres du garage de l’indivision « .

Pourtant le constat de Maître [J] est que  » cet équipement est directement posé au sol et ne dispose d’aucune fixation sur l’édicule voisin ou le mur de clôture « .

Il résulte des photographies des deux constats que l’édifice est une tonnelle indépendante et mobile à proximité d’un mur de garage mitoyen dont il est impossible de déterminer si un des montant est fixé d’une quelconque manière à une poutre du garage mais qui en tout état de cause ne peut être fixé que du côté du fond de Madame [B] et ne constitue en rien un manquement aux règles précitées.

– Deux brises vues sont apposés contre les pieux plantés sur leur fond et empiètent donc sur celui-ci.

Conformément à l’article 662 du Code civil,  » L’un des voisins ne peut pratiquer dans le corps d’un mur mitoyen aucun enfoncement, ni y appliquer ou appuyer aucun ouvrage sans le consentement de l’autre, ou sans avoir, à son refus, fait régler par experts les moyens nécessaires pour que le nouvel ouvrage ne soit pas nuisible aux droits de l’autre « .

Le constat de Me [G] mentionne à cet égard  » Le 14 juin dernier, il m’est déclaré que Madame [B] a posé, sur sa parcelle, des panneaux occultant en composite en remplacement des brises vues en roseau existants. Un des panneaux présente des traces de salissure. Ces panneaux mesurent tous entre 1,8m et 1,83m. Un poteau soutenant l’un des panneaux est posé contre le garage de l’indivision. Il est fixé sur l’un des crochets du garage de la requérante à l’aide d’un fil de fer élastique « .

Le constat de Maître [J] faisait précédemment état de cette volonté de Madame [B] d’installer des panneaux rigides à la place des brise vues de type canisse.

Cette dernière allègue avoir éloigné à distance adéquate les brises vues mais produit uniquement un protocole d’accord non signé par les consorts [T] [P] pour le démontrer.

Par conséquent, l’installation des brises vues de Madame [B] a été réalisé en contravention des dispositions précitées, peu important que cela cause ou non un préjudice aux demandeurs.

Il y a donc lieu d’ordonner le retrait du poteau soutenant l’un des panneaux posés contre le garage des demandeurs. Compte tenu de la bonne foi de Madame [B] qui a déjà procéder à un certain nombre de travaux de remise en état, l’astreinte ne se justifie pas.

B/ Sur les demandes financières

– Sur l’astreinte

Compte tenu de la modicité des travaux à réaliser et de la bonne foi de Madame [B] qui a commencé à régulariser la situation, il n’y a pas lieu d’ordonner la réalisation d’un constat par commissaire de Justice sous astreinte.

– Le droit d’échelle

S’agissant du droit d’échelle, compte tenu des constatations de Maître [G] en date du 9 juillet 2024, notamment sur la haie au fond du jardin, il y a lieu de faire droit à cette demande.

– Les dommages et intérêts

Conformément à l’article 1240 du Code civil,  » Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer « .

Il appartient à celui qui sollicite l’allocation de dommages et intérêts de démontrer que la faute commise par autrui est en lien direct et certain avec le préjudice subi.

Les consorts [T]-[P] sollicitent la condamnation de Madame [B] à lui payer une somme de 5000€ de dommages et intérêts. Ils font valoir au titre de la faute, que Madame [B] s’obstine à ignorer les règles et ne défère pas aux demandes et mises en demeure de mise en conformité. Ils soutiennent que cela contribue aux mauvaises relations de voisinage et accentuent les problèmes de santé de Madame [U] [P] épouse [T].

Compte tenu des constatations faites, de l’ancienneté du litige et du certificat médical de Madame [T] produits aux débats, il y a lieu de condamner Madame [B] à payer aux demandeurs une somme de 400€ à titre de dommages et intérêts.

IV.Le caractère abusif de la procédure

Il ne peut être reproché aux demandeurs l’absence de signature d’un protocole d’accord et la demande d’élagage était fondée à la date d’assignation.

Il s’ensuit que la procédure n’est pas abusive et la demande en dommages et intérêts formée par Madame [B] sera écartée.

V.Les demandes accessoires

Madame [B] succombant partiellement à la présente procédure sera tenue aux dépens.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la charge des demandeurs les frais qu’ils ont du engager pour agir en justice, de sorte que Madame [B] sera tenue de leur payer une somme de 400€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal, par jugement contradictoire, rendu publiquement et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

REJETTE la demande de retrait de propos injurieux et outrageant des conclusions de Madame [K] [B] ;

REJETTE la demande de conciliation ;

DONNE ACTE à Madame [K] [B] de sa volonté de régler la facture de Maison et Service du 14 septembre 2023 pour la barrière anti rhizome à hauteur de 243,20€ ;

ORDONNE la réduction des plantations accolées au garage sur le fond de Madame [K] [B] à ses frais ;

ORDONNE le retrait du poteau soutenant l’un des panneaux de brise vue contre le garage de l’indivision [P] [T] ;

REJETTE la demande de constat par Commissaire de Justice sous astreinte ;

ACCORDE à Madame [U] [P] épouse [T] et Monsieur [O] [P] une servitude sur le fond de Madame [K] [B] dite de  » droit d’échelle  » ;

CONDAMNE Madame [K] [B] à payer à Madame [U] [P] épouse [T] et Monsieur [O] [P] une somme de 400€ à titre de dommages et intérêts ;

REJETTE la demande de dommages et intérêts de Madame [K] [B] pour procédure abusive ;

REJETTE toutes plus amples demandes ;

CONDAMNE Madame [K] [B] à payer à Madame [U] [P] épouse [T] et Monsieur [O] [P] une somme de 400€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [K] [B] aux dépens ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

LA GREFFIERE LA JUGE


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