Conflit de voisinage et gestion des espaces communs en copropriété

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Conflit de voisinage et gestion des espaces communs en copropriété

L’Essentiel : L’immeuble situé à [Adresse 1] est une copropriété composée de deux bâtiments, A et B, séparés par une cour commune où sont entreposées des poubelles pour le tri sélectif. Les propriétaires indivis du lot n°19, consistant en un appartement au rez-de-chaussée, ont signalé des désagréments au syndic par l’intermédiaire de leur avocat. Après une tentative de conciliation infructueuse, les propriétaires ont saisi le tribunal d’instance pour faire cesser les nuisances. Le tribunal a examiné les arguments des propriétaires et du syndicat des copropriétaires, mais a finalement débouté les propriétaires, considérant qu’ils n’avaient pas prouvé l’abus de majorité.

Contexte de l’affaire

L’immeuble situé à [Adresse 1] est une copropriété composée de deux bâtiments, A et B, séparés par une cour commune où sont entreposées des poubelles pour le tri sélectif. Le syndic de cette copropriété est une société spécialisée dans la gestion de biens immobiliers. Les propriétaires indivis du lot n°19, consistant en un appartement au rez-de-chaussée, ont exprimé des préoccupations concernant l’emplacement des poubelles, qui causent des nuisances.

Signalements et contrôles

Les propriétaires de l’appartement ont signalé des désagréments au syndic par l’intermédiaire de leur avocat en février 2015. En janvier 2019, un inspecteur de salubrité a effectué un contrôle sur site et a recommandé la création d’un local pour le remisage des poubelles. En décembre 2019, un constat d’huissier a été réalisé pour documenter l’état de la cour et l’emplacement des poubelles.

Procédures judiciaires

Après une tentative de conciliation infructueuse, les propriétaires ont saisi le tribunal d’instance en janvier 2020 pour faire cesser les nuisances. En septembre 2020, l’assemblée générale des copropriétaires a voté pour maintenir l’emplacement des poubelles, malgré les objections des propriétaires. Ces derniers ont ensuite assigné le syndicat des copropriétaires en décembre 2020 pour annuler cette résolution, arguant d’un abus de majorité.

Décisions judiciaires et arguments des parties

Le tribunal a examiné les arguments des deux parties. Les propriétaires ont soutenu que la résolution n°25 favorisait les intérêts d’autres copropriétaires au détriment des leurs et qu’elle était contraire à l’intérêt collectif. En revanche, le syndicat des copropriétaires a affirmé que la décision était conforme à l’intérêt général et que les nuisances étaient normales dans un cadre de voisinage.

Conclusion du tribunal

Le tribunal a finalement débouté les propriétaires de leur demande d’annulation de la résolution n°25, considérant qu’ils n’avaient pas prouvé l’abus de majorité. De plus, ils ont été condamnés aux dépens et à payer une somme au syndicat des copropriétaires pour les frais non compris dans les dépens. L’exécution provisoire de la décision a été maintenue, soulignant la nature des condamnations et l’ancienneté du litige.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la demande d’annulation de la résolution 25 de l’assemblée générale du 21 septembre 2020 pour abus de majorité

L’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 dispose :

« I. – Les décisions de l’assemblée générale sont prises à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance, s’il n’en est autrement ordonné par la loi.

II. – Sont notamment approuvés dans les conditions de majorité prévues au I:

a) Les travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble ainsi qu’à la préservation de la santé et de la sécurité physique des occupants, qui incluent les travaux portant sur la stabilité de l’immeuble, le clos, le couvert ou les réseaux et les travaux permettant d’assurer la mise en conformité des logements avec les normes de salubrité, de sécurité et d’équipement définies par les dispositions prises pour l’application de l’article 1er de la loi no 67-561 du 12 juillet 1967 relative à l’amélioration de l’habitat ;

b) Les modalités de réalisation et d’exécution des travaux rendus obligatoires en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ou d’un arrêté de police administrative relatif à la sécurité ou à la salubrité publique, notifié au syndicat des copropriétaires pris en la personne du syndic;

c) Les modalités de réalisation et d’exécution des travaux notifiés en vertu de l’article L. 313-4-2 du code de l’urbanisme, notamment la faculté pour le syndicat des copropriétaires d’assurer la maîtrise d’ouvrage des travaux notifiés portant sur les parties privatives de tout ou partie des copropriétaires et qui sont alors réalisés aux frais du copropriétaire du lot concerné;

d) Les travaux d’accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite, sous réserve qu’ils n’affectent pas la structure de l’immeuble ou ses éléments d’équipement essentiels;

e) La suppression des vide-ordures pour des impératifs d’hygiène;

f) Les adaptations du règlement de copropriété rendues nécessaires par les modifications législatives et réglementaires intervenues depuis son établissement.

La publication de ces modifications du règlement de copropriété est effectuée au droit fixe;

g) La décision d’engager le diagnostic prévu à l’article L. 731-1 du code de la construction et de l’habitation ainsi que ses modalités de réalisation ;

h) L’autorisation permanente accordée à la police municipale de pénétrer dans les parties communes;

i) La décision d’équiper les emplacements de stationnement d’accès sécurisé à usage privatif avec des bornes de recharge pour véhicules électriques et hybrides rechargeables et de réaliser l’étude mentionnée au III de l’article 24-5;

j) L’autorisation donnée à un ou plusieurs copropriétaires d’effectuer à leurs frais les travaux permettant le stationnement sécurisé des vélos dans les parties communes, sous réserve que ces travaux n’affectent pas la structure de l’immeuble, sa destination ou ses éléments d’équipement essentiels et qu’ils ne mettent pas en cause la sécurité des occupants.

k) La décision d’installer des ouvrages nécessaires à la production d’énergie solaire photovoltaïque et thermique sur les toits, les façades et les garde-corps. »

Il appartient aux copropriétaires, demandeurs à la nullité fondée sur l’abus de majorité, de rapporter la preuve de celui-ci, c’est-à-dire, de démontrer que la délibération critiquée a été votée, sans motif valable, dans un but autre que la préservation de l’intérêt collectif de l’ensemble des copropriétaires, ou encore qu’elle rompt l’égalité des copropriétaires ou a été prise avec une intention de leur nuire ou de leur porter préjudice.

Le tribunal ne peut être saisi d’une demande en contestation d’une décision d’assemblée générale pour le seul motif qu’elle serait inéquitable ou inopportune (CA Paris, 23è. Chb A, 27 janvier 1999).

Ainsi, la résolution n°25 de l’assemblée générale du 21 septembre 2020, à laquelle les copropriétaires [F] n’ont pas assisté, stipule que le maintien de l’emplacement des poubelles a été voté à l’unanimité des voix exprimées des copropriétaires présents et représentés.

Il est constant que depuis l’adoption de cette résolution, l’assemblée générale a voté en faveur de la construction d’un abri de remisage des poubelles, ce qui démontre la bonne foi du syndicat des copropriétaires.

Les copropriétaires [F] ne démontrant pas que la délibération critiquée a été votée, sans motif valable, dans un but autre que la préservation de l’intérêt collectif, ils seront déboutés de leur demande d’annulation de la résolution n°25.

Sur les demandes accessoires

– Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Les copropriétaires [F] seront condamnés au paiement des entiers dépens de l’instance.

En raison du sens de la présente décision, ils seront également déboutés de leur demande de dispense de participation aux frais de la présente procédure en application de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.

– Sur les frais non compris dans les dépens

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Tenus aux dépens, les copropriétaires [F] seront en outre condamnés à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 2.000 euros à ce titre.

– Sur l’exécution provisoire

Aux termes des articles 514 et suivants du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.

En l’espèce, la nature des condamnations prononcées et l’ancienneté du litige justifient que l’exécution provisoire de droit ne soit pas écartée.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles ainsi que leurs autres demandes plus amples ou contraires.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Copie exécutoire délivrée le :
à Me DARCHIS

Copie certifiée conforme délivrée le :
à Me JOSSERAN

8ème chambre
1ère section

N° RG 20/13243 –
N° Portalis 352J-W-B7E-CTPRP

N° MINUTE :

Assignation du :
10 Décembre 2020

JUGEMENT
rendu le 04 Février 2025
DEMANDEURS

Madame [B] [D] épouse [F]
Monsieur [J] [F]

[Adresse 1]
[Localité 5]

représentés par Maître Armelle JOSSERAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0355

DÉFENDEUR

Le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 1], représenté par son syndic en exercice, la S.A.S LA BOUTIQUE DE COPROPRIETES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 4]

représenté par Maître Caroline DARCHIS de la SARL MANEO AVOCAT, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, vestiaire #PC192
Décision du 04 Février 2025
8ème chambre 1ère section
N° RG 20/13243 – N° Portalis 352J-W-B7E-CTPRP

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Laure BERNARD, Vice-Présidente
Madame Muriel JOSSELIN-GALL, Vice-présidente
Monsieur Julien FEVRIER, Juge

assistés de Madame Maïssam KHALIL, Greffière,

DÉBATS

A l’audience du 20 Novembre 2024 tenue en audience publique devant Madame JOSSELIN-GALL, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

***

EXPOSÉ DU LITIGE

L’immeuble sis [Adresse 1] est soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis, il est composé de deux bâtiments (A et B) séparés par une cour commune, dans laquelle sont entreposées cinq poubelles destinées au tri sélectif à usage commun ; son syndic en exercice est la société La boutique de copropriétés.

Mme [B] [D] épouse [F] et M. [J] [F] (ci-après « les époux [F] ») sont propriétaires indivis du lot n°19 au sein de cette copropriété, consistant en un appartement au rez-de-chaussée donnant sur cette cour commune.

Par courrier de leur conseil en date du 17 février 2015, les époux [F] se sont plaints auprès du syndic des désagréments causés par le lieu d’emplacement des poubelles, et l’ont interrogé sur le respect par la copropriété des normes d’hygiène et de sécurité en cette matière.

Le 30 janvier 2019, un inspecteur de salubrité, mandaté par la mairie de [Localité 6], a effectué un contrôle sur site suite à un signalement des époux [F], et leur a indiqué avoir invité le syndic à prendre les dispositions nécessaires pour faire créer un local dédié au remisage des récipients à ordure ménagère.

Le 30 décembre 2019, les époux [F] ont fait procéder à un constat d’huissier sur l’état de la cour commune et l’emplacement des poubelles, à proximité de leur fenêtre sur cour.

Suite à l’échec d’une tentative de conciliation en date du 17 juin 2019, les époux [F] ont saisi le tribunal d’instance par déclaration au greffe en date du 14 janvier 2020, aux fins de faire cesser les nuisances alléguées, relatives à la proximité de l’emplacement des poubelles de leur fenêtre.
Décision du 04 Février 2025
8ème chambre 1ère section
N° RG 20/13243 – N° Portalis 352J-W-B7E-CTPRP

Par résolution n°25, l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires en date du 21 septembre 2020 a décidé de maintenir l’emplacement des poubelles dans la cour de l’immeuble, en dépit de la demande des époux [F] de revoir l’emplacement des poubelles du tri sélectif.

Les époux [F] n’étaient ni présents ni représentés à cette assemblée.

Par exploit du 10 décembre 2020, les époux [F] ont assigné le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1] devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins d’annulation pour abus de majorité de la résolution n°25 de l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires en date du 21 septembre 2020.

L’ordonnance de clôture en date du 22 juin 2022 a été révoquée par ordonnance du juge de la mise en état le 11 janvier 2023, sur conclusions de révocation des époux [F] notifiées le 22 décembre 2022, pour inclure un courrier du service technique de la mairie de [Localité 6] en date du 17 octobre 2022 adressé à ces derniers.

Aux termes de ce courrier, la mairie de [Localité 6] a informé les époux [F] d’un contrôle sur site de leurs services le 13 octobre 2022, ayant constaté la mise à disposition des récipients à ordures ménagères à proximité des fenêtres des logements, entraînant des nuisances pour les occupants et concluant à une infraction aux dispositions sanitaires de l’article 77 du règlement sanitaire de la ville de [Localité 6].

Par courrier en date du 17 octobre 2022 adressé au syndic de l’immeuble, la mairie de [Localité 6] l’a enjoint de « prendre toutes les dispositions nécessaires pour créer un local dédié au remisage des récipients à ordures ménagères afin de faire cesser les nuisances constatées » dans un délai de 90 jours lui exposant que, passé ce délai, le dossier serait transmis au tribunal de police.

Par courrier recommandé en date du 13 mars 2023, les époux [F] ont demandé l’inscription à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale de plusieurs résolutions portant sur la création d’un local dédié au remisage des récipients à ordures ménagères.

L’assemblée générale du 24 avril 2023 a voté en résolutions n°23, 24, 25 et 26 la création de ce local, choisi l’entreprise chargé de le réaliser, et adopté son budget de financement.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 novembre 2023, les époux [F] demandent au tribunal de :

« Vu les articles 24 à 26 de de la loi 10 juillet 1965,
Vu le règlement de copropriété,
Vu les moyens qui précèdent et les pièces versées aux débats,

DECLARER Monsieur et Madame [F] recevables et bien fondés.

ORDONNER la nullité de la résolution n°25 de l’assemblée générale qui s’est tenue le 21.09.2020.

REJETER l’ensemble des demandes du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1].

CONDAMNER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à payer à Monsieur et Madame [F] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Armelle JOSSERAN, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC.

ORDONNER que Monsieur et Madame [F] seront dispensés de toute participation à la dépense commune des frais de procédure et honoraires d’avocat de la présente procédure, dont la charge sera répartie entre les autres copropriétaires conformément à l’article 10-1 inséré dans la loi du 10 juillet 1965 par la loi SRU du 13 décembre 2000.

DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir ».

Au soutien de ses prétentions, les époux [F] font valoir que :
– A titre liminaire, ils exposent que les relations sont très conflictuelles au sein de la copropriété, mais que leur comportement n’en n’est pas à l’origine, comme le soutient le syndicat des copropriétaires ;
– Ils observent que lors de l’achat de leur appartement en 1993, il n’y avait que deux containers dans la cour, et qu’il y en a désormais cinq, au pied de leur appartement, sous leur fenêtre, qui causent des odeurs pestilentielles, avec des insectes en été, et des nuisances sonores incessantes jour et nuit consécutives aux jets d’ordures ménagères par les habitants ;
– Les nuisances ont été objectivées par un constat d’huissier et deux courriers des inspecteurs de la salubrité de la ville de [Localité 6] ;
– Leur demande de création d’un local poubelle est la stricte application du règlement de copropriété qui stipule en son article 1 qu’il « ne pourra rien être fait qui puisse nuire à l’ordre et à la propriété de l’immeuble, ni gêner les autres copropriétaires par le bruit, l’odeur ou autrement » ;
– Les attestations de témoins versées aux débats par le syndicat des copropriétaires et qui minorent les nuisances sont inopérantes, puisqu’elles émanent de copropriétaires occupant les étages supérieurs du bâtiment A, qui ne sont pas concernés par les nuisances qui se développent près du bâtiment B et en rez-de-chaussée ;
– La résolution n°25 a pour effet de favoriser les intérêts des copropriétaires du bâtiment A au détriment de ceux du bâtiment B ;
– Le rejet de la résolution proposée est également contraire à l’intérêt collectif, car refusant de mettre fin à une situation insalubre, et a pour but de leur nuire, puisqu’ils sont les premières victimes de cette situation.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 septembre 2023, le syndicat des copropriétaires sis [Adresse 1] demande du tribunal de :

« Vu l’article 24 de la loi du 10 juillet1965,
Vu les pièces versées aux débats,

Juger recevable et bien fondé le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] en ses demandes, fins et conclusions et y faisant droit,

Débouter Madame [B] [D] épouse [F] et Monsieur [J] [F] de l’intégralité de leurs demandes,

Condamner Madame [B] [D] épouse [F] et Monsieur [J] [F] à régler au Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ».

Au soutien de ses prétentions, le syndicat des copropriétaires fait valoir que :
– Les époux [F] ne démontrent pas que la résolution n°25 de l’assemblée générale du 21 septembre 2020 a pour effet de favoriser les intérêts des copropriétaires du bâtiment A, les poubelles ayant été maintenues comme à l’origine dans la cour commune, chacun des copropriétaires des deux bâtiments donnant sur cette cour et devant subir les nuisances sonores consécutives aux jets des ordures ménagères, ne dépassant pas la mesure des inconvénients normaux du voisinage, comme en attestent les cinq occupants de l’immeuble qui témoignent de bruits modérés et de l’absence d’odeur nauséabonde ;
– L’emplacement historique des poubelles, alignées en fond de cour commune, est conforme à l’intérêt collectif car il est le seul envisageable, et son maintien en résolution 25 par le syndicat des copropriétaires ne démontre pas son intention de nuire aux époux [F];
– Au jour du vote de la résolution 25, aucune injonction de la mairie de [Localité 6] portant sur la création d’un local poubelle n’avait été transmise au syndicat des copropriétaires ;
– Dès lors que le syndicat des copropriétaires a pris connaissance de la mise en demeure de la mairie de [Localité 6], il a été inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée annuelle la création d’un local de remisage des poubelles, ce qui démontre la bonne foi du syndicat des copropriétaires, son souci de la préservation de l’intérêt commun et l’absence d’intention de nuire aux époux [F] ;
– L’actuelle procédure et le maintien de la demande d’annulation d’une résolution antérieure alors qu’ils ont obtenu satisfaction démontre leur quérulence et leur animosité vis à vis de tous les copropriétaires, depuis l’éviction de M. [F] du conseil syndical ;

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, il convient de renvoyer aux termes de leurs dernières écritures susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’instruction de l’affaire a été définitivement close par ordonnance du 11 décembre 2023, et fixée à l’audience du 20 novembre 2024, puis mise en délibéré au 4 février 2025, date à laquelle il a été mis à disposition au greffe.

MOTIFS

1- Sur la demande d’annulation de la résolution 25 de l’assemblée générale du 21 septembre 2020 pour abus de majorité

L’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 dispose : « I. – Les décisions de l’assemblée générale sont prises à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance, s’il n’en est autrement ordonné par la loi.
II. – Sont notamment approuvés dans les conditions de majorité prévues au I:
a) Les travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble ainsi qu’à la préservation de la santé et de la sécurité physique des occupants, qui incluent les travaux portant sur la stabilité de l’immeuble, le clos, le couvert ou les réseaux et les travaux permettant d’assurer la mise en conformité des logements avec les normes de salubrité, de sécurité et d’équipement définies par les dispositions prises pour l’application de l’article 1er de la loi no 67-561 du 12 juillet 1967 relative à l’amélioration de l’habitat ;
b) Les modalités de réalisation et d’exécution des travaux rendus obligatoires en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ou d’un arrêté de police administrative relatif à la sécurité ou à la salubrité publique, notifié au syndicat des copropriétaires pris en la personne du syndic;
c) Les modalités de réalisation et d’exécution des travaux notifiés en vertu de l’article L. 313-4-2 du code de l’urbanisme, notamment la faculté pour le syndicat des copropriétaires d’assurer la maîtrise d’ouvrage des travaux notifiés portant sur les parties privatives de tout ou partie des copropriétaires et qui sont alors réalisés aux frais du copropriétaire du lot concerné;
d) Les travaux d’accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite, sous réserve qu’ils n’affectent pas la structure de l’immeuble ou ses éléments d’équipement essentiels;
e) La suppression des vide-ordures pour des impératifs d’hygiène;
f) Les adaptations du règlement de copropriété rendues nécessaires par les modifications législatives et réglementaires intervenues depuis son établissement. La publication de ces modifications du règlement de copropriété est effectuée au droit fixe;
g) La décision d’engager le diagnostic prévu à l’article L. 731-1 du code de la construction et de l’habitation ainsi que ses modalités de réalisation ;
h) L’autorisation permanente accordée à la police municipale de pénétrer dans les parties communes;
i) La décision d’équiper les emplacements de stationnement d’accès sécurisé à usage privatif avec des bornes de recharge pour véhicules électriques et hybrides rechargeables et de réaliser l’étude mentionnée au III de l’article 24-5;
j) L’autorisation donnée à un ou plusieurs copropriétaires d’effectuer à leurs frais les travaux permettant le stationnement sécurisé des vélos dans les parties communes, sous réserve que ces travaux n’affectent pas la structure de l’immeuble, sa destination ou ses éléments d’équipement essentiels et qu’ils ne mettent pas en cause la sécurité des occupants.
k) La décision d’installer des ouvrages nécessaires à la production d’énergie solaire photovoltaïque et thermique sur les toits, les façades et les garde-corps »

Il appartient aux copropriétaires, demandeurs à la nullité fondée sur l’abus de majorité, de rapporter la preuve de celui-ci, c’est-à-dire, de démontrer que la délibération critiquée a été votée, sans motif valable, dans un but autre que la préservation de l’intérêt collectif de l’ensemble des copropriétaires, ou encore qu’elle rompt l’égalité des copropriétaires ou a été prise avec une intention de leur nuire ou de leur porter préjudice.

Le tribunal ne peut être saisi d’une demande en contestation d’une décision d’assemblée générale pour le seul motif qu’elle serait inéquitable ou inopportune (CA Paris, 23è. Chb A, 27 janvier 1999).

Sur ce

La résolution n°25 de l’assemblée générale du 21 septembre 2020 du syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1], à laquelle les époux [F] n’ont pas assisté et dont le procès-verbal est versé aux débats, stipule que :

« Résolution n°25 : Emplacement des poubelles du tri sélectif
Suite à la demande de M. et Mme [F] de revoir l’emplacement des poubelles du tri sélectif, il est rappelé que celles-ci sont placées, depuis plusieurs décennies, dans la cour de l’immeuble le long du mur mitoyen avec l’immeuble du [Adresse 2].

Il est également rappelé qu’en août 2013, l’emplacement des poubelles a été, en accord avec M. [F], spécialement aménagé avec pose de barres de protection du mur mitoyen et choix de la disposition suivante: à gauche de l’ancienne fontaine côté bâtiment B les trois poubelles « jaunes » et à droite côté bâtiment A la poubelle « verte » et la poubelle « blanche » pour le verre.
Après échanges, l’Assemblée vote le maintien de l’emplacement et de la disposition actuels des poubelles pour des raisons tenant à la préservation de l’accès au bâtiment B, à l’hygiène, et à l’esthétique de la cour et de l’immeuble.
L’assemblée demande au syndic de faire afficher près des poubelles les conditions et horaires d’utilisation (exclusivement entre 8 heures et 20 heures).

Résultat du vote (article 24 – majorité simple)

Copropriétaires
Pour
Contre
Abstention
Présents/représentés
Nombre
12
0
0
12
Millièmes
806
0
0
806

La résolution est adoptée à l’unanimité des voix exprimées des copropriétaires présents et représentés.

Ont voté pour : M. [V] [S] (25/1000) ; Mr [K] [O] (68/1000) ; Mme [W] [G] (40/1000) ; Mr [R] [L] (58/1000) ; Mr [X] [A] (58/1000) ; Mr [Z] [I] (122/1000) ; Mme [M] [N] (58/1000) ; Mr [T] [S] (83/1000) ; Mme [Y] [U] (80/1000) ; Mme [E] [B] (116/1000); Mme [NT] [H] (40/1000) ; Mr [C] [P] (58/1000).

Ont voté contre : néant – Se sont abstenus : néant – N’ont pas pris part au vote : néant »

Il ressort ainsi du texte de cette résolution que, depuis l’achat en 1993 par les époux [F] de leur appartement, les poubelles ont toujours été positionnées dans la cour commune, d’un commun accord des copropriétaires, et que cette situation était encore en cours au moment de l’acquisition par les demandeurs de leur lot ; ces derniers avaient donc déjà connaissance lors de l’acquisition de leur bien de cet état de fait, et de la configuration de cet emplacement au regard de leur fenêtre sur cette cour intérieure, ce qu’ils ne contestent pas au demeurant.

Il est également constant que depuis l’adoption de la résolution n°25, querellée dans la présente instance, l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires en date du 24 avril 2023 a voté en résolution n°23, selon procès-verbal de cette assemblée versé aux débats, la construction d’un abri de remisage des poubelles « suite à la mise en demeure du 17 octobre 2022 de la Ville de [Localité 6] », et a décidé « de faire édifier dans la cour sur leur emplacement actuel un abri de remisage des poubelles en bois, conforme au style de l’immeuble ».

Au soutien de leur démonstration d’un abus de majorité s’agissant de l’adoption en 2020 de la résolution n°25, les époux [F] produisent les courriers du service technique de la sous-direction de l’Habitat de la Mairie de [Localité 6] :

– En date du 14 février 2019, adressé aux époux [F], qui fait état d’un contrôle sur site le 30 janvier 2019 suite à leur signalement, et constate l’entrepôt de matériel de nettoyage dans les parties communes et une disposition des récipients à ordure ménagère à proximité des fenêtres des logements, qui « entrainerait » des nuisances pour les occupants ; ce courrier fait état également d’une invitation adressée au syndic de prendre les dispositions nécessaires à la création d’un local dédié au remisage des poubelles et du matériel d’entretien ;

– En date du 17 octobre 2022, adressé aux époux [F], qui fait état d’un contrôle sur site le 13 octobre 2022 suite à leur signalement, et fait état d’une mise en demeure du syndic de prendre les dispositions nécessaires pour la création d’un local dédié au remisage des récipients à ordure ménagère ;

– En date du 17 octobre 2022, adressé au syndic de copropriété, qui met en demeure ce dernier de procéder à la création d’un local dédié au remisage des récipients à ordure ménagère dans un délai de 90 jours pour la mise en conformité de l’immeuble au regard de la règlementation sanitaire du département de [Localité 6].

Les courriers en date du 17 octobre 2022 ne sont pas de nature à démontrer la connaissance par les copropriétaires de la non-conformité au regard de la réglementation sanitaire du remisage des récipients à ordure ménagère dans la copropriété lors du vote de la résolution querellée le 21 septembre 2020, car ils sont postérieurs à la tenue de cette assemblée.

S’agissant du courrier antérieur à cette assemblée, outre qu’il ne fait pas état d’une mise en demeure du syndic mais d’une simple invitation à la création d’un local et décrit des nuisances au conditionnel, les époux [F] ne fournissent aux débats aucune preuve que le syndic ou le syndicat des copropriétaires aient été alors destinataires d’un courrier les en alertant.

A rebours, le syndicat des copropriétaires démontre que dès qu’il a pris connaissance de la mise en demeure de la mairie de [Localité 6], il a fait inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée annuelle la création d’un local de remisage des poubelles, ce qui démontre sa bonne foi et son souci de la préservation de l’intérêt commun, ainsi que l’absence d’intention de nuire aux époux [F] ; étant au surplus souligné que tous les copropriétaires ayant une ouverture sur cour étaient susceptibles de supporter les inconvénients de cet emplacement historique des poubelles dans la cour commune, en outre le seul possible en raison de la mise en œuvre du tri sélectif, supposant la démultiplication en cinq récipients du remisage des déchets.

Les époux [F] ne démontrant pas que la délibération critiquée a été votée, sans motif valable, dans un but autre que la préservation de l’intérêt collectif de l’ensemble des copropriétaires, ou encore qu’elle rompt l’égalité des copropriétaires ou a été prise avec une intention de leur nuire ou de leur porter préjudice, et ne se prévalant d’aucun autre moyen opérant, ils seront déboutés de leur demande d’annulation de la résolution n°25 de l’assemblée générale du 21 septembre 2020.

2- Sur les demandes accessoires

– Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Les époux [F] seront condamnés au paiement des entiers dépens de l’instance.

En raison du sens de la présente décision, ils seront également déboutés de leur demande de dispense de participation aux frais de la présente procédure en application de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.

– Sur les frais non compris dans les dépens

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

Tenus aux dépens, les époux [F] seront en outre condamnés à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] la somme de 2.000 euros à ce titre.

– Sur l’exécution provisoire

Aux termes des articles 514 et suivants du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.

En l’espèce, la nature des condamnations prononcées et l’ancienneté du litige justifient que l’exécution provisoire de droit ne soit pas écartée.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles ainsi que leurs autres demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe

DEBOUTE Mme [B] [D] épouse [F] et M. [J] [F] de leur demande d’annulation de la résolution 25 de l’assemblée générale du 21 septembre 2020 ;

DEBOUTE Mme [B] [D] épouse [F] et M. [J] [F] de leur demande de dispense de participation aux frais de la présente instance en application de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;

CONDAMNE Mme [B] [D] épouse [F] et M.[J] [F] aux dépens ;

CONDAMNE Mme [B] [D] épouse [F] et M.[J] [F] à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

Fait et jugé à [Localité 6] le 04 Février 2025.

La Greffière La Présidente


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