L’Essentiel : Un producteur a engagé un prestataire pour réaliser un vidéoclip du titre « L’allumeur de mèche » de Sefyu, avec un contrat stipulant un paiement de 30.000 euros. Après des désaccords sur le contenu, le producteur a rejeté une seconde version, affirmant qu’elle ne respectait pas le synopsis. Les juges ont tranché en faveur du prestataire, soulignant que le producteur, présent lors du tournage, aurait dû exprimer ses réserves à ce moment. De plus, la résiliation du contrat a été prononcée aux torts du producteur pour manquement à son obligation de collaboration, empêchant ainsi la réalisation du projet.
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Objet du contrat de réalisation de vidéoclip Un producteur a conclu avec un prestataire un contrat de production exécutive d’une vidéomusique portant sur le titre « L’allumeur de mèche », interprété par le rappeur Sefyu, artiste révélation du public de l’année aux Victoires de la musique 2009, destiné à figurer sur son prochain album. Aux termes de ce contrat le prestataire s’engageait à livrer à la société de production une vidéomusique pour un montant global de 30.000 euros payable pour 50% à la date de signature du contrat et pour le reste à la date de réception de la vidéomusique définitive, acceptée par le producteur. Le synopsis du clip, proposé par le prestataire était annexé au contrat. Par ailleurs, un contrat d’ auteur réalisateur de vidéomusique avait aussi été conclu portant sur la conception du scénario du clip et sa réalisation. Le tournage du clip s’est déroulé en présence du directeur artistique de la société de production. Désaccord des parties Après un premier désaccord sur le contenu de la vidéomusique, le prestataire a communiqué une seconde version du clip comprenant les modifications sollicitées par le producteur. Par lettre recommandée avec accusé réception, le producteur a refusé la nouvelle version du clip en précisant qu’en vertu du contrat de production exécutive, il était seul à pouvoir valider la vidéomusique et que cette dernière ne correspondait pas au synopsis. Force obligatoire du Contrat Dans cette affaire, le prestataire a obtenu gain de cause contre le producteur. En vertu de l’article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de lois à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi. Aux termes du contrat de production exécutive signé « «Le COCONTRACTANT aura la charge de l’organisation et de l’exécution matérielle de la production de la Vidéomusique (tournage, montage, finition…) jusqu’à la livraison à la SOCIETE de la bande matrice (« master ») de la version définitive conforme aux caractéristiques artistiques visées ci-dessus et au scénario. » Le contrat précise en outre : « La Vidéomusique sera réputée achevée le jour où la version définitive présentée par le COCONTRACTANT aura reçu l ‘accord de conformité à la commande de la part de la SOCIETE. Dans 1 ‘hypothèse où la SOCIETE aurait émis, dans un délai de quinze jours suivant la date de remise du master de la Vidéomusique, des réserves motivées quant à la conformité à la commande, le COCONTRACTANT s ‘engage à procéder dans les meilleurs délais aux modifications nécessaires ». Les juges ont considéré qu’en l’absence de détails explicites fournis par le producteur, la vidéo était conforme sur ce point au synopsis, Alors que le producteur avait eu connaissance du devis mentionnant les effets spéciaux utilisés lors du tournage, et était présent lors de celui-ci, il lui appartenait de faire part à cette occasion de son désaccord sur la matérialisation des différents concepts prévus au synopsis. Diffusion TV du vidéoclip Autre point de désaccord des parties sur lequel le prestataire a obtenu gain de cause : le caractère violent du vidéoclip. La recommandation du ARCOM du 7 juin 2005 prévoit que la diffusion de vidéomusique pouvant heurter la sensibilité des plus jeunes est interdite avant 22 heures et l’ARCOM recommandé aux chaînes de donner la priorité aux versions expurgées et l’apparition du pictogramme déconseillé aux moins de 10 ans. Cette recommandation est reprise dans la convention de l’ARCOM avec NRJ 12. Le contrat de production exécutive stipulait que “le film livré (…) devra être d’excellente qualité technique, parfaitement synchronisé avec la bande son et répondre aux exigences de l’exploitation télévisuelle”. Dans ce contexte, ces exigences doivent être interprétées comme portant sur la seule qualité technique du clip permettant une diffusion par ce média. Aucune stipulation contractuelle n’est relative à la nécessité que le clip puisse être diffusé dans la journée et être destiné à un public de moins de 10 ans. Compte tenu de ces paroles, interprétées de manière saccadée, et du fait que le synopsis porte sur un affrontement entre des membres du GIGN, “prêts à en découdre” et une “masse de spectres”, étant rappelé que les images représentées sur celui-ci montrent des hommes armés et cagoulés, le climat de violence du clip qui porte sur deux bandes armées est conforme à la commune intention des parties. Aucun n’a pu être imputé au prestataire dans la mesure où le directeur artistique du producteur a assisté au tournage de la vidéomusique et que, alors que le contrat prévoyait que le producteur pouvait assister aux opérations de post montage, force est de constater qu’il n’avait pas utilisé cette faculté, si bien qu’il ne pouvait tenir le prestataire comme responsable de sa carence. Résiliation judiciaire Le prestataire a obtenu la résiliation du contrat aux torts exclusifs du producteur. Pour rappel, l’article 1184 du code civil dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisferait point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts. Le producteur, en s’abstenant de formuler des remarques précises et motivées, qui auraient permis une dernière modification de la vidéomusique, n’a pas collaboré avec le prestataire (producteur exécutif), restant sur une attitude de refus de validation de principe. Il a donc manqué à son obligation de loyauté, obligation essentielle sous-tendant toutes les relations contractuelles, et a interdit la réalisation de l’objet du contrat, sans motivation. Ce manquement contractuel, de par sa gravité, justifiait de prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs du producteur. La date de résiliation du contrat a été fixée au jour de l’assignation judiciaire.
Mots clés : Production audiovisuelle executive Thème : Production audiovisuelle executive A propos de cette jurisprudence : juridiction : Tribunal judiciaire de Paris | Date. : 29 novembre 2013 | Pays : France |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est l’objet du contrat de réalisation de vidéoclip ?Le contrat de réalisation de vidéoclip concerne la production exécutive d’une vidéomusique pour le titre « L’allumeur de mèche », interprété par le rappeur Sefyu. Ce dernier a été reconnu comme artiste révélation du public aux Victoires de la musique en 2009. Le vidéoclip est destiné à figurer sur le prochain album de Sefyu. Le prestataire s’engage à livrer la vidéomusique pour un montant total de 30.000 euros, dont 50% sont payables à la signature du contrat, et le reste à la réception de la version définitive acceptée par le producteur. Le synopsis du clip, proposé par le prestataire, est annexé au contrat, et un contrat d’auteur réalisateur a également été conclu pour la conception du scénario et sa réalisation. Le tournage a eu lieu en présence du directeur artistique de la société de production. Quels désaccords ont eu lieu entre le producteur et le prestataire ?Un premier désaccord a surgi concernant le contenu de la vidéomusique. Après cela, le prestataire a soumis une seconde version du clip, intégrant les modifications demandées par le producteur. Cependant, ce dernier a refusé cette nouvelle version par lettre recommandée, affirmant qu’il était le seul à pouvoir valider la vidéomusique selon le contrat de production exécutive. Le producteur a également soutenu que la nouvelle version ne correspondait pas au synopsis initial. Ce refus a conduit à des tensions entre les deux parties, mettant en lumière des divergences sur les attentes et les responsabilités contractuelles. Comment la force obligatoire du contrat a-t-elle été appliquée dans cette affaire ?La force obligatoire du contrat est régie par l’article 1134 du code civil, qui stipule que les conventions légalement formées tiennent lieu de lois pour les parties. Dans ce cas, le prestataire a obtenu gain de cause, car le contrat de production exécutive stipulait que le cocontractant devait organiser et exécuter la production de la vidéomusique jusqu’à la livraison de la version définitive. Les juges ont considéré que, en l’absence de détails explicites fournis par le producteur, la vidéo était conforme au synopsis. Le producteur, ayant eu connaissance des effets spéciaux utilisés et étant présent lors du tournage, aurait dû exprimer ses désaccords à ce moment-là. Quelles étaient les implications de la diffusion TV du vidéoclip ?Un autre point de désaccord concernait le caractère violent du vidéoclip. Selon une recommandation du ARCOM, la diffusion de vidéomusique pouvant heurter la sensibilité des jeunes est interdite avant 22 heures. Le contrat stipulait que le film livré devait être d’excellente qualité technique et répondre aux exigences de l’exploitation télévisuelle. Cependant, aucune stipulation n’exigeait que le clip soit diffusé durant la journée ou destiné à un public de moins de 10 ans. Les juges ont noté que le climat de violence du clip, qui représentait un affrontement entre des membres du GIGN et une « masse de spectres », était conforme à l’intention des parties, et le prestataire ne pouvait être tenu responsable des choix de diffusion. Quelles ont été les conséquences de la résiliation judiciaire du contrat ?Le prestataire a obtenu la résiliation du contrat aux torts exclusifs du producteur. Selon l’article 1184 du code civil, la condition résolutoire est sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, permettant à la partie lésée de demander la résolution du contrat avec dommages et intérêts. Le producteur a manqué à son obligation de loyauté en ne formulant pas de remarques précises et motivées, ce qui aurait permis une dernière modification de la vidéomusique. Cette attitude de refus de validation a empêché la réalisation de l’objet du contrat. En conséquence, la résiliation a été prononcée en raison de la gravité du manquement contractuel du producteur, et la date de résiliation a été fixée au jour de l’assignation judiciaire. |
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