Conflit sur la conformité des activités commerciales aux règles de copropriété

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Conflit sur la conformité des activités commerciales aux règles de copropriété

L’Essentiel : La SCI du Moulin, propriétaire de locaux commerciaux à [Localité 7], fait face à un conflit avec le syndicat des copropriétaires. Ce dernier a assigné la SCI en justice, arguant que la vente de produits alimentaires par le locataire, WSW Group, viole le règlement de copropriété. Le tribunal a constaté, lors d’une inspection, que le commerce proposait divers produits alimentaires, confirmant ainsi la violation. En conséquence, il a ordonné à la SCI de cesser cette activité sous astreinte de 500 euros par jour, tout en condamnant la SCI à verser 3.000 euros au syndicat pour les frais engagés.

Propriété et Activité Commerciale

La SCI du Moulin possède des locaux commerciaux au rez-de-chaussée d’un immeuble à [Localité 7]. Ces locaux sont loués à la société WSW Group, qui y exerce une activité de vente de cigarettes électroniques, de CBD et de friandises, sous un bail dérogatoire d’un an signé le 27 décembre 2023.

Conflit avec le Syndicat des Copropriétaires

Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble a assigné la SCI du Moulin en justice, arguant que la vente de produits alimentaires par le locataire contrevient au règlement de copropriété. Le 13 juin 2024, il a demandé au tribunal de faire cesser cette activité, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, et de condamner la SCI à payer des frais.

Demandes de la SCI du Moulin

En réponse, la SCI du Moulin a demandé au juge des référés de rejeter les demandes du syndicat, de reconnaître l’existence de contestations sérieuses, et de condamner le syndicat à lui verser 4.000 euros pour ses frais.

Règlement de Copropriété

Le règlement de copropriété, modifié en 1987, interdit explicitement les magasins d’alimentation. Lors d’une assemblée générale en décembre 2022, les copropriétaires ont rejeté une proposition visant à autoriser certaines activités alimentaires, renforçant ainsi l’interdiction.

Qualification du CBD

La SCI du Moulin conteste la qualification du CBD comme aliment, affirmant que son activité principale ne relève pas de la vente alimentaire. Cependant, le syndicat a produit des preuves montrant que le commerce vend également de nombreux produits alimentaires, ce qui constitue une violation du règlement.

Constatations et Décision du Tribunal

Un constat réalisé le 9 février 2024 a révélé que le commerce vendait divers produits alimentaires, établissant ainsi la violation du règlement de copropriété. Le tribunal a jugé que le trouble manifestement illicite était caractérisé, indépendamment de l’absence de nuisances pour les copropriétaires.

Ordonnance du Tribunal

Le tribunal a ordonné à la SCI du Moulin de cesser toute activité de vente de produits alimentaires dans l’immeuble, sous astreinte de 500 euros par jour après un délai de deux mois. La SCI a également été condamnée aux dépens et à verser 3.000 euros au syndicat des copropriétaires.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature du trouble manifestement illicite en matière de copropriété ?

Le trouble manifestement illicite est défini par l’article 835 du code de procédure civile, qui stipule que le président du tribunal judiciaire peut prescrire des mesures conservatoires ou de remise en état pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Cet article précise que ce trouble peut résulter d’une violation évidente de la règle de droit, qu’elle soit liée à la loi, à un contrat ou aux usages.

Dans le cas présent, la violation du règlement de copropriété, qui interdit explicitement l’exercice d’activités de vente de produits alimentaires, constitue un trouble manifestement illicite.

La jurisprudence a confirmé que l’exercice d’une activité prohibée par le règlement de copropriété, comme dans l’affaire en question, est un motif suffisant pour que le juge des référés ordonne la cessation de cette activité.

Quelles sont les implications du règlement de copropriété sur les activités commerciales ?

Le règlement de copropriété, en vertu de l’article 5 modifié par un avenant du 1er juillet 1987, interdit explicitement certaines activités, notamment celles liées aux magasins d’alimentation.

Cet article stipule que « ne pourront être tolérés, tant en vente qu’en location, les magasins d’alimentation, de musique, les artisans bruyants, les débits de boisson, sex-shop et établissements de restauration ».

Dans cette affaire, le syndicat des copropriétaires a démontré que la SCI du Moulin permet à son locataire d’exercer une activité de vente de produits alimentaires, ce qui constitue une violation manifeste du règlement de copropriété.

La décision de l’assemblée générale du 7 décembre 2022, qui a rejeté la proposition d’autoriser des activités de magasins d’alimentation, renforce cette interdiction.

Comment le juge des référés évalue-t-il la qualification d’un produit comme aliment ?

La qualification d’un produit comme aliment n’est pas une tâche simple et nécessite des références normatives claires. Dans le cas présent, la SCI du Moulin a contesté la qualification du CBD comme aliment, soutenant que son activité principale ne relevait pas de la catégorie « magasin d’alimentation ».

Cependant, le juge des référés a constaté que le procès-verbal de constat du 9 février 2024 prouve que le commerce vend de nombreux produits alimentaires, tels que des boissons et des confiseries.

La décision du Conseil d’Etat du 29 décembre 2022, bien qu’évoquée, ne qualifie pas explicitement le CBD d’aliment, mais mentionne des normes de sécurité alimentaire.

Ainsi, en l’absence de normes établies, le juge des référés a conclu que la vente de produits alimentaires, y compris ceux contenant du CBD, constitue une violation du règlement de copropriété.

Quelles sont les conséquences d’une violation du règlement de copropriété ?

La violation du règlement de copropriété entraîne des conséquences juridiques significatives. En vertu de l’article 700 du code de procédure civile, le juge peut condamner la partie perdante à payer une somme au titre des frais engagés par la partie gagnante.

Dans cette affaire, la SCI du Moulin a été condamnée à verser 3.000 euros au syndicat des copropriétaires, en plus des dépens.

De plus, le juge a ordonné à la SCI du Moulin de cesser toute activité de vente de produits alimentaires sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ce qui souligne la gravité de la violation.

Ces mesures visent à protéger les droits des copropriétaires et à garantir le respect des règles établies dans le règlement de copropriété.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/54387 – N° Portalis 352J-W-B7I-C5A5V

N° : 13

Assignation du :
13 Juin 2024

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le :

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 21 novembre 2024

par Rachel LE COTTY, Première vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Larissa FERELLOC, Greffier.
DEMANDEUR

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 7], représenté par son syndic, le cabinet Credassur
C/O le Cabinet CREDASSUR
[Adresse 2]
[Localité 5]

représenté par Maître Laurent SALEM, avocat au barreau de PARIS – #D1392

DEFENDERESSE

La S.C.I. DU MOULIN
[Adresse 1]
[Localité 6]

représentée par Maître Chantal TEBOUL ASTRUC, avocat au barreau de PARIS – #A0235

DÉBATS

A l’audience du 23 Octobre 2024, tenue publiquement, présidée par Rachel LE COTTY, Première vice-présidente, assistée de Larissa FERELLOC, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

La SCI du Moulin est propriétaire de locaux commerciaux (lots n° 1 et 2) au rez-de-chaussée d’un immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 7] et soumis au statut de la copropriété.

Le local commercial est loué à la société WSW Group, qui y exploite, aux termes d’un bail dérogatoire d’un an du 27 décembre 2023, une activité de « vente de cigarettes électroniques, CBD et accessoirement vente de friandises ».

Reprochant à la SCI du Moulin de laisser son locataire exercer une activité de vente de produits alimentaires en contrariété avec le règlement de copropriété, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 7] l’a assignée, par acte du 13 juin 2024, devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, auquel il demande, aux termes de ses conclusions déposées et développées oralement à l’audience du 23 octobre 2024, au visa de l’article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile, de :
– ordonner à la SCI du Moulin et à tous occupants de son chef de cesser d’exercer toute activité de vente de produits alimentaires ou de restauration dans l’immeuble situé [Adresse 4] et ce, dès la signification de l’ordonnance à intervenir et sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard ;
– débouter la SCI du Moulin de toutes ses demandes ;
– condamner la SCI du Moulin à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner aux dépens.

Aux termes de ses conclusions déposées et développées oralement à l’audience, la SCI du Moulin demande au juge des référés de :
– débouter le syndicat des copropriétaires de l’intégralité de ses demandes dirigées à son encontre ;
subsidiairement,
– relever l’existence de contestations sérieuses évinçant les pouvoirs du juge des référés ;
– renvoyer le syndicat des copropriétaires à mieux se pourvoir au fond ;
En tout état de cause,
– condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens.

MOTIFS

Selon l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Le caractère illicite de l’acte peut résulter de sa contrariété à la loi, aux stipulations d’un contrat ou aux usages.

La violation manifeste du règlement de copropriété d’un immeuble constitue, lorsqu’elle est caractérisée, un trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge des référés de faire cesser. Il en est ainsi, en particulier, en cas d’exercice d’une activité prohibée par le règlement de copropriété (3e Civ., 18 janvier 2023, pourvoi n° 21-23.119).

Au cas présent, le syndicat des copropriétaires reproche à la SCI du Moulin d’autoriser l’exercice par son locataire d’une activité prohibée par le règlement de copropriété, lequel interdit toute activité de vente de produits alimentaires, exposant que la locataire vend des produits alimentaires et, notamment, du CBD, qui est qualifié d’aliment.

La SCI du Moulin conteste la qualification d’aliment du CBD et soutient que l’activité principale de son preneur, la vente de cigarettes électroniques et de produits à base de CBD, ne relève pas de la catégorie « magasin d’alimentation », de sorte que la violation du règlement de copropriété n’est pas établie. Elle ajoute que l’activité ne génère aucune nuisance pour les copropriétaires, de sorte qu’elle ne peut constituer un trouble manifestement illicite.

Le règlement de copropriété de l’immeuble, modifié par un avenant du 1er juillet 1987, prévoit en son article 5 que : « ne pourront être tolérés, tant en vente qu’en location, les magasins d’alimentation, de musique, les artisans bruyants, les débits de boisson, sex-shop et établissements de restauration ».

Lors de l’assemblée générale du 7 décembre 2022, les copropriétaires ont expressément rejeté la résolution proposée par la SCI du Moulin et tendant à voir autoriser les propriétaires des locaux commerciaux à exercer ou faire exercer par leurs locataires « les activités de magasins d’alimentation et établissements proposant une restauration sans cuisson sur place, sous réserve qu’ils ne procurent aucune nuisance ».

Le bail consenti par la SCI du Moulin à sa locataire porte sur une activité de « vente de cigarettes électroniques, CBD et accessoirement vente de friandises ».

S’agissant du CBD, le demandeur produit une décision du Conseil d’Etat du 29 décembre 2022 (n° 444887) qui l’aurait qualifié d’aliment. Il produit également un article de « Santé magazine » et une fiche de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, qui précise que « le CBD étant considéré comme un nouvel aliment, celui-ci et les denrées alimentaires en contenant ne peuvent être commercialisés sans évaluation préalable et autorisation de l’autorité européenne de sécurité des aliments ».

Cependant, cette fiche et l’article de « Santé magazine » produit n’ont pas de caractère normatif.

S’agissant de la décision du Conseil d’Etat du 29 décembre 2022, elle se borne à citer les dispositions de l’article 1er de l’arrêté du 30 décembre 2021 portant application de l’article R. 5132-86 du code de la santé publique, qui prévoit – après annulation du II du même article par la décision elle-même – que :

« I. – En application de l’article R. 5132-86 du code de la santé publique, sont autorisées la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale des seules variétés de Cannabis sativa L., dont la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol n’est pas supérieure à 0,30 % et qui sont inscrites au catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles ou au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France. La détermination de la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol des variétés précitées et la prise d’échantillons en vue de cette détermination sont effectuées selon la méthode prévue en annexe ;
Les fleurs et les feuilles sont produites à partir de plantes issues de semences certifiées. La vente de plants et la pratique du bouturage sont interdites.
Seuls des agriculteurs actifs au sens de la réglementation européenne et nationale en vigueur peuvent cultiver des fleurs et des feuilles de chanvre.
III. – La teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol des extraits de chanvre, ainsi que des produits qui les intègrent, n’est pas supérieure à 0,30 %, sans préjudice des dispositions des articles 14 et 15 du règlement (CE) n° 178/ 2002 et de l’article 4 du règlement (CE) n° 767/2009 ».

Le Conseil d’Etat ne qualifie pas expressément le CBD d’aliment mais cite uniquement l’arrêté du 30 décembre 2021, qui détermine la teneur autorisée en delta-9-tétrahydrocannabinol des extraits de chanvre et ce, « sans préjudice des dispositions des articles 14 et 15 du règlement (CE) n° 178/2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires » (§ 5 de la décision).

La référence aux prescriptions générales de la législation européenne en matière de sécurité des denrées alimentaires ne signifie pas en elle-même que le CBD soit qualifié d’aliment mais implique le respect de ces normes lorsqu’il est vendu sous forme alimentaire, ce qui est souvent le cas mais pas exclusivement.

En tout état de cause, il n’appartient pas au juge des référés de procéder à la qualification du CBD, en l’absence de norme établie et évidente à ce jour.

En revanche, le procès-verbal de constat du 9 février 2024 versé aux débats par le syndicat des copropriétaires atteste que le commerce situé au rez-de-chaussée de l’immeuble et appartenant à la SCI du Moulin vend, outre du CBD et des cigarettes électroniques, de nombreux produits alimentaires : boissons, confiseries, sucreries, biscuits, chips, candies, drinks, « grocery store of the world ».

Les photographies annexées au procès-verbal de constat démontrent que de très nombreux aliments (biscuits, bonbons, boissons) – contenant ou non du CBD -, sont vendus, sans que cette vente d’aliments ne revête un caractère accessoire comme le soutient la SCI du Moulin, s’agissant au contraire de l’une des activités principales du commerce.

Dès lors, la méconnaissance du règlement de copropriété, qui interdit l’activité de magasin d’alimentation, est établie s’agissant de ces produits, dont le caractère alimentaire est manifeste, et le trouble manifestement illicite est caractérisé, peu important l’absence de nuisance avérée pour les copropriétaires.

Il convient en conséquence d’accueillir la demande du syndicat des copropriétaires tendant à ce qu’il soit ordonné à la SCI du Moulin et à tous occupants de son chef de cesser d’exercer toute activité de vente de produits alimentaires dans l’immeuble situé [Adresse 4], sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision.

La SCI du Moulin, partie perdante, sera tenue aux dépens et condamnée au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,

Ordonnons à la SCI du Moulin, et à tous occupants de son chef, de cesser d’exercer toute activité de vente de produits alimentaires dans l’immeuble situé [Adresse 4], sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision et pendant un délai de six mois, à l’issue duquel il sera à nouveau statué sur l’astreinte ;

Condamnons la SCI du Moulin aux dépens ;

La condamnons à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 7] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelons que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.

Ainsi fait et prononcé le 21 novembre 2024

Le Greffier, Le Président,

Larissa FERELLOC Rachel LE COTTY


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