L’Essentiel : M. [K] [Y] a été mis en examen le 12 décembre 2022 et a contesté, le 12 juin 2023, l’annulation d’une pièce de la procédure. Il remet en cause le soit-transmis du procureur de Lille, arguant que les investigations sur des faits déjà soumis à un juge d’instruction sont irrégulières. Selon lui, les faits, révélés par une infiltration dans un service de messagerie cryptée, relèvent de la compétence du juge d’instruction de la JIRS de Lille. La Chambre de l’instruction a rejeté sa demande, affirmant que les compétences des juges étaient territorialement délimitées, une décision contestée par M. [K] [Y].
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Contexte de l’affaireM. [K] [Y] a été mis en examen le 12 décembre 2022 pour des faits liés à une enquête en cours. Le 12 juin 2023, il a déposé une requête visant à annuler certains actes et pièces de la procédure. Critique de l’arrêt attaquéLe troisième moyen de la requête conteste l’arrêt qui a rejeté la demande d’annulation d’une pièce de la procédure, en particulier le soit-transmis du procureur de la République de Lille. M. [K] [Y] soutient que la poursuite des investigations sur des faits déjà soumis à un juge d’instruction est irrégulière et constitue un excès de pouvoir. Arguments de M. [K] [Y]Il fait valoir que les faits reprochés ont été révélés par une infiltration dans un service de messagerie cryptée et qu’ils avaient été commis avant le 18 mai 2020, ce qui les place sous la compétence du juge d’instruction de la JIRS de Lille. Il conteste la décision de la Chambre de l’instruction qui a affirmé que les réquisitoires introductifs de Nancy et de Lille ne couvraient pas les mêmes faits. Réponse de la Chambre de l’instructionLa Chambre de l’instruction a justifié son rejet en précisant que les compétences des juges d’instruction étaient territorialement délimitées. Cependant, M. [K] [Y] argue que cette décision ne tient pas compte des constatations faites par la Chambre elle-même, qui indiquent que le réquisitoire lillois visait des faits commis sur le territoire national, ce qui aurait dû inclure les faits en question. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de la compétence exclusive du juge d’instruction selon le Code de procédure pénale ?La compétence exclusive du juge d’instruction est régie par plusieurs articles du Code de procédure pénale, notamment les articles 80, 591 et 593. L’article 80 stipule que : « Le juge d’instruction est saisi par un réquisitoire du procureur de la République. Il est seul compétent pour instruire les affaires qui lui sont soumises. » Cet article établit clairement que le juge d’instruction a une compétence exclusive sur les faits qui lui sont présentés, ce qui signifie qu’aucune autre enquête ne peut être menée sur ces mêmes faits par un autre juge ou par le procureur. De plus, l’article 591 précise que : « La chambre de l’instruction statue sur les recours formés contre les décisions du juge d’instruction. » Cela implique que toute contestation relative à la compétence du juge d’instruction doit être examinée par la chambre de l’instruction, qui doit s’assurer que les règles de compétence sont respectées. Enfin, l’article 593 indique que : « Les décisions du juge d’instruction peuvent faire l’objet d’un appel. » Cela renforce l’idée que les décisions prises par le juge d’instruction, y compris celles relatives à sa compétence, sont susceptibles de contrôle par une instance supérieure. Ainsi, la jurisprudence rappelle que toute enquête ou poursuite qui empiète sur la compétence exclusive du juge d’instruction est considérée comme irrégulière et doit être annulée. Quelles sont les conséquences d’une enquête irrégulière sur la procédure pénale ?Lorsqu’une enquête est jugée irrégulière, les conséquences peuvent être significatives pour la validité de la procédure pénale. Selon l’article 80 du Code de procédure pénale, toute enquête menée en violation de la compétence exclusive du juge d’instruction doit être annulée. Cela signifie que : « Les actes réalisés en violation du principe de la compétence exclusive du juge d’instruction doivent être annulés. » Cette annulation peut concerner non seulement les actes d’enquête, mais également les pièces de la procédure qui en découlent. En effet, l’article 591, qui traite des recours, souligne que : « La chambre de l’instruction peut annuler les actes de la procédure qui ont été réalisés en méconnaissance des règles de compétence. » Ainsi, si un juge d’instruction a été saisi de faits qui relèvent de la compétence d’un autre juge, tous les actes subséquents peuvent être déclarés nuls. De plus, l’article 593 renforce cette position en stipulant que : « Les décisions du juge d’instruction peuvent faire l’objet d’un appel. » Cela permet aux parties de contester les décisions prises dans le cadre d’une enquête irrégulière, garantissant ainsi un contrôle judiciaire sur la légalité des actes d’instruction. En résumé, une enquête irrégulière entraîne l’annulation des actes et pièces de la procédure, ce qui peut avoir des répercussions importantes sur l’issue d’une affaire pénale. |
N° 00009
LR
7 JANVIER 2025
CASSATION PARTIELLE
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R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 JANVIER 2025
M. [K] [Y] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Nancy, en date du 28 mars 2024, qui, dans l’information suivie contre lui des chefs d’importation de stupéfiants en bande organisée, direction d’un groupement ayant pour objet le trafic de stupéfiants, infractions aux législations sur les stupéfiants et sur les armes et associations de malfaiteurs, en récidive, a prononcé sur sa demande d’annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 5 août 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l’examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [K] [Y], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l’audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mis en examen des chefs susvisés le 12 décembre 2022, M. [K] [Y] a déposé une requête en annulation d’actes et de pièces de la procédure le 12 juin 2023.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
3. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à annulation d’une pièce de la procédure et a en particulier rejeté la demande d’annulation du soit-transmis du procureur de la République de Lille, alors :
« 1°/ d’une part que la poursuite, sous la forme d’une enquête préliminaire ou de flagrance ou par l’ouverture d’une nouvelle information judiciaire, d’investigations relatives à des faits faisant déjà l’objet de la saisine d’un juge d’instruction, est irrégulière comme procédant d’un excès de pouvoir ; que l’ensemble des actes réalisés en violation du principe de la compétence exclusive du juge d’instruction relativement aux faits objets de sa saisine doivent être annulés ; qu’au cas d’espèce, l’exposant faisait valoir que les faits qui lui étaient reprochés dans le cadre de la procédure nancéenne avaient été mis à jour par l’infiltration du service de messagerie cryptée [1] par les gendarmes du C3N et avaient été commis au moins pour partie avant le 18 mai 2020 et entraient donc dans le champ de la saisine du juge d’instruction de la JIRS de Lille ; qu’en affirmant, pour rejeter le moyen d’annulation présenté de ce chef, que « le réquisitoire introductif du 26 novembre 2020 qui délimite la saisine du juge d’instruction de la JIRS de Nancy ne vise pas des faits compris dans le réquisitoire introductif du 28 mai 2020 qui délimite celle du juge d’instruction de Lille » dès lors que « la compétence des deux juges d’instruction est territorialement délimitée s’agissant des faits d’importation en bande organisée, trafic de stupéfiants et trafic d’armes, visés dans les deux réquisitoires, à [Localité 3] et le ressort de la JIRS de Lille d’une part et Toul, la Meurthe et Moselle et le ressort de la JIRS de Nancy d’autre part », quand le réquisitoire introductif lillois visait indistinctement des faits « commis sur le territoire national », la Chambre de l’instruction, qui a dénaturé les termes de ce réquisitoire, n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 80, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
2°/ d’autre part que la poursuite, sous la forme d’une enquête préliminaire ou de flagrance ou par l’ouverture d’une nouvelle information judiciaire, d’investigations relatives à des faits faisant déjà l’objet de la saisine d’un juge d’instruction, est irrégulière comme procédant d’un excès de pouvoir ; que l’ensemble des actes réalisés en violation du principe de la compétence exclusive du juge d’instruction relativement aux faits objets de sa saisine doivent être annulés ; qu’au cas d’espèce, l’exposant faisait valoir que les faits qui lui étaient reprochés dans le cadre de la procédure nancéenne avaient été mis à jour par l’infiltration du service de messagerie cryptée [1] par les gendarmes du C3N et avaient été commis au moins pour partie avant le 18 mai 2020 et entraient donc dans le champ de la saisine du juge d’instruction de la JIRS de Lille ; qu’en affirmant, pour rejeter le moyen d’annulation présenté de ce chef, que « le réquisitoire introductif du 26 novembre 2020 qui délimite la saisine du juge d’instruction de la JIRS de Nancy ne vise pas des faits compris dans le réquisitoire introductif du 28 mai 2020 qui délimite celle du juge d’instruction de Lille » dès lors que « la compétence des deux juges d’instruction est territorialement délimitée s’agissant des faits d’importation en bande organisée, trafic de stupéfiants et trafic d’armes, visés dans les deux réquisitoires, à [Localité 3] et le ressort de la JIRS de Lille d’une part et Toul, la Meurthe et Moselle et le ressort de la JIRS de Nancy d’autre part », quand il résultait des propres constatations de la Chambre de l’instruction que le réquisitoire introductif lillois visait indistinctement des faits « commis sur le territoire national », la Chambre de l’instruction, qui n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a statué par des motifs inopérants et impropres à établir que les faits reprochés à l’exposant n’entrent pas dans la saisine du magistrat lillois, n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 80, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
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