Conflit sur l’acquisition de la nationalité française et la validité des documents d’état civil.

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Conflit sur l’acquisition de la nationalité française et la validité des documents d’état civil.

L’Essentiel : Monsieur [Z] [F] a déposé une déclaration de nationalité française le 4 septembre 2020, mais son enregistrement a été refusé par le tribunal de Lons-le-Saunier. En réponse, il a assigné le ministère public, demandant la reconnaissance de sa nationalité. Le tribunal a finalement annulé le refus le 12 septembre 2023, confirmant l’acquisition de la nationalité française. Cependant, le ministère public a interjeté appel, contestant la validité de l’état civil de [Z] [F]. La cour d’appel a statué en faveur de [Z] [F], ordonnant l’enregistrement de sa nationalité et condamnant le Trésor public à verser des honoraires.

Déclaration de nationalité française

Monsieur [Z] [F] a déposé une déclaration de nationalité française le 4 septembre 2020, conformément à l’article 21-12 du code civil. Cette démarche visait à acquérir la nationalité française en tant que mineur confié au service de l’aide sociale à l’enfance.

Refus d’enregistrement

Le 19 octobre 2020, le directeur de greffe du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier a refusé d’enregistrer cette déclaration, arguant que [Z] [F] ne prouvait pas avoir été confié par décision de justice au service de l’aide sociale à l’enfance pendant au moins trois ans.

Action en justice

En réponse à ce refus, [Z] [F] a assigné le ministère public devant le tribunal judiciaire de Nancy le 18 octobre 2021, demandant la reconnaissance de sa déclaration de nationalité comme recevable et fondée, ainsi que l’annulation de la décision de refus.

Jugement du tribunal

Le tribunal a rendu son jugement le 12 septembre 2023, annulant la décision de refus et constatant que [Z] [F] avait acquis la nationalité française par sa déclaration. Le tribunal a également ordonné l’enregistrement de cette nationalité et condamné le Trésor public à verser des honoraires à l’avocat de [Z] [F].

Appel du ministère public

Le 17 novembre 2023, le ministère public a interjeté appel de cette décision, demandant l’annulation du jugement et le déboutement de [Z] [F] de sa demande d’enregistrement de nationalité.

Arguments des parties

Dans ses écritures, le ministère public a soutenu que [Z] [F] ne justifiait pas d’un état civil certain, remettant en question la validité du certificat de naissance produit. En revanche, [Z] [F] a affirmé que son certificat était conforme à la législation albanaise et devait être considéré comme valide.

Nullité du jugement

Le ministère public a soulevé la nullité du jugement initial, arguant qu’il avait été rendu par un juge unique alors que la collégialité était requise pour les affaires relatives à l’état des personnes. Le tribunal a reconnu cette irrégularité et a annulé le jugement.

Décision de la cour d’appel

La cour d’appel a statué que [Z] [F] avait acquis la nationalité française à compter du 4 septembre 2020, date de sa déclaration. Elle a ordonné l’enregistrement de cette déclaration et a condamné le Trésor public à verser des honoraires à l’avocat de [Z] [F], tout en laissant les dépens à la charge de l’État.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions d’acquisition de la nationalité française par déclaration selon l’article 21-12 du Code civil ?

L’article 21-12 du Code civil stipule que :

« Peut réclamer la nationalité française, dans les conditions prévues par les articles 26 et suivants du code civil, l’enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice par une personne de nationalité française ou est confié au service de l’aide sociale à l’enfance. »

Ainsi, pour qu’un enfant puisse acquérir la nationalité française par déclaration, il doit :

1. Être recueilli sur décision de justice ou confié à l’aide sociale à l’enfance.

2. Avoir été dans cette situation pendant au moins trois années.

Dans le cas de Monsieur [Z] [F], le tribunal a constaté qu’il avait été confié à l’aide sociale à l’enfance depuis le 28 août 2017 jusqu’à sa majorité, ce qui satisfait à la condition de durée.

Quelles sont les exigences relatives à l’état civil pour la déclaration de nationalité ?

L’article 30 du Code civil précise que :

« La charge de la preuve incombe à celui dont la nationalité est en cause. »

De plus, l’article 47 du même code indique que :

« Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. »

Pour que la déclaration de nationalité soit recevable, il est donc impératif que l’intéressé justifie de son état civil par un acte de naissance valide. Dans le cas présent, Monsieur [Z] [F] a produit un certificat de naissance conforme aux exigences de la loi albanaise, ce qui a été jugé suffisant par le tribunal.

Quelles sont les conséquences d’un jugement rendu à juge unique en matière d’état des personnes ?

L’article L 212-1 du Code de l’organisation judiciaire stipule que :

« Le tribunal judiciaire statue en formation collégiale, sous réserve des exceptions tenant à l’objet du litige ou à la nature des questions à juger. »

En matière d’état des personnes, la collégialité est de règle. L’article 447 du Code de procédure civile précise que :

« Il appartient aux juges devant lesquels l’affaire a été débattue d’en délibérer. »

Le non-respect de cette règle entraîne la nullité du jugement, comme le prévoit l’article 458 du même code. Dans cette affaire, le jugement initial a été annulé car il avait été rendu par un juge unique, alors que la nationalité est une question relevant de l’état des personnes, nécessitant une formation collégiale.

Comment se déroule l’effet dévolutif de l’appel dans cette affaire ?

L’article 562 alinéa 2 du Code de procédure civile dispose que :

« La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. »

Dans cette affaire, le ministère public a interjeté appel pour annuler le jugement. Par conséquent, la cour d’appel est tenue de statuer sur l’ensemble du litige, y compris sur la question de la nationalité de Monsieur [Z] [F], ce qui a conduit à la confirmation de son acquisition de la nationalité française.

Quelles sont les implications financières de la décision de justice ?

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que :

« La partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, le tribunal a condamné le Trésor public à verser à Maître Jeannot la somme de 1500 euros pour couvrir les frais d’avocat de Monsieur [Z] [F]. De plus, les dépens de l’instance ont été laissés à la charge de l’État, ce qui est une pratique courante dans les affaires où la nationalité est en jeu.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2024 DU 25 NOVEMBRE 2024

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/02407 – N° Portalis DBVR-V-B7H-FIST

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de NANCY,

R.G.n° 21/2542, en date du 12 septembre 2023

APPELANT :

MINISTERE PUBLIC

[Adresse 1]

Représenté par Madame Béatrice BOSSARD, Avocat Général près la Cour d’appel de NANCY

INTIMÉ :

Monsieur [Z] [F]

né le 20 Septembre 2002 à [Localité 3] (ALBANIE)

domicilié [Adresse 5]

Bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro C-54395-2024-00036 du 08/01/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NANCY

Représenté par Me Brigitte JEANNOT, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Présidente et Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire, chargée du rapport,

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire,

A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2024, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 25 Novembre 2024, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [Z] [F] a souscrit le 04 septembre 2020 une déclaration de nationalité française en application de l’article 21-12 du code civil.

Le 19 octobre 2020, le directeur de greffe du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier a refusé l’enregistrement de cette déclaration de nationalité française au motif que l’intéressé ne justifiait pas avoir été confié par décision de justice, depuis au moins trois années au service de l’aide sociale à l’enfance.

Par assignation du 18 octobre 2021, [Z] [F], se disant né le 20 septembre 2002 à [Localité 3] (ALBANIE), a attrait le ministère public devant le tribunal judiciaire de NANCY, aux fins de :

– dire que la déclaration de nationalité française faite par M. [F] le 04 septembre 2020 en application de l’article 21-12 du Code civil est recevable et bien fondée,

– annuler la décision en date du 19 octobre 2020 portant refus d’enregistrement de la déclaration de nationalité française prise par le greffier en chef du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier,

– dire et juger que [Z] [F] a acquis de plein droit la nationalité française par l’effet de la déclaration souscrite le 04 septembre 2020 en application de l’article 21-12 du code civil,

– ordonner au tribunal judiciaire de Lons-le Saunier d’enregistrer cette déclaration de nationalité française,

– constater l’acquisition de la nationalité française par [Z] [F],

– inviter le service central de l’état civil de [Localité 6] a effectuer la transcription de l’acte de naissance de l’intéressé dans ses registres avec effet au jour de la déclaration en date du 4 septembre 2020,

– ordonner la mention prévue à l’article 28 du code civil,

– condamner le Trésor public payer à Maître JEANNOT la somme de 2400 euros TTC en application de l’article 37 de la loi sur l’aide juridictionnelle et de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par jugement en date du 12 septembre 2003, le tribunal a :

– débouté le ministère public de ses demandes,

– annulé la décision n°DnhM 2912020 du directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire de LONS-LE-SAUNlER (JURA), refusant l’enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite le 4 septembre 2020 par [Z] [F],

– constaté que M. [Z] [F], né le 20 septembre 2002 à [Localité 3] (ALBANIE) a acquis la nationalité française par la déclaration souscrite le 4 septembre 2020 en application des dispositions de l’article 21-12 du code civil,

– ordonné l’enregistrement de la nationalité française de M. [Z] [F],

– condamné le Trésor public à verser à Maître Brigitte JEANNOT la somme de 1500 euros (mille cinq cents euros) en application des dispositions combinées de l’article 700 du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

– ordonné la mention prévue à l’article 28 du code civil,

– laissé les dépens à la charge de l’État.

Pour statuer ainsi le tribunal a considéré en premier lieu que le demandeur justifiait avoir été recueilli par l’Aide sociale à l’enfance sur décision judiciaire pendant le délai de trois années requis par la loi, soit à compter du 28 août 2017 et jusqu’à la date de sa majorité soit le 20 septembre 2020 et en second lieu, que l’intéressé justifiait de son état civil par la production d’un certificat de naissance établissant qu’il était né le 20 septembre 2002 à [Localité 3] en Albanie, ce document comportant au verso un tampon d’apostille attestant que le document a été signé par M. [C] [P] en sa qualité d’officier d’état civil de [Localité 4] et une apostille signée à [Localité 7] par M. [R] [D] travaillant au Ministère de l’Europe et des affaires étrangère d’Albanie. Il a ainsi conclu que la procédure était conforme aux dispositions de l’article 5 de la Convention de la Haye.

Par acte en date du 17 novembre 2023, le Ministère public a interjeté appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses écritures notifiées le 29 mai 2024, le Ministère public demande de :

– annuler le jugement en tout son dispositif,

Et statuant à nouveau,

– débouter [Z] [F] de sa demande d’enregistrement de sa déclaration de nationalité,

– dire qu’il n’est pas français,

– ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil.

Dans ses dernières écritures notifiées le 26 avril 2024, M. [Z] [F] conclut à la confirmation du jugement rendu le 12 septembre 2023 et demande en tout état de cause de :

– juger que la déclaration de nationalité en date du 4 septembre 2020 souscrite en application de l’article 21-12 du code civil est recevable et bien fondée,

– annuler la décision en date du 19 octobre 2020 portant refus d’enregistrement de cette déclaration,

– dire et juger que M. [F] a acquis de plein droit la nationalité française par l’effet de cette déclaration,

– ordonner au tribunal judiciaire de LONS-LE SAUNIER d’enregistrer cette déclaration de nationalité française auprès du greffier en chef et de lui donner son plein effet,

– constater l’acquisition de la nationalité française par M. [F],

– inviter le service central de l’état civil de [Localité 6] à effectuer la transcription de l’acte de naissance de l’intéressé dans ses registres avec effet au 4 septembre 2020,

– ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil,

– condamner le Trésor public à payer à Maître Jeannot la somme de 2400 euros TTC en application de l’article 37 de la loi sur l’aide juridictionnelle et de l’article 700 du code de procédure civile, laquelle s’engage à renoncer à percevoir la part contributive de l’Etat correspondant à sa mission au titre de l’aide juridictionnelle,

– condamner le Trésor public aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 juillet 2024.

L’affaire a été appelée à l’audience du 24 septembre 2024. A cette date elle a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 25 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Vu les dernières conclusions déposées par l’appelant le 29 mai 2024 et par l’intimé le 26 avril 2024 auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des moyens et arguments ;

Sur les dispositions de l’article 1040 du code de procédure civile

Le récépissé prévu par ce texte a été délivré le 17 novembre 2023 de sorte que la cour est en mesure de statuer.

Sur la nullité du jugement

Le ministère public soulève la nullité du jugement sur le fondement des dispositions combinées des articles 447 et 458 du code de procédure civile et L 212-1 du code de l’organisation judiciaire en ce qu’il a été rendu à juge unique alors qu’en matière d’état des personnes, la collégialité est de règle.

L’intimé n’a pas conclu sur ce point.

L’article L 212-1 du code de l’organisation judiciaire dispose que ‘ Le tribunal judiciaire statue en formation collégiale, sous réserve des exceptions tenant à l’objet du litige ou à la nature des questions à juger. Dans les matières disciplinaires ou relatives à l’état des personnes, sous réserve des dispositions particulières aux matières de la compétence du juge aux affaires familiales et du juge des contentieux de la protection mentionnés à l’article L 213-4-1, le tribunal judiciaire ne peut statuer à juge unique.’

Selon l’article 447 du code de procédure civile ‘ Il appartient aux juges devant lesquels l’affaire a été débattue d’en délibérer. Ils doivent être d’un nombre égal à celui que prescrivent les règles relatives à l’organisation judiciaire.’

Le non-respect de la prescription de ce dernier texte est sanctionné par la nullité du jugement ainsi qu’en dispose l’article 458 du même code.

En l’espèce, le jugement contesté mentionne que le juge a statué en application des dispositions des articles 812 à 816 du code de procédure civile, soit à juge unique.

Or, la nationalité étant l’une des composantes de l’état des personnes, les affaires relevant de ce contentieux doivent être soumises à la juriction statuant en formation collégiale.

En conséquence, le jugement contesté sera annulé.

Sur l’effet dévolutif de l’appel

L’article 562 alinéa 2 du code de procédure civile, dans sa version applicable à la présente affaire, dispose que ‘ La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.’

Il incombe donc à la cour de statuer sur l’entier litige.

Sur le fond

L’intimé a souscrit le 4 septembre 2020 une déclaration de nationalité française sur le fondement de l’article 21-12 du code civil en tant que mineur confié au service de l’Aide sociale à l’enfance.

Ce texte dispose en son alinéa 3-1° que ‘peut réclamer la nationalité française, (dans les conditions prévues par les articles 26 et suivants du code civil), l’enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice par une personne de nationalité française ou est confié au service de l’aide sociale à l’enfance’.

Il y a lieu de rappeler d’une part, que, en l’absence de possession d’un certificat de nationalité française, la charge de la preuve incombe à celui dont la nationalité est en cause ainsi qu’en dispose l’article 30 du code civil et d’autre part, que nul ne peut se voir reconnaître la nationalité française, à quelque titre et sur quelque fondement que ce soit, s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil par la production d’un acte de naissance répondant aux exigences de l’article 47 du même code selon lequel : ‘ tout acte de l’état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.’.

Le ministère public considère que M. [Z] [F] ne justifie pas d’un état civil certain au sens de ce texte. Il fait valoir d’une part, que le document produit pour justifier de l’état civil de l’intimé ne constitue pas un acte de naissance mais un simple certificat de naissance qui ne comporte pas l’ensemble des mentions exigées en France : date de l’acte de naissance, identité de l’officier d’état civil, identité du déclarant et date de naissance ou au moins l’âge des parents et d’autre part, que l’apostille apposée sur ce document n’est pas conforme à la Convention de La Haye du 5 octobre 1961, la motivation du jugement étant défaillante en ce qu’elle retient que le certificat de naissance ‘ aurait été signé par M. [C] [P]’, ce qui n’est manifestement pas le cas.

L’intimé oppose que le certificat de naissance qu’il a produit est, selon les dispositions de l’article 19 de la loi albanaise n° 8950 du 10 octobre 2002 relative à l’état civil, le seul document délivré par les officiers d’état civil pour justifier du contenu de l’acte de naissance de sorte que ce document doit être présumé valide au sens de l’article 47 du code civil.

Sur l’apostille, il se prévaut des dispositions du Manuel sur le fonctionnement pratique de la convention d’apostille qui prévoit en son article 217, que si l’autorité compétente pour délivrer l’apostille l’estime opportun, elle peut prévoir qu’une autorité intermédiaire vérifie et certifie l’origine de certains actes publics avant d’émettre elle-même une apostille pour certification de cette autorité intermédiaire.

Il résulte de l’article 19 de la loi albanaise du 10 octobre 2002 en son point 4, que : ‘les documents délivrés par les officiers de l’état civil sont les suivants :

Pièces d’identité,

Certificat de naissance,

Acte de mariage,

Certificat de décès.’

Le document d’identité produit par l’intimé est un certificat de naissance conforme à la législation de son pays d’origine au sens de l’article 47 du code civil. Aucun élément tiré de cet acte lui-même ou d’autres actes ou données n’a été soulevé de nature à apporter la preuve que ce document énoncerait des faits contraires à la réalité.

Il s’en suit que cet acte fait foi.

La circonstance que le ministère public verse aux débats la copie d’un acte de naissance concernant un tiers, sans précision de la manière dont elle a pu être obtenue et dans quel but, n’est pas de nature à remettre en cause les termes de la loi albanaise.

Les dispositions de l’article 9 du décret du 30 décembre 1993 dans sa version applicable à la date de la déclaration de nationalité considérée, en ce qu’elles prévoient que les actes de l’état civil sont produits en copie intégrale, ne peuvent trouver à s’appliquer lorque la loi du pays de naissance ne permet pas aux officiers de l’état civil de ce pays de délivrer copie des actes de naissance.

Il est constant que les actes d’état civil albanais doivent êtres apostillés. Aux termes des articles 3 à 5 de la convention, cette apostille permet d’attester la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l’acte a agi et, le cas échéant, l’identité du sceau ou du timbre dont cet acte est revêtu. Elle doit être conforme au modèle annexé à la convention.

Le « Manuel Apostille », auquel se réfère l’intimé, édité par le bureau permanent de la Conférence de La Haye de droit international privé prévoit, dans son paragraphe 217, que lorsqu’une « autorité compétente » désignée pour l’apostille dans un Etat donné ne peut vérifier l’origine de tous les actes publics, cette autorité « peut estimer opportun de prendre des dispositions pour qu’une autorité intermédiaire vérifie et certifie l’origine de certains actes publics, avant d’émettre elle-même une apostille pour la certification de cette autorité intermédiaire ». Ce Manuel rappelle également qu’il est « indispensable que l’Autorité compétente s’assure de l’origine de l’acte pour lequel elle émet une Apostille », la certification des trois points suivants étant exigée :

– l’authenticité de la signature figurant sur l’acte public sous-jacent (le cas échéant),

– la qualité du signataire de l’acte,

– l’identité du sceau ou timbre dont est revêtu l’acte (le cas échéant).

Les paragraphes 15 et 16 du même manuel indiquent en outre, que les procédures constituées de plusieurs niveaux d’authentification sont contraignantes et « peuvent entraîner une confusion quant à l’acte auquel l’Apostille se rapporte » et que si « la procédure en plusieurs étapes n’est pas nécessairement contraire à la Convention Apostille, elle fait perdurer certains des aspects de la chaîne de légalisation que la Convention Apostille était censée supprimer ».

En l’espèce le certificat de naissance [Z] [H] indique qu’il a été délivré le 15 juin 2020 par [I] [B], officier d’état civil de [Localité 2]. Il porte une signature et le sceau de l’office de l’état civil concerné.

Au verso de ce certificat est apposé en haut à gauche un premier tampon n° 2195, émanant de la préfecture de [Localité 4] en date du 15 juin 2020 par lequel [C] [P] authentifie la signature de [I] [B] et le sceau de l’office d’état civil de [Localité 2]. Au centre figure le tampon d’Apostille en date du 17 juin 2020 par lequel le Ministère des l’Europe et des Affaires Etrangères d’Albanie, en la personne de [R] [D], authentifie la signature et le sceau de [C] [P] de la préfecture de [Localité 4].

Ainsi cette certification en deux étapes successives permet-t-elle d’établir avec la clarté requise que le certificat de naissance de M. [Z] [F] a bien été signé par l’officier d’état civil indiqué sur ce certificat et porte le sceau officiel de ce bureau d’état civil.

Il s’en suit qu’il est conforme à l’article 5 de la Convention de La Haye.

M. [Z] [F] disposant d’un état civil certain, celui-ci ayant été confié à l’aide sociale à l’enfance à compter du 28 août 2017 ainsi qu’il est établi par les pièces produites et non contestées et sa déclaration de nationalité ayant été souscrite le 4 septembre 2020, soit durant sa minorité, il y a lieu d’ordonner l’enregistrement de celle-ci, la nationalité française lui étant reconnue à compter du 4 septembre 2020.

Sur les frais et dépens

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’intimé la totalité des frais et honoraires exposés et non compris dans les frais. Il sera alloué à Maître Brigitte Jeannot en sa qualité de conseil de M. [F] la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi relative à l’aide juridique.

Les entiers dépens de l’instance resteront à la charge de l’Etat.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Constate que le récépissé prévu par l’article 1040 du code de procédure civile a été délivré le 17 novembre 2023,

Annule en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 12 septembre 2023,

Statuant à nouveau,

Dit que Monsieur [Z] [F], né le 20 septembre 2002 à [Localité 3] (Albanie) a acquis la nationalité française à compter du 4 septembre 2020, date de sa déclaration de nationalité souscrite sur le fondement de l’article 21-12 du code civil,

Ordonne au directeur des services de greffe judiciaires de LONS-LE-SAUNIER de procéder à l’enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite le 4 septembre 2020 par Monsieur [Z] [F],

Ordonne la mention prévue à l’article 28 du code civil,

Condamne le Trésor public à payer à Maître Jeannot la somme de 1500 euros (MILLE CINQ CENTS EUROS) sur le fondement des dispositions combinées des articles 700 du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique,

Laisse les dépens à la charge de l’Etat.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-

Minute en huit pages.


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