L’Essentiel : La caisse primaire d’assurance maladie des Landes a contesté une décision de la cour d’appel qui avait accueilli le recours de l’employeur concernant la prise en charge d’un salarié. Elle a soutenu que l’audiogramme, élément médical protégé par le secret médical, ne devait pas figurer dans le dossier accessible à l’employeur. La Cour a confirmé que l’audiogramme est couvert par le secret médical et a souligné l’importance des examens audiométriques pour le diagnostic. En conséquence, la décision de la cour d’appel a été annulée, marquant un revirement de jurisprudence.
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Contexte de l’affaireLa caisse primaire d’assurance maladie des Landes a pris en charge, en vertu de la législation professionnelle, la maladie d’un de ses salariés, ce qui a conduit l’employeur à contester cette décision devant une juridiction spécialisée dans le contentieux de la sécurité sociale. Arguments de la caisseLa caisse soutient que l’arrêt de la cour d’appel, qui a accueilli le recours de l’employeur, est erroné. Elle affirme que l’audiogramme, qui est un élément médical, est protégé par le secret médical et ne devrait pas figurer dans le dossier accessible à l’employeur. La caisse invoque plusieurs articles du code de la sécurité sociale et du code de la santé publique pour justifier sa position. Réponse de la CourLa Cour a statué que l’audiogramme, en tant qu’élément de diagnostic, est effectivement couvert par le secret médical et ne doit pas être inclus dans le dossier de la caisse. Elle a également souligné que les examens audiométriques sont essentiels pour caractériser la maladie et que leur absence dans le dossier a violé le principe du contradictoire. Conséquences de la décisionBien que la décision de la cour d’appel soit conforme à une jurisprudence antérieure, un revirement de jurisprudence a été opéré par des arrêts récents, ce qui a conduit à l’annulation de l’arrêt attaqué. La Cour a donc décidé qu’il y avait lieu d’annuler la décision précédente. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le cadre juridique du secret médical en matière de communication des documents médicaux ?Le secret médical est un principe fondamental qui protège la confidentialité des informations médicales. Selon l’article L. 1110-4 du code de la santé publique : « Le secret médical couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris. » Ce secret ne peut être levé que si la loi l’impose ou l’autorise. Dans le cadre de la législation sur les maladies professionnelles, l’article R. 441-13 du code de la sécurité sociale précise que : « Le dossier constitué par les services administratifs de la caisse comprend les pièces nécessaires à l’instruction de la demande de prise en charge. » Ainsi, l’audiogramme, qui est un élément de diagnostic, est couvert par le secret médical et ne doit pas figurer dans le dossier accessible à l’employeur. Quelles sont les implications de la jurisprudence sur la communication des examens médicaux à l’employeur ?La jurisprudence a évolué concernant la communication des examens médicaux, notamment l’audiogramme mentionné au tableau n° 42 des maladies professionnelles. La Cour a jugé que cet audiogramme constitue un élément du diagnostic et est donc couvert par le secret médical. Cela signifie qu’il n’a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par la caisse, conformément à l’article R. 441-13 du code de la sécurité sociale. En effet, la décision de prise en charge peut être déclarée inopposable à l’employeur si les examens audiométriques, qui sont des éléments constitutifs de la maladie, ne sont pas inclus dans le dossier. Cela a été confirmé par des arrêts antérieurs, mais le revirement de jurisprudence du 13 juin 2024 a conduit à l’annulation de décisions antérieures, soulignant l’importance du respect du secret médical. Comment le principe du contradictoire est-il respecté dans le cadre des décisions de prise en charge ?Le principe du contradictoire est un élément essentiel du droit à un procès équitable. Dans le contexte des décisions de prise en charge, il implique que toutes les parties doivent avoir accès aux éléments qui pourraient influencer la décision. L’arrêt a retenu que les examens audiométriques, qui caractérisent la maladie, sont susceptibles de faire grief à l’employeur. Ainsi, si la caisse n’inclut pas ces examens dans le dossier mis à disposition de l’employeur, cela constitue une violation du principe du contradictoire. L’article R. 441-14 du code de la sécurité sociale stipule que : « Les décisions de prise en charge doivent être notifiées aux parties intéressées, accompagnées des pièces du dossier. » Le non-respect de cette obligation peut entraîner l’annulation de la décision de prise en charge, comme cela a été le cas dans l’affaire examinée. |
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 janvier 2025
Annulation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 23 F-D
Pourvoi n° N 22-24.318
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025
La caisse primaire d’assurance maladie des Landes, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 22-24.318 contre l’arrêt n° RG : 20/03076 rendu le 20 octobre 2022 par la cour d’appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l’opposant à la société [2], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lerbret-Féréol, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d’assurance maladie des Landes, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [2], et l’avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l’audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Lerbret-Féréol, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Pau, 20 octobre 2022), la caisse primaire d’assurance maladie des Landes (la caisse) ayant, après enquête et par décision du 29 juin 2017, pris en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée par l’un de ses salariés (la victime), la société [2] (l’employeur) a saisi d’un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
2. La caisse fait grief à l’arrêt d’accueillir le recours de l’employeur, alors :
« 1°/ que le secret médical couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris ; que le secret ne peut être révélé que si la loi l’impose ou l’autorise ; que faute de dérogation légale, l’audiogramme mentionné au tableau n° 42 des maladies professionnelles, qui relate les conclusions d’un examen médical, est couvert par le secret médical, de sorte qu’il ne saurait à figurer dans le dossier constitué par les services administratifs de la caisse en application de l’article R. 441-13 du code de la sécurité sociale et dont l’employeur peut demander la communication ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles R. 441-13 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 1110-4 et R. 4127-4 du code de la santé publique et l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme ;
2°/ que l’audiogramme mentionné au tableau n° 42 des maladies professionnelles ne figure pas parmi les pièces que doit comprendre le dossier constitué par la caisse en application de l’article R. 441-13 du code de la sécurité sociale ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles R. 441-13 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale. »
Vu les articles L. 1110-4 du code de la santé publique, L. 315-1, V, L. 461-1, R. 441-13 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, le quatrième dans sa rédaction issue du décret n° 2016-756 du 7 juin 2016, le cinquième dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicables au litige, et le tableau n° 42 des maladies professionnelles :
3. Pour l’application de ces textes, il est désormais jugé que l’audiogramme mentionné au tableau n° 42 des maladies professionnelles constitue un élément du diagnostic couvert par le secret médical, de sorte qu’il n’a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse en application de l’article R. 441-13 du code de la sécurité sociale (2e Civ., 13 juin 2024, pourvois n° 22-15.721, publié, n° 22-16.265, n° 22-19.381 et n° 22-22.786, publié).
4. Pour déclarer la décision de prise en charge inopposable à l’employeur, l’arrêt retient que les examens audiométriques, destinés à caractériser la maladie conformément au tableau n° 42, sont des éléments constitutifs de la maladie et susceptibles de faire grief à l’employeur. Il en déduit que la caisse n’ayant pas fait figurer ces examens au dossier mis à disposition de l’employeur, le principe du contradictoire n’a pas été respecté.
5. Si cette solution est conforme à la jurisprudence résultant d’arrêts antérieurs (notamment Soc.,19 octobre 1995, pourvoi n° 93-12.329 ; 2e Civ., 11 octobre 2018, pourvoi n° 17-18.901), le revirement de jurisprudence, opéré par les arrêts du 13 juin 2024 précités, conduit à l’annulation de l’arrêt.
6. En conséquence, il y a lieu à annulation de l’arrêt attaqué.
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