L’Essentiel : L’article L3222-5-1 du code de la santé publique impose que l’isolement et la contention soient des mesures de dernier recours, réservées aux patients hospitalisés sans consentement. Ces mesures doivent être décidées par un psychiatre et justifiées par un danger immédiat. Le renouvellement de ces mesures, au-delà des durées maximales, nécessite l’information d’un proche et l’intervention d’un juge. Dans cette affaire, des irrégularités ont été constatées, notamment un renouvellement anticipé et des périodes de contention non conformes. Malgré cela, le juge a conclu que les droits de la patiente avaient été respectés, ordonnant la levée de la mesure de contention.
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MOTIFS DE LA DECISIONL’article L3222-5-1 du code de la santé publique stipule que l’isolement et la contention doivent être des mesures de dernier recours, réservées aux patients hospitalisés sans consentement, et ne peuvent être appliquées que pour prévenir un danger immédiat pour le patient ou autrui. Ces mesures doivent être décidées par un psychiatre, adaptées, nécessaires et proportionnées au risque, avec une surveillance stricte et des évaluations régulières. Conditions de renouvellementLe même article précise que, dans des cas exceptionnels, un médecin peut renouveler les mesures d’isolement ou de contention au-delà des durées maximales de 48 heures et 24 heures respectivement, à condition d’informer un membre de la famille du patient et de saisir le juge compétent. Ce dernier doit statuer sur la nécessité de maintenir la mesure avant l’expiration des délais fixés. Évaluation judiciaireLe juge, dans son rôle de contrôle, ne peut pas se substituer à l’autorité médicale pour évaluer le consentement du patient ou le diagnostic, mais doit vérifier que les motifs de la mesure respectent les critères légaux. Analyse des faitsDans cette affaire, il a été constaté que le renouvellement de la mesure de contention le 22 janvier 2025 avait été autorisé de manière anticipée le 21 janvier 2025. De plus, deux périodes de contention avaient été autorisées à une minute d’intervalle, ce qui contrevient à la législation exigeant deux évaluations médicales par période de 12 heures. Irrégularités soulevéesLe Conseil de [V] [T] a soulevé plusieurs irrégularités, telles que l’absence d’information d’un proche, la non-notification des droits à la patiente, et le manque de motivation des décisions de renouvellement. Cependant, il a été établi que le père de [V] [T] avait été informé de la mesure, et que les médecins avaient notifié les droits de la patiente, même si sa compréhension était incertaine. ConclusionLe tableau annexé à la saisine a permis de comprendre l’évolution clinique de la patiente, fournissant suffisamment d’informations au juge. En conséquence, les autres moyens soulevés par le Conseil de [V] [T] ont été rejetés, et la décision a été prise d’ordonner la mainlevée de la mesure de contention concernant Mme [V] [T]. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions légales pour l’isolement et la contention des patients selon l’article L3222-5-1 du code de la santé publique ?L’article L3222-5-1 du code de la santé publique précise que l’isolement et la contention ne peuvent être utilisés qu’en dernier recours. Ces mesures s’appliquent uniquement aux patients en hospitalisation complète sans consentement. Elles ne peuvent être mises en œuvre que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui. La décision doit être motivée par un psychiatre et doit être adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. De plus, la mise en œuvre de ces mesures doit faire l’objet d’une surveillance stricte, tant somatique que psychiatrique, qui est confiée à des professionnels de santé désignés par l’établissement. Cette surveillance doit être tracée dans le dossier médical, avec des évaluations régulières : deux évaluations par 24 heures pour l’isolement et une évaluation toutes les 12 heures pour la contention. Quelles sont les obligations de renouvellement des mesures d’isolement et de contention selon l’article L3222-5-1 ?L’article L3222-5-1, paragraphe II, stipule que le médecin peut renouveler les mesures d’isolement ou de contention au-delà des durées initiales de 48 heures pour l’isolement et de 24 heures pour la contention, mais cela doit être fait sous les mêmes conditions que celles initialement établies. Il est impératif d’informer au moins un membre de la famille du patient ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt du renouvellement envisagé. Le directeur de l’établissement doit également informer le magistrat du siège du Tribunal judiciaire compétent. Ce dernier doit être saisi d’une demande de maintien de la mesure avant l’expiration de la soixante-douzième heure pour l’isolement et de la quarante-huitième heure pour la contention. Le juge doit statuer avant l’expiration de la quatre-vingt seizième heure pour l’isolement ou de la soixante-douzième heure pour la contention. Quel est le rôle du juge dans le contrôle des mesures d’isolement et de contention ?Selon l’article R3211-31-1, le juge ne peut pas se substituer à l’autorité médicale concernant l’évaluation du consentement du patient, le diagnostic ou les soins. Son rôle se limite à un contrôle des motifs des mesures d’isolement ou de contention, en vérifiant leur conformité avec les critères établis à l’article L3222-5-1. Le juge ne doit pas apprécier l’opportunité médicale de la mesure, mais s’assurer que les conditions légales sont respectées. Il doit donc examiner si la mesure est justifiée par un risque immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, et si elle a été mise en œuvre de manière adaptée, nécessaire et proportionnée. Quelles irrégularités ont été soulevées dans la procédure de renouvellement de la mesure de contention ?Dans l’affaire examinée, plusieurs irrégularités ont été signalées, notamment l’absence d’information d’un proche de la patiente, l’absence de notification des droits à la patiente, et l’absence de motivation des décisions de renouvellement de la mesure de contention. Cependant, il a été établi que le père de la patiente était régulièrement informé de la mesure en cours. Les médecins ont également notifié à la patiente ses droits, même si sa compréhension de ces droits était incertaine. De plus, le tableau annexé à la saisine a permis de comprendre l’évolution clinique de la patiente, fournissant ainsi suffisamment d’informations au juge sur la nécessité de la mesure. En conséquence, les autres moyens soulevés par le Conseil de [V] [T] ont été rejetés. Quelle a été la décision finale du juge concernant la mesure de contention ?Le juge, après avoir examiné les éléments du dossier et les irrégularités soulevées, a ordonné la mainlevée de la mesure de contention concernant Mme [V] [T]. Cette décision a été notifiée par courriel au directeur du Centre Hospitalier et aux représentants légaux de la patiente. Le juge a également veillé à ce que le procureur de la République soit informé de la présente ordonnance. Ainsi, la décision du juge reflète une application rigoureuse des dispositions légales en matière de protection des droits des patients, tout en respectant les procédures établies pour l’isolement et la contention. |
Tribunal judiciaire de Lyon
Cabinet de Emmanuelle WIDMANN
N° RG 25/00273 – JLD hospitalisation
Mme [V] [T] née le 06/05/2008
ORDONNANCE RELATIVE A UNE MESURE DE CONTENTION
(2ème demande)
rendue le 22 janvier 2025 à14h40
Par, Emmanuelle WIDMANN, juge au Tribunal judiciaire de Lyon, statuant sans audience selon la procédure écrite de principe prévue aux articles L3211-12-2 et L3222-5-1 du Code de la santé publique ;
Vu les articles L3211-1 et suivants, L.3212-1 et suivants, L3222-5-1, R3211-34 et suivants du Code de la santé publique ;
Vu les pièces relatives à l’admission en hospitalisation complète de Mme [V] [T],
Vu la décision du juge du Tribunal judiciaire de Lyon en date du 19 janvier 2025 à 17h31 autorisant la poursuite de la mesure de contention;
Vu les pièces du dossier et notamment la décision de renouvellement de la mesure de contention du 22 janvier 2025 à compter de 3h30 après évaluation clinique par le Dr [B] [F], considérant que l’état de la patiente, Mme [V] [T] nécessite le renouvellement exceptionnel de la mesure débutée le 17 janvier 2025 à 21h;
Vu les informations délivrées aux tiers en application du premier alinéa du II de de l’article L3222-5-1 du code de la santé publique ;
Vu la saisine du juge par le Directeur du CH [1] le 22 janvier 2025, enregistrée le même jour à 8h21, aux fins de maintien de la mesure sans demande de comparution du patient,
Vu l’avis du Ministère public ;
Vu les observations de Maître Elodie SOUBEYRAN concernant la mesure de contention de Mme [V] [T] ;
L’article L3222-5-1 du code de la santé publique dispose, dans son premier alinéa, que l’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement ; qu’il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient ; qu’enfin, leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical, comportant notamment deux évaluations par 24 heures (isolement)/12heures(contention).
Il dispose aussi, dans son paragraphe II, qu’à titre exceptionnel, le médecin peut renouveler sous les mêmes conditions, au delà des durées totales de 48 heures pour la mesure d’isolement et de 24 h pour la mesure de contention, la mesure d’isolement ou de contention avec l’obligation d’informer au moins un membre de la famille du patient ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de celui-ci, du renouvellement qui est envisagé ; que cette même information doit être délivrée par le directeur d’établissement au magistrat du siège du Tribunal judiciaire compétent, ce dernier devant être saisi d’une demande de maintien de la mesure avant l’expiration de la soixante-douzième heure d’isolement et de la quarante-huitième heure de contention si l’état de santé du patient rend le renouvellement de la mesure nécessaire au delà de ces durées, et statuer avant l’expiration de la quatre-vingt seizième heure d’isolement ou la soixante-douzième heure de contention ;
Il est aussi précisé à cet article qu’une mesure d’isolement ou de contention est regardée comme une nouvelle mesure lorsqu’elle est prise au moins quarante-huit heures après une précédente mesure d’isolement ou de contention et qu’en-deçà de ce délai, sa durée s’ajoute à celle des mesures d’isolement et de contention qui la précèdent et qu’en outre, l’information susvisée et la saisine du juge doivent être effectuées selon les mêmes modalités lorsque le médecin prend plusieurs mesures d’une durée cumulée de quarante-huit heures pour l’isolement et de vingt-quatre heures pour la contention sur une période de quinze jours.
Si les conditions sont toujours réunies, le juge autorise le maintien de la mesure d’isolement ou de contention. Dans ce cas, le médecin peut la renouveler dans les mêmes conditions.
L’article R3211-31-1 dispose que l’information relative au renouvellement de la mesure d’isolement ou de contention est délivrée par tout moyen à au moins un membre de la famille du patient, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt. Cette personne a le droit de saisir le juge aux fins de mainlevée d’une mesure d’isolement ou de contention.
Dans le cadre de son contrôle, le juge ne peut se substituer à l’autorité médicale s’agissant de l’évaluation du consentement du patient, du diagnostic posé ou des soins. Il n’opère pas une appréciation de l’opportunité médicale de la mesure mais un contrôle de ses motifs au regard des critères posés au paragraphe I de l’article L3222-5-1 susvisé ;
En l’espèce, il résulte de l’analyse des pièces du dossier que la décision de renouvellement de la mesure de contention du 22 janvier 2025 à à compter de 3h30 a été autorisé de façon très anticipée le 21 janvier 2025 à 19h48.
Il apparait que le médecin a autorisé deux périodes de contention à une minute d’intervalle le 21 janvier 2025 à 19h47 et à 19h48; cette pratique est contraire à la loi qui exige la nécessité de deux évaluations médicales par période de 12 heures pour les mesures de contention afin de permettre au patient une réévaluation régulière de son état de santé et partant l’assurance que la mesure est toujours adaptée et proportionnée.
Il résulte de ces éléments que la procédure est irrégulière.
Le Conseil de [V] [T] soulève d’autres irrégularités, notamment:
– l’absence d’information du proche de la patiente,
– l’absence de notification des droits à la patiente,
– l’absence de motivation des décisions de renouvellement de la mesure de contention.
Or, il apparait il ressort des pièces du dossier que le père de [V] [T] est régulièrement informé de la mesure en cours.
En outre, les médecins ont notifié à [V] [T] ses droits, même si sa compréhension est incertaine.
Par ailleurs, le tableau annexé à la saisine permet de comprendre l’évolution clinique de la patiente et renseigne suffisamment le juge sur sa nécessité.
Par conséquent, les autres moyens soulevés par le Conseil de [V] [T] seront rejetés.
Ordonnons la mainlevée de la mesure de contention concernant Mme [V] [T];
LE JUGE
Emmanuelle WIDMANN
– Copie de l’ordonnance notifiée par courriel au Directeur du Centre Hospitalier [1] pour notification à Mme [V] [T] le 22 janvier 2025,
Le Greffier,
– Copie de l’ordonnance notifiée par courriel au directeur du Centre Hospitalier [1] le 22 janvier 2025
Le Greffier,
– Avis de la présente ordonnance a été donné au procureur de la République le 22 janvier 2025.
Le Greffier,
– Copie de l’ordonnance notifiée par courriel aux représentants légaux de Mme [V] [T] le 22 janvier 2025,
Le Greffier,
– Copie de l’ordonnance notifiée par courriel à l’avocat de Mme [V] [T] le 22 janvier 2025,
Le Greffier,
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