L’Essentiel : M. [U] [E], né le 06 septembre 2005 à [Localité 1], de nationalité sénégalaise, est actuellement retenu au centre de rétention. Il est assisté par Me Nasr Azaiez, avocat au barreau de Paris. L’intimé, le Préfet de Police, est représenté par Me Aimilia Ioannidou. Le tribunal a rejeté la demande d’assignation à résidence de M. [U] [E] le 26 décembre 2024, ordonnant une prolongation de sa rétention. Lors de l’audience, M. [U] [E] a demandé l’infirmation de l’ordonnance, tandis que le préfet a plaidé pour sa confirmation, invoquant une menace à l’ordre public.
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Identité de l’AppelantM. [U] [E], né le 06 septembre 2005 à [Localité 1], est de nationalité sénégalaise. Il est actuellement retenu au centre de rétention, assisté par Me Nasr Azaiez, avocat de permanence au barreau de Paris. Identité de l’IntiméL’intimé dans cette affaire est le Préfet de Police, représenté par Me Aimilia Ioannidou du cabinet Mathieu & Associés, avocat au barreau de Paris. Le ministère public a également été avisé de la date et de l’heure de l’audience. Contexte de l’OrdonnanceL’ordonnance a été prononcée en audience publique, en vertu du décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024, qui vise à contrôler l’immigration et à améliorer l’intégration. Il a été constaté qu’aucune salle d’audience spécialement aménagée n’était disponible pour l’audience de ce jour. Décisions PrécédentesLe 26 décembre 2024, le tribunal judiciaire de Paris a rejeté la demande d’assignation à résidence de M. [U] [E] et a ordonné la prolongation de sa rétention pour une durée maximale de 15 jours, jusqu’au 09 janvier 2025. M. [U] [E] a interjeté appel de cette décision le même jour. Arguments des PartiesLors de l’audience, M. [U] [E], assisté de son avocat, a demandé l’infirmation de l’ordonnance, tandis que le conseil du préfet de police a plaidé pour sa confirmation. Conditions de Prolongation de la RétentionSelon l’article L. 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers, le juge peut être saisi pour prolonger la rétention au-delà de la durée maximale si certaines conditions sont remplies, notamment en cas d’obstruction à l’éloignement ou de menace pour l’ordre public. Appréciation de la Menace à l’Ordre PublicLa menace pour l’ordre public doit être appréciée in concreto, en tenant compte des comportements de l’intéressé et de sa volonté d’insertion. La jurisprudence indique que la commission d’une infraction pénale ne suffit pas à établir une menace, celle-ci devant être réelle à la date considérée. Éléments de l’AffaireM. [E] a fait l’objet de plusieurs signalements pour des faits de trafic de stupéfiants et a reconnu avoir consommé du cannabis et participé à un trafic à son domicile. Aucune preuve de sa volonté d’insertion ou de réhabilitation n’a été présentée, ce qui a conduit à considérer la menace à l’ordre public comme caractérisée. Conclusion de l’OrdonnanceL’ordonnance a été confirmée sur la base de la menace à l’ordre public, permettant ainsi à l’administration de solliciter une quatrième prolongation de rétention. La décision a été rendue le 28 décembre 2024, avec des instructions pour la remise immédiate d’une expédition de l’ordonnance au procureur général. Voies de RecoursL’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition, mais un pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative et au ministère public, avec un délai de deux mois pour le former. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions pour une quatrième prolongation de la rétention administrative selon l’article L. 742-5 ?L’article L. 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile stipule que, à titre exceptionnel, le juge peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de la durée maximale prévue à l’article L. 742-4, dans certaines situations. Ces situations sont les suivantes : 1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ; 2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement : a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ; b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ; 3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé, et il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai. Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public. Il est important de noter que ces critères ne sont pas cumulatifs, ce qui signifie qu’il suffit à l’administration d’établir l’un d’eux pour justifier une prolongation de la rétention. Comment l’administration doit-elle caractériser l’urgence absolue ou la menace pour l’ordre public ?Pour justifier une prolongation de la rétention administrative, l’administration doit caractériser l’urgence absolue ou la menace pour l’ordre public, conformément à l’article L. 742-5. La menace pour l’ordre public doit être appréciée in concreto, c’est-à-dire en tenant compte d’un faisceau d’indices qui permettent d’établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, ainsi que l’actualité de la menace. Cette appréciation doit également prendre en considération le comportement de l’intéressé et, le cas échéant, sa volonté d’insertion ou de réhabilitation. L’objectif de cette notion de menace à l’ordre public est de prévenir les agissements dangereux que pourraient commettre des personnes en situation irrégulière sur le territoire national. Il est à noter que la commission d’une infraction pénale, à elle seule, ne suffit pas à établir que le comportement de l’intéressé constitue une menace pour l’ordre public. La menace doit être réelle à la date considérée, ce qui implique qu’elle doit survenir au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée. Quels éléments ont été pris en compte pour confirmer la prolongation de la rétention de M. [U] [E] ?Dans le cas de M. [U] [E], plusieurs éléments ont été pris en compte pour confirmer la prolongation de sa rétention administrative. Il a été constaté que M. [E] faisait l’objet de plusieurs signalements pour des faits de trafic de stupéfiants. De plus, il a reconnu en garde à vue être consommateur de cannabis et avoir participé au trafic qui se déroulait à son domicile. Aucune pièce n’accrédite la volonté d’insertion ou de réhabilitation de M. [E], ce qui a conduit à considérer que la menace à l’ordre public était caractérisée au sens de l’article L. 742-5. Ainsi, l’administration a pu se fonder sur cette disposition pour solliciter une quatrième prolongation de rétention, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres critères. En conséquence, l’ordonnance a été confirmée par ce motif substitué, soulignant l’importance de la réalité de la menace à l’ordre public dans le cadre de la rétention administrative. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
L. 742-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour
des étrangers et du droit d’asile
ORDONNANCE DU 28 DECEMBRE 2024
(1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 24/06106 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CKQX5
Décision déférée : ordonnance rendue le 26 décembre 2024, à 11h00, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris
Nous, Laurent Roulaud, conseiller à la cour d’appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assisté de Maxime Martinez, greffier aux débats et au prononcé de l’ordonnance,
M. [U] [E]
né le 06 septembre 2005 à [Localité 1], de nationalité sénégalaise
RETENU au centre de rétention : [2]
assisté de Me Nasr Azaiez, avocat de permanence au barreau de Paris
INTIMÉ :
LE PREFET DE POLICE
représenté par Me Aimilia Ioannidou du cabinet Mathieu & Associés, avocat au barreau de Paris
MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l’heure de l’audience
ORDONNANCE :
– contradictoire
– prononcée en audience publique
– Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l’application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;
Constatant qu’aucune salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n’est disponible pour l’audience de ce jour ;
– Vu l’ordonnance du 26 décembre 2024 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris rejetant la demande d’assignation à résidence et ordonnant la prolongation du maintien de M. [U] [E], dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée maximale de 15 jours, soit jusqu’au 09 janvier 2025 ;
– Vu l’appel motivé interjeté le 26 décembre 2024, à 17h27, par M. [U] [E] ;
– Après avoir entendu les observations :
– de M. [U] [E], assisté de son avocat, qui demande l’infirmation de l’ordonnance ;
– du conseil du préfet de police tendant à la confirmation de l’ordonnance ;
Sur les conditions d’une quatrième prolongation de la rétention administrative
Il résulte des dispositions de l’article L. 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qu’à titre exceptionnel, le juge peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes survient au cours de la troisième prolongation exceptionnelle de quinze jours :
‘1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.’
Les critères énoncés ci-dessus n’étant pas cumulatif, il suffit à l’administration d’établir l’un d’eux pour justifier d’une prolongation de la rétention.
Pour l’application du dernier alinéa de l’article précité à la requête en quatrième prolongation, créé par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, il appartient à l’administration de caractériser l’urgence absolue ou la menace pour l’ordre public.
Dans ce contexte, la menace pour l’ordre public fait l’objet d’une appréciation in concreto, au regard d’un faisceau d’indices permettant, ou non, d’établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l’actualité de la menace selon le comportement de l’intéressé et, le cas échéant, sa volonté d’insertion ou de réhabilitation.
Dans le cadre adopté par le législateur, la notion de menace à l’ordre public a pour objectif manifeste de prévenir, pour l’avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulières sur le territoire national.
L’appréciation de cette menace doit prendre en considération les risques objectifs que l’étranger en situation irrégulière fait peser sur l’ordre public (ainsi que l’a jugé le Conseil d’Etat dont la jurisprudence peut inspirer le juge judiciaire dans un souci de sécurité juridique CE, Réf. N°389959 , 7 mai 2015, ministre de l’intérieur, B).
La commission d’une infraction pénale n’est pas de nature, à elle seule, à établir que le comportement de l’intéressé présenterait une menace pour l’ordre public, mais, surtout, cette menace doit être réelle à la date considérée, ce qui est le cas si elle ‘survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa’. Il ne s’agit donc pas de rechercher si un trouble à l’ordre public nouveau, causé par un acte distinct des précédents, est intervenu au cours de la dernière période de rétention de 15 jours. En effet, ce n’est pas l’acte troublant l’ordre public qui est recherché, mais bien la réalité de la menace.
En l’espèce, il y a lieu de constater que M. [E] fait l’objet de plusieurs signalement pour des faits de trafic de stupéfiants et a reconnu en garde à vue être consommateur de cannabis et avoir participé au trafic qui se déroulait à son domicile.
En outre, aucune pièce n’accrédite de la volonté d’insertion ou de réhabilitation de M. [E], de sorte que la menace à l’ordre public doit être considérée comme caractérisée au sens de l’article L.742-5 précité à la date à laquelle le préfet a saisi le juge. L’administration peut donc se fonder sur cette disposition, sans qu’il y ait lieu de statuer les autres critères, pour solliciter une quatrième prolongation de rétention.
Il y a donc lieu de confirmer, par ce motif substitué, l’ordonnance critiquée.
CONFIRMONS l’ordonnance,
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d’une expédition de la présente ordonnance.
Fait à Paris le 28 décembre 2024 à
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Le préfet ou son représentant L’intéressé L’avocat de l’intéressé
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