Conditions d’éligibilité à l’allocation de cessation anticipée d’activité pour les travailleurs exposés à l’amiante

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Conditions d’éligibilité à l’allocation de cessation anticipée d’activité pour les travailleurs exposés à l’amiante

L’Essentiel : M. [D] a sollicité le versement de l’allocation de cessation anticipée d’activité (ATA) auprès de la Carsat Sud-Est, mais sa demande a été rejetée en raison de l’absence de ses employeurs sur la liste des établissements éligibles. Contestant cette décision, il a argué que sa formation en « conducteur d’appareils des industries chimiques » lui conférait des droits. La commission de recours amiable a également rejeté sa contestation, précisant que sa période de stage ne pouvait être prise en compte. M. [D] a alors saisi le tribunal judiciaire, qui a finalement confirmé le refus de la Carsat, déboutant M. [D] de toutes ses demandes.

Contexte du litige

Un régime de préretraite spécifique permet aux salariés ou anciens salariés des établissements liés à l’amiante de bénéficier d’une allocation de cessation anticipée d’activité (ATA). Cette allocation, fixée à 65 % de la moyenne des salaires mensuels bruts des 12 derniers mois, est régie par l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998.

Demande de M. [D]

M. [D] a demandé le versement de l’ATA à la Carsat Sud-Est le 4 novembre 2022, mais sa demande a été refusée le 19 décembre 2022, car ses employeurs ne figuraient pas sur la liste des établissements éligibles. Il a ensuite contesté cette décision en faisant valoir que sa formation en « conducteur d’appareils des industries chimiques » lui ouvrait droit à l’allocation.

Décision de la commission de recours amiable

La commission de recours amiable a rejeté la contestation de M. [D] le 2 mars 2023, arguant que sa période de stage ne pouvait pas être prise en compte pour l’ATA, car il était affilié à un régime de sécurité sociale spécifique et non au régime général. De plus, la commission a précisé qu’une période de stage ne serait considérée que si elle était reportée sur le relevé de carrière.

Action en justice de M. [D]

M. [D] a saisi le tribunal judiciaire le 21 avril 2023 pour annuler la décision de la commission et obtenir la reconnaissance de son droit à l’ATA. Il a également demandé des dommages-intérêts et la prise en charge des frais de justice, en se basant sur l’article 41 de la loi de 1998.

Position de la Carsat

La Carsat a maintenu son refus, soulignant que M. [D] n’était pas affilié au régime général, ce qui l’excluait du droit à l’ATA. Elle a également noté que l’établissement où M. [D] avait travaillé après sa formation ne figurait pas sur la liste des établissements éligibles.

Motivations du tribunal

Le tribunal a examiné les arguments des deux parties. Il a reconnu que, bien que la nature de la relation de travail ne soit pas un critère restrictif, M. [D] devait prouver son exposition habituelle à l’amiante dans un établissement listé. Le tribunal a conclu que M. [D] n’avait pas fourni de preuves suffisantes concernant son exposition à l’amiante et que l’établissement où il avait travaillé ne figurait pas sur la liste.

Décision finale

Le tribunal a débouté M. [D] de toutes ses demandes, confirmant le refus de la Carsat. Il a également décidé que M. [D] devait supporter les dépens de la procédure.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions d’attribution de l’allocation de cessation anticipée d’activité (ATA) selon l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ?

L’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 précise les conditions d’attribution de l’allocation de cessation anticipée d’activité (ATA) pour les salariés et anciens salariés des établissements liés à l’amiante.

Cet article stipule :

“I.-Une allocation de cessation anticipée d’activité est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l’amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l’amiante ou de construction et de réparation navales, sous réserve qu’ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu’ils remplissent les conditions suivantes :

1° Travailler ou avoir travaillé dans un des établissements mentionnés ci-dessus et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l’amiante ou des matériaux contenant de l’amiante. L’exercice des activités de fabrication de matériaux contenant de l’amiante, de flocage et de calorifugeage à l’amiante de l’établissement doit présenter un caractère significatif ;”

Ainsi, pour bénéficier de l’ATA, il est nécessaire d’avoir travaillé dans un établissement listé, pendant une période où l’amiante était effectivement traité ou fabriqué.

Il est également requis que l’exposition à l’amiante soit significative, ce qui implique que le salarié doit justifier d’une certaine durée et nature de travail au sein de ces établissements.

Quel est le rôle de la commission de recours amiable dans le cadre de la demande d’ATA ?

La commission de recours amiable (CRA) joue un rôle crucial dans le traitement des demandes d’ATA. Elle est chargée d’examiner les recours des demandeurs dont les demandes ont été rejetées par la CARSAT.

Dans le cas de M. [D], la CRA a rejeté sa contestation en se basant sur deux motifs principaux :

1. La période de formation suivie par M. [D] n’était pas reportée sur son relevé de carrière, ce qui signifie qu’elle ne pouvait pas être prise en compte pour l’ouverture de ses droits à l’ATA.

2. M. [D] n’était pas affilié au régime général de protection sociale, ce qui, selon la CRA, le disqualifiait pour bénéficier de l’ATA.

La CRA a donc statué en se fondant sur les critères d’éligibilité définis par la loi, notamment l’affiliation au régime général et la nature des périodes de travail.

Il est important de noter que la décision de la CRA peut être contestée devant le tribunal judiciaire, comme l’a fait M. [D].

Quels sont les arguments de M. [D] pour contester le refus de la CARSAT ?

M. [D] a formulé plusieurs arguments pour contester le refus de la CARSAT concernant sa demande d’ATA.

Il a notamment soutenu que :

1. La formation qu’il a suivie dans le cadre de sa reconversion professionnelle au sein de l’établissement [3] devait être prise en compte pour l’ouverture de ses droits à l’ATA, même si cette période n’était pas reportée sur son relevé de carrière.

2. Il a également fait valoir que la nature de la relation de travail n’était pas un critère déterminant pour bénéficier de l’ATA. Il s’est appuyé sur la jurisprudence de la Cour de cassation, qui indique que seul le fait d’avoir travaillé dans un établissement listé est pertinent, indépendamment du lien contractuel.

3. Enfin, M. [D] a insisté sur le fait que l’établissement où il a suivi sa formation figurait sur la liste des établissements concernés par l’ATA, ce qui, selon lui, devait suffire à justifier sa demande.

Ces arguments visent à démontrer que les conditions d’attribution de l’ATA, telles que définies par la loi, ont été remplies, malgré le refus de la CARSAT.

Pourquoi la CARSAT a-t-elle maintenu son refus d’accorder l’ATA à M. [D] ?

La CARSAT a maintenu son refus d’accorder l’ATA à M. [D] pour plusieurs raisons, qui se fondent sur l’interprétation des conditions d’éligibilité définies par la loi.

1. **Affiliation au régime général** : La CARSAT a souligné que M. [D] n’était pas affilié au régime général de protection sociale, ce qui constitue un critère essentiel pour bénéficier de l’ATA.

2. **Période de formation** : La CARSAT a également argumenté que la période de formation suivie par M. [D] ne devait pas être prise en compte, car elle n’était pas reportée sur son relevé de carrière.

3. **Établissement non listé** : Enfin, la CARSAT a précisé que l’établissement où M. [D] a travaillé après sa formation ne figurait pas sur la liste des établissements ouvrant droit à l’ATA.

Ces éléments ont conduit la CARSAT à conclure que M. [D] ne remplissait pas les conditions nécessaires pour bénéficier de l’allocation, justifiant ainsi son refus.

En conséquence, le tribunal a confirmé cette position, considérant que M. [D] ne justifiait pas de l’exposition habituelle à l’amiante requise pour l’octroi de l’ATA.

MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

POLE SOCIAL – CONTENTIEUX GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU :

MAGISTRAT :
ASSESSEURS :

DÉBATS :

PRONONCE :

AFFAIRE :

NUMÉRO R.G :

17 Janvier 2025

Albane OLIVARI, présidente
Caroline LAMANDE, assesseur collège employeur
Fabienne AMBROSI, assesseur collège salarié

assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Nabila REGRAGUI, greffière

tenus en audience publique le 13 Septembre 2024

jugement contradictoire, rendu en premier ressort par une mise à disposition au greffe le 15 novembre 2024, prorogé au 20 décembre 2024, puis prorogé une seconde fois au 17 janvier 2025 par le même magistrat

Monsieur [S] [D] C/ CARSAT SUD-EST

N° RG 23/01460 – N° Portalis DB2H-W-B7H-YIQN

DEMANDEUR
Monsieur [S] [D]
[Adresse 2]
représenté par la SELARL THIERRY BRAILLARD ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de LYON, vestiaire : 124

DÉFENDERESSE
CARSAT SUD-EST, dont le siège social est sis [Adresse 1]
comparante en la personne de Monsieur [T] [O], suivant pouvoir

Notification le :
Une copie certifiée conforme à :

[S] [D]
CARSAT SUD-EST
la SELARL [7], vestiaire : 124
Une copie revêtue de la formule exécutoire :

CARSAT SUD-EST
Une copie certifiée conforme au dossier

EXPOSE DU LITIGE

Un régime particulier de préretraite permet aux salariés ou anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l’amiante et des établissements de flocage et de calorifugeage à l’amiante, âgés d’au moins 50 ans, de percevoir une allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ATA), correspondant à 65 % de la moyenne des salaires mensuels bruts des 12 derniers mois, ainsi que le prévoit l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999.

[S] [D] a sollicité le versement de cette allocation auprès de la Carsat Sud-Est le 4 novembre 2022, laquelle lui a opposé un refus le 19 décembre 2022, au motif qu’aucun des ses employeurs ne figurerait sur la liste des établissements ouvrant droit à la perception de l’ATA.
Aussi a-t-il saisi la commission de recours amiable, faisant notamment valoir que la formation “conducteur d’appareils des industries chimiques”, suivie en vue d’une conversion professionnelle au sein du centre de formation [4] de l’usine [3], entre le 13 avril 1992 et le 17 décembre 1992, ouvrirait droit à l’octroi de cette allocation.

La commission de recours amiable de la Carsat a rejeté sa contestation, selon une décision du 2 mars 2023, estimant notamment que cette période de stage n’entrait pas dans les périodes d’activité à retenir pour l’ouverture du droit à l’ATA, dans la mesure où M. [D] était resté alors affilié à un régime de couverture sociale spécifique lié à son emploi précédent (la caisse autonome nationale de sécurité sociale des mineurs), et non au régime général, et qu’en outre, une période de stage, sauf à être reportée sur le relevé de carrière, ne devrait pas être prise en compte.

M. [D] a saisi le tribunal judiciaire par requête du 21 avril 2023, reçue le 25 avril 2023, pour solliciter d’une part l’annulation de la décision de la commission de recours amiable rejetant sa demande d’allocation, et d’autre part la condamnation de la Carsat à prendre une décision de reconnaissance du bénéfice de l’ATA en sa faveur, à compter de sa première demande formulée le 4 novembre 2022. Il sollicite également la condamnation de la Carsat à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les dépens de la présente instance.
Il fonde sa demande sur l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998, selon lequel il estime que sont posées les conditions pour pouvoir bénéficier de l’ATA : il convient de travailler ou d’avoir travaillé dans l’un des établissements figurant sur les listes fixées par arrêtés ministériels, pendant une certaine période, et à des adresses bien précises stipulées sur ces derniers arrêtés. Il considère que la nature de la relation de travail n’est pas un critère précisé par la loi, et s’appuie à cet égard sur la jurisprudence de la cour de cassation, estimant que désormais seul importe le fait d’avoir travaillé au sein des entreprises listées, quel que soit le lien contractuel entre le salarié et l’employeur.

La Carsat maitient sa position, et conclut au rejet de l’intégralité des demandes élevées à son encontre, rappelant que M. [D] n’était pas affilié au régime général de protection sociale, ce qui ne lui ouvrirait pas droit à la perception de l’ATA. Elle souligne en outre qu’ensuite de cette période de formation, il a travaillé à l’usine [3] située à [Localité 6]. Or, cet établissement ne figure pas sur la liste établie par arrêtés ministériels, dont l’énumération est limitative, et dont l’évolution ne relève que de la compétence des ministères du travail, de la sécurité sociale et du budget.

Evoquée à l’audience de plaidoiries du 13 septembre 2024, la décision a été mise en délibéré au 15 novembre 2024, délibéré prorogé au 20 décembre 2024 puis au 17 janvier 2025.

MOTIVATION

L’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 dispose tout d’abord :
“I.-Une allocation de cessation anticipée d’activité est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l’amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l’amiante ou de construction et de réparation navales, sous réserve qu’ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu’ils remplissent les conditions suivantes :

1° Travailler ou avoir travaillé dans un des établissements mentionnés ci-dessus et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l’amiante ou des matériaux contenant de l’amiante. L’exercice des activités de fabrication de matériaux contenant de l’amiante, de flocage et de calorifugeage à l’amiante de l’établissement doit présenter un caractère significatif ;”

Si, comme le soutient M. [D], la jurisprudence peut apprécier de manière souple la nature de la relation de travail concernant le bénéficiaire de l’allocation litigieuse, il n’en demeure pas moins que doit être caractérisée, outre le travail au cours de la période considérée, dans l’un des établissements listés, l’exposition habituelle à l’amiante.

En l’espèce, la CARSAT oppose deux motifs pour étayer le refus de versement de l’ATA à M. [D].
En premier lieu, elle estime que la période de formation, n’étant pas reportée sur le relevé de carrière de M. [D] au titre d’une affiliation au régime général, ne doit pas être prise en compte.
A cet égard, si le tribunal retient que le législateur n’a pas posé de conditions restrictives relatives au statut du bénéficiaire de l’allocation, imposant seulement de caractériser l’exercice d’un travail au cours de la période considérée dans l’un des établissements listés, il a en revanche précisé que l’exercice des activités de fabrication des matériaux contenant de l’amiante, de flocage et de calorifugeage à l’amiante de l’établissement doit présenter un caractère significatif. Cette condition est précisée par la jurisprudence selon laquelle l’exposition habituelle à l’amiante est l’un des critères retenu pour valider la perception de l’ATA.
En l’espèce, M. [D] justifie de la réalisation d’une formation au sein du centre [4] de l’entreprise [3] à [Localité 5], qui figure bien sur la liste fixée par arrêté, et est donc bien un établissement au sein duquel était traité ou fabriqué de l’amiante. En revanche, hormis une attestation concernant le stage de cariste effectué du 29 juin 1992 au 3 juillet 1992, les documents transmis ne renseignent pas sur la nature du travail qu’il a effectué, et ne permettent pas de caractériser l’exposition habituelle à l’amiante requise pour ouvrir droit à la perception de l’ATA.

La CARSAT poursuit en soulignant que l’établissement [3] à [Localité 6] dans lequel M. [D] a poursuivi sa carrière après sa formation au sein de l’entreprise [3], ne figure pas sur la liste des établissements listés par arrêté.
Cet élément n’est pas discuté par M. [D] qui n’y répond pas, et ne justifie pas du contraire.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il apparaît donc qu’indépendamment de la qualification de la nature de l’activité professionnelle qu’a exercée M. [D] au sein de l’établissement [3] de [Localité 5], il ne justifie pas pouvoir prétendre au bénéfice de l’allocation qu’il sollicite. Le refus de la Carsat est donc fondé, et M. [D] sera débouté de l’ensemble de ses demandes.
Succombant dans l’intégralité de ses prétentions, il devra également supporter les dépens de la présente instance.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant en publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort,

DEBOUTE [S] [D] de l’ensemble de ses demandes.

DIT que les dépens seront supportés par [S] [D].

En foi de quoi, le présent jugement a été signé par la Présidente, Albane OLIVARI, assistée par la greffière, Nabila REGRAGUI.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

Nabila REGRAGUI Albane OLIVARI


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