L’Essentiel : La contrefaçon d’un modèle est caractérisée par l’absence de nouveauté et de caractère individuel, selon le règlement n°6/2002. Un dessin ou modèle est considéré comme nouveau s’il n’a pas été divulgué au public. La protection s’étend à tout modèle qui ne produit pas une impression visuelle différente pour l’utilisateur averti. En cas de contrefaçon, le titulaire peut demander des dommages-intérêts, la destruction des produits contrefaisants et la publication d’un communiqué. La société A.R. a ainsi obtenu réparation pour la contrefaçon de ses modèles de canapés, avec une condamnation des défenderesses à indemniser ses pertes.
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En l’absence de preuve de l’existence de modèles antérieurs identiques (canapés), il y a lieu de retenir la présomption de validité dont ces bénéficient les modèles dont une société est titulaire.
En application de l’article 4, 1, du règlement n°6/2002 du 12 décembre 2001, la protection d’un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que “dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel”. L’article 5 du même règlement précise qu’un dessin ou modèle est considéré comme nouveau “si aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué au public” et l’article 6 qu’un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel “si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public (…) avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement. Pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle”. L’article 85 du même règlement dispose que “Dans les procédures résultant d’actions en contrefaçon ou en menace de contrefaçon d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, les tribunaux des dessins ou modèles communautaires considèrent le dessin ou modèle communautaire comme valide”. L’étendue de la protection d’un dessin ou modèle communautaire est régie par l’article 10 du règlement 6/2002, dans les termes suivants :“1. La protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s’étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l’utilisateur averti une impression visuelle globale différente. Pour apprécier l’étendue de la protection, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle.” L’article 19 du règlement précité définit les droits conférés par le dessin ou modèle communautaire enregistré comme “le droit exclusif de l’utiliser et d’interdire à tout tiers de l’utiliser sans son consentement. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l’offre, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation ou l’utilisation d’un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins.” En vertu de l’article L. 515-1 du code de la propriété intellectuelle, l’atteinte à ce droit est une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. L’article L. 521-7 du même code prévoit, en application de l’article 13 de la directive 2004/48 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée, le préjudice moral causé à cette dernière et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. L’article L. 521-8 ajoute qu’en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants, les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. Ces textes sont applicables également aux modèles communautaires en vertu de l’article L. 522-1 du code de la propriété intellectuelle. Résumé de l’affaireLa société italienne A.R. conçoit, fabrique et commercialise des canapés sous le nom d’Emerald, revendiquant un droit d’auteur sur cette création. Elle a constaté que la SARL Musiex commercialisait un modèle similaire nommé Savio, fabriqué par la société belge Confortluxe. A.R. a donc assigné les sociétés CDM, Musiex et Confortluxe en contrefaçon de modèle communautaire et de droits d’auteur. Les défenderesses demandent la nullité de la saisie-contrefaçon et des modèles communautaires, ainsi que le rejet des demandes d’A.R. La société Confortluxe soulève l’irrecevabilité de l’acte introductif d’instance. Les parties ont formulé des demandes de dommages et intérêts, de mesures d’interdiction et de publication, ainsi que des demandes de condamnation aux dépens.
REPUBLIQUE FRANÇAISE 14 juin 2024
Tribunal judiciaire de Paris RG n° 22/01870 TRIBUNAL
JUDICIAIRE DE PARIS ■ 3ème chambre N° RG 22/01870 N° MINUTE : Assignation du : JUGEMENT Société A.R. représentée par Maître Jérôme TASSI de la SELEURL JTA-ECM, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #L0084 et par Maître Coraline FAVREL, avocat au barreau de LILLE, avocat palidant. DÉFENDERESSES S.A.R.L. MULHOUSIENNE DE SIEGES EXPANSION – MUSIEX S.A.S. COMPAGNIE DE DIFFUSION DE MEUBLES – CDM représentées par Maître Yves CLAISSE de la SELARL CENTAURE AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, avocats postulant, vestiaire #P0500 et par Maître Lionel COUTACHOT, avoat au barreau de CHALON SUR SAONE, avocat plaidant. Société CONFORTLUXE représentée par Maître Corinne THIERACHE de la SELARL ALERION SOCIETE D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0126 Copies délivrées le : Décision du 14 Juin 2024 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-Présidente assistés de Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l’audience du 04 Avril 2024 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2024. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe EXPOSÉ DU LITIGE
La société de droit italien A.R. (pour Aerre Italia) conçoit, fabrique et commercialise des meubles, particulièrement une gamme de canapés baptisés Emerald, présentés pour la première fois le 2 décembre 2017, réalisés selon ses trois modèles communautaires n°005212024-0001, n°005212024-0002 et n°005212024-0003 du 6 avril 2018, enregistrés et publiés le 23 mai 2018 et revendique un droit d’auteur sur cette création. Elle a constaté, le 19 octobre 2019, que la SARL Mulhousienne de sièges expansion (ci-après Musiex) commercialisait sur le site internet édité par sa maison-mère, la SAS Compagnie diffusion de meubles (ci-après CDM), un modèle de canapé baptisé Savio de forme identique, selon elle, à son produit Emerald.Autorisée par ordonnance du 13 décembre 2021, la société A.R. a fait pratiquer une saisie-contrefaçon aux sièges des sociétés CDM et Musiex le 10 janvier 2022 au cours desquelles elle a identifié la société belge Confortluxe en tant que fournisseur du modèle Savio sous la dénomination Livio, société qu’elle avait identifiée et mise en demeure de cesser cette fabrication dès septembre 2020. Par actes du 25 janvier 2022, la société A.R. a fait assigner les sociétés CDM, Musiex et Confortluxe en contrefaçon de modèle communautaire enregistré et de droits d’auteur et, subsidiairement, concurrence déloyale et parasitaire devant le tribunal judiciaire de Nanterre, qui s’est déclaré incompétent au profit du présent tribunal le 22 juin 2022. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 3 mars 2023, la société CDM et la société Musiex demandent au tribunal de :- prononcer la nullité de la saisie-contrefaçon du 10 décembre 2022, Dans ses dernières conclusions signifiées le 12 mai 2023, la société Confortluxe soulève l’irrecevabilité de l’acte introductif d’instance du 25 janvier 2022. Sur le fond, elle invoque la nullité de la saisie-contrefaçon du 10 décembre 2022, conclut au débouté de l’ensemble des demandes et réclame la condamnation de la société A.R. aux dépens et à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’ordonnance de clôture a été rendue le 1er juin 2023. MOTIVATION
I . Sur la fin de non recevoir La société Confortluxe soutient que la société A.R. a manqué à son obligation préalable de tentative de règlement amiable du litige imposée par l’article 750-1 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable “à la date des faits” ou “de la découverte”, de sorte que l’assignation du 25 janvier 2022 est irrémédiablement irrecevable. La société A.R. indique qu’il y a eu des tentatives de résolution amiables en septembre et octobre 2020 et que, quoiqu’il en soit, l’article 750-1 du code de procédure civile, dans sa rédaction depuis le 1er janvier 2020 n’impose pas cette tentative à peine d’irrecevabilité. Sur ce, L’article 750-1 du code de procédure civile dans sa rédaction en vigueur à la date de l’assignation prévoyait : “à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5.000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire”, c’est-à-dire les actions en bornage et les conflits de voisinage. La société A.R. fonde ses demandes de réparation à la fois sur la protection conférée aux dessins ou modèles enregistrés et sur les droits d’auteur sans distinction. Le premier de ces régimes de protection étant spécialement adapté aux produits tels que le canapé en cause il convient de l’examiner en premier, le second n’a lieu de l’être que si et dans la mesure où il serait susceptible de justifier des prétentions que le premier n’aurait pas suffi à fonder, sans méconnaître la possibilité de cumul de protection entre dessin et modèle communautaire et droit d’auteur. Les trois défenderesses soutiennent que :- l’ordonnance aux fins de saisie-contrefaçon, autorisée à l’encontre de la société Musiex et de la société CDM, a été exécutée également à l’encontre de la société CDM Services, en ce que le commissaire de justice a saisi une pièce extraite de la comptabilité de celle-ci de sorte qu’il a outrepassé son autorisation, ce qui entache tout le procès-verbal de nullité ; La société A.R. oppose que ces motifs sont inopérants en ce que le commissaire de justice a bien limité ses opérations aux sociétés CDM et Musiex et que la notification du procès-verbal trois jours après les opérations n’affecte pas sa force probante. Sur ce, L’article L. 521-4 du code de la propriété intellectuelle, au visa duquel a été autorisée la mesure, permet au titulaire d’un modèle de “faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d’experts désignés par le demandeur, en vertu d’une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d’échantillons, soit à la saisie réelle des objets prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s’y rapportant. L’ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux objets prétendus contrefaisants en l’absence de ces derniers.La juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer les objets prétendus contrefaisants”. Cette mesure n’est pas ordonnée “à l’encontre” d’une personne mais dans un lieu identifié et elle ne limite aucunement les pièces éventuellement saisies à celles émanant de parties identifiées ; au contraire elle s’étend aux pièces permettant d’identifier les contrefacteurs. Dès lors, la circonstance qu’une pièce à en-tête d’une autre société que celles mentionnées par l’autorisation judiciaire ait été saisie n’est aucunement de nature à caractériser que le commissaire de justice aurait outrepassé sa mission. Au cas présent, le commissaire de justice a été exclusivement en contact avec des préposés des sociétés citées dans la requête et l’ordonnance qui lui ont remis l’intégralité des pièces annexées à son procès-verbal, de sorte que le dépassement invoqué est au surplus inexistant. S’agissant de la notification du procès-verbal à trois jours de distance, les textes ne prévoient pas de délai pour cette remise. Les défenderesses n’explicitent pas le grief qui en serait résulté. Il y a donc lieu de rejeter les demandes de nullité de procès-verbal de constat de saisie-contrefaçon du 10 janvier 2022 qui sont mal fondées. 2 . Sur la validité du modèle La société CDM et la société Musiex, suivies par la société Confortluxe, font valoir que “il ne saurait faire débat que (…) les caractéristiques visibles” des éléments des modèles “ne dégagent aucun caractère nouveau au sens de l’article L. 511-3 du code de la propriété intellectuelle et propre au sens de l’article L. 511-4 du code de la propriété intellectuelle”. La société A.R. fait valoir que la nullité alléguée du modèle n’est étayée par aucune démonstration. Sur ce, En application de l’article 4, 1, du règlement n°6/2002 du 12 décembre 2001, la protection d’un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que “dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel”. L’article 5 du même règlement précise qu’un dessin ou modèle est considéré comme nouveau “si aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué au public” et l’article 6 qu’un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel “si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public (…) avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement. Pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle”.L’article 85 du même règlement dispose que “Dans les procédures résultant d’actions en contrefaçon ou en menace de contrefaçon d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, les tribunaux des dessins ou modèles communautaires considèrent le dessin ou modèle communautaire comme valide”. Les modèles reproduits supra sont des sièges pourvus – d’une assise en forme de parallélépipède, matelassée de façon à dessiner des losanges, Les défenderesses n’argumentent aucunement les griefs d’absence de nouveauté ou de caractère individuel qu’elles invoquent. Si la société Confortluxe montre des exemples de canapés présentant des caractéristiques communes avec les modèles enregistrés dans ses développements pour contester la protection par le droit d’auteur, elle n’en présente aucun comme identique, ni n’en donne pas la date. Dans ses développements contestant la protection par le droit d’auteur, elle évoque l’existence d’un modèle dénommé Yellow, précédemment fabriqué par la société A.R. et dont le créateur indique s’être inspiré, mais n’en verse au dossier aucune description. La société AR fait valoir que :- l’impression visuelle d’ensemble produite par les canapés Savio sur l’observateur averti, défini tant comme le consommateur moyen amateur de canapés, que comme le professionnel qui achète et revend ces produits, est identique à celle produite par ses modèles déposés de sorte que la contrefaçon est caractérisée ; La société CDM et la société Musiex indiquent qu’elles ont cessé la commercialisation du modèle Savio dès l’assignation. L’étendue de la protection d’un dessin ou modèle communautaire est régie par l’article 10 du règlement 6/2002, dans les termes suivants :“1. La protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s’étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l’utilisateur averti une impression visuelle globale différente. L’article 19 du règlement précité définit les droits conférés par le dessin ou modèle communautaire enregistré comme “le droit exclusif de l’utiliser et d’interdire à tout tiers de l’utiliser sans son consentement. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l’offre, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation ou l’utilisation d’un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins.” La société A.R. démontre par la saisie-contrefaçon, des captures d’écran et un constat de commissaire de justice que les meubles Savio, ci-dessous reproduits, ont été offerts à la vente les 19 octobre et 24 novembre 2021 et 12 janvier 2022 et que 27 modèles ont été fournis par la société Confortluxe sous la référence Livio à la société CDM pour le magasin Salons center de [Localité 5] et qu’un modèle est encore dans les stocks de la société Musiex. L’utilisateur averti est ici le consommateur amateur de meubles, domaine dans lequel la liberté de création est large. Les deux canapés Savio ci-dessus reproduits ont en commun avec les modèles n°005212024-0002 et n°005212024-0003 une assise en forme de parallélépipède dont le capitonnage dessine des losanges, y compris sur la face verticale, des dossiers rectangulaires ornés d’une surpiqûre horizontale à mi-hauteur, des accoudoirs également rectangulaires orientés à 45° par rapport au plan de l’assise soutenus une structure extérieure fine se prolongeant pour former les pieds selon un motif triangulaire aux pointes arrondies. La société A.R. demande des mesures d’interdiction et de retrait contre toutes les défenderesses, l’exercice de son droit d’information sur les produits en stock, en fabrication et vendus depuis janvier 2017 contre la société Confortluxe, et une condamnation in solidum des trois défenderesses à lui payer la somme de 300.000 euros “sauf à parfaire” en réparation de son préjudice, celles-ci ayant concouru aux faits de contrefaçon.Elle demande également la publication du jugement sur la page d’accueil des sites internet de la société CDM et de la société Confortluxe. La société CDM et la société Musiex font valoir que le préjudice invoqué n’est pas démontré et est fantaisiste, que la société CDM n’a acheté qu’un canapé et ne l’a pas revendu et qu’il n’existe aucun motif de prononcer une condamnation solidaire entre elles. L’article L. 521-5 du code de la propriété intellectuelle prévoit que “Si la demande lui en est faite, la juridiction saisie au fond ou en référé d’une procédure civile prévue au présent titre peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l’origine et les réseaux de distribution des produits argués de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argués de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services.La production de documents ou d’informations peut être ordonnée s’il n’existe pas d’empêchement légitime.” L’article L. 521-7 du même code prévoit, en application de l’article 13 de la directive 2004/48 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée, le préjudice moral causé à cette dernière et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. La société A.R. subit incontestablement un préjudice correspondant à ce qu’elle aurait pu obtenir de la société CDM et la société Musiex pour la vente des canapés et également à la perte de contrôle de son exclusivité et de la présence sur le marché des modèles enregistrés (qualifiée de banalisation et dépréciation dans ses conclusions), préjudice auquel la société Confortluxe a contribué par l’exportation de ceux-ci. Au regard de ces éléments, il y a lieu de fixer à 10.000 euros le préjudice subi par la société A.R. du fait des faits d’exportation, d’offre à la vente et d’importation par les défenderesses des meubles contrefaisants démontrés par le procès-verbal de saisie-contrefaçon.Ayat contribué à la réalisation du même dommage, elles sont condamnées in solidum à le réparer. La saisie-contrefaçon ayant constaté la présence d’un canapé Savio dans le stock de la société CDM, il y a lieu d’en ordonner la destruction. S’agissant de la société Confortluxe, vu l’absence d’indication données par cette dernière sur d’autres ventes du modèles Savio qu’elle vend sous la référence Livio et la preuve de la vente de tels meubles malgré une mise en garde adressée dès septembre 2020 à cet effet, la société A.R. est bien fondée à demander à son encontre un droit d’information tel que figurant au dispositif, sous astreinte. Au regard du préjudice et de la persistance de la société Confortluxe à commercialiser son modèle Livio en connaissance de cause, il y a lieu de faire droit à la demande de publication sur le site de la société Confortluxe et sur le site de la société CDM d’un communiqué tel que figurant au dispositif. Il convient également d’interdire la vente des canapés Savio et Livio par les défenderesses et la destruction des modèles qu’elles auraient en stock, sans qu’il y ait lieu de prononcer une astreinte, la commercialisation ayant cessé à compter de l’assignation. III . Sur l’appel en garantie La société CDM et la société Musiex font valoir que le fournisseur du produit contrefaisant doit garantie intégrale à ses revendeurs successifs au titre de la garantie d’éviction (1re Civ., 13 mars 2008, n°06-20.152). L’article 1626 du code civil dispose : “Quoique dans la vente il n’ait pas été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l’acquéreur de l’éviction qu’il souffre dans la totalité ou partie de l’objet vendu ou des charges prétendues sur cet objet et non déclarées lors de la vente”.Il est constamment jugé en application de ce texte que le fournisseur d’objets contrefaisants doit la garantie d’éviction au débitant sauf convention contraire ou connaissance par le débitant du caractère contrefaisant. Aucune des parties ne soulevant une telle circonstance, la société Confortluxe sera condamnée à garantir la société CDM et la société Musiex de toutes condamnations prononcées à leur encontre pour les faits de contrefaçon des modèles enregistrés précités. Les défenderesses, qui succombent, sont condamnées in solidum aux dépens, qui incluent partiellement les frais de saisie-contrefaçon, et à payer à la société A.R. la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS
Le tribunal, Rejette la demande de nullité de procès-verbal de constat de saisie-contrefaçon du 10 janvier 2022 ; Condamne insolidum la société Compagnie diffusion de meubles, la société Mulhousienne de sièges expansion et la société Confortluxe à payer à la société A.R. la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la contrefaçon de ses modèles communautaires enregistrés n°005212024-0001, n°005212024-0002 et n°005212024-0003 par l’offre, la vente et l’importation des canapés vendus en magasins Salons center et sur le site ; Condamne la société Confortluxe à garantir la société Compagnie diffusion de meubles et la société Mulhousienne de sièges expansion de l’ensemble des condamnations prononcées à leur encontre ; Ordonne en tant que de besoin à la société Compagnie diffusion de meubles, à la société Mulhousienne de sièges expansion et à la société Confortluxe de cesser la vente et l’offre à la vente du modèle Savio ou du modèle Livio ; Condamne la société Confortluxe à communiquer à la société A.R. une attestation d’expert-comptable établissant le nombre de produits Savio et Livio fabriqués, vendus et en stock, depuis janvier 2017 ainsi que la marge réalisée par elle, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de 45 jours suivant la signification du présent jugement et courant durant 90 jours ; Ordonne la destruction du canapé Savio dans le stock de la société CDM ; Ordonne la publication du communiqué suivant sur le site internet de la société Confortluxe et sur le site de la société CDM, sur un quart de la page d’accueil pendant une durée de huit semaines consécutives à compter de la gification du jugement : Condamne la société Compagnie diffusion de meubles, la société Mulhousienne de sièges expansion et la société Confortluxe in solidum aux dépens, qui pourront être recouvrés directement par Me Caroline Fravrel dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ; Condamne la société Compagnie diffusion de meubles, la société Mulhousienne de sièges expansion et la société Confortluxe in solidum à payer la somme de 10.000 euros à la société A.R. au titre de l’article 700 du code de procédure civile Fait et jugé à Paris le 14 Juin 2024 Le GreffierLa Présidente |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le contexte de l’affaire entre la société A.R. et les défenderesses ?La société italienne A.R. conçoit et commercialise des canapés sous le nom d’Emerald, pour lesquels elle revendique un droit d’auteur. En 2019, A.R. découvre que la SARL Musiex, via sa maison-mère CDM, commercialise un modèle similaire nommé Savio, fabriqué par la société belge Confortluxe. A.R. a alors assigné ces sociétés en contrefaçon de modèle communautaire et de droits d’auteur. Les défenderesses, quant à elles, demandent la nullité de la saisie-contrefaçon et des modèles communautaires, ainsi que le rejet des demandes d’A.R. Les parties ont également formulé des demandes de dommages et intérêts, d’interdiction et de publication, ainsi que des demandes de condamnation aux dépens. Quels sont les articles du règlement n°6/2002 qui régissent la protection des dessins et modèles communautaires ?Le règlement n°6/2002 du 12 décembre 2001 établit plusieurs articles clés concernant la protection des dessins et modèles communautaires. L’article 4, paragraphe 1, stipule que la protection est assurée si le modèle est nouveau et présente un caractère individuel. L’article 5 précise qu’un modèle est considéré comme nouveau s’il n’a pas été divulgué au public. L’article 6 définit le caractère individuel comme l’impression globale produite sur l’utilisateur averti, qui doit différer de celle d’autres modèles divulgués avant la date de dépôt. Enfin, l’article 85 indique que les tribunaux considèrent le modèle communautaire comme valide dans les procédures de contrefaçon. Quelles sont les conséquences d’une contrefaçon selon le code de la propriété intellectuelle ?Selon l’article L. 515-1 du code de la propriété intellectuelle, l’atteinte au droit d’un dessin ou modèle est considérée comme une contrefaçon, engageant la responsabilité civile de l’auteur de cette contrefaçon. L’article L. 521-7 prévoit que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction doit prendre en compte les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, y compris le manque à gagner et le préjudice moral. De plus, l’article L. 521-8 permet à la juridiction d’ordonner le rappel, la destruction ou la confiscation des produits contrefaisants, ce qui est également applicable aux modèles communautaires selon l’article L. 522-1. Quels arguments ont été avancés par les défenderesses concernant la nullité de la saisie-contrefaçon ?Les défenderesses, notamment la société Confortluxe, ont soutenu que la saisie-contrefaçon était nulle car elle aurait été exécutée à l’encontre d’une société non mentionnée dans l’ordonnance de saisie. Elles ont également fait valoir que le procès-verbal de saisie n’avait été notifié que trois jours après l’opération, ce qui aurait pu entacher sa validité. Cependant, la société A.R. a contesté ces arguments, affirmant que le commissaire de justice avait respecté les limites de son autorisation et que la notification tardive n’affectait pas la force probante du procès-verbal. Le tribunal a finalement rejeté les demandes de nullité, considérant que les arguments des défenderesses n’étaient pas fondés. Comment le tribunal a-t-il évalué la contrefaçon des modèles ?Le tribunal a examiné la contrefaçon en se basant sur l’impression visuelle globale produite par les canapés Savio et Emerald. Il a constaté que les deux modèles partageaient des caractéristiques similaires, notamment une assise en forme de parallélépipède avec un matelassage en losange, des dossiers rectangulaires et des accoudoirs orientés à 45°. Les défenderesses ont tenté de démontrer que les différences entre les modèles étaient significatives, mais le tribunal a jugé que ces différences étaient soit inexistantes, soit visuellement insignifiantes. Ainsi, le tribunal a retenu que la contrefaçon était caractérisée, car les canapés Savio et Emerald produisaient une impression visuelle globale identique sur l’utilisateur averti. Quelles mesures le tribunal a-t-il ordonnées à la suite de sa décision ?Le tribunal a ordonné plusieurs mesures à la suite de sa décision. Il a condamné les sociétés CDM, Musiex et Confortluxe à payer à A.R. une somme de 10.000 euros en réparation de la contrefaçon. Il a également ordonné la destruction du canapé Savio trouvé dans le stock de la société CDM et a imposé à Confortluxe de communiquer des informations sur le nombre de produits Savio et Livio fabriqués et vendus depuis janvier 2017. Enfin, le tribunal a ordonné la publication d’un communiqué sur les sites internet des sociétés défenderesses, informant du jugement rendu pour contrefaçon. |
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