L’essentiel : L’obligation de déréférencement d’un article de presse relatant une condamnation pénale n’est pas automatique. Les juges effectuent un contrôle de proportionnalité. Dans une affaire récente, la Cour de cassation a suspendu sa décision concernant une demande de déréférencement d’un article sur un expert-comptable condamné pour escroquerie, en attendant le jugement de la CJUE sur le droit au déréférencement. Selon la législation, les données relatives aux infractions ne peuvent être traitées que par des autorités légales, et le droit à l’oubli doit être équilibré avec le droit à l’information, surtout si la personne a un rôle public.
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L’obligation de déréférencement de Google ou d’archives de presse en ligne d’un article faisant état de la condamnation pénale d’une personne physique n’est pas de droit, les juges opèrent un contrôle de proportionnalité. Sursis à statuerSaisie d’une nouvelle demande de déréférencement d’un article de presse faisant état d’une condamnation pour escroquerie d’un expert-comptable, la Cour de cassation a sursis à statuer jusqu’au prononcé de la décision de la CJUE sur le droit au déréférencement (affaire pendante C-136/17). Faire état d’une condamnation pénale dans la pressePar arrêt devenu définitif, un expert-comptable et commissaire aux comptes, a été déclaré coupable d’escroquerie et de tentative d’escroquerie et condamné à quatre mois d’emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d’amende, ainsi qu’à payer une certaine somme à l’administration fiscale. Deux comptes-rendus d’audience relatant cette condamnation pénale ont été publiés sur le site du journal « Le Républicain lorrain ». Soutenant que ces articles, bien qu’archivés sur le site du journal, étaient toujours accessibles par le biais d’une recherche effectuée à partir de ses nom et prénom sur le moteur de recherche Google, l’ancien expert-comptable a assigné l’éditeur du journal aux fins de déréférencement. Principes du droit au déréférencementConformément à l’article 9 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018, les traitements de données à caractère personnel relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté ne peuvent être mis en oeuvre que par les juridictions, les autorités publiques et les personnes morales gérant un service public, agissant dans le cadre de leurs attributions légales, les auxiliaires de justice, pour les stricts besoins de l’exercice des missions qui leur sont confiées par la loi. Au sens de l’article 40 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 » toute personne physique …peut exiger du responsable du traitement que soient selon les cas rectifiées, complétées, mises à jour, verrouillées ou effacées les données personnelles la concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées, ou dont la collecte, l’utilisation, la communication ou la conservation est interdite ». L’article 6 de la même loi énonce qu’un traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui satisfont aux conditions de ce texte, notamment si : « 3° elles sont adéquates, pertinentes, et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs ; 4° elles sont exactes, complètes, et, si nécessaire, mises à jour ; les mesures appropriées doivent être prises pour que les données inexactes ou incomplètes au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées ou traitées soient effacées ou rectifiées ». Comme l’a dit pour droit la CJUE dans l’arrêt du 14 mai 2014 (affaire Google Spain SL, Google Inc./AEPD), l’exploitant d’un moteur de recherche est tenu de supprimer de la liste des résultats d’une recherche effectuée à partir du nom d’une personne les liens vers des pages Internet contenant des informations relatives à cette personne, quand bien même leur publication ne serait pas illicite et sans que la recevabilité de la demande soit subordonnée à la preuve de l’existence d’un préjudice. Primauté et proportionnalitéLe droit à la protection des données personnelles, posé par l’article 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, prévalent, en principe, sur le droit à l’information, sauf s’il existe un motif particulier à ce que le public dispose desdites informations ; ce droit au déréférencement consiste ainsi, non à faire disparaître du site source l’information litigieuse, mais à rendre impossible de retrouver ledit site à partir d’une recherche comprenant le nom et le prénom de la personne intéressée ; pour être fondamental, ce « droit à l’oubli » n’en est cependant pas pour autant absolu, et comporte donc, selon la CJUE, une exception tenant au droit à l’information, lui-même protégé par l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux-, du moins s’il existe des « raisons particulières, telles que le rôle joué par ladite personne dans la vie publique », justifiant que l’ingérence dans ses droits fondamentaux soit primée par l’intérêt prépondérant du public à avoir accès à l’information en question. La CJUE a, dans l’arrêt précité, fixé une hiérarchie entre les deux droits fondamentaux en posant comme principe le droit au déréférencement de ses données à caractère personnel et comme exception l’intérêt particulier du public. |
Q/R juridiques soulevées :
Qu’est-ce que l’obligation de déréférencement de Google ?L’obligation de déréférencement de Google se réfère à la possibilité pour une personne de demander la suppression de liens vers des pages contenant des informations personnelles, notamment celles relatives à des condamnations pénales. Cette obligation n’est pas automatique et dépend d’un contrôle de proportionnalité effectué par les juges. Cela signifie que les juges évaluent si le droit à la protection des données personnelles de l’individu prime sur le droit à l’information du public. Ainsi, même si une personne a été condamnée, cela ne garantit pas qu’elle puisse obtenir le déréférencement de l’article la concernant. Quel a été le cas de l’expert-comptable condamné ?Dans le cas d’un expert-comptable condamné pour escroquerie, la Cour de cassation a été saisie d’une demande de déréférencement concernant des articles de presse relatant sa condamnation. L’expert-comptable avait été déclaré coupable et condamné à quatre mois d’emprisonnement avec sursis, ainsi qu’à une amende de 20 000 euros. Il a assigné l’éditeur du journal « Le Républicain lorrain » pour obtenir le déréférencement des articles, soutenant qu’ils étaient toujours accessibles via Google. Quels sont les principes du droit au déréférencement ?Les principes du droit au déréférencement sont encadrés par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, qui stipule que les données personnelles relatives aux infractions ne peuvent être traitées que par certaines entités, comme les juridictions et les autorités publiques. L’article 40 de cette loi permet à toute personne de demander la rectification ou l’effacement de données personnelles inexactes ou périmées. De plus, l’article 6 précise que les données doivent être adéquates et non excessives par rapport aux finalités pour lesquelles elles sont collectées. Comment la CJUE a-t-elle influencé le droit au déréférencement ?La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a joué un rôle crucial dans l’établissement du droit au déréférencement. Dans un arrêt de 2014, elle a affirmé que les moteurs de recherche doivent supprimer les liens vers des pages contenant des informations personnelles, même si leur publication n’est pas illégale. Cette décision a établi que la recevabilité d’une demande de déréférencement ne dépend pas de la preuve d’un préjudice. Ainsi, la CJUE a renforcé le droit à la vie privée des individus face à l’accès à l’information par le public. Quelle est la hiérarchie entre le droit à la protection des données et le droit à l’information ?La hiérarchie entre le droit à la protection des données personnelles et le droit à l’information est clairement établie par la CJUE. Le droit à la protection des données, inscrit dans l’article 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, prévaut généralement sur le droit à l’information. Cependant, des exceptions existent, notamment lorsque des raisons particulières justifient que l’intérêt public à l’information prime sur le droit à l’oubli. Cela inclut des situations où la personne concernée joue un rôle public significatif, ce qui peut justifier la divulgation de certaines informations. |
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