Le parasitisme suppose d’établir la valeur économique individualisée dont la victime prétend qu’elle a été parasitée.
Aux termes des articles 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Selon l’article 1241 du même code, chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu’un signe ou un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l’absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d’un risque de confusion sur l’origine du produit dans l’esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce. L’appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté de l’usage, l’originalité et la notoriété de la prestation copiée (en ce sens Cass. com., 10 juillet 2018, n°16-23.694). Le parasitisme, qui n’exige pas de risque de confusion, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (en ce sens Cass. com., 10 juillet 2018, n° 16-23.694). Il appartient à celui qui se prétend victime d’actes de parasitisme d’identifier la valeur économique individualisée qu’il invoque (en ce sens Cass. com., 26 juin 2024, n° 23-13.535). Conformément à l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. En application de l’article 835 du même code, le juge des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. |
L’Essentiel : M. [V], créateur du logiciel “KoalaME” et détenteur de la marque n° 4391656, a engagé une action en justice suite à la liquidation de sa société. Il accuse Nostrum Care, [X], et Freelance Care d’utiliser son signe sans autorisation, portant atteinte à ses droits. En réponse, ces entités contestent les accusations, affirmant que leur utilisation est légitime. Le juge a reconnu l’intérêt à agir de M. [V], mais a rejeté ses demandes principales, condamnant néanmoins [X] et Freelance Care à verser 1 000 euros pour atteinte à son image, tandis que M. [V] doit payer 1 000 euros à Nostrum Care.
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Résumé de l’affaire :
Présentation des partiesM. [V] est un entrepreneur individuel et le créateur d’un logiciel de comptabilité nommé “KoalaME”, pour lequel il détient la marque semi-figurative française n° 4391656, enregistrée le 27 septembre 2017. La société Nostrum Care est active dans le courtage d’assurance, tandis que la société [X] fournit des services d’administration de produits d’assurance santé. L’association Freelance Care regroupe des entrepreneurs et étudiants pour aborder des questions de santé mentale et de bien-être. Contexte de la liquidation et acquisitionSuite à la liquidation judiciaire de la société KoalaME, le logiciel a été acquis par la société [X] le 19 décembre 2022. M. [V] a estimé que l’utilisation du signe “KoalaME” par Nostrum Care, [X], et Freelance Care portait atteinte à ses droits de marque et à son image. Il a donc mis en demeure ces entités de cesser leur utilisation et de l’indemniser pour son préjudice par une lettre recommandée datée du 1er septembre 2023. Réactions des défendeursLe 2 novembre 2023, le conseil de Nostrum Care a contesté l’accusation d’usage abusif du signe “KoalaME”. En réponse, M. [V] a assigné les sociétés et l’association en référé pour obtenir une interdiction provisoire de l’usage du signe et une indemnisation de ses préjudices. L’audience initialement prévue pour le 5 février 2024 a été reportée au 15 octobre 2024 à la demande des parties. Demandes de M. [V]M. [V] a demandé au juge d’interdire l’utilisation de la marque “KoalaME” par les défendeurs, de leur ordonner de lui verser 28 000 euros pour dommages et intérêts, et d’interdire la diffusion d’une vidéo le représentant, avec des astreintes en cas de non-respect. Il a également réclamé des provisions pour préjudice lié à son droit à l’image et au parasitisme économique. Arguments des défendeursLes sociétés et l’association ont contesté les demandes de M. [V], arguant qu’il n’avait pas qualité à agir en concurrence déloyale et que Nostrum Care n’était pas impliquée dans les faits reprochés. Elles ont également soutenu que l’usage du signe “KoalaME” était justifié par l’acquisition du logiciel et qu’il n’y avait pas de risque de confusion. Décisions du juge des référésLe juge a écarté la fin de non-recevoir soulevée par les défendeurs concernant l’intérêt à agir de M. [V]. Cependant, il a rejeté les demandes de M. [V] en contrefaçon et en atteinte à la renommée de la marque. Il a condamné la société [X] et l’association Freelance Care à verser 1 000 euros à M. [V] pour atteinte à son image, tout en rejetant le surplus de ses demandes. Conséquences financièresLes sociétés [X] et Freelance Care ont été condamnées aux dépens et à payer 3 000 euros à M. [V] pour les frais non compris dans les dépens. En revanche, M. [V] a été condamné à verser 1 000 euros à Nostrum Care pour les frais non compris dans les dépens. |
Q/R juridiques soulevées : Le parasitisme suppose d’établir la valeur économique individualisée dont la victime prétend qu’elle a été parasitée.
Aux termes des articles 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Selon l’article 1241 du même code, chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu’un signe ou un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l’absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d’un risque de confusion sur l’origine du produit dans l’esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce. L’appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté de l’usage, l’originalité et la notoriété de la prestation copiée (en ce sens Cass. com., 10 juillet 2018, n°16-23.694). Le parasitisme, qui n’exige pas de risque de confusion, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (en ce sens Cass. com., 10 juillet 2018, n° 16-23.694). Il appartient à celui qui se prétend victime d’actes de parasitisme d’identifier la valeur économique individualisée qu’il invoque (en ce sens Cass. com., 26 juin 2024, n° 23-13.535). Conformément à l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. En application de l’article 835 du même code, le juge des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. |
JUDICIAIRE
DE PARIS
■
N° RG 23/58586 – N° Portalis 352J-W-B7H-C3FSS
N° : 1/MM
Assignation du :
13,14 Novembre 2023
[1]
[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 26 novembre 2024
par Jean-Christophe GAYET, Premier Vice-Président adjoint
au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assisté de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier.
DEMANDEUR
Monsieur [Z] [V]
[Adresse 4]
[Localité 5]
représenté par Maître Lucie CONTASSOT-VIVIER, Avocat au Barreau de ROUEN et Maître Chloé HUSSON-FORTIN de l’AARPI AARPI MOUNET, HUSSON – FORTIN, avocats au barreau de PARIS – #E0668
DEFENDERESSES
S.A.S. NOSTRUM CARE
[Adresse 3]
[Localité 1]
Association FREELANCE CARE
[Adresse 6]
[Localité 2]
S.A.S. PREVALOIS
[Adresse 6]
[Localité 2]
représentées par Me Pascal RENARD, avocat au barreau de PARIS – #E1578, Me Jessica BRON, avocat au barreau de LYON – #1246
DÉBATS
A l’audience du 15 Octobre 2024, tenue publiquement, présidée par Jean-Christophe GAYET, Premier Vice-Président adjoint, assisté de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier,
Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties,
M. [V] se présente comme entrepreneur individuel et créateur d’un logiciel de comptabilité intitulé “KoalaME”. Il est, également, titulaire de la marque semi-figurative française “KoalaME” n° 4391656, déposée le 27 septembre 2017 pour divers services en classes 35, 41 et 42 :
La société Nostrum Care se présente comme ayant une activité de courtage et d’intermédiation d’assurance et de réassurance de toute nature.
La société [X] se présente comme ayant pour activité la fourniture de services d’administration et de gestion de produits d’assurance santé, vie et prévoyance.
L’association Freelance Care est une communauté d’entrepreneurs individuels et d’étudiants qui apporte des solutions concrètes sur les thématiques de la santé mentale et du bien-être.
Dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société KoalaME, fondée par M. [V], la solution logicielle “KoalaME” a été rachetée par la société [X] le 19 décembre 2022.
Estimant que l’usage du signe “KoalaME” identique à sa marque n° 4391656, ainsi que l’exploitation d’une vidéo le représentant, par les sociétés Nostrum Care et [X] et par l’association Freelance Care a porté atteinte à ses droits sur cette marque et sur son image, M. [V] les a mises en demeure d’en cesser l’usage et d’indemniser son préjudice par lettre recommandée du 1er septembre 2023.
Par courriel officiel du 2 novembre 2023 le conseil de la société Nostrum Care a constesté tout usage abusif du signe “KoalaMe”.
Par acte de commissaire de justice du 13 et 14 novembre 2023 M. [V] a fait assigner les sociétés Nostrum Care et [X] et l’association Freelance Care à l’audience du 5 février 2024 du juge des référés de ce tribunal en interdiction provisoire d’usage du signe litigieux et indemnnisation provisionnelle de ses préjudices.
À cette audience, l’affaire a été renvoyée au 15 octobre 2024 à la demande conjointe des parties.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Se référant expressément à ses conclusions écrites visées à l’audience, M. [V] demande au juge des référés de :- interdire aux sociétés Nostrum Care et [X] et à l’association Freelance Care, jusqu’à ce qu’une décision au fond soit rendue, de faire usage, d’imiter ou de reproduire totalement ou partiellement, de quelque manière que ce soit et à quelque titre que ce soit, la marque “KoalaME” n° 4391656, ou subsidiairement le signe semi-figuratif et verbal “KoalaME”, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée et par jour de retard passé un délai de 48 heures à compter de la signification de la présente ordonnance
– ordonner aux sociétés Nostrum Care et [X] et à l’association Freelance Care de lui payer in solidum 28 000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts en réparation du préjudice subi résultant de la contrefaçon de marque ou, subsidiairement, des actes de concurrence déloyale et de parasitisme économique caractérisés par l’imitation du signe KoalaME
– interdire, jusqu’à ce qu’une décision au fond soit rendue, aux sociétés Nostrum Care et [X] et à l’association Freelance Care de diffuser sur leur site et sur tout support la vidéo constatée par commissaire de justice représentant son image, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard passé un délai de 48 heures à compter de la signification de la présente ordonnance
– ordonner aux sociétés Nostrum Care et [X] et à l’association Freelance Care de lui payer in solidum :
> 9000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de son droit à l’image
> 10 000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre du parasitisme économique caractérisé par l’exploitation commerciale de la vidéo promotionnelle et de formation constatée par commissaire de justice
– se réserver la liquidation des astreintes
– condamner les sociétés Nostrum Care et [X] et l’association Freelance Care à lui payer in solidum 9000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
En réponse à la fin de non-recevoir opposée à ses demandes fondées sur la concurrence déloyale, M. [V] oppose qu’il exerce une activité économique susceptible de le rendre victime de contrefaçon ou d’acte concurrence déloyale.
Au soutien de ses demandes, M. [V] fait principalement valoir que :- la mise en cause de la société Nostrum Care et de l’association Freelance Care est justifiée par l’absence de mention des informations légales relatives à l’éditeur sur le site à la date à laquelle il a fait opérer le constat de commissaire de justice matérialisant la contrefaçon de sa marque
– les pièces qu’il produit démontrent que les sociétés Nostrum Care et [X] travaillent ensemble à la distribution et à la communication du logiciel “KoalaME” nouvellement désigné “The good count” en utilisant un signe similaire à sa marque n° 4391656, et l’association Freelance Care exploite le site internet et est financée par la société Nostrum Care, justifiant également la mise en cause de cette dernière
– l’usage par les défenderesses, sur divers supports et publications numériques, du signe “KoalaME” similaire à sa marque n° 4391656 pour des services identiques à ceux visés à son enregistrement constitue une contrefaçon vraisemblable de sa marque en raison de leurs similitudes visuelle, phonétique et conceptuelle générant un risque de confusion dans l’esprit des consommateurs, sans que l’exception de référence nécessaire opposée en défense, qui doit être interprétée restrictivement, soit légitime compte tenu de la multiplicité et de la variété des usages opérés
– sa marque “KoalaME” dispose d’une renommée étant largement connue du public pertinent à savoir les entrepreneurs individuels, en sorte que les défenderesses tirent un profit indu de sa marque “KoalaME” et portent préjudice à son caractère distinctif
– l’ensemble des atteintes à ses droits depuis février 2023 justifie les sommes réclamées à titre provisionnel, le coût d’une licence de sa marque pouvant être estimé à 3000 euros par an ainsi qu’une rémunération variable de 6%, les sociétés défenderesses ayant réalisé des économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels tirées de la contrefaçon pouvant être estimées forfaitairement à 16 000 euros, outre qu’il supporte un préjudice généré par l’avilissement de sa marque de 9000 euros
– la diffusion, sans son autorisation, par les défenderesses d’une vidéo promotionnelle de son logiciel constitue une atteinte à son droit à l’image et à son nom justifiant ses demandes d’interdiction et d’indemnisation provisionnelle de 6000 euros
– la diffusion de cette vidéo caractérise, également, des faits distincts de concurrence déloyale et parasitaire, comme constituant une utilisation de ses compétences, de sa notoriété et de la valeur produite par son travail sans avoir fourni d’effort financier, de même qu’un usage sans autorisation générant un risque de confusion avec sa propre activité qu’il exerce dans un secteur d’activité identique ou similaire, cette faute générant un préjudice économique devant être réparé par l’allocation de 10 000 euros à titre provisionnel et le retrait de la vidéo litigieuse.
Il fait valoir, à titre subsidiaire, qu’à défaut d’être qualifié de contrefaçon vraisemblable, l’usage par les défenderesses du signe “KoalaME” sur divers supports constitue un trouble manifestement illicite caractérisé par des actes de concurrence déloyale et de parasitisme économique, compte tenu du risque de confusion qui en résulte et et du placement des défenderesses dans son sillage afin de profiter, sans bourse délier, de la notoriété du signe “KoalaME” associée à son nom, l’ensemble justifiant les mesures réparatrices demandées.
Il estime, enfin, que la demande reconventionnelle des défenderesses en production de pièces est infondée, dans la mesure où il n’exploite pas le logiciel vendu et où il a le droit d’exercer ses compétences et fournir des conseils dans le cadre de son travail, n’étant tenu par aucune clause de non-concurrence.
Se référant expressément à leur conclusions visées à l’audience, les sociétés Nostrum Care et [X] et l’association Freelance Care demandent au juge des référés de :- déclarer irrecevable et à tout le moins infondées les demandes de M. [V]
– à titre liminaire juger que la société Nstrum Care est étrangère aux faits reprochés par M. [V] et la débouter de l’intégralité de ses demandes à l’égard de celle-ci
– déclarer irrecevables les demandes de M. [V] au titre de la concurrence déloyale et parasitaire pour défaut de qualité à agir
– débouter M. [V] de toutes ses demandes, tant à titre principal que subsidiaire
– condamner M. [V] à produire tout justificatif de la réalité et de la nature exacte de son activité professionnelle, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir
– se réserver la liquidation de l’astreinte
– condamner M. [V] à leur verser 6000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Les sociétés Nostrum Care et [X] et l’association Freelance Care estiment que les demandes fondées sur la concurrence déloyale et le parasitisme sont irrecevables, dès lors que M. [V] agit à titre personnel tandis que seul un opérateur économique victime de tels actes peut agir en justice, outre qu’il ne justifie pas exercer une quelconque activité professionnelle, les informations qu’il produit pour la justifier étant suspectes.
Elles opposent que :- la société Nostrum Care doit être mise hors de cause, n’étant pas la propriétaire du logiciel acquis lors de la liquidation de la société KoalaME et étant étrangère aux faits invoqués et les mention légales du site internet existant depuis son lancement et désignant la société [X] comme son éditrice
– la société [X] a acquis non seulement le logiciel “KoalaME”, mais également le fichier des clients et le fichier des prospects, les usages du signe litigieux qui lui sont reprochés ne s’inscrivant que leur nécessaire information à la suite de l’acquisition opérée, cette information étant rendue d’autant plus nécessaire du fait de celle effectuée de mauvaise foi par M. [V], alors qu’il se trouvait dessaisi de ses fonctions de dirigeant de la société KoalaME du fait de sa liquidation
– la communication de la société [X] a tendu à éviter tout risque de confusion avec l’ancienne dénomination du logiciel qu’elle a acquis, celui-ci ayant été rebaptisé et ayant fait l’objet d’une promotion sous cette nouvelle dénomination
– cette absence de confusion conduit à l’absence de faute de concurrence déloyale, outre que M. [V] ne justifie d’aucune activité concurrente aux leurs, ne démontre pas avoir développé un savoir-faire ou une notoriété particulière, ceux invoqués étant attachés au logiciel acquis, et les actes qui leur sont reprochés s’inscrivant dans le développement du logiciel et de la clientèle acquise lors de la liquidation de la société du demandeur, en sorte qu’aucune faute de parasitisme n’est constituée
– les demandes au titre du droit à l’image sont soumises à une condition d’urgence dont la démonstration fait défaut, outre que la vidéo litigieuse a été supprimée du site le 28 février 2024
– subsidiairement, la marque invoquée n’est plus exploitée et les préjudices invoqués, tant au titre de la contrefaçon que de la concurrence déloyale ou parasitaire ne sont pas démontrés.
Elles demandent reconventionnellement la production par le demandeur de tout justificatif de la réalité et de la nature exacte de son activité professionnelle sous astreinte, en raison de l’opacité des pièces produites à cet égard et de ce qu’il semble que ce soit M. [V] lui-même qui tente désormais de se placer dans leur sillage.
I – Sur la fin de non-recevoir
Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
L’article 32 du même code précise qu’est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.
Selon l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L’action en concurrence déloyale, qui implique l’existence d’une faute commise par une personne au préjudice d’une autre, peut être mise en œuvre quel que soit le statut juridique de la victime de la faute alléguée (en ce sens Cass. com 12 mai 2021, n° 19-17.942).
Au cas présent, M. [V] établit son inscription au répertoire Sirene en qualité d’entrepreneur individuel depuis le 16 novembre 2022 pour des activités de conseil pour les affaires et conseils de gestion (sa pièce n° 13) et son avis d’imposition 2024 (sa pièce n° 20) mentionne qu’il a déclaré 19 473 euros au titre des bénéfices non commerciaux professionnels.
Ces pièces suffisent à démontrer qu’il exerce une activité indépendante susceptible d’être atteinte par une concurrence déloyale ou parasitaire et il justifie, de ce fait, son intérêt à agir à ce titre.
La fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de M. [V] en concurrence déloyale et en parasitisme sera, en conséquence, écartée.
II – Sur les demandes principales en contrefaçon vraisemblable
L’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose qu’est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services:1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.
L’article L.713-6 alinéa 1 du même code prévoit qu’une marque ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires, conformément aux usages loyaux du commerce : (…) 3° De la marque pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire de cette marque, en particulier lorsque cet usage est nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoire ou pièce détachée.
Interprétant les dispositions de la directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques, dont l’article L.713-6 précité est une transposition, la Cour de justice des communautés européennes (devenue CJUE) a dit pour droit que : 1°) l’usage de la marque par un tiers qui n’en est pas le titulaire est nécessaire pour indiquer la destination d’un produit commercialisé par ce tiers lorsqu’un tel usage constitue en pratique le seul moyen pour fournir au public une information compréhensible et complète sur cette destination afin de préserver le système de concurrence non faussé sur le marché de ce produit.Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si, dans l’affaire au principal, un tel usage est nécessaire, en tenant compte de la nature du public auquel est destiné le produit commercialisé par le tiers en cause.
L’article 6, paragraphe 1, sous c), de la directive 89/104 ne faisant aucune distinction entre les destinations possibles des produits lors de l’appréciation du caractère licite de l’utilisation de la marque, les critères d’appréciation du caractère licite de l’utilisation de la marque, notamment en ce qui concerne des accessoires ou pièces détachées, ne sont donc pas différents de ceux qui sont applicables aux autres catégories de destinations possibles des produits.
2°) La condition d’ »usage honnête », au sens de l’article 6, paragraphe 1, sous c), de la directive 89/104, constitue en substance l’expression d’une obligation de loyauté à l’égard des intérêts légitimes du titulaire de la marque.
L’usage de la marque n’est pas conforme aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale, notamment lorsque :
– il est fait d’une manière telle qu’il peut donner à penser qu’il existe un lien commercial entre le tiers et le titulaire de la marque;
– il affecte la valeur de la marque en tirant indûment profit de son caractère distinctif ou de sa renommée;
– il entraîne le discrédit ou le dénigrement de ladite marque,
– ou que le tiers présente son produit comme une imitation ou une reproduction du produit revêtu de la marque dont il n’est pas le titulaire.
Le fait qu’un tiers utilise la marque dont il n’est pas le titulaire afin d’indiquer la destination du produit qu’il commercialise ne signifie pas nécessairement qu’il présente celui-ci comme étant d’une qualité égale ou comme ayant des caractéristiques équivalentes à celles du produit revêtu de cette marque. Une telle présentation dépend des faits de l’espèce et il appartient à la juridiction de renvoi d’en apprécier l’existence éventuelle en fonction des circonstances de l’affaire au principal.
L’éventualité d’une présentation du produit commercialisé par le tiers comme étant d’une qualité égale ou comme ayant des caractéristiques équivalentes à celles du produit de la marque dont il est fait usage constitue un élément que la juridiction de renvoi doit prendre en considération lorsqu’elle vérifie que cet usage est fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale.
3°) Dans le cas où un tiers utilisant une marque dont il n’est pas le titulaire commercialise non seulement une pièce détachée ou un accessoire, mais aussi le produit même avec lequel l’utilisation de la pièce détachée ou de l’accessoire est prévue, un tel usage entre dans le champ d’application de l’article 6, paragraphe 1, sous c), de la directive 89/104 pour autant qu’il soit nécessaire pour indiquer la destination du produit commercialisé par celui-ci et qu’il soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale ».
Selon l’article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon. (…) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente.
Le caractère vraisemblable de l’atteinte alléguée dépend, d’une part, de l’apparente validité du titre sur lequel se fonde l’action et, d’autre part, de la vraisemblance de la contrefaçon alléguée.
Ces dispositions s’interprètent à la lumière de celles de la directive 2015/2436 CE du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, dont elles réalisent la transposition et dont il résulte qu’en matière de contrefaçon par imitation, il y a lieu de rechercher si, au regard d’une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits ou services désignés, il existe un risque de confusion dans l’esprit du consommateur moyen concerné. Ce risque de confusion doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. En ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en cause, cette appréciation doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants (principe constant établi par la CJCE 11 novembre 1997, affaire C-251/95, arrêt Sabel Puma).
En l’espèce, la validité apparente de la marque semi-figurative française “KoalaME” n° 4391656 n’est pas sujette à remise en question par les défenderesses et résulte des justificatifs produits par M. [V] qui établit que sa validité est en cours et qu’il en est titulaire (ses pièces n° 2 et 2.1).
Le public pertinent en cause est constitué des entrepreneurs individuels ou professionnels exerçant une activité non salariée nécessitant le recours à un logiciel de comptabilité (conclusions de M. [V] page 16). Ce public est large, mais s’agissant de professionnels ayant recours à un logiciel payant (pièces M. [V] n° 6 et 14), son attention est relativement élevée.
Au soutien de la vraisemblance de la contrefaçon alléguée, M. [V] verse aux débats un procès-verbal de constat de commissaire de justice du 22 août 2023 (sa pièce n° 6) duquel il résulte que le signe “KoalaME” est mentionné à l’adresse sur internet et sur les réseaux sociaux aux adresses , . Il produit, également, des captures d’écran du 2 août 2024 et des copies de courriels du 10 août 2023 non contestées mentionnant l’usage du signe “KoalaME” (ses pièces n° 7, 8 et 21).
L’usage de ce signe dans la vie des affaires, au sens des dispositions précitées, est, de ce fait, suffisamment établi et les défenderesses ne discutent pas le fait que cet usage a lieu à titre de marque.
Le signe “KoalaME” litigieux est similaire à la marque n° 4391656 opposée, compte tenu qu’il est composé du même élément verbal. Les similitudes visuelle, auditive et conceptuelle sont fortes compte tenu de la reproduction à l’identique de l’élément verbal de la marque n° 4391656.
Ce signe est utilisépour commercialiser des services de gestion d’entreprise et de comptabilité (pièce M. [V] n° 6).
La marque semi-figurative française “KoalaME” n° 4391656 invoquée a été déposée, notamment pour des services de comptabilité, en particulier tenue de livres, comptabilité informatisée, services de conseil et d’information en matière de comptabilité, services de conseils en matière de comptabilité d’entreprises, services informatisés de comptabilité et service de gestion informatisée de fichiers (pièce M. [V] n° 2).
Les services de gestion d’entreprise et de comptabilité commercialisés sur internet et promus sur les réseaux sociaux précités sont des services identiques aux services visés en classe 35 de la marque n° 4391656 invoquée.
Toutefois, il ressort du procès-verbal de constat, des captures d’écran et des courriels précités que les usages critiqués par le demandeur du signe litigieux sont libellés ainsi : “KoalaMe devient The Good Count”, “(…) The Good Count n’appartient plus à une entreprise lucrative avec ses impératifs de rentabilité (KoalaME) mais désormais à l’association Freelance Care (…)”, “The Good Count (ex KoalaME)”, “KoalaME devient The Good Count”, “KoalaME revient définitivement et devient The Good Count”, “Koala ME is back et devient The Good Count”, “on est la nouvelle team qui gère l’outil de compta que tu as connu sous le nom de Koala ME et on a une bonne nouvelle pour vous ! Après 6 mois d’absence, Koala ME revient définitivement sous le nom The Good Count (…)”, “vous recevez cet email car vous étiez un utilisateur du logiciel de comptabilité Koala ME (…)” (pièces M. [V] n° 6, 7, 8 et 21).
Or, il n’est pas contesté et il ressort des pièces produites aux débats par les défenderesses que la société [X] a acquis le logiciel KoalaME, le fichier clients et le fichier prospects dépendant de l’actif de la liquidation judiciaire de la société KoalaME le 19 décembre 2022.
Ainsi, les mentions critiquées visent à informer le public pertinent, dont l’attention est relativement élevée, du changement de propriétaire du logiciel de gestion comptable qu’ils utilisaient ou qu’ils sont susceptibles d’utiliser. Chacune des mentions critiquées prend soin de désigner le logiciel KoalaME et son existence antérieure pour le relier à sa nouvelle dénomination ou à sa reprise par un nouveau propriétaire. Ces usages sont, pour toutes ces raisons, exempts de tout risque de confusion ou, à tout le moins, relèvent de l’exception de référence nécessaire au sens des dispositions de l’article L.713-6 du code de la propriété intellectuelle précitées.
Il s’en déduit que la vraisemblance de la contrefaçon alléguée n’est pas démontrée. Les demandes de M. [V] à ce titre seront, en conséquence, rejetées.
III – Sur les demandes principales fondées sur l’atteinte à la renommée
Aux termes de l’article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d’un signe identique ou similaire à la marque jouissant d’une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice.
Une marque est considérée comme étant renommée lorsqu’elle est connue d’une fraction significative du public concerné par les produits visés à l’enregistrement et qu’elle exerce un pouvoir d’attraction propre indépendant des produits ou services qu’elle désigne, ces conditions devant être réunies au moment des atteintes alléguées. Sont notamment pris en compte l’ancienneté de la marque, son succès commercial, l’étendue géographique de son usage et l’importance du budget publicitaire qui lui est consacré, son référencement dans la presse et sur internet, l’existence de sondages ou enquêtes de notoriété attestant de sa connaissance par le consommateur, des opérations de partenariat ou de mécénat ou encore éventuellement, de précédentes décisions de justice. Ces critères ne sont pas cumulatifs, mais appréciés dans leur globalité et le titulaire d’une marque enregistrée peut, aux fins d’établir le caractère distinctif particulier et la renommée de celle-ci, se prévaloir de preuves de son utilisation sous une forme différente en tant que partie d’une autre marque enregistrée et renommée, à condition que le public concerné continue à percevoir les produits en cause comme provenant de la même entreprise (CJCE 6 oct 2009, PAGO international c/ Tirolmilchregistrierte Genossenschaft, C-301/07, point 25 ; TUE 5 mai 2015, Spa Monopole c/ OHMI et Orly International T 131/12, point 33).
L’atteinte portée à la renommée suppose que le public concerné établisse un lien entre les marques en litige, alors même qu’il ne les confond pas, et l’existence de ce lien doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et selon divers critères tirés du degré de similitude entre les marques, de la nature des produits et services visés à leur enregistrement, de l’intensité de la renommée et du caractère distinctif de la marque antérieure ainsi que du risque de confusion (en ce sens Cass. com., 7 juin 2016, n° 14-16.885).
La protection suppose donc la démonstration d’un lien entre la marque antérieure et le signe contesté et non celui d’un risque de confusion. Ce lien résulte d’un certain degré de similitude entre les marques antérieure et postérieure, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre ces deux marques, alors même qu’il ne les confond pas (CJCE, 10 juill. 2003, Adidas, C-408/01). Le lien est donc établi si la marque postérieure évoque la marque antérieure renommée dans l’esprit du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (CJUE, 27 nov. 2008, Intel Corporation, C-252/07).
En l’occurrence, au soutien de la renommée de la marque semi-figurative française “KoalaME” n° 4391656, M. [V] produit plusieurs publications évoquant la création du logiciel KoalaME (ses pièces n° 14 page 30, 15 page 8, 16 page 4, 17 pages 1 à 2) ou la société qu’il a fondée (sa pièce n° 16 page 1 et 2). La seule référence à la marque semi-figurative invoquée se trouve en page 4 de sa pièce n° 17 correspondant à une publication intitulée “J’aime les startups” dont l’audience auprès du public pertinent n’est pas évoquée.
Il résulte de l’ensemble que M. [V] ne démontre pas que sa marque n° 4391656 exerce un pouvoir d’attraction propre indépendant des produits ou services qu’elle désigne.
Ses demandes fondées sur l’atteinte à la renommée de la marque semi-figurative française “KoalaME” n° 4391656 seront, en conséquence, rejetées.
IV – Sur les demandes principales fondées sur l’atteinte au nom
L’article 9 du code civil dispose que chacun a droit au respect de sa vie privée.Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé.
En application de l’article 835 du même code, le juge des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le droit dont la personne dispose sur son image porte sur sa captation, sa conservation, sa reproduction et son utilisation, et la seule constatation d’une atteinte ouvre droit à réparation (en ce sens Cass. soc., 19 janvier 2022, n° 20-12.420).
Au cas présent, la circonstance que M. [V] justifie ou non l’urgence de sa demande est inopérant, s’agissant d’une demande annexe à sa demande principale en contrefaçon vraisemblable non soumise à une telle condition.
Le procès-verbal de constat de commissaire de justice du 22 août 2023 qu’il verse aux débats établit que le site internet comporte une vidéo durant quatre minutes et dix-sept secondes et portant sur une démonstration du logiciel “KoalaME”, expressément cité, par M. [V] (ses pièces n° 6 page 5 et 9).
Les autres pièces produites établissent que ce site internet est édité par la société [X] et exploité par l’association Freelance Care (pièces M. [V] n° 4, 6 et 7 ; pièce [X] et autres n° 20). En revanche, aucune pièce n’établit la responsabilité de la société Nostrum Care dans cette publication.
Si la publication de cette vidéo a pu être autorisée, voire avoir lieu à l’initiative de M. [V], du temps où la société KoalaME exploitait le logiciel “KoalaME”, la société [X] et l’association Freelance Care, sur lesquelles pèse la charge de cette preuve, ne démontrent pas avoir été autorisées à la diffuser à nouveau, ni n’établissent que cette vidéo faisait partie des actifs acquis lors de la liquidation de la société KoalaME.
La diffusion de cette vidéo sans autorisation préalable par la société [X] et l’association Freelance Care est, dès lors, fautive et engage indistinctement leur responsabilité à l’égard de M. [V].
La société [X] et l’association Freelance Care démontrent, par ailleurs, que l’accès à cette vidéo sur leur site internet a été supprimé le 28 février 2024 (leur pièce n° 19), en sorte que sa diffusion a eu lieu, à tout le moins, durant six mois et six jours.
Cette faute a causé à M. [V] un préjudice tirée de l’atteinte à son image qui sera réparé par l’allocation de 1000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels que la société [X] et l’association Freelance Care seront condamnées in solidum à payer, le surplus invoqué par M. [V] au titre de son préjudice économique n’étant étayé d’aucune pièce.
La publication litigieuse ayant cessé, sa demande d’en faire cesser la diffusion est sans objet.
V – Sur les demandes principales et subsidiaires fondées sur la concurrence déloyale et le parasitisme
Aux termes des articles 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Selon l’article 1241 du même code, chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu’un signe ou un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l’absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d’un risque de confusion sur l’origine du produit dans l’esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.
L’appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté de l’usage, l’originalité et la notoriété de la prestation copiée (en ce sens Cass. com., 10 juillet 2018, n°16-23.694).
Le parasitisme, qui n’exige pas de risque de confusion, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (en ce sens Cass. com., 10 juillet 2018, n° 16-23.694).
Il appartient à celui qui se prétend victime d’actes de parasitisme d’identifier la valeur économique individualisée qu’il invoque (en ce sens Cass. com., 26 juin 2024, n° 23-13.535).
Conformément à l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En application de l’article 835 du même code, le juge des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
S’agissant de la demande principale de M. [V] en concurrence déloyale et parasitaire, les pièces précédemment analysées matérialisent la diffusion sur le site internet , édité par la société [X] et exploité par l’association Freelance Care, entre le 22 août 2023 et le 28 février 2024, d’une vidéo de quatre minutes et dix-sept secondes et portant sur une démonstration du logiciel “KoalaME” par M. [V] (pièces M. [V] n° 6, 7 et 9 ; pièce [X] n° 19).
Toutefois, cette vidéo renvoit à la société KoalaME liquidée et au logiciel racheté par la société [X]. De plus M. [V] affirme lui-même ne plus utiliser ce logiciel ni un outil comparable (ses conclusions page 22). Ainsi, aucun risque de confusion n’est caractérisé.
M. [V] n’établit pas plus la valeur économique individualisée dont il prétend qu’elle a été parasitée.
De même, les faits précédemment analysés au titre de la demande en contrefaçon vraisemblable ne constituent pas une faute de concurrence déloyale, les usages du signe que vise M. [V] relevant de l’information des clients actuels ou potentiels du logiciel “The Good Count” antérieurement connu sous la dénomination “KoalaME” et relevant, de ce fait, des usages normaux et loyaux du commerce.
En conséquence, ses demandes à ce titre, tant à titre principal que subsidiaire, seront rejetées.
Les constatations opérées rendent également infondée la demande reconventionnelle des sociétés [X] et Nostrum Care et de l’association Freelance Care en production de pièces de M. [V], outre que cette demande est appuyée par un moyen inopérant dans la mesure où il est tiré d’une concurrence déloyale hypothétique.
VI – Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
VI.1 – S’agissant des frais du procès
En application de l’article 491 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés statue sur les dépens.
Aux termes de l’article 696 du même code, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
L’article 700 du même code dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
La société [X] et l’association Freelance Care, parties perdantes à l’instance, seront condamnées in solidum aux dépens.
Parties tenues aux dépens, elles seront condamnées in solidum à payer 3000 euros à M. [V] au titre des frais non compris dans les dépens.
Compte tenu du rejet de toutes les demandes de M. [V] à l’encontre de la société Nostrum Care, celui-ci sera condamné à lui payer 1000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.
V.2 – S’agissant de l’exécution provisoire
En application de l’article 514-1 du code de procédure civile, par exception, le juge ne peut écarter l’exécution provisoire de droit lorsqu’il statue en référé, qu’il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l’instance, qu’il ordonne des mesures conservatoires ainsi que lorsqu’il accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état.
Le juge des référés :Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort ,
Écarte la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés Nostrum Care, [X] et l’association Freelance Care tirée du défaut d’intérêt à agir de M. [V] en concurrence déloyale et en parasitisme ;
Rejette les demandes principales de M. [V] en contrefaçon vraisemblable et en atteinte à la renommée de la marque semi-figurative française “KoalaME” n° 4391656 ;
Condamne in solidum la société [X] et l’association Freelance Care à payer 1000 euros à M. [V] à titre de dommages et intérêts provisionnels en réparation de l’atteinte à son image ;
Rejette le surplus des demandes de M. [V] en atteinte à son image ;
Rejette les demandes principales et subsidiaires de M. [V] en concurrence déloyale et en parasitisme ;
Rejette la demande reconventionnelle des société [X] et Nostrum Care et de l’association Freelance Care en production de pièces ;
Condamne in solidum la société [X] et l’association Freelance Care aux dépens ;
Condamne in solidum la société [X] et l’association Freelance Care à payer 3000 euros à M. [V] en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [V] à payer 1000 euros à la société Nostrum Care en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Fait à Paris le 26 novembre 2024
Le Greffier, Le Président,
Minas MAKRIS Jean-Christophe GAYET
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