Concordance de parfums et contrefaçon : Tribunal de Grande Instance de Paris, 5 avril 2018, 2017/00613

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Concordance de parfums et contrefaçon : Tribunal de Grande Instance de Paris, 5 avril 2018, 2017/00613

L’Essentiel : Le Tribunal de Grande Instance de Paris a rendu un jugement le 5 avril 2018 concernant une affaire de contrefaçon impliquant la SAS Yves Saint Laurent Parfums et M. Jean Louis C. La société a accusé M. C de vendre des parfums contrefaits, notamment « La Nuit de l’Homme » et « Manifesto », en utilisant des dépliants trompeurs. Le tribunal a examiné les preuves fournies par la SAS, notamment des constats d’huissier, mais a finalement débouté la société de ses demandes, concluant qu’elle n’avait pas démontré l’existence d’une contrefaçon. M. C a également été débouté de ses propres demandes.

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 05 avril 2018

3ème chambre 1ère section N° RG : 17/00613

Assignation du 03 janvier 2017

DEMANDERESSE S.A.S. YVES SAINT LAURENT PARFUMS, prise en la personne de ses représentants légaux Siège social : 7 avenue George V 75008 PARIS représentée par Maître Stéphane GUERLAIN de la SEP ARMENGAUD – GUERLAIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W0007

DÉFENDEUR Monsieur Jean Louis C représenté par Me Jacinthe RICHAUD, avocat postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1985 & Me Audrey BAGARRI, avocat plaidant, avocat au barreau de Grasse,

COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Christine C, Vice-Présidente Gilles B, Vice-président Aurélie J, Juge assistée de Marie-Aline P, Greffier

DÉBATS À l’audience du 05 février 2018 tenue en audience publique

JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE La SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS, immatriculée le 30 mai 1984, qui a notamment pour activité la fabrication et la vente de parfums et produits de toilette, est titulaire de la marque verbale de l’Union européenne YVES SAINT LAURENT, déposée le 25 juin 2007 à l’OHM, sous le n°006036289, enregistrée le 22 mai 2008, pour les produits et services de classe 3, dont les parfums.

Exposant que M. Jean Louis C, distribuait un dépliant portant sur une offre commerciale relative à la vente d’eaux de parfums présentées comme des  » Fonds de cuve de Grasse « , sous la forme d’un tableau Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

de concordance comprenant de nombreux parfums, dont LA NUIT DE L’HOMME d’YVES SAINT LAURENT et MANIFESTO d’YVES SAINT LAURENT, la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS, se fondant sur des constats d’huissier de justice établis à l’initiative de la SA L’OREAL, par Me Denis CALIPPE, les 12 février 2016, 1er mars 2016, 25 avril 2016 et 17 mai 2016, et estimant que de tels agissements étaient constitutifs de contrefaçon de marque, a fait assigner M. Jean Louis C, par exploit d’huissier de justice du 03 janvier 2017, devant le tribunal de grande instance de Paris.

Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 11 janvier 2018, la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS demande au tribunal, au visa des articles 10 2 a) de la Directive 2015/2436, L.713-2, L. 713-5, L.717-1, L.716-10d), L.716-14 du code de la propriété intellectuelle, L. 122-1 et L. 122-2 du code de la consommation, 1240 du code civil, et 6 de la CEDH, et sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :

– débouter M. C de ses demandes,

– dire et juger valables les procès-verbaux de constats d’huissier de justice des 12 février, 1er mars, 25 avril et 17 mai 2017,

– dire et juger que M. C s’est rendu coupable d’actes de contrefaçon par reproduction de la marque YVES S AINT LAURENT,

– dire et juger que M. C s’est rendu coupable d’actes de contrefaçon par substitution de produits de la marque YVES SAINT LAURENT,

– dire et juger que M. C s’est rendu coupable d’atteinte à la marque renommée YVES SAINT LAURENT,

– dire et juger que M. C s’est rendu coupable de publicité comparative illicite,

– dire et juger que M. C s’est rendu coupable d’actes de concurrence déloyale et d’agissements parasitaires,

En conséquence – faire défense à M. C de faire usage de la marque YVES SAINT LAURENT sous quelque support que ce soit, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard et/ou par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir,

– condamner M. C à payer une indemnité de 50.000 euros en réparation des actes de contrefaçon par reproduction commis au préjudice de la société demanderesse,

– condamner M. C à payer la somme de 50.000 euros au titre de l’atteinte à la marque renommée, Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

– condamner M. C à payer une indemnité de 50.000 euros en réparation des actes de contrefaçon par substitution commis au préjudice de la société demanderesse,

– condamner M. C à payer une indemnité de 50.000 euros au titre de la publicité comparative illicite,

– condamner M. C à payer 50.000 euros au titre de la concurrence déloyale et 50.000 euros au titre des agissements parasitaires,

– dire et juger que le tribunal sera compétent pour connaître de la liquidation des astreintes qu’il aura prononcées,

– ordonner la publication du jugement à intervenir dans cinq journaux ou revues au choix de la demanderesse, à raison de 10.000 euros HT par insertion, aux frais de M. C et ce, au besoin à titre de complément de dommages et intérêts,

– dire et juger que les condamnations porteront sur tous les faits de contrefaçon commis jusqu’à la date du jugement à intervenir,

– condamner M. C au paiement de la somme de 7.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens, le coût des procès-verbaux de constats d’huissier de justice devant être mis à sa charge.

Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 22 janvier 2018, M. Jean Louis C demande au tribunal, au regard des articles 56 du code de procédure civile, 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du code de procédure civile, et l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 janvier 2017, de :

– rejeter les demandes, fins et conclusions de la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS,

– constater que la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS n’a pas respecté les prescriptions de l’article 56 du code de procédure civile en ce qu’elle n’a pas accompli de tentative de règlement amiable du différend préalablement à l’introduction de l’instance,

À titre liminaire, – constater la nullité des procès-verbaux de constats d’huissier de justice versés aux débats par la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS

– dire et juger que ces procès-verbaux devront être écartés des débats,

– constater, en conséquence, que la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS est défaillante dans la démonstration de ses prétentions, Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

– à titre subsidiaire, si par extraordinaire, le tribunal venait à considérer que les procès-verbaux de constat d’huissier constituent une preuve loyale,

– constater que la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS ne rapporte pas la preuve que M. C soit l’expéditeur des emails et de la marchandise reçue,

– constater, en conséquence, que la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS est défaillante dans la démonstration de ses prétentions,

À titre infiniment subsidiaire, – constater que le montant des condamnations requises est largement disproportionné et injustifié,

– limiter le montant des condamnations à la somme d’un euro symbolique en l’absence de préjudice réellement subi par la requérante,

En tout état de cause, – condamner la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS à verser à M. C la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2018. Le présent jugement, susceptible d’appel, est contradictoire, par application de l’article 467 du code de procédure civile.

MOTIFS DU JUGEMENT

1/ Sur la violation de l’article 56 du code de procédure civile :

M. Jean Louis C soutient que la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS n’aurait pas respecté les dispositions de l’article 56 du code de procédure civile, celle-ci n’ayant pas tenté de résoudre amiablement le litige préalablement à l’introduction de l’instance.

La SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS oppose qu’elle n’était pas tenue de proposer une résolution amiable du litige avant d’agir en justice.

Sur ce

L’article 56 du code de procédure civile dispose que l’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice de justice : 1- L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ; 2- L’objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit ; 3- L’indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire ; 4- Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier. Elle comprend en outre l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé.

Sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public, l’assignation précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.

La SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS oppose que la nature du litige et l’urgence tendant à la cessation des actes de contrefaçon incriminés justifiaient l’absence de démarches amiables préalables à la délivrance de l’assignation.

Par ailleurs, M. Jean Louis C ne demande pas au tribunal de prononcer la nullité de l’assignation pour violation de l’article 56 du code de procédure civile, et ne tire aucune conséquence juridique réelle du manquement invoqué.

Aussi, le tribunal n’est saisi d’aucune demande au titre de la violation alléguée, étant précisé, en toute hypothèse, que l’appréciation de la nullité de l’assignation relève de la compétence exclusive du juge de la mise en état en application de l’article 771 du code de procédure civile. Une telle demande serait donc irrecevable devant le tribunal, les dispositions dont la violation est alléguée n’étant pas au demeurant prescrites à peine de nullité.

2/ Sur la demande de nullité des procès-verbaux de constat formée par M. Jean Louis C

M. Jean Louis C demande au tribunal de déclarer nuls les procès- verbaux de constat d’huissier de justice dressés les 12 février 2016,1er mars 2016, 25 avril 2016 et 17 mai 2016 et de les écarter des débats.

Il expose que ces procès-verbaux visent à constater dans un premier temps la prise de contact avec le contrefacteur et dans un second temps la réception de la marchandise, qui ont été établis par l’intermédiaire d’e-mails envoyés depuis la boîte e-mail de Mme Caroline N qui est, en réalité, l’élève avocat en stage au sein du cabinet du conseil de la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS, et qu’une telle administration de la preuve ne saurait, au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, être en adéquation avec les exigences de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de l’article 9 du code de procédure civile et du principe de loyauté dans l’administration de la Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

preuve dès lors que l’huissier de justice n’a pas été assisté par une personne indépendante de la partie requérante.

La SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS réplique que la Convention européenne des droits de l’homme n’impose pas qu’un tel mode de preuve soit exclu, la Cour européenne des droits de l’homme considérant que l’admissibilité des preuves en tant que telles relève en premier chef du droit interne des États ; que les procès-verbaux litigieux ne peuvent être exclus par principe et in abstracto et que rien n’interdit d’utiliser des moyens de preuve qui pourraient être obtenus à l’insu de la personne concernée, une telle utilisation ne heurtant ni le droit au procès équitable, prévu à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, ni le principe de loyauté de la preuve, les procès-verbaux litigieux étant soumis au débat contradictoire des parties. La SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS rappelle que l’huissier de justice a constaté lui-même les achats par l’avocat stagiaire et qu’aucune déloyauté ne peut être suspectée, la mise en place d’un quelconque stratagème n’étant pas alléguée par M. Jean Louis C. Enfin, elle ajoute que l’arrêt visé par le défendeur de la Cour de cassation du 15 janvier 2017 ne présente aucun caractère rétroactif et ne peut régir les opérations de constats litigieuses, étant précisé que l’arrêt du 15 janvier 2017 visait un cas d’espèce différent, un achat ayant été effectué dans un magasin hors de la vue de l’huissier.

Sur ce

La demande de nullité des procès-verbaux de constats d’huissier de M. Jean Louis C ne repose pas sur le fondement de la nullité des actes de procédure pour vice de forme prévue par les articles 112 et suivants du code de procédure civile, ni sur celui de la nullité des actes de procédure pour irrégularité de fond régie par les articles 117 et suivants dudit code.

À cet égard, la critique faite ne porte pas sur une irrégularité formelle affectant les procès-verbaux litigieux, pas plus que sur un quelconque défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne figurant au procès.

Se prévalant des dispositions des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et 9 du code de procédure civile, M. Jean Louis C soutient que les procès-verbaux litigieux ne seraient pas admissibles en ce qu’ils seraient contraires au principe de la loyauté dans l’administration de la preuve.

L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme garantit le droit à un procès équitable.

Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

La Cour européenne des droits de l’homme, aux termes de son arrêt SCHENK c. SUISSE du 12 juillet 1988, rappelle que, si la Convention européenne des droits de l’homme garantit en son article 6 le droit à un procès équitable, elle ne réglemente pas pour autant l’admissibilité des preuves en tant que telle, matière qui dès lors relève au premier chef du droit interne.

Aux termes de l’article 1er de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, les huissiers de justice peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter. Sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements, ces constatations font foi jusqu’à preuve contraire.

Il n’est pas contesté qu’en l’espèce, l’huissier de justice ayant procédé aux constats litigieux a été saisi par Mme N, stagiaire avocat au cabinet conseil de la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS laquelle a procédé à l’achat et à la réception des parfums qualifiés de contrefaisants.

Or, la seule circonstance que la personne assistant l’huissier de justice ait la qualité d’avocat stagiaire du conseil de la demanderesse est sans incidence sur la validité de l’administration de la preuve, au regard des textes susvisés, dès lors qu’hors la preuve d’un stratagème déloyal de nature à influer sur ses opérations, l’huissier de justice a pu constater lui-même tous les faits qu’il relate dans ses procès-verbaux de constats.

Il est rappelé que l’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 25 janvier 2017 évoqué par M. Jean Louis C, aux termes duquel la Cour de cassation retient que le droit à un procès équitable consacré par l’article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme commande que la personne qui assiste l’huissier instrumentaire lors de l’établissement d’un procès-verbal de constat soit indépendante de la partie requérante, a statué dans un cas où la personne assistant l’huissier de justice a pénétré seule dans deux magasins avant d’en ressortir avec des pantalons litigieux, ce qui implique que l’huissier de justice n’a pas assisté à la vente qu’il relate dans son constat.

Or, non seulement aucun stratagème déloyal n’est allégué par M. Jean Louis C, mais à la différence de la précédente affaire soumise à la censure de la Cour de cassation, Mme N n’a, à aucun moment, effectué des opérations matérielles qui n’ont pu être vérifiées par l’huissier de justice, qui a pu ainsi s’assurer de l’absence de tout stratagème de sa part, de sorte que l’absence d’indépendance de la personne assistant l’huissier, à la supposer établie s’agissant d’une stagiaire et non d’un salarié du cabinet d’avocat ou de la société requérante, est sans incidence sur la loyauté de la preuve obtenue. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

À cet égard, aux termes des différents procès-verbaux établis, l’huissier de justice s’est borné à constater, sur la messagerie personnelle de Mme N, deux commandes effectuées par elle par emails à l’adresse  » […]  » portant sur les parfums FUEL FOR LIFE de Diesel, MANIFESTO de Yves Saint Laurent, ARMANI CODE de Giorgio Armani, LA NUIT DE L’HOMME de Yves Saint Laurent, TRESOR de Lancôme et LA VIE EST BELLE de Lancôme.

L’huissier de justice a relevé les réponses qui lui ont été faites par e- mails à partir de l’adresse susvisée sollicitant des informations complémentaires pour la vente et le paiement, constaté les règlements effectués par chèque par Mme N et la livraison de six flacons.

Aussi, l’huissier de justice ayant personnellement constaté les faits relatés dans ses procès-verbaux de constats, hors de tout stratagème déloyal, il n’existe aucun motif légitime justifiant de les écarter des débats.

La demande de M. Jean Louis C tendant à voir déclarer nuls les procès-verbaux de constats d’huissier de justice sera donc rejetée.

3/ Sur la contrefaçon

Sur la contrefaçon par reproduction

La société SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS soutient que les différentes constatations effectuées par l’huissier de justice établissent incontestablement l’existence d’une contrefaçon par reproduction de la marque YVES SAINT LAURENT à son préjudice, en tant que titulaire de cette marque, les signes en présence étant identiques, tandis que le consommateur moyen ne peut que considérer que les parfums vendus par le biais de l’adresse internet  » […]  » sont des parfums authentiques soldés des marques concernées.

La SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS expose que la contrefaçon alléguée doit être imputée à M. Jean Louis C. Elle fait valoir que M. Jean Louis C est à l’évidence à l’origine de la commercialisation des produits contrefaisants par l’émission des bons de commande, qu’il a été bénéficiaire des paiements qu’il a nécessairement encaissés, et qu’il est désigné comme l’expéditeur des parfums.

Sur le préjudice, la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS soutient que ces actes de contrefaçon banalisent et dévalorisent la marque YVES SAINT LAURENT; que les flacons dépourvus de toute marque et présentés comme contenant des parfums authentiques portent nécessairement atteinte à l’image d’exclusivité et de luxe attachée à la marque protégée ; qu’enfin, M. Jean Louis C bénéficie indûment de la notoriété de ladite marque, profitant ainsi des investissements considérables réalisés pour la promotion de celle-ci. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

M. Jean Louis C fait valoir qu’il n’a jamais commercialisé le produit allégué de contrefaisant; qu’il n’en a pas été l’expéditeur, que les mails envoyés depuis l’adresse  » […]  » sont signés par Ricco T, qu’il ne connaît pas, et que son nom n’apparaît pas dans l’identification des mails ; que l’adresse mentionnée dans le cadre des échanges ne correspond pas à celle figurant sur son extrait k.bis de commerçant de détail sur éventaires et marchés ; qu’il n’exerce son activité que sous son seul nom. Il conteste être à l’origine des bons de commande et indique qu’il n’a toujours été domicilié qu’au […] ; que la preuve n’est pas rapportée qu’il a encaissé le premier chèque de Mme N et qu’il ne peut être relié aux initiales MD pour le second paiement. Enfin, il ne s’explique pas comment la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS aurait eu connaissance des bons de commande.

Sur le préjudice allégué par la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS, M. Jean Louis C soutient qu’elle ne justifie d’aucun préjudice économique réel.

Sur ce

Conformément aux articles 9 « droit conféré par la marque de l’union européenne » et 9 ter « date de l’opposabilité du droit aux tiers » du Règlement (UE) 2015/2424 du 16 décembre 2015 modifiant notamment le Règlement CE n 207/2009 du 26 février 2009 sur la marque communautaire entrés en vigueur le 23 mars 2016 conformément à son article 4, la marque de l’Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif opposable aux tiers à compter de la publication de l’enregistrement de la marque. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires, d’un signe identique à la marque communautaire pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ou d’un signe identique ou similaire à la marque de l’Union européenne pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services

En vertu des dispositions combinées des articles 14 « application complémentaire du droit national en matière de contrefaçon » (non modifié), 101 « droit applicable » (modifié formellement) et 102 « sanctions » (modifié formellement) des Règlements (UE) 2015/2424 du 16 décembre 2015 et CE n 207/2009 du 26 février 2009, si les effets de la marque communautaire sont exclusivement déterminés par les dispositions du règlement, les atteintes à une marque de l’Union européenne et leurs sanctions sont régies par le droit national concernant les atteintes à une marque nationale.

À cet égard, conformément à l’article L 717-1 du code de propriété intellectuelle, constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 11 et 13 du règlement (CE) 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire désormais dite de l’Union européenne. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Et, conformément à l’article L 716-1 du code de la propriété intellectuelle, l’atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon, qui peut être prouvée par tout moyen en vertu de l’article L 716-7 du même code, engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L 713-2, L 713-3 et L 713-4 du même code.

Aux termes de l’article L 713-2 a) du code de propriété intellectuelle, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que  » formule, façon, système, imitation, genre, méthode « , ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement.

En l’espèce, il ressort des constatations faites par Me CALIPPE, huissier de justice, que le bon de commande suivant a été diffusé :

VENTE D’AUTHENTIQUES EAUX DE PARFUMS FONDS DE CUVE DE GRASSE

POUR CE. PARTICULIERS

26 euros LE FLACON DE 100 ML Vaporisateur, Port compris (bouteille en aluminium neutre)

SATISFAIT OU REMBOURSE

RÉFÉRENCES HOMMES Qua ntité 1- HABIT ROUGE Guerlain 42-LE MALE JP Gautier 55- HUGO H Boss 99- ONE MILLION P. Rabanne 122- TERRE D’HERMES Hermès 123-ARMANI CODE G Armani 125-BLEU Chanel 132- FUEL FOR LIFE Diesel 152- LA NUIT DE L’HOMME YSL 153-INVICTUSP. Rabanne Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

169- L’HOMME IDEAL Guerlain RÉFÉRENCES FEMMES Qua ntité 33-CHANEL N5 Chanel 50- TRESOR Lancôme 68-FLOWER Kenzo 91- MELLE COCO Chanel 117- BLACK XS P Rabanne 135-NINA Nina Ricci 141-LADY MILLION P Rabanne 144- LA PETITE ROBE NOIRE Guerlain 145- LA VIE EST BELLE Lancôme 150- MANIFESTO Yves Saint Laurent 151- COCO NOIR Chanel

TOTAL COMMANDE : 20 achetés, 1 gratuit :…..

ENVOYER VOS COMMANDES PAR FAX TRAITEMENT PLUS RAPIDE PAR MAIL RÈGLEMENT PAR CHEQUE : ordre C ADRESSE DE LIVRAISON + TEL + EMAIL :

Monsieur Jean Louis C […]

Par le biais de l’adresse internet […], les consommateurs étaient donc invités à commander des parfums de marques connues en récipients neutres.

Or, dans son arrêt Arsenal Football Club du 12 novembre 2002, la CJUE alors CJCE a précisé que le titulaire d’une marque enregistrée ne peut, en application de l’article 5§ 1 a) de la directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques devenue la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008, interdire l’usage par un tiers d’un signe identique à sa marque que si cet usage a lieu dans la vie des affaires sans le consentement du titulaire de la marque et porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services. En effet, la fonction essentielle de la marque Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

étant de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou service de ceux qui ont une autre provenance, le titulaire de la marque doit, pour que cette garantie de provenance puisse être assurée, être protégé contre les concurrents qui voudraient abuser de la position et de la réputation de la marque en vendant des produits indûment pourvus de celle-ci. À défaut d’atteinte aux fonctions de ses droits, l’utilisation du signe est, au plan du droit des marques, libre.

Si le bon de commande mentionne notamment les marques LA NUIT DE L’HOMME YSL et MANIFESTO Yves Saint Laurent, il est relevé que les termes « YSL » et « Yves Saint Laurent » apposés à côté des marques LA NUIT DE L’HOMME et MANIFESTO n’apparaissent pas l’être à titre de marque et désignent en réalité la gamme de produits à laquelle les marques LA NUIT DE L’HOMME et MANIFESTO sont rattachées.

La SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS ne démontre pas être titulaire des droits sur les marques LA NUIT DE L’HOMME et MANIFESTO, lesquelles appartiennent respectivement à la société L’OREAL UK LTD et à la société L’OREAL, celles-ci ayant formé au titre de ces marques une action en contrefaçon accueillie par le tribunal.

S’agissant de marques appartenant à des sociétés différentes, elles ne peuvent servir à garantir l’origine des parfums en cause qui bénéficient de leur propre garantie d’origine à titre de marques.

En conséquence, la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS ne démontre pas l’existence d’une contrefaçon par reproduction de la marque YVES SAINT LAURENT.

Sur la contrefaçon par substitution de produits

La SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS soutient que l’offre de vente du parfum litigieux est constitutive de contrefaçon par substitution de produits au sens de l’article L.716-10 d) du code de la propriété intellectuelle, les produis vendus par M. Jean Louis C n’étant pas authentiques.

M. Jean Louis C ne répond pas sur ce point.

Sur ce

L’article L.716-10 d) du code de la propriété intellectuelle dispose qu’est puni de trois ans d’emprisonnement et de 300.000 euros d’amende le fait pour toute personne de sciemment livrer un produit ou fournir un service autre que celui qui lui est demandé sous une marque enregistrée. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

La preuve n’étant pas rapportée que M. Jean Louis C aurait offert à la vente des produits de marque YVES SAINT LAURENT, le second motif de contrefaçon allégué sera écarté.

Les demandes indemnitaires formées par la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS ne peuvent donc prospérer.

4/ Sur les demandes formées par la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS au titre de l’atteinte à la marque renommée

La SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS soutient que les actes incriminés sont constitutifs d’une atteinte à la marque renommée YVES SAINT LAURENT, au sens des articles L.713-5 et L.717-1 du code de la propriété intellectuelle et de l’article 10 2 c) de la directive 2015/2436, et que M. Jean Louis C a, en prétendant vendre ce produit de marque par correspondance, indûment profité de sa notoriété.

M. Jean Louis C ne répond pas sur ce point, sauf à soutenir de manière générale que la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS n’a subi aucun préjudice.

Sur ce

En application de l’article 9§1 et 2c du Règlement (UE) 2017/1001 du parlement européen et du conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne, applicable à compter du 1er octobre 2017, qui a codifié et abrogé le règlement (CE) n207/2009 du conseil et ses modifications successives : « 1. L’enregistrement d’une marque de l’Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif. 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d’une marque de l’Union européenne, le titulaire de cette marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque : c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’Union et que l’usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l’Union européenne ou leur porte préjudice ».

En application de l’article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle, la reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Dans son arrêt General Motors Corporation et Yplon SA rendu le 14 septembre 1999, la CJUE alors CJCE a dit pour droit que l’article 5§2 de la première directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques doit être interprété en ce sens que, pour bénéficier d’une protection élargie à des produits ou à des services non similaires, une marque enregistrée doit être connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par elle. Elle précisait en outre que dans l’examen de cette condition, le juge national doit prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir.

En espèce, la preuve n’est pas rapportée par la demanderesse que la marque YVES SAINT LAURENT serait une marque renommée, aucune pièce n’étant produite sur ce point au regard des critères dégagés par la CJUE.

En toute hypothèse, il n’est pas établi que M. Jean Louis C aurait fait un usage à titre de marque du signe YVES SAINT LAURENT dans le cadre de la vente des produits mentionnés dans le bon de commande figurant dans les constatations de l’huissier.

Les demandes formées au titre de l’atteinte à la marque renommée seront donc rejetées.

5/ Sur la publicité trompeuse

La SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS soutient que la documentation commerciale de M. Jean Louis C présente les parfums qu’il propose à sa clientèle sous les marques litigieuses comme d’authentiques eaux de parfums provenant de fonds de cuves de Grasse et que cette publicité est trompeuse, dès lors que la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS ne dispose d’aucune unité de fabrication à Grasse.

M. Jean Louis C n’oppose aucun argument sur ce point.

Sur ce

L’article L. 121-1 du code de la consommation dispose que les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service. Le caractère déloyal d’une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d’une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

crédulité s’apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe. Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 121-6 et L. 121-7.

L’article L.121-2 dudit code prévoit qu’une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes : 1- Lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d’un concurrent ; 2- Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants : a) L’existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ; b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ; c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ; d) Le service après-vente, la nécessité d’un service, d’une pièce détachée, d’un remplacement ou d’une réparation ; e) La portée des engagements de l’annonceur, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ; f) L’identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ; g) Le traitement des réclamations et les droits du consommateur ; 3- Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre n’est pas clairement identifiable.

L’article 2 b) de la Directive 2006/114 du 12 décembre 2006 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative définit la publicité trompeuse comme « toute publicité qui, d’une manière quelconque, y compris sa présentation, induit en erreur ou est susceptible d’induire en erreur les personnes auxquelles elle s’adresse ou qu’elle touche et qui, en raison de son caractère trompeur, est susceptible d’affecter leur comportement économique ou qui, pour ces raisons, porte préjudice ou est susceptible de porter préjudice à un concurrent ».

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

M. Jean Louis C n’ayant pas offert à la vente des produits de la marque YVES SAINT LAURENT, la preuve n’est pas rapportée que M. Jean Louis C a été l’auteur de publicité trompeuse sur l’origine de fabrication du parfum commercialisé sous cette marque.

Les demandes formées à ce titre par la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS seront rejetées.

6/ Sur les demandes formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire

La SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS rappelle que la concurrence déloyale est caractérisée dès lors qu’un risque de confusion est créé dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit ; qu’en cherchant délibérément à créer un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle entre les parfums qu’il propose et ceux vendus par la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS et à bénéficier de la valeur économique attachée à la marque YVES SAINT LAURENT, M. Jean Louis C a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme.

M. Jean Louis C soutient que la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS ne justifie d’aucun préjudice distinct.

Sur ce

En vertu des dispositions des articles 1382 et 1383 (devenus 1240 et 1241) du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu’un signe qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.

Le parasitisme, qui s’apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il est une déclinaison mais dont la constitution est toutefois indifférente au risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et déloyalement sans bourse délier des investissements, d’un savoir- faire ou d’un travail intellectuel d’autrui produisant une valeur économique individualisé et générant un avantage concurrentiel.

L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité et la notoriété de la prestation copiée.

L’action en concurrence déloyale, qui échappe aux règles spéciales régissant l’action en contrefaçon qui sanctionne une atteinte à un droit réel privatif et n’est pas un succédané de l’action en contrefaçon, ne peut être invoquée cumulativement à cette dernière qu’en présence d’un fait dommageable fautif distinct du comportement constitutif de la contrefaçon.

Or, la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS, qui a vu ses demandes formées au titre de la contrefaçon rejetées, ne fait état d’aucun fait distinct de nature à justifier des actes de concurrence déloyale ou parasitaires à son préjudice.

La SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS n’établit pas, au demeurant, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle dès lors qu’il n’est pas contesté que les marques MANIFESTO et la NUIT DE L’HOMME, dont la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS n’est pas titulaire, sont effectivement commercialisées dans la gamme de produits YVES SAINT LAURENT du groupe L’OREAL.

Les demandes formées au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme seront donc rejetées.

Enfin, il est rappelé que, par trois jugements rendus le 5 avril 2018 dans des instances opposant la SA L’OREAL, la société de droit anglais L’OREAL (UK) LIMITED et la SNC LANCOME PARFUMS ET BEAUTE & CIE à M. Jean Louis C, le présent tribunal a décidé que M. C avait été l’auteur de contrefaçon par reproduction des marques FUEL FOR LIFE, MANIFESTO et ARMANI CODE au préjudice de la SA L’OREAL, de la marque NUIT DE L’HOMME au préjudice de la société de droit anglais L’OREAL (UK) LIMITED et des marques TRESOR et LA VIE EST BELLE au préjudice de la SNC LANCOME PARFUMS ET BEAUTE & CIE et de publicité mensongère au détriment de ces marques.

7 Sur les demandes accessoires

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

La demande formée au titre de l’exécution provisoire est sans objet, compte tenu de la nature de la décision.

La SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS sera condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,

Déboute Monsieur Jean Louis C de sa demande de nullité des procès-verbaux de constat d’huissier de justice dressés par Me CALIPPE les 12 février 2016, 1er mars 2016, 25 avril 2016 et 17 mai 2016,

Déboute la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS de ses demandes,

Déboute Monsieur Jean Louis C, de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le contexte de l’affaire jugée par le Tribunal de Grande Instance de Paris ?

L’affaire concerne un litige entre la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS et Monsieur Jean Louis C, qui a été jugé par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 5 avril 2018. La SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS, immatriculée en 1984, est titulaire de la marque YVES SAINT LAURENT, enregistrée à l’OHM en 2007.

Monsieur Jean Louis C a distribué un dépliant commercial proposant des parfums, dont certains sont associés à la marque YVES SAINT LAURENT. La SAS a estimé que ces actions constituaient une contrefaçon de sa marque et a donc assigné M. C devant le tribunal, demandant des réparations et l’interdiction d’utiliser sa marque.

Quelles étaient les principales demandes de la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS ?

La SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS a formulé plusieurs demandes au tribunal, notamment :

1. **Débouter M. C de ses demandes** : La SAS souhaitait que le tribunal rejette toutes les demandes de M. C.

2. **Valider les constats d’huissier** : Elle a demandé que les procès-verbaux de constats d’huissier soient jugés valables.

3. **Reconnaître la contrefaçon** : La SAS a demandé que M. C soit reconnu coupable de contrefaçon par reproduction et substitution de produits de sa marque.

4. **Interdiction d’utilisation de la marque** : Elle a demandé que M. C soit interdit d’utiliser la marque YVES SAINT LAURENT sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard.

5. **Indemnités** : La SAS a réclamé des indemnités totalisant 300.000 euros pour les préjudices subis.

Quelles étaient les arguments de M. Jean Louis C en défense ?

M. Jean Louis C a contesté les accusations portées contre lui en avançant plusieurs arguments :

1. **Absence de contrefaçon** : Il a affirmé qu’il n’avait jamais commercialisé de produits contrefaisants et qu’il n’était pas l’expéditeur des marchandises en question.

2. **Nullité des constats d’huissier** : M. C a demandé la nullité des procès-verbaux de constat, arguant qu’ils avaient été établis de manière non conforme aux exigences légales.

3. **Disproportion des demandes** : Il a soutenu que les demandes de la SAS étaient disproportionnées et injustifiées, demandant que les condamnations soient limitées à un euro symbolique.

4. **Absence de préjudice** : M. C a également contesté l’existence d’un préjudice réel pour la SAS, affirmant qu’aucune preuve n’avait été fournie à cet égard.

Quel a été le jugement rendu par le tribunal ?

Le tribunal a rendu un jugement qui a débouté M. Jean Louis C de sa demande de nullité des procès-verbaux de constat d’huissier. Il a également débouté la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS de ses demandes, concluant qu’il n’y avait pas eu de contrefaçon par reproduction ou substitution de produits.

Le tribunal a jugé que la SAS n’avait pas prouvé que M. C avait commercialisé des produits contrefaisants ou qu’il avait causé un préjudice à la marque. En conséquence, toutes les demandes de la SAS ont été rejetées, et celle-ci a été condamnée aux dépens.

Quelles sont les implications de ce jugement pour la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS ?

Le jugement a des implications significatives pour la SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS. En rejetant ses demandes, le tribunal a affirmé que la société n’avait pas réussi à prouver la contrefaçon de sa marque. Cela signifie que M. Jean Louis C n’est pas tenu de payer les indemnités demandées, ce qui pourrait avoir un impact sur la réputation et la stratégie commerciale de la SAS.

De plus, le jugement souligne l’importance de fournir des preuves solides dans les affaires de contrefaçon. La SAS devra peut-être revoir ses méthodes de protection de sa marque et envisager d’autres actions pour défendre ses droits de propriété intellectuelle à l’avenir.


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