Comportement Managérial et Conséquences : Évaluation d’un Licenciement pour Motif Disciplinaire

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Comportement Managérial et Conséquences : Évaluation d’un Licenciement pour Motif Disciplinaire

L’Essentiel : M. [G] a été recruté par Pepsico en tant que directeur des clients nationaux en septembre 2008, avant d’être promu en janvier 2019 au poste de ‘McDonalds Essa and Global Account Director’. Cependant, en mai 2020, il a été convoqué pour un entretien préalable au licenciement, qui a été effectif le 11 juin pour motif disciplinaire. Une enquête interne a révélé un style de management jugé infantilisant et dégradant, impactant la santé morale de ses collaborateurs. Contestant son licenciement, M. [G] a été débouté par le conseil de prud’hommes, décision confirmée par la cour d’appel.

Engagement et Promotion de M. [G]

M. [G] a été recruté par la société Pepsico en tant que directeur des clients nationaux à partir du 16 septembre 2008. La société, spécialisée dans la distribution de boissons, comptait plus de cinquante employés au moment de la rupture de son contrat. En décembre 2018, M. [G] a été promu au poste de ‘McDonalds Essa and Global Account Director’, effectif à partir du 1er janvier 2019.

Convoque et Licenciement

Le 26 mai 2020, M. [G] a été convoqué à un entretien préalable pour un éventuel licenciement, qui a eu lieu le 4 juin 2020. Il a été licencié par lettre datée du 11 juin 2020 pour motif disciplinaire, en raison de son comportement jugé inapproprié envers ses collaborateurs, notamment des comportements colériques et dénigrants.

Enquête Interne et Comportement Managérial

Suite à une alerte de la direction des ressources humaines le 15 avril 2020, une enquête interne a été menée par la commission Santé, Sécurité & Conditions de travail (CSSCT). Les résultats ont révélé un style de management très directif de M. [G], qui a été perçu comme infantilisant et dégradant par ses collaborateurs. Des témoignages ont confirmé que son comportement avait des effets néfastes sur la santé morale de son équipe.

Réactions de M. [G] et Conséquences

Lors de l’enquête, M. [G] a reconnu avoir eu des altercations avec ses collaborateurs, mais a justifié son comportement par la pression liée à son poste. Il n’a pas semblé prendre la mesure des reproches qui lui étaient faits, affirmant que son management était nécessaire pour la formation de ses collaborateurs. Les témoignages recueillis ont cependant mis en lumière un mal-être chez ses subordonnés, entraînant des conséquences sur leur santé mentale.

Procédure Judiciaire

M. [G] a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes de Nanterre, qui a jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, déboutant M. [G] de toutes ses demandes. En appel, M. [G] a demandé l’infirmation de ce jugement, tandis que Pepsico a demandé la confirmation de la décision initiale.

Décision de la Cour

La cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, considérant que le licenciement de M. [G] était justifié par des faits établis et imputables à son comportement. La cour a également rejeté les demandes de M. [G] concernant les indemnités et a condamné ce dernier aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quel poste M. [G] a-t-il occupé chez Pepsico et à partir de quand ?

M. [G] a été recruté par la société Pepsico en tant que directeur des clients nationaux à partir du 16 septembre 2008.

La société, spécialisée dans la distribution de boissons, comptait plus de cinquante employés au moment de la rupture de son contrat.

En décembre 2018, M. [G] a été promu au poste de ‘McDonalds Essa and Global Account Director’, effectif à partir du 1er janvier 2019.

Quand M. [G] a-t-il été convoqué à un entretien préalable pour licenciement ?

M. [G] a été convoqué à un entretien préalable pour un éventuel licenciement le 26 mai 2020,

qui a eu lieu le 4 juin 2020. Il a été licencié par lettre datée du 11 juin 2020 pour motif disciplinaire,

en raison de son comportement jugé inapproprié envers ses collaborateurs, notamment des comportements colériques et dénigrants.

Quelles ont été les conclusions de l’enquête interne menée par la CSSCT ?

Suite à une alerte de la direction des ressources humaines le 15 avril 2020, une enquête interne a été menée par la commission Santé, Sécurité & Conditions de travail (CSSCT).

Les résultats ont révélé un style de management très directif de M. [G], perçu comme infantilisant et dégradant par ses collaborateurs.

Des témoignages ont confirmé que son comportement avait des effets néfastes sur la santé morale de son équipe.

Comment M. [G] a-t-il réagi aux accusations portées contre lui ?

Lors de l’enquête, M. [G] a reconnu avoir eu des altercations avec ses collaborateurs,

mais a justifié son comportement par la pression liée à son poste. Il n’a pas semblé prendre la mesure des reproches qui lui étaient faits,

affirmant que son management était nécessaire pour la formation de ses collaborateurs.

Quel a été le jugement du conseil de prud’hommes concernant le licenciement de M. [G] ?

M. [G] a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes de Nanterre,

qui a jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, déboutant M. [G] de toutes ses demandes.

En appel, M. [G] a demandé l’infirmation de ce jugement, tandis que Pepsico a demandé la confirmation de la décision initiale.

Quelle a été la décision de la cour concernant le licenciement de M. [G] ?

La cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, considérant que le licenciement de M. [G] était justifié par des faits établis et imputables à son comportement.

La cour a également rejeté les demandes de M. [G] concernant les indemnités et a condamné ce dernier aux dépens.

Quels articles du code du travail sont mentionnés dans le jugement ?

L’article L. 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Les faits invoqués comme constitutifs d’une cause réelle et sérieuse de licenciement doivent être objectivement établis et imputables au salarié.

Il résulte de l’article L. 1235-1 du code du travail que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n’incombe pas spécialement à aucune des parties.

Quels comportements de M. [G] ont été jugés inappropriés ?

Le salarié a été licencié pour avoir adopté un comportement managérial inapproprié à l’égard de deux collaborateurs de son équipe,

portant atteinte à leur santé mentale en raison de son attitude colérique, agressive, dénigrante et infantilisante.

Il a été établi que le salarié a fait montre de colère envers ses deux collaborateurs en public depuis le mois de septembre 2019.

Quelles étaient les conséquences du comportement de M. [G] sur ses collaborateurs ?

Les témoignages recueillis ont mis en lumière un mal-être chez ses subordonnés, entraînant des conséquences sur leur santé mentale.

Mme [L] a exprimé un sentiment de mal-être et a indiqué avoir ressenti le besoin de libérer sa parole.

M. [J] a également présenté des symptômes de troubles physiques en raison de la pression exercée par M. [G].

Comment M. [G] a-t-il justifié son comportement lors de l’enquête ?

M. [G] a justifié son comportement par la pression liée à son poste,

affirmant que son management était nécessaire pour la formation de ses collaborateurs.

Cependant, il n’a pas semblé prendre en compte les reproches qui lui étaient faits.

Quelles étaient les réactions des autres collaborateurs face au comportement de M. [G] ?

Les autres collaborateurs ont rapporté des comportements inappropriés de M. [G],

notamment des cris et des pressions exercées sur eux. Des témoignages ont confirmé que son comportement était perçu comme dégradant et infantilisant.

La commission d’enquête a recueilli plusieurs témoignages corroborant ces accusations.

Quelles étaient les conclusions de la commission d’enquête sur le comportement de M. [G] ?

La commission d’enquête a conclu que M. [G] avait un comportement managérial inapproprié,

exerçant une pression excessive sur ses collaborateurs et adoptant un style de management infantilisant.

Les deux collaborateurs concernés ont exprimé un profond mal-être en raison de cette situation.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80J

Chambre sociale 4-4

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 27 NOVEMBRE 2024

N° RG 22/03141

N° Portalis DBV3-V-B7G-VO7Y

AFFAIRE :

[S] [G]

C/

Société PEPSICO FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 septembre 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : F 20/01423

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Xavier CHILOUX

Me Claire MATHURIN

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [S] [G]

né le 10 juin 1969 à [Localité 6]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Xavier CHILOUX de la SELEURL XAVIER CHILOUX AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0377

APPELANT

****************

Société PEPSICO FRANCE

N° SIRET : 381 511 039

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Claire MATHURIN de la SELAS NORMA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0066 substituée à l’audience par Me Anaîs ACHOUR, avocat au barreau de Paris

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 3 octobre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [G] a été engagé par la société Pepsico, en qualité de directeur des clients nationaux, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 16 septembre 2008.

Cette société est spécialisée dans la distribution de boissons. L’effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de cinquante salariés. Elle applique la convention collective nationale des boissons distributeur hors domicile.

Par avenant du 17 décembre 2018, prenant effet le 1er janvier 2019, M. [G] a été promu au poste de ‘McDonalds Essa and Global Account Director’.

Par lettre du 26 mai 2020, M. [G] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 4 juin 2020.

M. [G] a été licencié par lettre du 11 juin 2020 pour motif disciplinaire dans les termes suivants:

« (…) Monsieur,

Nous faisons suite à l’entretien du 4 juin 2020 au cours duquel vous étiez assisté par Monsieur [C] [F]. Lors de cet entretien, nous vous avons exposé les motifs qui nous amenaient à envisager votre licenciement et avons sollicité vos explications.

Les explications que vous nous avez fourni lors de cet entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation de la situation. En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour motif disciplinaire, pour les motifs que nous vous avons exposé lors de cet entretien, et que nous vous rappelons :

La Direction des ressources humaines a été alertée, le 15 avril 2020, du fait que vous auriez adopté un comportement inapproprié envers les collaborateurs de votre équipe (comportement colérique, dénigrement), comportement susceptible de porter atteinte à la santé morale de ces derniers.

Dans ce cadre, et conformément aux procédures internes appliquées au sein de PepsiCo France, la direction a informé la commission Santé, Sécurité & Conditions de travail (commission SSCT) de cette alerte. La commission a diligenté une enquête interne, dans le but d’analyser si les accusations portées à votre rencontre étaient susceptibles d’être corroborées ou démenties : et, dans l’hypothèse où ses accusations étaient confirmées, de déterminer la nature et l’ampleur exacte de vos manquements.

Cette enquête a été menée contradictoirement, vous-même ayant été entendu, le 6 mai 2020.

La commission SSCT nous a transmis le résultat de cette enquête le 12 mai 2020, et la conclusion est la suivante : « Il ressort clairement que [S] prône un style de management très directif et dans le souci du détail. Cette exigence le pousse à un contrôle quotidien de toutes les missions demandées, à revoir (faire refaire à l’infini) les présentations ou les emails, jusque dans la police de caractère choisie. Aucune place n’est laissée à la prise d’initiative ni à l’émulation. Nous sommes même dans une situation inverse allant jusqu’à l’infantilisation des collaborateurs et un rapport professeur-élève voire parent-enfant ».

Le rapport d’enquête et les différents entretiens menés auprès de votre équipe ont mis en avant un comportement managérial inacceptable, en contradiction totale avec les valeurs prônées par Pepsico, d’autant plus au regard du niveau de poste que vous occupez au sein de l’entreprise (poste de directeur commercial HD Europe, niveau LG1), qui implique un devoir d’exemplarité auprès des équipes.

En effet, ces entretiens ont mis en lumière le fait que :

vous adoptez de manière répétée, un comportement agressif à l’encontre de vos collaborateurs : à plusieurs reprises pendant les meetings, ou dans l’open-space, vous avez à titre d’exemples, élevé la voix, ou envoyé des texto d’émoticônes présentant un visage en colère;

vous avez de manière répétée, adopté un comportement dénigrant et infantilisant envers vos collaborateurs : à titre d’exemple, vous leur avez indiqué qu’il vous faisait perdre votre temps, et répété de façon frénétique « qu’est-ce que tu n’as pas compris ‘ On n’est plus à l’école».

Ce comportement a eu un effet sur la santé des membres de votre équipe : Mr [P] [J] est apparu accablé psychologiquement et a indiqué avoir des problèmes de sommeil et vouloir changer de fonction, en raison de votre comportement. Madame [V] [L] a, quant à elle, indiqué venir au travail « avec la boule au ventre » et chercher à quitter PepsiCo, afin de ne plus être en contact avec vous.

Lors de nos échanges, au cours de l’enquête et lors de l’entretien préalable du 4 juin 2020, vous n’avez pas semblé prendre la mesure des faits qui vous étaient reprochés et de la portée de vos agissements. Vous avez assumé votre comportement, en arguant le fait que selon vous, la première année sur le secteur devait nécessairement être une année de souffrance, au regard des exigences du poste ce qui, à votre sens, justifiait que vous soyez « sur le dos » de vos collaborateurs, quitte à les infantiliser.

Nous vous rappelons que l’entreprise a une obligation de préserver la santé et la sécurité des salariés et que, eu égard aux fonctions que vous exerciez, il vous appartenait d’adopter un management approprié, intégrant cet impératif de santé et sécurité. Or vos réactions ne nous permettent donc pas de penser qu’une amélioration de votre comportement serait possible.

Au regard de ces éléments, nous vous notifions donc votre licenciement’».

Par requête du 31 juillet 2020, M. [G], a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins de contester son licenciement et en paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 15 septembre 2022, le conseil de prud’hommes de Nanterre (section encadrement) a:

– dit et jugé que le licenciement de M. [G] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– débouté M. [G] de l’intégralité de ses demandes,

– débouté la société Pepsico de sa demande reconventionnelle,

– laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 17 octobre 2022, M. [G] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 3 septembre 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [G] demande à la cour de :

– Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de [Localité 7] le 15 septembre 2022.

Statuant à nouveau.

– Juger le licenciement du salarié abusif et dépourvu de toute cause réelle et sérieuse.

– Condamner la société Pepsico à payer à M. [G] la somme de 400 000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– Condamner la société Pepsico à payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamner la société Pepsico aux intérêts au taux légal, et aux dépens.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 1er mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Pepsico demande à la cour de :

A titre principal:

– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il a débouté M. [G] de l’intégralité de ses demandes.

Par conséquent,

– Juger que le licenciement de M. [G] repose sur une cause réelle et sérieuse.

– Débouter M. [G] de sa demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A titre subsidiaire:

– Ramener le quantum de l’éventuelle condamnation à l’encontre de la société à hauteur de 45 441 euros au titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause

– Débouter M. [G] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

– Condamner M. [G] à payer la somme de 3 000 euros titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur le licenciement

Le salarié fait valoir qu’il a formé directement plus d’une quinzaine de collaborateurs qui ne se sont jamais plaints de ses méthodes d’encadrement et ont ensuite occupé des postes importants grâce à la qualité de sa formation, qu’il n’a fait l’objet d’aucun reproche, remarque, ou avertissement sur ses méthodes de management pendant plus de 12 années, que pendant la période de confinement, de manière assez curieuse, deux de ses collaborateurs se seraient plaints de ses méthodes alors qu’ils n’en ont jamais fait mention dans les entretiens d’évaluation, ni directement auprès de lui, que la lettre de licenciement est d’ailleurs assez révélatrice en ce qu’elle lui reproche un ‘rapport professeur/élève voir parent/enfant’, ce qu’il revendique bien évidemment car il avait à former ses deux collaborateurs sur des métiers difficiles qui leur étaient nouveaux. Il ajoute qu’il avait très peu de contacts avec les deux salariés puisque lui-même était souvent en déplacement, que l’un deux était domicilié à [Localité 5], et qu’ils recouraient souvent au télétravail. Il s’interroge sur l’étrange concomitance entre une proposition de changement de contrat vers une nouvelle structure, qui devait devenir effective en mars 2020 et sur laquelle, contrairement aux 40 autres salariés concernés, il n’a pas reçu d’avenant contractuel.

L’employeur réplique que le 15 avril 2020, Mme [L], collaboratrice du salarié, a alerté la direction des ressources humaines de faits pouvant laisser présumer l’existence d’une situation de harcèlement moral de la part du salarié, que suite à cette alerte, une enquête interne de la Commission santé, sécurité et condition de travail (ci-après CSSCT), a été diligentée, et que de nombreux témoignages de collaborateurs ont été recueillis venant corroborer les accusations de ses deux collaborateurs, notamment ceux de Mme [L] qui travaillait dans les mêmes locaux que le salarié et M. [J], qui travaillait en Belgique. Il précise que les griefs reprochés au salarié sont fondés sur l’enquête CSSCT et les entretiens menés à cette occasion et que le comportement du salarié est d’autant plus grave qu’il occupait un poste de directeur qui impliquait un devoir d’exemplarité auprès des équipes et qu’il avait conscience des dérives de son management. Il affirme que cette situation a eu des conséquence sur l’état de santé mental des collaborateurs du salarié.

**

L’article L. 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Les faits invoqués comme constitutifs d’une cause réelle et sérieuse de licenciement doivent non seulement être objectivement établis mais encore imputables au salarié, à titre personnel et à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail.

Il résulte de l’article L. 1235-1 du code du travail que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n’incombe pas spécialement à aucune des parties mais que le doute doit profiter au salarié.

Pour satisfaire à l’exigence de motivation imposée par l’article L. 1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l’énoncé de faits précis et contrôlables, à défaut de quoi le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, le salarié a été licencié pour avoir adopté un comportement managérial inapproprié à l’égard des deux collaborateurs de son équipe, portant atteinte à leur santé mentale en raison de son attitude colérique, agressive, dénigrante et infantilisante.

Il ressort de la chronologie des faits que le salarié, qui a animé une équipe de cinquante collaborateurs en 2010, a ensuite occupé un poste fonctionnel à compter de 2013 au sein de l’équipe Pespsico Europe, comptant alors 5 à 18 collaborateurs directs ou indirects et qu’en 2018, le salarié a été nommé au poste de directeur de clientèle globale McDonald’s, avec le management d’une équipe réduite, constituée de deux collaborateurs qu’il a choisis en interne, Mme [L] et M. [J], lesquels ont pris leurs nouvelles fonctions respectivement en mars et avril 2019.

En mars 2020, le salarié a évalué ainsi ses deux collaborateurs au titre de l’année 2019 :

– pour Mme [V] [L], le salarié indique que sa collaboratrice ‘ a pu atteindre ses objectifs tout en apprenant beaucoup sur des choses complètement nouvelles (…). sa forte expérience de la chaîne d’approvisionnement et sa résilience personnelle lui ont permis de gérer des problèmes critiques chez McDonald’s tout en facilitant le renouvellement de Tropicana grâce à une étroite collaboration avec les principales parties prenantes en interne. Elle a développé de manière significative son réseau/ relations d’affaires ( …)Dans l’ensemble, l’intégration a été bonne et les neuf premiers mois dans le poste ont été satisfaisants. Pour 2020, [V] devra améliorer ses compétences en communication et développer sa réflexion stratégique ( …) Acontribué à la réalisation d’une performance supérieure au plan pour le compte de McDonald’s grâce à un leadership fort sur de nombreux défis AQ et de la chaîne d’approvisionnement (…). Globalement une bonne année pour [V] dans un nouvel environnement difficile pour elle.’.

Dans son évaluation Mme [L] indique notamment qu’elle ‘ a eu des discussions difficiles mais constructives avec mon manager [S] [G] pour améliorer mes compétences en communication. Cela a été souvent douloureux mais j’ai fait preuve d’une forte résilience pour rester positif (sic)et chercher à m’améliorer. J’ai gardé une attitude de vérité et de franchise pour développer ce comportement’.

– pour M. [P] [J], le salarié indique que son collaborateur ‘ a fortement contribué aux résultats du plan [d’affaires] sur le compte McDonald’s ( …). Il a également aidé l’équipe N’BNL à gérer la transition et à préparer le transfert. Une première année forte pour [P] mais très réussie. ( …). J’ai été impressionné par sa rapidité d’intégration, sa capacité d’apprentissage sur la catégorie Ice Tea et sa capacité à devenir rapidement partenaire clé pour les parties prenantes internes ( …). tout en soutenant régulièrement une forte pression. Globalement très bonne année pour [P] dans un nouvel environnement et dans une nouvelle équipe.’.

M. [J] n’a pas fait de commentaires sur sa relation avec le salarié dans son évaluation.

Sur le réseau social Linkedin, Mme [L] indique qu’elle a rejoint la société Pepsico France en juin 2010 et sur son circurriculum viatae, M. [J] mentionne qu’il est entré dans la société en mars 2014.

Dans ce contexte, les parties produisent les messages suivants :

– un courriel du 23 octobre 2019 de Mme [L] dans lequel elle indique notamment au salarié ‘ je crois savoir ce que j’ai à faire. Merci. Et si tu n’as pas les réponses en temps et en heures, c’est simplement que les éléments ne tombent pas de l’arbre instantanément. Je n’attends pas de mon manager une to do sous monitoring chaque matin.(…).’,

– un courriel du 12 décembre 2019 du salarié dans lequel Mme [L] le remercie pour un échange constructif et sa bienveillance lors d’un entretien mais indique également n’avoir ‘ pas toujours bien vécu nos échanges parfois ‘ forts en décibels’, mais c’est parce que j’ai perçu ton bon fond que j’ai su les vivre malgré tout. Je compte sur 2020 pour grandir encore à tes côtés et dans un climat plus paisible !’,

– un courriel du 3 mars 2020 dans lequel Mme [L] a indiqué au salarié souhaiter ‘ faire un retour’ à la suite d’un incident survenu le jeudi précédent et qu’il ‘ lui paraît important de formaliser ce que j’ai vécu car il se peut que tu ne l’aies pas perçu. En découvrant que j’avais adressé une invitation ( …)à la demande express de [O] pour son client ( …), tu m’as fait part de ta désapprobation. Je pouvais l’entendre. J’ai tenté de t’en expliquer les raisons et j’ai ressenti une incapacité à m’entendre. J’ai non seulement vécu un recadrage en plein open space, mais j’ai également reçu une vague de colère non justifiée. Comme nous l’avions déjà évoqué en octobre dernier après une virulente récurrence d’injonctions: le fond est audible mais la forme n’est pas acceptable. ( …) L’incident est clos. J’espère ne plus avoir à revivre une telle situation car cela entache ma motivation de jour en jour. A ta disposition pour en discuter plus concrètement et recouvrer un esprit d’équipe nécessaire à mon travail.’.

Le salarié n’indique pas s’il a apporté une réponse à ces trois messages de sa collaboratrice qui alerte clairement son supérieur hiérarchique sur le comportement qu’il a adopté à son égard et qu’elle réprouve ni s’il a entendu modifier son attitude manageriale.

En revanche, Mme [L] a fait part de ses difficultés début mars 2020 à un responsable de la société Pepsico France et a indiqué ‘ avoir ressenti le besoin de libérer ma parole. ( …). je ne souhaite pas d’ennuis en déclenchant le plan Orsec et ne veux nuire à personne. J’ai un sentiment de mal être qui peut s’atténuer si ma relation avec mon N+1 s’améliore. C’est toujours possible (…)’.

Par courriel du 24 avril 2020, la ‘senior Rh director’ a indiqué à Mme [L] avoir été informée de difficultés au sujet du comportement du salarié et qu’une enquête interne était menée par la directrice des ressources humaines France en collaboration avec deux membres de la commission Santé, Sécurité & Conditions de travail (CSSCT).

Dans le cadre de cette enquête, ont été entendus :

– M. [J](entretien du 27 avril 2020) qui relate trois faits : le fait que le salarié a exercé en septembre 2019 une pression très forte sur Mme [L], criant en disant qu’il ‘n’est plus possible de travailler ainsi’, un second fait alors que le salarié a adressé un message à M. [J] avec un émoticone ‘ angry’ et un appel téléphonique au cours duquel le salarié s’est énervé pendant quinze minutes à l’encontre de M. [J]. Celui-ci indique ensuite que le salarié ne ‘ donne jamais le sentiment que vous faites un bon travail’ et donne ‘ des feedbacks négatifs’, M. [J] souhaitant changer de fonction et ayant le sentiment qu’il n’est plus à l’école, n’osant pas parler de l’impact négatif de cette situation à sa famille,

– Mme [L] (entretien du 28 avril 2020) au cours duquel elle explique recevoir tous les jours ‘ une to do list’ avec inscrit en rouge les points qui n’étaient pas faits, qu’une fois par mois ‘ [S] pête les plombs’ dès qu’il est en stress, la salariée ayant adopté deux stratégies (soumise ou être forte) sans résultat, M. [G] n’étant pas ‘ dans l’empathie’, et qu’une fois la colère passée, il adopte alors un comportement normal, la salariée indiquant lors de son audition ‘ qu’elle a une boule au vente pour venir au travail’. Elle relate également que le salarié a ‘ explosé’ devant d’autres collaborateurs dans l’open space et lui a dit qu’elle mettait ‘en péril McDo’ en février 2020, qu’il a réitéré cette attitude en ‘déversant’ sa colère la semaine suivante devant deux témoins, la salariée faisant part à la commission d’enquête de son sentiment d’être incompétente et que le salarié ‘ peut passer 20 min sur une police de caractère, sur le fait de ne pas avoir mis le bon logo. Sa colère part de rien.’, la salariée indiquant qu’elle allait arrêter de travailler dans de telles conditions.

Par ailleurs, la commission a recueilli le témoignage de trois autres salariés:

– M. [M], ancien collaborateur du salarié (entretien du 29 avril 2020) qui indique n’avoir pas rencontré de difficultés lorsqu’il travaillait avec le salarié pendant quelques années mais précisant qu’il connaissait bien les clients et avait un réseau qui pouvait servir au salarié. Il décrit le salarié comme ayant un caractère fort et qu’il a mis beaucoup de pression sur Mme [L] et M. [J] après Noël 2019. Le rapport d’enquête précise que Mme [L] a indiqué à M. [M] lors d’un appel téléphonique qu’elle souhaitait quitter la société Pepsico France et l’avoir indiqué à deux reprises au service des ressources humaines. M. [M] ajoutant que le salarié « ne traite pas bien les petits levels »,

– M. [Z], supérieur hiérarchique du salarié (entretien du 04 mai 2020) a indiqué à la commission qu’il était informé des relations difficiles entre le salarié et ses deux collaborateurs et qu’il a décidé de mettre en place des entretiens téléphoniques réguliers avec eux, que le salarié est ‘ toujours dans la confrontation’ et qu’il a ‘ franchi parfois les limites dans son comportement’,

– M. [H], voisin de bureau de Mme [L] dans l’open space (entretien du 05 mai 2020) a indiqué avoir effectivement assisté à une scène, qu’il qualifie de « clash ». Il rapporte que le salarié a mis Mme [L] « en porte à faux » et a élevé la voix « plus que de raison dans l’open-space’.

La commission d’enquête a entendu le 6 mai 2020 le salarié qui a expliqué la difficulté des fonctions nouvelles de ses deux collaborateurs, ce changement étant violent pour tous les salariés qui ont nouvellement travaillé dans ce secteur conduisant d’ailleurs parfois au ‘ quasi burn-out’.

Le salarié reconnaît une altercation avec Mme [L] et qu’il est sorti des bornes dans l’open space, l’intéressée ne l’écoutant pas et le renvoyant ‘ dans ses 22″. La commission relève également que le salarié a pris ‘ conscience de l’énorme fossé entre ce qui est perçu par ses N-1 et ce qu’il pense faire bien’, la commission ajoutant que le salarié reconnaît que ‘la forme peut être brutale et qu’il infantilise’ et qu’il dit : ‘ Moi, j’ai de l’expérience, il faut apprendre de moi».

Par message du 12 mai 2020 adressé à la ‘senior Rh director’, les membres du CSSCT ont indiqué que les deux collaborateurs ‘ sont profondément affectés’ et que le salarié, ‘ même confronté aux faits’, n’a pas ‘ de remise en cause ‘ et il ne semble pas ‘avoir pris conscience de la situation’, expliquant ses emportements de colère par la forte pression de son manager, indiquant d’ailleurs que ce dernier a cherché ‘à se débarrasser de lui, qu’il veut sa peau.’ mais qu’il cherche à préserver son équipe.

Dès lors, les griefs reprochés au salarié sont établis en ce qu’il a fait montre de colère envers ses deux collaborateurs et ce en public depuis le mois de septembre 2019 et qu’il a usé envers eux d’un mode de management infantilisant voire dénigrant, ces derniers exprimant un mal-être professionnel.

Le salarié produit aux débats trente témoignages émanant de collègues, de collaborateurs subordonnés et de supérieurs managers, dont dix-sept provenant de salariés de la société Pepsico France ou McDonald’s et qui décrivent les qualités humaines et managériales, qu’il récapitule d’ailleurs sous la forme d’un tableau synthétique et le salarié soutient, sans être contredit, qu’il a bénéficié de bonnes notations annuelles entre 2010 et 2017.

Certes, l’employeur n’a jamais alerté le salarié d’un quelconque dysfonctionnement dans son comportement alors que son supérieur hiérarchique reconnaît sa forte personnalité et qu’il pouvait ‘ être limite’, et l’employeur a engagé la procédure de licenciement dès le retour de l’enquête sans même justifier d’un entretien avec ce dernier.

Toutefois, il est établi que le salarié a été directement alerté par sa collaboratrice dès le mois d’octobre 2019, puis lors de son entretien annuel d’évaluation et enfin par dernier message du 3 mars 2020, le salarié n’établissant pas avoir pris en compte ces alertes ni avoir réconforté la salariée, perdurant dans son comportement, sans remise en cause.

Cette absence de remise en cause ressort également de l’entretien du salarié devant la commission d’enquête, même s’il justifie la ‘ forme brutale’ et ‘ infantilisante’ de son comportement par une forte pression de sa propre hiérarchie, ce qu’il n’établit pas.

En tout état de cause, le salarié n’a pas cherché à trouver une solution et se rapprocher de ses collaborateurs y compris pour s’excuser auprès d’eux de ce comportement, les éléments du dossier ne les présentant pas comme n’étant pas compétents dans l’exercice de leurs nouvelles fonctions, ce qui n’aurait d’ailleurs pas justifié un comportement violent de leur manager.

En conséquence, l’employeur n’avait pas d’autres choix, alors que Mme [L] entendait quitter l’entreprise, que M. [J] présentait des symptômes de troubles physiques, et que le salarié n’avait pas pris la mesure de ce qui lui était reproché notamment pour modifier son comportement managerial, que de licencier le salarié, lequel ne procède que par affirmations générales sans offre de preuve pour alléguer que son licenciement est concomitant à son refus de signer un avenant à son contrat de travail à la suite du transfert envisagé de la société Pepsico France vers une nouvelle entité juridique ‘Pepsico management services’ et à son propre mal-être professionnel.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et a débouté le salarié de sa demande d’indemnité à ce titre.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné le salarié aux dépens et a rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles.

Succombant, le salarié sera condamné aux dépens d’appel et ne saurait bénéficier d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Pour des raisons d’équité, il conviendra également de rejeter la demande de l’employeur à ce titre.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

REJETTE les demandes en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [G] aux dépens.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Aurélie Prache, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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La Greffière La Présidente


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