L’Essentiel : Monsieur [C] [A] a été embauché par la SAS ABC Industrie en 1997, mais en raison d’une invalidité, il a été reclassé en manutentionnaire en 2005. En 2018, des accusations de harcèlement ont conduit à une enquête et à une mise à pied disciplinaire. Malgré cela, ses comportements inappropriés ont entraîné un licenciement pour faute grave en octobre 2018. Contestant cette décision, Monsieur [C] [A] a saisi le conseil de prud’hommes, qui a confirmé la légitimité des sanctions. En appel, la cour a également rejeté ses demandes de réparation, soulignant la gravité de ses agissements.
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Embauche et Reconnaissance de l’InvaliditéMonsieur [C] [A] a été embauché par la SAS ABC Industrie en tant qu’employé de nettoyage à compter du 1er septembre 1997. En raison d’une invalidité de première catégorie, il a été reclassé en tant que manutentionnaire à temps partiel à partir du 1er octobre 2005. La convention collective applicable est celle de l’industrie de la salaison, charcuterie en gros et conserves de viandes. Accusations de HarcèlementLe 15 février 2018, la SAS ABC Industrie a informé Monsieur [C] [A] de la réception de courriers l’accusant d’insultes répétées envers plusieurs collègues. L’entreprise a annoncé l’ouverture d’une enquête pour harcèlement avec le CHSCT et a demandé à Monsieur [C] [A] de modifier son comportement. Mise à Pied DisciplinaireLe 16 avril 2018, après un entretien préalable, la SAS ABC Industrie a notifié à Monsieur [C] [A] une mise à pied disciplinaire d’un jour pour des insultes répétées à l’encontre de ses collègues. L’enquête a révélé que plusieurs employés avaient confirmé les accusations d’insultes et de vulgarité de sa part. Licenciement pour Faute GraveLe 19 septembre 2018, un entretien préalable a été convoqué, suivi d’un licenciement pour faute grave notifié le 23 octobre 2018. L’employeur a justifié cette décision par la réitération des comportements fautifs de Monsieur [C] [A], malgré la mise à pied disciplinaire antérieure. Contestation du LicenciementMonsieur [C] [A] a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence, qui a rendu un jugement le 9 mars 2021. Le tribunal a confirmé la légitimité de la mise à pied et du licenciement pour faute grave, en raison de la gravité des agissements de Monsieur [C] [A]. Appel et Demandes de RéparationMonsieur [C] [A] a interjeté appel le 8 avril 2021, demandant l’annulation des sanctions et des dommages-intérêts pour préjudice moral. Il a également demandé des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que des réparations pour manquement à l’obligation de sécurité. Réponse de la SAS ABC IndustrieLa SAS ABC Industrie a demandé la confirmation du jugement initial et a contesté les demandes de Monsieur [C] [A], arguant que ses comportements inappropriés justifiaient le licenciement. L’entreprise a également soulevé la prescription de certaines demandes de Monsieur [C] [A]. Décision de la CourLa cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, déclarant irrecevable la demande de Monsieur [C] [A] au titre de l’obligation de sécurité pour les faits antérieurs au 17 avril 2017, tout en la déclarant recevable pour la période postérieure. La cour a également débouté Monsieur [C] [A] de ses demandes de dommages et intérêts pour procédure disciplinaire vexatoire. ConclusionLa cour a condamné Monsieur [C] [A] aux dépens d’appel et à verser des frais irrépétibles à la SAS ABC Industrie, confirmant ainsi la légitimité des actions de l’employeur et la gravité des comportements de Monsieur [C] [A]. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de la qualification d’une sanction disciplinaire selon le Code du travail ?La qualification d’une sanction disciplinaire repose sur deux conditions cumulatives, selon l’article L1331-1 du Code du travail. Cet article stipule que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré comme fautif. Il est précisé que cette mesure peut affecter la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. Ainsi, pour qu’une mesure soit qualifiée de sanction, il faut : 1. L’existence d’un agissement considéré comme fautif par l’employeur. Le simple rappel à l’ordre, même écrit, ne constitue pas une sanction disciplinaire et relève du pouvoir de direction de l’employeur. La mise à pied disciplinaire est-elle justifiée dans ce cas ?La mise à pied disciplinaire est justifiée si elle est proportionnée à la faute commise. Selon l’article L1332-2 du Code du travail, l’employeur doit prouver que la sanction est fondée sur des faits réels et sérieux. Dans le cas de Monsieur [C] [A], plusieurs éléments ont été retenus pour justifier la mise à pied : – Des lettres de plaintes de collègues faisant état d’insultes répétées. La cour a donc considéré que la mise à pied d’un jour était proportionnée à la gravité des faits reprochés, ce qui est conforme à la jurisprudence en matière disciplinaire. Quelles sont les conditions pour qu’un licenciement soit considéré comme fondé pour faute grave ?Pour qu’un licenciement soit considéré comme fondé pour faute grave, il doit être justifié par des faits qui rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, conformément à l’article L1232-1 du Code du travail. Les conditions à remplir sont : 1. **Existence de faits fautifs** : Les faits doivent être précis, objectifs et vérifiables. Dans le cas de Monsieur [C] [A], la cour a retenu que ses comportements injurieux et menaçants, réitérés après une mise à pied, constituaient une faute grave justifiant son licenciement. Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de sécurité au travail ?L’employeur a une obligation de sécurité envers ses salariés, stipulée par l’article L4121-1 du Code du travail. Cet article impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Les obligations incluent : 1. **Évaluation des risques** : Identifier et évaluer les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs. Dans le cas de Monsieur [C] [A], la cour a jugé que l’employeur avait respecté ses obligations de sécurité, notamment en mettant en place des mesures préventives après des accidents antérieurs. Quelles sont les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ?Un licenciement sans cause réelle et sérieuse expose l’employeur à des sanctions, conformément à l’article L1235-1 du Code du travail. Les conséquences peuvent inclure : 1. **Indemnités** : Le salarié peut prétendre à une indemnité de licenciement, calculée selon son ancienneté. Dans le cas de Monsieur [C] [A], la cour a confirmé que son licenciement était fondé, ce qui a conduit à débouter ses demandes d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. |
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 17 JANVIER 2025
N° 2024/007
Rôle N° RG 21/05164 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHH5F
[C] [A]
C/
S.A.S. ABC INDUSTRIE
Copie exécutoire délivrée
le : 17/01/2025
à :
Me Emmanuelle VITELLI, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Marie HASCOËT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
(Vest 360)
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX-EN-PROVENCE en date du 09 Mars 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00276.
APPELANT
Monsieur [C] [A], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Emmanuelle VITELLI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
S.A.S. ABC INDUSTRIE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Marie HASCOËT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 18 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Muriel GUILLET, Conseillère, chargée du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre
M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller
Madame Muriel GUILLET, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2025
Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [C] [A] a été embauché par la SAS ABC Industrie en qualité d’employé de nettoyage, par contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 1997.
Suite à son placement en invalidité 1ère catégorie à compter du 1er octobre 2005, il a été reclassé sur un poste de manutentionnaire à temps partiel.
La convention collective applicable à la relation contractuelle est celle de l’industrie de la salaison, charcuterie en gros et conserves de viandes.
Le 15 février 2018, la SAS ABC Industrie a remis à Monsieur [C] [A] un courrier rédigé en ces termes : « Nous vous avons reçu ce matin pour vous informer de la réception de trois courriers, un émanant de Madame [H] [T] et les deux autres de Madame [L] [V]. Ces documents indiquent que vous auriez insulté plusieurs personnes, plusieurs fois et depuis plusieurs mois.
A ce stade, nous allons engager une procédure pour harcèlement avec le concours du CHSCT ; vous serez probablement écouté à ce sujet.
D’autre part, nous souhaitons que vous corrigiez votre comportement et respectiez quelques règles de base :
Ne pas couper la parole aux gens qui discutent avec vous ( ces faits se sont produits il y a une quinzaine de jours, envers [B] [U])
Ne pas prononcer de mots qui peuvent blesser des personnes, et mesurer vos propos.
Nous espérons que vous comprendrez l’impérieuse nécessité de modifier votre comportement. »
Le 16 avril 2018, la SAS ABC Industrie a notifié à Monsieur [C] [A] une mise à pied disciplinaire d’un jour, en ces termes : « Nous faisons suite à votre entretien préalable à une éventuelle sanction du 28 mars 2018 en présence de l’adjoint au Responsable de production [E] [P] et de moi-même, Responsable Ressources Humaines pour lequel vous avez souhaité vous faire assister de [R] [D], en sa qualité de Délégué du personnel et au sein duquel il vous a été reproché les faits suivants :
Par courrier du 30 janvier 2018, Madame [H] [T] nous indiquait recevoir depuis plusieurs mois des insultes telles que « Baleine » « Cachalot » « Sucette » « Balance » de votre part. Dans un autre courrier, c’est Madame [L] [V] qui vient confirmer les insultes que vous proférez vis-à-vis de sa collègue de travail et fait état de faits similaires de votre part à son encontre.
Conformément au courrier qui vous a été remis le 15 février 2018 à 9h45, nous avons ouvert une enquête pour harcèlement avec le concours du CHSCT. Dans la même journée à 10h10, vous avez interpellé [L] [V] devant la salle de pause pour lui indiquer d’appeler son mari car vous l’attendrez à la sortie et l’avez insulté d’« enculée » avec une agressivité nécessitant l’intervention de votre responsable Monsieur [Y] [O] pour vous demander de sortir.
Par courrier daté du 19 février 2018, vous nous indiquez être sujet à des ricanements, de ragots et faire l’objet de jalousies liées à vos horaires aménagés par vos collègues de travail.
Pour faire suite aux auditions menées par le CHSCT auprès de plusieurs salariés, il apparaît que la majorité d’entre eux confirment les propos à caractère d’insultes que vous tenez à l’attention de Madame [H] [T] et tous indiquent votre vulgarité quotidienne dans le service. Par contre, lors des mêmes auditions, aucun des salariés interrogés n’a confirmé vos écrits.
Nous ne pouvons accepter un tel comportement contraire aux règles de fonctionnement dans l’entreprise.
En conséquence, ces faits nous amènent donc à vous sanctionner d’une mise à pied d’un jour franc avec retenue correspondante de salaire avec une obligation de formation sur la gestion des émotions.
Cette mesure prendra effet le mardi 29 mai 2018. Les dates de formation vous seront communiquées ultérieurement par le biais d’une convocation. Nous insistons sur le caractère obligatoire de cette dernière.»
Le 19 septembre 2018, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable, qui s’est déroulé le 5 octobre 2018, et lui a notifié le 23 octobre 2018 son licenciement pour faute grave, en ces termes : « Nous faisons suite à votre entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu’au licenciement du 5 octobre 2018 en présence du Directeur, Monsieur [M] [W] et de moi-même, Responsable Ressources Humaines pour lequel vous avez souhaité vous faire assister de [R] [D], en sa qualité de Délégué du personnel.
Tout d’abord, nous tenons à rappeler que, suite à un courrier de Madame [H] [T] en date du 30 janvier 2018 et un courrier de Madame [L] [V] en date du 12 février 2018, nous faisant part des insultes que vous aviez proférées à leur rencontre, nous avons saisi Je CHSCT en début d’année qui a mené une enquête dans le service.
À l’issue de cette enquête, il est apparu que la majorité des salariés interrogés ont confirmé avoir entendu vos insultes à l’égard de Madame [H] [T] et de Madame [L] [V]. Tous ont indiqué votre vulgarité quotidienne dans le service.
Nous avons donc été contraints de sanctionner votre comportement fautif par une mise à pied disciplinaire qui vous a été notifiée le 19 avril 2018. Dans ce courrier, il vous a été expressément indiqué que « si de tels faits devaient se renouveler, nous serions amenés à remettre en cause votre maintien dans la société ».
Nous ne vous cachons pas notre surprise quand nous avons appris que vous aviez réitérer votre comportement fautif.
En effet, comme nous vous l’avons indiqué lors de l’entretien préalable, Monsieur [E] [P], Adjoint au Responsable de production, a été interpelé le 13 septembre 2018 par deux de vos collègues de travail, Madame [H] [T] et Madame [L] [V], concernant à nouveau des insultes et des comportements menaçants à leur égard. Madame [L] [V] nous a rapporté des insultes quotidiennes d’ « enculée ». Elle nous a signalé que la situation s’était amplifiée par rapport à votre comportement à son égard du début de l’année. En effet, outre vos incessantes insultes, vous avez franchi un nouveau cap en cherchant, par votre comportement corporel, vos regards, vos postures, à la provoquer afin qu’elle réagisse physiquement. Madame [L] [V] nous a fait part de son inquiétude.
Madame [H] [T] a également signalé que, malgré la sanction qui vous a été précédemment notifiée pour des faits similaires, vous avez continué à avoir un comportement totalement déplacé envers elle, en l’insultant régulièrement ou en faisant état de remarques telles que « va travailler grosse feignasse ».
Madame [H] [T] a insisté sur votre comportement menaçant à son égard. En particulier, elle nous a expliqué que lorsqu’elle quitte l’établissement en même temps que vous, vous arrêtez votre véhicule à sa hauteur alors qu’elle est à pied, vous baissez votre vitre et vous restez la fixer en attendant une réaction de sa part. Elle nous a indiqué qu’elle en arrivait à avoir peur de vous.
Monsieur [S] [J], membre du CHSCT, nous a également indiqué que depuis l’enquête· menée à votre sujet en début d’année, il subit des représailles de votre part.
En particulier, le 18 septembre 2018, alors que Monsieur [S] [J] se rendait sur le lieu de travail afin de faire le point avec Madame [L] [V] sur votre comportement à son égard, vous l’avez traité de « branleur », d’ «enculé» et de « connard».
Monsieur [K] [I], Responsable Technique et responsable hiérarchique de Monsieur [S] [J], s’est alors déplacé dans votre service pour échanger avec vous et vous demander de rester cordial avec vos collègues de travail. Vous lui avez crié dessus avec une agressivité en lui disant que son équipe maintenance « ne foutais rien » et faisait un travail « de merde».
Le 25 septembre 2018, alors que Monsieur [S] [J] se rendait au service parage pour effectuer un dépannage, vous l’avez à nouveau traité d’ «enculé».
Nous ne pouvons en aucun cas accepter un tel comportement « nocif» au sein de nos ateliers. Dans le courrier de mise à pied disciplinaire qui vous a été notifié le 19 avril 2018, nous vous avons rappelé que vous devez respecter vos collègues de travail et plus généralement votre environnement de travail, que vous devez maîtriser votre langage et vos émotions et adopter un comportement conforme à celui attendu de tout salarié au sein de l’entreprise.
Les explications que vous nous avez apportées lors de l’entretien préalable du 5 octobre 2018 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits. En effet, lorsque nous vous avons interrogé sur votre version des faits, vous vous êtes contenté de nier, nous affirmant que vous n’aviez pas tenu de tels propos. Nous vous avons alors répondu qu’au vu du nombre de personnes nous ayant fait état de votre vulgarité et de votre agressivité, nous n’étions plus en mesure de vous croire.
Dans la mesure où vous ne nous avez démontré aucune volonté de modifier votre comportement et afin de garantir la sécurité de nos salariés, nous ne pouvons envisager de continuer notre relation contractuelle. Aussi, nous vous notifions par ce courrier votre licenciement pour faute grave. Par conséquent, votre contrat de travail est rompu ce jour, date de notification de votre licenciement. Vous ne pouvez prétendre ni au bénéfice d’un préavis ni à celui d’une indemnité de rupture quelle qu’elle soit. »
Contestant notamment son licenciement, Monsieur [C] [A] a saisi le 17 avril 2019 le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence, lequel par jugement du 09 mars 2021 :
DIT que le courrier du 14 février 2018 ne constitue pas une mesure de sanction disciplinaire ;
DIT que la mise à pied disciplinaire notifiée par courrier en date du 16 avril 2018 est justifiée ;
DIT que le licenciement pour faute grave de M.[C] [A], compte tenu de la répétition d’agissements d’une particulière gravité, mettant en danger la santé et la sécurité des salariés de la société ABC Industrie, est entièrement fondé ;
DEBOUTE M.[C] [A] de l’ensemble de ses chefs de demande formulés à l’encontre de la société ABS Industrie ;
DEBOUTE la société ABS Industrie de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M.[C] [A] aux entiers dépens.
Par déclaration électronique du 8 avril 2021, Monsieur [C] [A] a interjeté appel de ce jugement, en ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes et condamné aux dépens.
Par conclusions déposées et notifiées par RPVA le 12 mai 2021, Monsieur [C] [A] demande à la cour de :
INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes d’AIX-EN-PROVENCE en date du 9 mars 2021 en toutes ses dispositions;
Statuant à nouveau :
ANNULER l’avertissement en date du 14 février 2018 ainsi que la mise à pied disciplinaire en date du 16 avril 2018;
CONDAMNER la SAS A.B.C. INDUSTRIE à lui verser les sommes suivantes:
– 41,36 € à titre de rappel de salaire sur la retenue effectuée pour la journée de mise à pied disciplinaire;
– 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait du caractère vexatoire et abusif de la procédure disciplinaire dont il a fait l’objet.
DIRE ET JUGER que [le] licenciement est sans cause réelle et sérieuse;
CONDAMNER la SAS A.B.C. INDUSTRIE à lui verser les sommes suivantes:
– 6.382 € au titre de l’indemnité légale de licenciement;
– 2.070 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 207 € au titre des congés payés afférents ;
-18.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
DIRE ET JUGER que la SAS A.B.C. INDUSTRIE a manqué à son obligation de sécurité;
CONDAMNER la SAS A.B.C. INDUSTRIE à lui verser la somme de 5.000 € au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
CONDAMNER la SAS A.B.C. INDUSTRIE à lui verser la somme de 3.000 € au titre du préjudice subi au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail;
CONDAMNER la SAS A.B.C. INDUSTRIE à lui remettre ses documents de fin de contrat rectifiés ainsi que son solde de tout compte, sous astreinte de 50 € par jour de retard;
CONDAMNER la SAS A.B.C. INDUSTRIE à lui verser la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance;
ORDONNER l’exécution provisoire de la décision sur le tout.
Par conclusions déposées et notifiées par RPVA le 2 novembre 2024, la SAS ABC Industrie demande à la cour de :
Confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté l’ensemble des demandes de Monsieur [A],
En conséquence,
ln limine litis
REJETER la demande liée à un prétendu non-respect d’obligation de sécurité compte tenu de la prescription de la demande
Sur le reste
REJETER l’ensemble des demandes, fins et conclusions de Monsieur [A]
En tout état de cause,
Condamner Monsieur [A] à 3.500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile.
L’ordonnance de clôture de la procédure est en date du 5 novembre 2024.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
I – Sur les mesures antérieures au licenciement
Monsieur [C] [A] soutient :
que le courrier de l’employeur du 14 février 2018, qui indique que le salarié devra s’expliquer sur les faits reprochés et qu’il doit impérativement modifier son comportement, constitue une sanction disciplinaire, en l’occurrence un avertissement qui devra être annulé faute d’être justifié
que lui-même a le 19 février 2018 adressé un courrier à son employeur, contestant les griefs reprochés et l’alertant sur le comportement inapproprié à son égard de Mesdames [T] et [V]
que l’employeur ne pouvait donc pas prononcer ensuite une mise pied disciplinaire sur les mêmes faits
que les membres du CHSCT ayant diligenté l’enquête sont quasiment exclusivement des salariés de l’équipe de maintenance, d’entretien et de réparation des machines, qui faisaient l’objet de ses doléances quotidiennes sur les dysfonctionnements de la chaîne ; que leur impartialité est donc douteuse ; que seules 3 auditions figurent dans la procédure d’enquête interne, dont celles de Mesdames [T] et [V] ; qu’il verse au débat une liste de 20 signatures de salariés travaillant comme lui à la chaîne de production et qui n’ont pas été entendus par le CHSCT
qu’il a été convoqué à l’entretien préalable le 20 mars 2018, soit avant la tenue de la réunion extraordinaire du CHSCT et avant même l’audition de 2 des 3 salariées interrogées.
La SAS ABC Industrie soutient :
que le courrier qu’elle a adressé à Monsieur [C] [A] le 15 février 2018 n’est pas un avertissement mais un rappel des règles à suivre
que la société, en application de son obligation de sécurité, a diligenté une enquête interne avec le CHSCT, laquelle corrobore les faits qui ont ensuite motivé la mise à pied.
Sur ce :
a-Sur la lettre du 14 février 2018
Aux termes de l’article L1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prises par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. Il appartient au juge de donner son exacte qualification à la mesure prise par l’employeur.
La qualification de sanction nécessite deux conditions cumulatives : l’existence d’un agissement considéré comme fautif par l’employeur, et la caractérisation d’une volonté de celui-ci de sanctionner cet agissement.
Le simple rappel à l’ordre, y compris écrit, qui relève du pouvoir de direction de l’employeur, n’est pas soumis au droit disciplinaire.
La lettre remise par l’employeur à Monsieur [C] [A] le 15 février 2018 se décompose en deux parties. La première informe le salarié de ce que l’employeur a reçu 3 lettres émanant de deux salariées se plaignant d’insultes et de ce que la société allait engager une procédure pour harcèlement avec le concours du CHSCT, au cours de laquelle il serait probablement écouté. Il en résulte que la société diligentait une enquête, ne considérait pas comme certains les faits reprochés par Mesdames [T] et [V] à Monsieur [C] [A] et n’entendait pas à ce stade les sanctionner. La deuxième partie du courrier, en se référant à un comportement à l’encontre d’un autre salarié, Monsieur [U], se borne à demander à Monsieur [C] [A] de modifier son comportement et de respecter des règles de base de respect envers ses collègues, sans que les termes employés ne caractérisent une volonté de sanction. La cour retient en conséquence que cette lettre constitue tout au plus un rappel à l’ordre, et n’a en conséquence pas épuisé le pouvoir disciplinaire de l’employeur quant aux faits dénoncés par Mesdames [T] et [V].
La cour confirme en conséquence le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a dit que le courrier du 14 février 2018 ne constitue pas une mesure de sanction disciplinaire et a débouté Monsieur [C] [A] de sa demande d’annulation à ce titre.
b-Sur la mise à pied disciplinaire
En cas de contestation d’une sanction disciplinaire, l’annulation est encourue si la sanction apparaît irrégulière en la forme, injustifiée ou disproportionnée à la faute commise. Il appartient à l’employeur de fournir les éléments qu’il a retenus pour prendre la sanction et au salarié de produire ceux qui viennent à l’appui de ses allégations. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
L’employeur verse au débat :
-la lettre envoyée par Madame [H] [T], datée du 30 janvier 2018, faisant état d’insultes la semaine précédente par Monsieur [C] [A], « balance » « sucette » « baleine » « cachalot », dont Madame [L] [V] a été témoin, et précisant que « cela fait quelques mois que cela dure »
-la lettre envoyée le 12 février 2018 par Madame [L] [V], indiquant confirmer « les dires de Madame [H] [T] en ce qui concerne les insultes proférées à de multiples reprises » par Monsieur [C] [A], avoir été elle-même victime de faits similaires, y compris ce jour devant Monsieur [O]
– un mail du 15 février 2018 émanant de Monsieur [Y] [O] indiquant avoir été témoin le jour même d’une fin d’altercation entre Madame [L] [V] et Monsieur [C] [A], entendant ce dernier dire à la première qu’elle « pouvait ramener son mari et qu’il l’attendrait dehors », « [L] lui a répondu qu’il pouvait l’attendre, qu’elle sortirait dehors » ; qu’il lui a dit « casse-toi enculée » et que lui-même était intervenu face à l’attitude « virulente » de Monsieur [C] [A]
– les auditions diligentées dans le cadre de l’enquête interne, dont la cour note que leur date indiquée en « 2017 » résulte d’une erreur matérielle, leur contenu renvoyant sans doute possible à 2018 :
* celle de Madame [L] [V], du 20 février, au cours de laquelle elle précise les insultes proférées par Monsieur [C] [A] « pouffiasse » « baleine » « suceuse » ; que Madame [H] [T] se fait traiter de « cachalot » « casimir » et elle-même de « balance » depuis qu’elle a dénoncé les faits ; que Monsieur [C] [A] tourne sa langue dans sa bouche pour imiter une fellation, chante la chanson « Annie aime les sucettes » et les fixe de loin ; qu’elle-même ne lui a jamais parlé car il est vulgaire ; elle rappelle la scène au cours de laquelle Monsieur [Y] [O] a dû s’interposer
*celle de Madame [N] [F], du 22 mars, qui expose avoir entendu Monsieur [C] [A] lancer des insultes à l’encontre de Madame [H] [T] « baleine » « cachalot » ainsi que chanter « Annie aime les sucettes » ; que cela fait 15 jours que cela a cessé ; qu’elle n’a jamais été témoin d’agissements de Mesdames [T] et [V] à l’encontre de Monsieur [C] [A], auquel elles ne parlent pas
*celle de Madame [H] [T], du 23 mars, qui a confirmé les insultes proférées à son encontre « baleine » « cachalot » « casimir » « monstre du Loch Ness », les gestes avec la langue accompagné du chant de « Annie aime les sucettes » ; qu’il s’en prend aussi à Madame [L] [V] depuis qu’elle a dénoncé les faits et qu’elle-même ne lui a jamais parlé car il est vulgaire
-le compte-rendu de la réunion extraordinaire du 26 mars 2018 du CHSCT, indiquant l’audition de 5 salariés du service dont 4 ont confirmé les insultes proférées par Monsieur [C] [A] et qui, également interrogés sur l’existence d’agissements de Mesdames [T] et [V] à l’encontre de Monsieur [C] [A], n’ont en pas fait état.
Monsieur [C] [A] produit la lettre qu’il a envoyée le 19 février 2018 à son employeur, réfutant les accusations et dénonçant « les bavardages futiles [de] ces personnes qui parlent beaucoup et ricanent à [ses] dépens » et ajoutant « j’ai le sentiment que les horaires aménagés dû à mon état de santé, malgré le travail pénible que j’effectue suscitent des jalousies chez des personnes qui sur leur lieu de travail s’occupent à raconter des ragots plutôt que de travailler et à les colporter par écrit dans un esprit de malveillance ». Il ne communique aucun élément à l’appui de ces allégations.
Il communique en pièce 12 une feuille manuscrite comportant le nom et la signature de 16 salariés, répondant négativement à la question de savoir s’ils avaient été entendus par le CHSCT.
Le fait de ne pas auditionner l’intégralité des salariés opérant dans le même service « parage » que l’auteur désigné et les potentielles victimes ne remet pas en cause la validité de l’enquête diligentée, alors que les déclarations des plaignantes sont claires, circonstanciées, réitérées et confirmées par deux témoins en des termes précis.
Les membres du CHSCT sont des salariés élus, donc non choisis par l’employeur, et la cour considère qu’aucun élément du dossier ne corrobore l’affirmation de Monsieur [C] [A] selon laquelle leur impartialité était «douteuse», étant rappelé que les questions posées ne concernaient pas uniquement les potentiels agissements fautifs de ce dernier mais également ceux de Mesdames [T] et [V] à son encontre.
Le fait que le salarié ait été convoqué par lettre du 20 mars 2018, alors que l’enquête n’était pas terminée, à l’entretien qui s’est tenu postérieurement à son achèvement, est sans incidence sur la validité de la procédure.
La cour retient que les agissements fautifs d’insultes et de comportement menaçant énoncés dans la lettre de mise à pied disciplinaire sont établis. La cour considère, au vu de leur gravité, de leur caractère réitéré comme de leur poursuite postérieurement au rappel à l’ordre sur le respect nécessaire vis-à-vis des collègues, que la sanction consistant en une journée de mise de pied n’est entachée d’aucune disproportion.
La cour confirme en conséquence le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a dit la mise en pied disciplinaire justifiée et a débouté Monsieur [C] [A] de sa demande en annulation.
En application de l’article 1231-1 du code civil, la mesure disciplinaire, même justifiée, peut causer à celui-ci, en raison des circonstances vexatoires qui l’ont accompagnée, un préjudice dont il est fondé à demander réparation. Il incombe au salarié de rapporter la preuve d’une faute de l’employeur dans les circonstances entourant la mesure disciplinaire et celle d’un préjudice qui en est résulté pour lui.
La cour retient que le salarié ne développe pas d’autre faute de l’employeur que celle résultant du « caractère abusif des procédures disciplinaires dont il a fait l’objet ». Or, la cour a confirmé le bien-fondé de la mesure prononcée à l’encontre du salarié.
La cour considère que le salarié n’établit pas de circonstances vexatoires entourant la mise à pied disciplinaire et, statuant de ce chef omis par le conseil de prud’hommes, le déboute de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.
II-Sur la rupture du contrat de travail
Monsieur [C] [A] soutient :
qu’il conteste les griefs reprochés
que la véritable cause de son licenciement réside dans sa dénonciation à de très nombreuses reprises de dysfonctionnements sur la chaîne de production
qu’âgé de 60 ans, avec de graves problèmes de santé liés aux accidents du travail et sans formation, il a subi un préjudice financier et moral indéniable.
La SAS ABC Industrie soutient :
qu’en dépit de la mise à pied disciplinaire, Monsieur [C] [A] a continué à adopter un comportement déplacé, qui s’est même aggravé, ce qui rendait son licenciement inéluctable.
que le seul courrier qu’il a adressé à son employeur dénonçant ses conditions de travail est intervenu juste après sa convocation à l’entretien préalable.
Sur ce :
Aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. L’article L.1235-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement fixe les limites des débats et doivent être examinés tous les griefs qui y sont énoncés, lesquels doivent être précis, objectifs et matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause du licenciement. Ils doivent par ailleurs être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.
Il appartient au juge, qui n’est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits reprochés au salarié et de les qualifier puis de décider s’ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l’article précité.
La notion de motif précis et vérifiable s’entend d’un motif suffisamment explicite pour pouvoir être précisé et discuté lors du débat probatoire.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il incombe à l’employeur d’en rapporter la preuve.
Le grief développé dans la lettre de licencient consiste en une réitération du comportement fautif de l’intéressé ensuite de la mise à pied disciplinaire, et vise des agissements injurieux et/ou menaçants à l’encontre de Madame [H] [T], Madame [L] [V], Monsieur [S] [J], Monsieur [K] [I], à l’appui desquels l’employeur produit au débat les écrits qui lui ont été adressés par Monsieur [K] [I] le 24 septembre 2018, par Monsieur [S] [J] le 1er octobre 2018, par Madame [H] [T] le 6 octobre 2018 et par Madame [L] [V] le 6 octobre 2018.
Le salarié verse au débat la lettre qu’il a envoyée à l’employeur le 26 septembre 2018, soit postérieure à sa convocation en date du 19 septembre 2018 à l’entretien préalable, par laquelle d’une part il se plaint de ses conditions de travail et des conditions de sécurité « précaires », d’autre part il dénonce une campagne de calomnie, une enquête partiale et son caractère de « bouc émissaire d’un système défaillant », sans autre élément à l’appui de ses dénégations des faits reprochés. La cour relève qu’il n’est établi par aucun élément du dossier que le salarié avait précédemment dénoncé à l’employeur un manquement à son obligation de sécurité.
La cour retient que les griefs développés à l’encontre du salarié sont établis par les éléments circonstanciés et concordants produits au débat.
La gravité de la faute s’apprécie notamment en tenant compte du contexte des faits, de l’ancienneté du salarié, des conséquences que ses agissements peuvent avoir pour l’employeur et de l’existence ou non de précédents disciplinaires.
Le grief de comportement réitéré injurieux, voire menaçant, malgré une mise à pied disciplinaire intervenue quelques mois auparavant pour des faits de même nature, agissements du salarié pouvant faire encourir à l’employeur des sanctions en l’absence de mesures adaptées pour assurer la sécurité et la santé des autres salariés, revêt un caractère de gravité suffisant pour que le licenciement constitue une mesure disciplinaire proportionnée à la faute, et dont le degré de gravité rendait impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
La cour retient que cette faute disciplinaire est la cause réelle du licenciement.
La cour confirme en conséquence le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a dit le licenciement fondé et débouté Monsieur [C] [A] de ses demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
III-Sur l’exécution du contrat de travail
1-Sur l’obligation de sécurité
Monsieur [C] [A] soutient :
qu’il a été victime de nombreux accidents du travail, le dernier en date du 21 décembre 2015 étant la conséquence directe du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité
que sa mission consistait à déposer sur un tapis de découpe les jambons suspendus par vingtaine sur des balancelles ; qu’en raison de dysfonctionnements sur la chaîne de production, il était contraint de tirer les balancelles sur plus d’un mètre pour que celles-ci soient positionnées devant le tapis de découpe ; que c’est à l’occasion de cet effort de traction qu’il a été victime de l’accident du 21 décembre 2015, lui occasionnant une hernie ombilicale
qu’il n’a cessé depuis cet accident d’alerter en vain ses supérieurs hiérarchiques des dysfonctionnements
qu’il signalait également quotidiennement des signes de blocage, ce qui n’était jamais pris en compte ; que les salariés devaient attendre que la chaîne se bloque pour qu’une réparation «de fortune » soit réalisée par le personnel de maintenance
que l’une des balancelles a d’ailleurs cédé le 1er octobre 2018 lors d’un effort réalisé par lui pour la tirer devant le tapis et est tombée au sol avec un chargement de 200 kgs de viande
qu’il a adressé un courrier le 26 septembre 2018 à son employeur à ce sujet, lequel s’est contenté de nier l’existence de tout dysfonctionnement
qu’épuisé par cette situation et par l’acharnement dont il a fait l’objet, il s’est trouvé en arrêt maladie à compter du 8 octobre 2018 ; qu’il a subi un important préjudice moral alors que la société aurait dû lui porter une attention particulière, étant travailleur handicapé
que la prescription n’est pas acquise, le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité s’étant poursuivie tout au long de la relation contractuelle.
La SAS ABC Industrie soutient :
que la demande au titre de son obligation de sécurité est prescrite
qu’elle a toujours pris en compte l’état de santé du salarié, à jour de ses visites médicales, et qui n’a jamais contesté les avis d’aptitude
que les certificats médicaux de son médecin traitant ou psychiatre ne font que retranscrire ses propos.
Sur ce:
La prescription biennale pour toute action portant sur l’exécution du contrat de travail à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits, telle que fixée par l’article L1471-1 du code du travail, résulte de la loi du 14 juin 2013, entrée en vigueur le 17 juin 2013.
Monsieur [C] [A], qui a formé pour la première fois une demande fondée sur l’obligation de sécurité de l’employeur lors de la saisine du conseil de prud’hommes le 17 avril 2019, est donc irrecevable à invoquer un manquement au titre non seulement de son accident du travail survenu le 21 décembre 2015 mais également pour tous les faits antérieurs au 17 avril 2017. Il est en revanche recevable à agir sur le fondement de manquements de l’employeur à son obligation de sécurité à compter de cette date.
Aux termes de l’article L1421-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. La charge de la preuve du respect de son obligation incombe à l’employeur.
Il ne résulte d’aucun élément communiqué au débat que le salarié, qui a fait l’objet des visites médicales régulières, se serait plaint, sauf auprès de son frère, de ses conditions de travail et de sécurité des balancelles avant son courrier du 26 septembre 2018, intervenu alors qu’il avait reçu la convocation à l’entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement. Il produit un article du journal interne de la société, daté de janvier 2016, qui établit justement qu’ensuite d’accidents liés à des chutes de balancelles, l’employeur a mis en place un « ordre de travail préventif » prévoyant le contrôle de 30 balancelles par mois, afin que chacune soit contrôlée au moins une fois par an. L’employeur précise en outre, sans être contredit sur ces points, que le système entraînant les balancelles comme celui du système montée descente des postes lanceurs ont été renouvelés en 2017 ; que les tubulaires du système d’entraînement sont contrôlées et réparées conformément au plan de maintenance préventive.
De plus, le salarié produit comme pièces médicales relatives à la période durant laquelle son action est recevable :
-le volet n°1 de l’arrêt de travail du 8 octobre 2018, émanant du Dr [X], psychiatre, codant le motif médical 10 F333, soit un état dépressif récurrent
-un certificat du même médecin du 5 février 2019 faisant état d’une aggravation importante et continue d’un état antérieur, constatée le 8 octobre 2018, ayant nécessité un arrêt de travail au titre de la maladie, et qui « apparaît secondaire à une contrariété professionnelle majeure telle que la décrit M.[A] », la cour rappelant qu’après une précédente mesure disciplinaire, le salarié venait d’avoir un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, ensuite prononcé pour faute grave
– un certificat du même médecin du 19 septembre 2019, reliant l’état psychologique du salarié, selon ses doléances, à son licenciement.
La cour retient que le salarié n’établit, en tout état de cause, aucun préjudice en lien avec son affirmation d’un manquement à la sécurité des balancelles.
La cour confirme en conséquence le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a débouté Monsieur [C] [A] de sa demande au titre de l’obligation de sécurité de l’employeur.
2-Sur l’obligation de loyauté et la responsabilité contractuelle
Monsieur [C] [A] soutient :
qu’alors qu’il s’est trouvé en arrêt de travail pour maladie à compter du 8 octobre 2018, il a été contraint de relancer à de nombreuses reprises son employeur pour que celui-ci effectue les démarches lui incombant auprès de l’organisme assureur AG2R, entraînant des retards dans le paiement des indemnités de prévoyance
qu’il est mensonger de prétendre qu’il n’aurait pas transmis à l’organisme de prévoyance ses décomptes d’IJSS, alors de plus qu’il appartient à l’employeur de solliciter ces documents auprès de son salarié afin de s’assurer de leur remise en vue de l’indemnisation.
La SAS ABC Industrie soutient :
que Monsieur [C] [A] a été placé en arrêt maladie pendant 16 jours avant son licenciement ; que les 7 premiers jours sont des jours de carence ; que les 9 suivants peuvent être indemnisés par l’employeur si le salarié communique ses relevés IJSS, ce qu’il n’a pas fait; qu’au titre de la portabilité, la période postérieure au licenciement concerne les relations entre le salarié et l’organisme AG2R
que Monsieur [C] [A] ne justifie pas du préjudice qu’il invoque.
Sur ce :
Aux termes de l’article L1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Il résulte des éléments communiqués au débat que le salarié se plaint de retard de paiement pour les compléments de prestations dus par l’AG2R à compter du 24 octobre 2018, soit postérieurement à la rupture du contrat de travail. Il ne peut donc être reproché à l’employeur des retards récurrents de paiement de l’organisme de prévoyance, et il appartenait au salarié, dans le cadre de la portabilité des droits, d’être en lien direct avec ce dernier.
La cour confirme en conséquence le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a débouté Monsieur [C] [A] de sa demande à ce titre.
Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a condamné Monsieur [C] [A] aux dépens de première instance et a débouté la SAS ABC Industrie de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour condamne Monsieur [C] [A] aux dépens d’appel et à payer à la SAS ABC Industrie la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés pour cette instance.
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe et contradictoirement ,
Confirme le jugement du conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence du 9 mars 2021 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déclare irrecevable comme prescrite la demande de Monsieur [C] [A] au titre de l’obligation de sécurité de l’employeur pour les faits antérieurs au 17 avril 2017 ;
La déclare recevable pour la période postérieure ;
Déboute Monsieur [C] [A] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure disciplinaire vexatoire ;
Condamne Monsieur [C] [A] aux dépens d’appel et à payer à la SAS ABC Industrie la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés pour cette instance ;
Le greffier Le président
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