Compétence territoriale et clauses contractuelles : enjeux et implications

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Compétence territoriale et clauses contractuelles : enjeux et implications

L’Essentiel : La SCI LES 2J a signé un bail de 9 ans avec la SAS NOODAWA pour un local de restauration rapide, mais des tensions sont apparues concernant le paiement des loyers. Le 18 janvier 2024, un commandement de payer a été délivré pour 15.355,92 euros TTC. En réponse, la SAS a assigné la SCI devant le tribunal de Paris, demandant l’annulation du commandement et des dommages-intérêts. Le 26 septembre 2024, la SCI a demandé la déclaration d’incompétence du tribunal de Paris, ce qui a été accepté. L’audience a eu lieu le 3 octobre 2024, et la décision a été mise en délibéré.

Contexte de l’affaire

La SCI LES 2J a conclu un bail avec la SAS NOODAWA pour un local à usage de restauration rapide, d’une durée de 9 ans, à compter du 11 mai 2023. Le loyer annuel s’élève à 18.600 euros hors taxes. Cependant, des tensions sont apparues concernant le paiement des loyers et l’exploitation du fonds de commerce.

Commandement de payer et sommation

Le 18 janvier 2024, la SCI LES 2J a délivré un commandement de payer à la SAS NOODAWA pour un montant de 15.355,92 euros TTC, invoquant des dettes locatives. Par la suite, le 31 mai 2024, la SCI a également sommé la SAS d’exploiter le fonds de commerce sans délai.

Assignation en justice

En réponse, la SAS NOODAWA a assigné la SCI LES 2J devant le tribunal judiciaire de Paris le 16 février 2024. Elle a demandé l’annulation du commandement de payer, la suspension de l’obligation de versement des loyers, ainsi que des dommages-intérêts.

Demandes d’incompétence territoriale

Le 26 septembre 2024, la SCI LES 2J a demandé au juge de déclarer le tribunal judiciaire de Paris incompétent, souhaitant que l’affaire soit renvoyée devant le tribunal judiciaire de Rouen. La SAS NOODAWA a acquiescé à cette demande tout en contestant certaines pièces présentées par la SCI.

Audience et décision

L’audience de plaidoirie s’est tenue le 3 octobre 2024, et la décision a été mise en délibéré pour le 21 novembre 2024. Le juge a examiné la compétence territoriale et a constaté que la SCI LES 2J n’avait pas la qualité de commerçant, rendant ainsi la clause de compétence territoriale non écrite.

Motivations du tribunal

Le tribunal a déclaré le tribunal judiciaire de Paris incompétent au profit du tribunal judiciaire de Rouen. De plus, la demande d’écarter certaines pièces a été jugée irrecevable. Les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ont été réservés.

Conclusion de l’ordonnance

Le juge a ordonné la transmission du dossier au tribunal judiciaire de Rouen après l’écoulement du délai d’appel, tout en réservant les dépens et les demandes formées au titre de l’article 700. L’ordonnance a été rendue le 21 novembre 2024.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence territoriale applicable dans cette affaire ?

La compétence territoriale est régie par l’article 42 du Code de procédure civile, qui stipule que « la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur ».

En l’espèce, la SCI LES 2J n’ayant pas la qualité de commerçant, la clause attributive de compétence territoriale est réputée non écrite à son égard.

De plus, l’article 48 du même code précise que « toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite » sauf si elle a été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant.

Ainsi, la compétence dérogatoire du tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble, prévue par l’article R. 145-23 du Code de commerce, ne s’applique pas ici, car les contestations ne relèvent pas spécifiquement du statut des baux commerciaux.

Il a donc été décidé que le tribunal judiciaire de Paris est territorialement incompétent au profit du tribunal judiciaire de Rouen.

Quelles sont les conséquences de l’irrecevabilité des pièces 4 à 7 ?

La demande d’écarter les pièces 4 à 7, présentée par la SCI LES 2J, a été déclarée irrecevable. Cela découle du fait que le tribunal judiciaire de Paris n’est pas compétent pour connaître de cette demande.

En effet, selon le principe de compétence, un juge ne peut statuer sur des demandes qui ne relèvent pas de sa juridiction.

Ainsi, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris ne peut pas examiner cette demande, ce qui entraîne son irrecevabilité.

Cette situation souligne l’importance de la compétence territoriale dans le cadre des procédures judiciaires, car elle détermine non seulement le tribunal compétent, mais également les demandes qui peuvent y être présentées.

Comment sont traitées les demandes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ?

L’article 696 du Code de procédure civile stipule que « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Dans cette affaire, les dépens ont été réservés, ce qui signifie que le juge n’a pas encore pris de décision définitive sur la répartition des frais de justice entre les parties.

De plus, les demandes formées par les parties au titre de l’article 700, qui permet de demander le remboursement des frais non compris dans les dépens, ont également été réservées.

Cela indique que le tribunal n’a pas encore statué sur ces demandes, laissant la possibilité d’une décision ultérieure une fois que l’affaire sera examinée par le tribunal judiciaire de Rouen.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies
délivrées le :

18° chambre
1ère section

N° RG 24/04435
N° Portalis 352J-W-B7I-C4EA7

N° MINUTE : 1

Assignation du :
16 Février 2024

contradictoire

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 21 Novembre 2024

DEMANDERESSE

S.A.S. SAS NOODAWA
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Me Nadine RAULT, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C0412,
et par Me Stéphane SELEGNY de la SELARL AXLAW, Avocat au Barreau de ROUEN, avocat plaidant,

DEFENDERESSE

S.C.I. LES J
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #J0151,
et par Me Bérengère RENE de la SELARL JAVELOT – FREMY – RENE, Avocat au Barreau de ROUEN , avocat plaidant,

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Monsieur Jean-Christophe DUTON, Vice-président,

assisté de Monsieur Christian GUINAND, Greffier principal,

DEBATS

A l’audience du 3 octobre 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue par mise à disposition au greffe le 21 Novembre 2024.

ORDONNANCE

Rendue par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

Par acte sous seing privé du 24 mai 2023, la SCI LES 2J a donné à bail à la SAS NOODAWA, alors en formation, un local situé au [Adresse 1] à [Localité 4], pour une durée de 9 ans, à compter du 11 mai 2023 pour se terminer le 10 mai 2032, moyennant un loyer annuel de 18.600 euros hors taxes.

La destination est la suivante : « restauration rapide (à l’exclusion de toute restauration traditionnelle) ne nécessitant pas l’utilisation d’un conduit d’extraction de fumées ».

Par acte extrajudiciaire du 18 janvier 2024, la SCI LES 2J a fait délivrer la SAS NOODAWA un commandement de payer visant la clause résolutoire ayant pour cause une somme de 15.355,92 euros TTC au titre des dettes locatives.

Par acte extrajudiciaire du 31 mai 2024, la SCI LES 2J a fait délivrer la SAS NOODAWA une sommation d’avoir à exploiter, sans délai, le fonds de commerce.

Par exploit de commissaire de justice du 16 février 2024, la SAS NOODAWA a fait assigner la SCI LES 2J devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins substantielles de :
A titre principal,
déclarer nul le commandement visant la clause résolutoire délivré le 18 janvier 2024 ;suspendre l’obligation de versement des loyers, à compter de la conclusion du bail jusqu’à ce que le bailleur justifie de l’étanchéité des lieux et des réparations afférentes au défaut d’étanchéité ;condamner le bailleur à lui verser 230.181,47 euros au titre de dommages-intérêts ;A titre subsidiaire,
lui accorder un délai de grâce et suspendre les effets de la clause résolutoire.
Par conclusions d’incident notifiées par RPVA le 26 septembre 2024, la SCI LES 2J demande au juge de la mise en état de :
déclarer le tribunal judiciaire de Paris incompétent et de renvoyer l’examen de ce dossier devant le tribunal judiciaire de Rouen ;condamner la SAS NOODAWA au paiement d’une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure.
Par conclusions d’incidents notifiées par RPVA le 2 octobre 2024 la SA NOODAWA demande au juge de la mise en état de :
lui donner acte qu’elle acquiesce à la demande d’incompétence territoriale soulevée par la SCI LES 2J ; écarte les pièces 4 à 7 de la SCI LES 2J ; renvoyer les parties devant le tribunal judiciaire de Rouen ; débouter la SCI LES 2J de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; condamner la SCI LES 2J au paiement d’une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure.
L’audience de plaidoirie de l’incident s’est tenue le 3 octobre 2024. La décision a été mise en délibéré au 21 novembre 2024.

MOTIVATION

Sur la compétence territoriale du tribunal judiciaire de Paris

Il résulte de l’article 42 du code de procédure civile dispose que la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur.

Aux termes de l’article 48 du code de procédure civile, toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée.

La compétence dérogatoire du tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble posée par l’article R. 145-23 du code de commerce, d’interprétation stricte, se limite aux contestations spécifiquement relatives à l’application du statut des baux commerciaux. Les dispositions du code de commerce, article L. 145-1 et suivants, et sa partie réglementaire régissent les dispositions spécifiques applicables aux baux commerciaux.

En l’espèce, les parties s’entendent sur la compétence territoriale du tribunal judiciaire de Rouen.

Au surplus, il y a lieu de constater d’une part, que la SCI LES 2J n’a pas la qualité de commerçant, de sorte que la clause attributive de compétence territoriale doit être réputée non écrite à son égard, et d’autre part, que la clause libellée aux termes des stipulations de l’article 20 du bail « les parties attribuent expressément compétence aux juridictions parisiennes » ne saurait recevoir application car elle ne permet pas de déterminer précisément une juridiction.

Il y a donc lieu de déclarer l’incompétence territoriale du tribunal judiciaire de Paris au profit du tribunal judiciaire de Rouen.

Sur la demande tendant à voir écarter des débats les pièces 4 à 7 versées par la SCI LES 2J

Le tribunal judiciaire de Paris n’étant pas territorialement compétent, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris ne peut pareillement connaître de la demande tendant à voir écarter les pièces 4 à 7 versées par la SCI LES 2J. Cette demande sera donc déclarée irrecevable devant le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris.

Sur les dépens et les demandes au titre de l’article 700

1L’article 696 du code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, les dépens seront réservés. Il en sera de même des demandes formées par les parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS
 
Le juge de la mise en état, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,

Déclare le tribunal judiciaire de Paris territorialement incompétent au profit du tribunal judiciaire de Rouen ;

Déclare irrecevable devant le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris la demande tendant à voir écarter des débats les pièces 4 à 7 versées par la SCI LES 2J ;

Renvoie l’affaire et les parties devant le juge de la mise en état du tribunal de judiciaire de Rouen ;

Ordonne que la présente décision soit notifiée aux parties par lettre recommandée en application de l’article 84 du code de procédure civile ;

Ordonne la transmission du dossier au tribunal judiciaire de Rouen, une fois le délai d’appel écoulé et en l’absence de justification d’un appel dans ce délai ;

Réserve les dépens, et les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Faite et rendue à Paris le 21 Novembre 2024.

Le Greffier Le Juge de la mise en état

Christian GUINAND Jean-Christophe DUTON


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