Compétence et recevabilité des prétentions en appel : enjeux procéduraux et limites des pouvoirs judiciaires.

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Compétence et recevabilité des prétentions en appel : enjeux procéduraux et limites des pouvoirs judiciaires.

L’Essentiel : Madame [W] [B] a interjeté appel le 29 février 2024 d’une ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Saint-Pierre, qui avait rejeté ses demandes et condamné à verser 2.000 euros à Maître [O] [K]. L’audience a été fixée au 18 mars 2024, avec des conclusions échangées entre les parties jusqu’en mai. Un incident a été soulevé par Monsieur [K] concernant l’irrecevabilité des nouvelles demandes de Madame [B]. La cour a statué que la compétence pour les fins de non-recevoir appartient à la cour d’appel, déclarant l’incident irrecevable et renvoyant l’examen au fond au 17 décembre 2024.

Déclaration d’appel

Madame [W] [B] a déposé une déclaration d’appel le 29 février 2024 contre une ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire de Saint-Pierre de la Réunion le 14 février 2024. Cette ordonnance a rejeté toutes les demandes de Madame [B] et a condamné celle-ci à verser 2.000 euros à Maître [O] [K] ainsi qu’à supporter les dépens de l’instance.

Procédure d’appel

L’audience a été fixée rapidement pour le 18 mars 2024. La signification de la déclaration d’appel a été faite à l’intimé le 27 mars 2024, suivie de la constitution d’avocat de l’intimé le 5 avril 2024. Les premières conclusions de l’appelante ont été déposées le 16 avril 2024, tandis que les conclusions de l’intimé ont été remises le 14 mai 2024.

Incident soulevé par l’intimé

Monsieur [K] a soulevé un incident le 14 mai 2024, arguant que les nouvelles demandes de Madame [B] en appel étaient irrecevables selon l’article 564 du code de procédure civile. Il a demandé la condamnation de Madame [B] à verser 1.500 euros en application de l’article 700 du même code, en plus des dépens.

Observations et compétences

Le président de la chambre a invité les parties à présenter leurs observations sur les pouvoirs du président concernant l’application de l’article 564. Le conseil de l’appelante a soutenu que les fins de non-recevoir relèvent de la compétence de la cour d’appel.

Examen de l’incident

L’incident a été examiné lors de l’audience du 17 septembre 2024. Le conseil de Madame [B] a renouvelé ses arguments concernant les pouvoirs du président de la chambre et la fin de non-recevoir soulevée par l’intimé.

Décision de la cour

La cour a rappelé que la compétence pour statuer sur les fins de non-recevoir relevant de l’appel appartient à la cour d’appel, tandis que les questions de procédure d’appel sont de la compétence du conseiller de la mise en état. En l’absence de mise en état, le président de la chambre ne peut pas statuer sur la recevabilité des prétentions de l’appelante.

Conclusion

L’incident soulevé par Monsieur [K] a été déclaré irrecevable. Monsieur [K] a été condamné à supporter les dépens de l’incident, et il n’a pas été accordé d’indemnité au titre de l’article 700. L’examen de l’affaire au fond a été renvoyé au 17 décembre 2024 à 9 heures.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences de la déclaration d’appel sur la recevabilité des demandes nouvelles ?

La déclaration d’appel a pour effet de soulever des questions sur la recevabilité des demandes nouvelles, notamment en vertu de l’article 564 du Code de procédure civile, qui stipule :

« Il est interdit de soumettre en appel des prétentions nouvelles, sauf si elles sont fondées sur des faits survenus après le jugement. »

Ainsi, dans le cadre de l’affaire en question, Monsieur [K] soutient que les demandes de Madame [B] sont nouvelles et doivent être déclarées irrecevables.

Il est important de noter que la jurisprudence, notamment l’avis de la Cour de cassation du 11 octobre 2022, précise que la cour d’appel est compétente pour statuer sur les fins de non-recevoir, tandis que les questions procédurales relèvent du conseiller de la mise en état.

En l’absence de mise en état, le président de la chambre saisie n’a pas le pouvoir de se substituer à l’appréciation de la cour d’appel sur le fond.

Ainsi, l’examen de la fin de non-recevoir, en vertu de l’article 564, doit être effectué par la cour d’appel au fond, et non par le président de la chambre saisie.

Quel est le rôle du président de la chambre saisie dans le cadre de la procédure d’appel ?

Le président de la chambre saisie a un rôle limité dans le cadre de la procédure d’appel, surtout en l’absence de mise en état.

Selon l’article 905-2 du Code de procédure civile, le président de la chambre saisie ne dispose pas des mêmes pouvoirs que ceux d’une cour d’appel statuant au fond.

Il est précisé que :

« Le président de la chambre saisie peut, dans le cadre de la procédure d’appel, prendre des mesures d’instruction ou de mise en état, mais ne peut pas statuer sur le fond de l’affaire. »

Dans le cas présent, le président a été amené à examiner une fin de non-recevoir soulevée par Monsieur [K]. Cependant, cette question relève de la compétence de la cour d’appel, qui doit statuer sur la recevabilité des prétentions de l’appelante.

Ainsi, le président de la chambre saisie ne peut pas se substituer à la cour d’appel pour apprécier la recevabilité des demandes nouvelles, ce qui a conduit à la déclaration d’irrecevabilité de l’incident soulevé par Monsieur [K].

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que :

« Celui qui perd le procès peut être condamné à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, le tribunal a condamné Madame [B] à payer 2.000 euros à Maître [K] en application de cet article.

Cette disposition vise à compenser les frais engagés par la partie gagnante, mais elle ne doit pas être confondue avec les dépens, qui sont les frais de justice.

Il est également important de noter que, dans le cadre de l’incident soulevé par Monsieur [K], le président a décidé de ne pas accorder d’indemnité fondée sur l’article 700, ce qui signifie que les frais liés à cet incident ne seront pas remboursés.

Cela souligne l’importance de la distinction entre les frais de justice et les frais exposés par les parties dans le cadre de la procédure.

En conclusion, l’article 700 joue un rôle crucial dans la répartition des frais entre les parties, mais son application dépend des circonstances de chaque affaire.

COUR D’APPEL

DE SAINT-DENIS

Chambre civile TGI

N° RG 24/00222 – N° Portalis DBWB-V-B7I-GAUN

Madame [W] [B]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : Me Julien BARRE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

APPELANT

Maître [O] [K] Me [O] [K], Notaire associé, membre de la SAS [5] [K], Société notariale par actions simplifiée, dont le siège est sis [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Abdoul karim AMODE de la SELARL AMODE & ASSOCIES (SELARL), avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

INTIME

ORDONNANCE SUR INCIDENT N°

DU 26 Novembre 2024

Nous, Patrick CHEVRIER, Président de chambre;

Assisté de Véronique FONTAINE, Greffier,

FAITS ET PROCÉDURE

Vu la déclaration d’appel déposée le 29 février 2024 par Madame [W] [B] à l’encontre de l’ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire de Saint-Pierre de la Réunion en date du 14 février 2024, ayant statué en ces termes :

 » Disons n’y avoir lieu à référé sur toutes les demandes de Mme [W]

[B],

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de dommages et intérêts de Maître [O] [K],

Disons n’y avoir lieu au prononcé d’une amende civile sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile,

Condamnons Mme [W] [B] à payer la somme de 2.000 euros à Maître [O] [K] par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamnons Mme [W] [B] aux entiers dépens de l’instance..  »

Vu l’avis adressé aux parties, fixant l’audience à bref délai, en date du 18 mars 2024 ;

Vu la signification de la déclaration d’appel à l’intimé en date du 27 mars 2024 ;

Vu la constitutions d’avocat de l’intimé en date du 5 avril 2024 ;

Vu les premières conclusions d’appelante déposées par RPVA le 16 avril 2024 ;

Vu les conclusions d’intimé déposées par Monsieur [O] [K] le 14 mai 2024 ;

Vu les conclusions d’incident remises par Monsieur [K] le 14 mai 2024, demandant au président de la chambre saisie de :

 » Vu l’article 564 du code de procédure civile,

DECLARER IRRECVABLES comme nouvelles en cause d’appel les conclusions de Madame [B], tendant à : (‘.)

CONDAMNER Madame [W] [B] à la somme de 1.500,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.  »

Vu l’avis adressé aux parties par le président de la chambre le 18 juin 2024, les invitant à présenter leurs observations sur les pouvoirs du président de la chambre saisie pour statuer sur l’application de l’article 564 du code de procédure civile ;

Vu la note en réponse du Conseil de l’appelant, considérant en substance que  » les fins de non-recevoir tirées des articles 564 et 910-4 du Code de procédure civile relèvent de la compétence de la Cour d’appel.  »

L’incident a été examiné à l’audience du 17 septembre 2024.

Par note en délibéré autorisée, le conseil de Madame [B] a renouvelé ses réponses antérieures à propos des pouvoirs du président dela chambre saisie et de la fin de non-recevoir soulevée par l’intimé.

MOTIFS

Monsieur [K] soutient que Madame [B] a présenté des demandes nouvelles en appel et que ces prétentions doivent être déclarées irrecevables par application de l’article 564 du code de procédure civile.

Cependant, il convient d’évoquer l’avis de la cour de cassation en date du 11 octobre 2022 (Avis N° C 22-70.010 – 2ème chambre civile), qui rappelle d’une part son avis du 3 juin 2021 (n° 21-70.006), relatif à la distinction des pouvoirs entre le conseiller de la mise en état et la cour d’appel, et d’autre part qui précise que la cour d’appel est compétente pour statuer sur des fins de non-recevoir relevant de l’appel, celles touchant à la procédure d’appel étant de la compétence du conseiller de la mise en état.

Il s’en déduit que la cour d’appel est compétente pour statuer sur des fins de non-recevoir relevant de l’appel, celles touchant à la procédure d’appel étant de la compétence du conseiller de la mise en état.

En l’absence de mise en état dans le cadre de la procédure à bref délai, le président de la chambre saisie dispose de moins de pouvoirs et en tout état de cause ne dispose pas de celui de se substituer à l’appréciation de la cour d’appel statuant au fond.

Or, l’examen de la fin de non-recevoir édictée à l’article 564 du code de procédure civile, relative à l’interdiction de soumettre des prétentions nouvelles en appel, relève de l’appel et non de la procédure d’appel.

Ainsi, en l’espèce, le président de la chambre saisie, dans le cadre de la procédure de l’article 905-2 du code de procédure civile, ne dispose pas du pouvoir de statuer sur la recevabilité des prétentions de l’appelante en cause d’appel, cet examen ressortissant de la mission de la cour d’appel saisie au fond.

L’incident sera déclaré irrecevable.

Monsieur [K] supportera les dépens de l’incident.

PAR CES MOTIFS

Nous, Patrick CHEVRIER, président de chambre, statuant publiquement par décision susceptible de déféré;

DECLARONS IRRECEVABLES l’incident soulevé par Monsieur [O] [K] ;

DISONS que Monsieur [O] [K] supportera les dépens de l’incident ;

DISONS n’y avoir lieu à indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’incident ;

RENVOYONS l’examen de l’affaire au fond le 17 décembre 2024 à 9 heures 00.

La présente ordonnance a été signée par Le président et le greffier.

Le greffier

Véronique FONTAINE

Le président

Patrick CHEVRIER


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