Compétence juridictionnelle et nature des actes préparatoires dans le cadre de l’exécution forcée

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Compétence juridictionnelle et nature des actes préparatoires dans le cadre de l’exécution forcée

L’Essentiel : Monsieur [M] [H] a assigné la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) pour annuler trois commandements de payer. La CNBF a contesté la compétence du tribunal judiciaire de Paris, arguant que la validité des commandements relevait du juge de l’exécution. Cependant, le tribunal a rejeté cette exception, affirmant que les commandements étaient des actes préparatoires et que sa compétence était maintenue. La CNBF a été condamnée aux dépens et déboutée de sa demande d’indemnisation. L’affaire sera examinée lors de l’audience de mise en état prévue pour le 5 mai 2025.

Exposé du litige

Par acte du 5 septembre 2023, Monsieur [M] [H] a assigné la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) devant le tribunal judiciaire de Paris pour annuler trois commandements de payer datés du 21 août 2023. La CNBF, par conclusions d’incident notifiées le 18 mars 2024, demande au juge de déclarer le tribunal judiciaire de Paris incompétent pour connaître de la nullité des commandements et de renvoyer l’affaire devant le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Nice. Elle réclame également 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.

Arguments de la CNBF

La CNBF soutient que la contestation de la validité des commandements de payer relève de la compétence du juge de l’exécution, conformément à l’article L.213-6 du code de l’organisation judiciaire. Au moment de l’audience d’incident, Monsieur [M] [H] n’avait pas encore conclu sur l’incident, et l’affaire a été mise en délibéré pour le 6 janvier 2025.

Motivation du tribunal

Le tribunal a noté que les conclusions de Monsieur [H] transmises le 26 décembre 2024, intervenues sans autorisation, ne seront pas prises en compte. Selon l’article L. 213-6, le juge de l’exécution est compétent pour les difficultés relatives aux titres exécutoires. Le tribunal a également rappelé qu’un commandement de payer simple est un acte préparatoire et ne constitue pas le premier acte d’une procédure d’exécution forcée.

Analyse des commandements de payer

La CNBF a affirmé que les commandements de payer contestés étaient des commandements aux fins de saisie-vente, mais n’a fourni aucune preuve à l’appui de cette affirmation. En revanche, l’assignation de Monsieur [M] [H] indique clairement qu’il conteste des commandements de payer sans référence à une saisie-vente. Par conséquent, ces commandements sont considérés comme des actes préparatoires, et leur contestation ne relève pas de la compétence exclusive du juge de l’exécution.

Décision du tribunal

L’exception d’incompétence soulevée par la CNBF a été rejetée. La CNBF, en tant que partie perdante, a été condamnée aux dépens de l’incident et a été déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. Le tribunal a statué que le tribunal judiciaire de Paris est compétent pour examiner la contestation des commandements de payer.

Prochaines étapes

Le tribunal a renvoyé l’examen de l’affaire à l’audience de mise en état du 5 mai 2025 pour clôture et fixation, avec des délais pour les conclusions en défense, en réplique et en réponse fixés respectivement au 17 février, 24 mars et 28 avril 2025.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence du juge de l’exécution selon l’article L.213-6 du code de l’organisation judiciaire ?

L’article L.213-6 du code de l’organisation judiciaire stipule que :

« Le juge de l’exécution est seul compétent pour statuer sur les difficultés relatives aux titres exécutoires et les contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée. »

Cet article établit clairement que le juge de l’exécution a une compétence exclusive pour traiter des litiges liés à l’exécution des décisions de justice, notamment en ce qui concerne les titres exécutoires.

Dans le cas présent, la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) soutient que les commandements de payer contestés relèvent de cette compétence. Cependant, il est important de noter que la jurisprudence a précisé que les commandements de payer simples, à la différence des commandements de payer aux fins de saisie-vente, ne constituent pas des actes d’exécution forcée.

Ainsi, la contestation des commandements de payer en question ne relève pas de la compétence exclusive du juge de l’exécution, car ces commandements sont considérés comme des actes préparatoires.

Quelles sont les implications de la jurisprudence concernant les commandements de payer ?

La jurisprudence constante, comme l’indique l’arrêt de la Cour de cassation du 22 juin 2017 (n° 16-17.277), précise que :

« Un commandement de payer simple, à la différence d’un commandement de payer aux fins de saisie-vente, ne constitue qu’un simple acte préparatoire et non le premier acte d’une procédure d’exécution forcée. »

Cette distinction est cruciale car elle détermine la nature juridique des commandements de payer.

Dans le litige en question, la CNBF n’a pas fourni de preuves suffisantes pour démontrer que les commandements de payer étaient destinés à une saisie-vente.

Les commandements de payer contestés, signifiés par la CNBF, ne mentionnent pas le terme « saisie-vente », ce qui renforce l’argument selon lequel ils ne sont que des actes préparatoires.

Par conséquent, la contestation de ces commandements ne peut pas être soumise à la compétence du juge de l’exécution.

Quelles sont les conséquences de l’exception d’incompétence soulevée par la CNBF ?

L’exception d’incompétence soulevée par la CNBF a été rejetée par le tribunal.

En effet, le tribunal a constaté que les commandements de payer en question ne relevaient pas de la compétence exclusive du juge de l’exécution, comme l’indique l’article L.213-6 du code de l’organisation judiciaire.

Le tribunal a également noté que la CNBF n’a pas fourni de preuves suffisantes pour soutenir sa position, notamment en ne présentant pas les commandements litigieux.

Ainsi, le tribunal a conclu que :

« Le tribunal judiciaire de Paris est compétent pour statuer sur la contestation des commandements de payer. »

Cette décision souligne l’importance de la présentation de preuves dans le cadre d’une exception d’incompétence.

Comment sont traités les dépens et les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ?

L’article 696 du code de procédure civile dispose que :

« La partie perdante est condamnée aux dépens. »

Dans le cas présent, la CNBF, en tant que partie perdante, a été condamnée aux dépens de l’incident.

De plus, concernant l’article 700 du code de procédure civile, qui permet à une partie de demander le remboursement de ses frais de justice, le tribunal a débouté la CNBF de sa demande.

Cela signifie que la CNBF n’a pas réussi à justifier sa demande de remboursement de 1.000 € au titre de l’article 700, ce qui est souvent le cas lorsque la partie perdante n’apporte pas de preuves suffisantes pour justifier ses frais.

Ainsi, le tribunal a statué en faveur de la partie demanderesse, Monsieur [M] [H], en rejetant les demandes de la CNBF.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :

1/1/1 resp profess du drt

N° RG 23/11866 – N° Portalis 352J-W-B7H-C2WGR

N° MINUTE :

Assignation du :
05 Septembre 2023

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 06 Janvier 2025

DEMANDEUR

Monsieur [M] [H]
[Adresse 3]
[Localité 1]

Représenté par Maître Jean-françois LOUIS de la SCP SCP SOUCHON – CATTE – LOUIS – PLAINGUET, avocats postulant au barreau de PARIS, vestiaire #P0452, et par Me Henri-Charles LAMBERT, avocat plaidant au barreau de NICE,

DÉFENDERESSE

Etablissement CAISSE NATIONALE DES BARREAUX FRANCAIS agissant poursuites et diligences de son président du conseil d’administration et de son directeur en exercice
[Adresse 2]
[Localité 4]

Représentée par Me Karl SKOG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1677

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Monsieur Benoit CHAMOUARD, Premier vice-président adjoint

assisté de Madame Marion CHARRIER, Greffier

DÉBATS

A l’audience du 25 novembre 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 06 Janvier 2025.

ORDONNANCE

Prononcée par mise à disposition
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 5 septembre 2023, Monsieur [M] [H] a fait assigner la Caisse nationale des barreaux français (ci-après CNBF) devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins de voir annuler trois commandements de payer, en date du 21 août 2023.

Par conclusions d’incident notifiées le 18 mars 2024, la CNBF demande au juge de la mise en état de :
– déclarer le tribunal judiciaire de Paris incompétent pour connaître de la nullité des trois commandements de payer litigieux ;
en conséquence,
– renvoyer l’affaire devant le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Nice ;
– condamner Monsieur [M] [H] à lui verser la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Karl Fredrik Skog.

La CNBF explique que le demandeur conteste, dans le cadre de la présente instance, la validité de trois commandements de payer avant saisie vente et qu’une telle demande relève de la compétence d’attribution du juge de l’exécution, conformément aux dispositions de l’article L.213-6 du code de l’organisation judiciaire.

Au jour de l’audience d’incident, Monsieur [M] [H] n’avait pas conclu sur l’incident.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, comme le permet l’article 455 du code de procédure civile.

A l’audience d’incident du 25 novembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 6 janvier 2025.

MOTIVATION

Monsieur [H] a transmis le 26 décembre 2024 des conclusions concernant l’incident. Ces conclusions, intervenues en cours de délibéré sans que le président d’audience en ait autorisé la production, ne seront pas prises en considération.

Sur le fond, il résulte de l’article L. 213-6, alinéa 1 du code de l’organisation judiciaire dans sa version applicable au présent litige, que le juge de l’exécution est seul compétent pour statuer sur les difficultés relatives aux titres exécutoires et les contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée.

Il est de jurisprudence constante qu’un commandement de payer simple, à la différence d’un commandent de payer aux fins de saisie-vente, ne constitue qu’un simple acte préparatoire et non le premier acte d’une procédure d’exécution forcée d’un titre exécutoire, n’engageant ainsi aucune mesure d’exécution (civ, 2ème, 22 juin 2017, n° 16-17.277).

En l’espèce, la CNBF procède par simple affirmation pour soutenir que les commandements de payer contestés sont des commandements de payer aux fins de saisie-vente. Elle ne verse aucune pièce aux débats, et notamment les commandements litigieux dont elle est pourtant en mesure de disposer.

A l’inverse, il résulte de l’assignation du demandeur, que ce dernier conteste trois commandements de payer du 21 août 2023, signifiés par la CNBF et portant sur les sommes de 11.356,01€, 20.033,50€ et 11.286,23€ sans aucune référence au terme de  » saisie vente « .

Dès lors, les commandements de payer, objets du présent litige, constituent de simples actes préparatoires, et leur contestation ne relève pas de la compétence exclusive du juge de l’exécution.

L’exception d’incompétence soulevée par la CNBF ne porte pas par ailleurs sur le commandement délivré le 13 octobre 2023.

En conséquence, l’exception d’incompétence soulevée par la CNBF sera rejetée.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La CNBF, partie perdante, sera condamnée aux dépens de l’incident, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

La CNBF sera également déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Nous, juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire susceptible de recours selon les dispositions de l’article 795 du code de procédure civile,

REJETONS les conclusions déposées le 26 décembre 2024 par Monsieur [M] [H],

REJETONS l’exception d’incompétence soulevée par la Caisse nationale des barreaux français au profit du juge de l’exécution ;

DISONS que le tribunal judiciaire de Paris compétent pour statuer sur la contestation des commandements de payer ;

CONDAMNONS la CNBF aux dépens de l’incident ;

DÉBOUTONS les parties de leurs autres ou plus amples demandes,

RENVOYONS l’examen de l’affaire à l’audience de mise en état du 5 mai 2025 pour clôture et fixation, avec :
– conclusions en défense avant le 17 février 2025,
– conclusions en réplique de la partie demanderesse avant le 24 mars 2025,
– conclusions en réponse du défendeur avant le 28 avril 2025.

Faite et rendue à Paris le 06 Janvier 2025

Le Greffier Le Juge de la mise en état
Marion CHARRIER Benoit CHAMOUARD


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