Compétence juridictionnelle en matière de cession d’actions commerciales : enjeux et implications.

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Compétence juridictionnelle en matière de cession d’actions commerciales : enjeux et implications.

L’Essentiel : Le 8 janvier 2025, le Tribunal judiciaire de Paris a été saisi par la S.A.S. OBHOTEL contre la S.C. LAURENCE HOTEL et Madame [X] [S] concernant un désaccord sur le prix d’une cession d’actions de la société HOTELIERE AXEL. OBHOTEL a demandé la désignation d’un tiers expert pour fixer le prix définitif, tandis que les défenderesses ont contesté la compétence du tribunal, arguant que le litige relevait du tribunal de commerce. Après examen, le tribunal a déclaré son incompétence et a renvoyé l’affaire au tribunal de commerce de Paris, sans statuer sur les frais.

Contexte de l’affaire

Le 8 janvier 2025, une procédure accélérée au fond a été engagée devant le Tribunal judiciaire de Paris, impliquant la S.A.S. OBHOTEL en tant que demanderesse et la S.C. LAURENCE HOTEL ainsi que Madame [X] [S] en tant que défenderesses. Cette affaire découle d’un acte de cession d’actions de la société HOTELIERE AXEL, signé le 1er octobre 2019, où OBHOTEL a acquis la totalité des actions de la société.

Conditions de la cession

Le prix provisoire de la cession a été fixé à 4.486.630 euros, basé sur le bilan de la société HOTELIERE AXEL au 31 décembre 2018. L’article 3 du protocole de cession stipule que le prix définitif serait déterminé sur la base des bilans et comptes de résultat au 31 décembre 2019. Cependant, un désaccord est survenu concernant l’ajustement du prix des titres, ce qui a conduit OBHOTEL à saisir le tribunal pour désigner un tiers expert.

Débats et demandes

Lors de l’audience du 26 novembre 2024, OBHOTEL a demandé au président du tribunal de se déclarer compétent, de désigner un tiers expert pour fixer le prix définitif de la cession, et de partager les frais de l’expert entre les parties. Les défenderesses, quant à elles, ont soulevé l’incompétence du tribunal judiciaire, plaidant que le litige relevait de la compétence du tribunal de commerce.

Arguments des parties

Les défenderesses ont soutenu que le litige, relatif à la cession d’actions d’une société commerciale, devait être traité par le tribunal de commerce, conformément à l’article L721-3 du code de commerce. OBHOTEL a rétorqué que le protocole de cession prévoyait la compétence du tribunal judiciaire pour la désignation d’un expert, arguant que la clause attributive de compétence ne pouvait pas faire obstacle à cette stipulation.

Analyse de la compétence

Le tribunal a examiné les arguments des parties concernant la compétence. Il a rappelé que les litiges relatifs à la cession d’actions de sociétés commerciales relèvent de la compétence exclusive des tribunaux de commerce. La décision a été influencée par le fait que le litige concernait la désignation d’un tiers expert, ce qui constitue un désaccord entre les parties.

Décision du tribunal

Le président du tribunal a déclaré qu’il était matériellement incompétent pour traiter l’affaire et a renvoyé le dossier devant le président du tribunal de commerce de Paris. La décision a été prise en tenant compte des clauses contradictoires du protocole de cession et des dispositions du code de commerce. Les frais irrépétibles et les dépens n’ont pas été statué, étant donné que la décision de renvoi ne mettait pas fin au litige.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la base légale pour demander une expertise judiciaire dans ce litige ?

La demande d’expertise judiciaire est fondée sur l’article 145 du code de procédure civile, qui stipule :

« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

Dans le cas présent, M. [U] [Z] a produit un rapport d’expertise amiable qui atteste de l’existence de désordres sur le véhicule acquis.

Cela constitue un motif légitime pour ordonner une mesure d’instruction contradictoire, permettant ainsi d’établir la preuve des faits nécessaires à la résolution du litige.

L’expertise judiciaire est donc justifiée pour examiner les désordres allégués et déterminer leur origine, ce qui est essentiel pour établir les responsabilités.

Quelles sont les conséquences des dépens dans cette procédure ?

Les dépens sont régis par l’article 696 du code de procédure civile, qui dispose :

« La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »

Dans cette affaire, M. [U] [Z] a été condamné provisoirement aux dépens, car la mesure d’expertise a été ordonnée dans son intérêt avant l’établissement des responsabilités.

Cela signifie que, même si M. [U] [Z] a initié la demande d’expertise, il devra avancer les frais liés à cette mesure, et il pourrait être amené à les supporter en cas de perte du procès.

Le juge a la possibilité de modifier cette répartition des dépens en fonction de l’issue du litige, mais pour l’instant, la charge pèse sur M. [U] [Z].

Comment se déroule la mission de l’expert judiciaire désigné ?

La mission de l’expert judiciaire est encadrée par les articles 232 et suivants du code de procédure civile. Ces articles précisent que :

– L’expert doit accomplir sa mission de manière contradictoire, en tenant informé le juge des difficultés rencontrées.

– Il peut s’adjoindre un spécialiste si nécessaire, sous réserve d’en informer le juge et les parties.

– L’expert doit remettre un rapport définitif au greffe du tribunal, qui doit répondre aux dires des parties.

Dans cette affaire, l’expert désigné a pour mission de convoquer les parties, examiner le véhicule, décrire les désordres et déterminer leur origine.

Il devra également évaluer les travaux nécessaires et leur coût, tout en s’assurant que les parties soient informées et impliquées dans le processus.

L’expert doit également respecter les délais fixés pour la remise de son rapport, qui ne doit pas excéder six mois, sauf prorogation autorisée.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/54448

N° Portalis 352J-W-B7I-C5D5M

N° : 5

Assignation du :
18 juin 2024

[1]

[1] 2 copies exécutoires
+ 3 ccc parties
délivrées le : 08/01/25

JUGEMENT RENDU SELON LA

PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE AU FOND
le 08 janvier 2025

par Anne-Charlotte MEIGNAN, Vice-Président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Arnaud FUZAT, Greffier.

DEMANDERESSE

La S.A.S. OBHOTEL
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentée par Maître Thierry DAVID, avocat au barreau de PARIS – #A0436

DEFENDERESSES

La S.C. LAURENCE HOTEL
[Adresse 2]
[Adresse 2]

Madame [X] [S]
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représentées par Maître Jacques ADAM, avocat au barreau de PARIS – #D0781

DÉBATS

A l’audience du 26 novembre 2024, tenue publiquement, présidée par Anne-Charlotte MEIGNAN, Vice-Président, assistée de Arnaud FUZAT, Greffier,

Aux termes d’un acte sous seing privé signé le 1er octobre 2019, la SCI LAURENCE HOTEL et Madame [X] [S] ont cédé la totalité de leurs actions de la société HOTELIERE AXEL à la société OBHOTEL.

Le prix provisoire de la cession des titres a été arrêté à la somme de 4.486.630 euros sur la base du bilan de la société HOTELIERE EXEL arrêté au 31 décembre 2018.

L’article 3 du protocole de cession des titres stipulait que le prix définitif des actions de la société HOTELIERE AXEL serait arrêté sur la base des bilans et comptes de résultat de la société au 31 décembre 2019.

Exposant que les comptes de cession conduisent à un ajustement du prix des titres de cession à la baisse et que les parties n’ont pas réussi à trouver un accord, la société OBHOTEL a, par exploit délivré le 18 juin 2024, fait citer la SCI LAURENCE HOTEL et Madame [X] [S] devant le président de ce tribunal, statuant selon la procédure accélérée au fond, aux fins essentielles de désigner un tiers expert.

L’affaire a fait l’objet d’un renvoi et a été plaidée à l’audience du 26 novembre 2024.

A cette audience, la requérante sollicite du président de :
– se déclarer compétent,
– désigner un tiers-expert dont la mission sera de fixer le prix définitif de cession des actions de la société HOTELIERE AXEL et pour ce faire, d’arrêter les comptes de cession conformément aux stipulations du protocole de cession des titres du 1er octobre 2019,
– juger que la provision, frais et honoraires du tiers expert seront partagés par moitié entre les parties,
– subsidiairement, renvoyer l’affaire devant le président du tribunal de commerce, statuant selon la procédure accélérée au fond,
– condamner solidairement les défendeurs aux dépens et à lui verser la somme de 5000€ au titre des frais irrépétibles.

Les défenderesses soulèvent in limine litis l’incompétence du président du tribunal judiciaire au profit du président du tribunal de commerce de Paris. Elles sollicitent la condamnation de la requérante au paiement de la somme de 1500€ au titre des frais irrépétibles.

Conformément aux dispositions de l’article 446-1 du code de procédure civile, il convient de se référer à l’acte introductif d’instance, aux écritures et aux notes d’audience pour un plus ample exposé des faits et des moyens qui y sont contenus.

MOTIFS

Sur la compétence

Les défenderesses soulèvent l’incompétence du président du tribunal judiciaire de Paris au profit du président du tribunal de commerce au visa de l’article L721-3 du code de commerce, soutenant que le litige concerne la cession d’actions au sein d’une société commerciale qui relève de la compétence du tribunal de commerce ; qu’en outre, l’article 17 du protocole stipule qu’il est fait attribution de juridiction au tribunal de commerce de Paris pour tout litige, ce qui soumet l’action en désignation d’un tiers expert à la compétence du tribunal de commerce, nonobstant la clause relative à la désignation du tribunal judiciaire de Paris pour désigner le tiers-expert qui relève, selon elles, d’une erreur matérielle.

En réponse, la requérante fait valoir que l’article 3.4 du protocole de cession stipule que le tribunal judiciaire est compétent pour désigner un tiers expert, la clause attributive de compétence stipulée à l’article 17 ne pouvant faire échec à l’application de l’article 3.4 dès lors que la désignation d’un tiers-expert ne peut caractériser l’existence d’un litige. En tout état de cause, elle soutient que l’article L.721-3 du code de commerce n’est pas d’ordre public, de sorte qu’il peut y être dérogé ; que juger le contraire aurait pour conséquence de porter atteinte au principe de sécurité juridique des parties qui ont convenu, avant la décision de la Cour de cassation du 20 décembre 2023, de faire désigner l’expert par le tribunal judiciaire.

Aux termes de l’article 75 du code de procédure civile, s’il est prétendu que la juridiction saisie est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée.

L’article L.211-3 du code de l’organisation judiciaire précise que le tribunal judiciaire connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n’est pas attribuée, en raison de la nature de la demande à une autre juridiction.

L’article 41 du code de procédure civile, relatif aux clauses dérogatoires des règles de compétence d’attribution, dispose que le litige né, les parties peuvent toujours convenir que leur différend sera jugé par une juridiction bien que celle-ci soit incompétente en raison du montant de la demande.

En conséquence, pour être valable, la clause dérogatoire d’une compétence d’attribution dont se prévaudrait l’une des parties doit être stipulée après la naissance du litige et ne peut porter que sur le taux de ressort.

En vertu de l’article L.723-1 du code de commerce, les tribunaux de commerce connaissent :
1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre artisans, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;
2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;
3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.

Pour l’application du 2° de cet article, il est désormais admis que tout litige né à l’occasion d’une cession de titres, quelle qu’en soit sa nature (emportant ou non cession du contrôle de la société), et quelle que soit la qualité des parties en cause, relève de la compétence du tribunal de commerce dès lors qu’elle est relative à une société commerciale.

A cet égard, la chambre commerciale de la Cour de cassation tend à organiser un bloc de compétence au profit de la juridiction consulaire pour tous les litiges nés à l’occasion de la cession d’actions de sociétés commerciales.

Aussi, y-a-t-il lieu de considérer qu’il s’agit d’une compétence d’ordre public à laquelle les parties ne peuvent déroger conformément aux dispositions de l’article 1162 du code civil.

En l’espèce, le litige soumis au président est celui de la désignation d’un tiers-expert aux fins de déterminer le prix définitif de la cession d’actions de la SA HOTELIERE AXEL, société par nature commerciale.

Dès lors, le litige relatif au prix de vente d’actions de la SA HOTELIERE AXEL, société commerciale, relève de la compétence exclusive du président du tribunal de commerce, seul compétent pour connaître des contestations relatives aux sociétés commerciales, nonobstant la qualité des défendeurs, celle-ci étant indifférente du fait de la nature du litige.

En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que les clauses attributives de juridiction, dérogatoires du droit commun, doivent être appréciées strictement dès lors qu’elles portent atteinte à l’organisation et au fonctionnement du service public de la justice.

Elles doivent être claires. Tel n’est pas le cas si une autre clause du contrat les contredit.

En l’espèce, si l’article 3.4 du protocole stipule que faute de désignation par les parties d’un tiers expert d’un commun accord, le tiers expert sera désigné par ordonnance de Monsieur le Président du tribunal de grande instance de Paris statuant comme en matière de référé, l’article 17 Attribution de compétence du même protocole stipule que « Pour tout litige qui se révélerait entre les parties, notamment quant à l’exécution et à l’interprétation des présentes, il est expressément fait attribution de juridiction au Tribunal de Commerce de Paris ».

L’action en désignation d’un tiers-expert ne peut être qualifiée autrement que comme un litige, dès lors que le tribunal est saisi du fait même de l’existence d’un désaccord entre les parties. L’article 17 contredit les stipulations de l’article 3.4 ce qui est de nature à le rendre inapplicable au litige, de sorte que ce sont, en tout état de cause, les dispositions de l’article L.721-3, 2° du code de commerce qui s’appliquent.

Pour cette raison, est inopérant l’argument relatif à l’atteinte au principe de sécurité juridique.

La décision de renvoi ne mettant pas fin au litige, il n’y a pas lieu de statuer sur les frais irrépétibles et les dépens.

PAR CES MOTIFS

Le Président, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort,

Se déclare matériellement incompétent ;

Renvoie l’affaire et les parties devant le président du tribunal de commerce de Paris statuant selon la procédure accélérée au fond ;

Ordonne que la présente décision soit notifiée aux parties par lettre recommandée en application de l’article 84 du code de procédure civile,

Dit qu’à défaut d’appel dans un délai de quinze jours à compter de cette notification, le dossier de l’affaire sera transmis par le secrétariat avec une copie de la décision de renvoi à la juridiction désignée, en application de l’article 82 du code de procédure civile.

Ainsi jugé par mise à disposition au greffe, le 8 janvier 2025.

Le Greffier, Le Président,

Arnaud FUZAT Anne-Charlotte MEIGNAN


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