L’Essentiel : La société GALLIMO a signé un bail avec la S.A.R.L. JEANCATE pour un loyer annuel de 55 000 euros. Suite à un défaut de paiement pour des travaux, JEANCATE a réclamé 36 000 euros à GALLIMO, qui a répliqué par un commandement de payer pour des loyers impayés. L’affaire a été portée devant le tribunal judiciaire de Paris, où JEANCATE a demandé une provision et des frais de justice. Le tribunal a finalement déclaré incompétent, renvoyant l’affaire devant le tribunal de commerce de Metz, en raison de la nature commerciale du litige. Les dépens ont été réservés.
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Exposé du litigeLa société GALLIMO a signé un contrat de bail avec la S.A.R.L. JEANCATE pour un local commercial, stipulant un loyer annuel de 55 000 euros. En raison d’un défaut de paiement concernant des travaux d’aménagement, JEANCATE a réclamé 36 000 euros à GALLIMO par lettre recommandée. En réponse, GALLIMO a émis un commandement de payer pour des loyers impayés s’élevant à 31 156,29 euros. JEANCATE a ensuite assigné GALLIMO devant le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir une provision de 36 000 euros, ainsi que des frais de justice. GALLIMO a répliqué en invoquant la clause résolutoire du bail et a demandé son expulsion, ainsi qu’un paiement de 43 679,78 euros. Audiences et médiationLors de l’audience du 2 février 2024, l’affaire a été renvoyée à la demande de GALLIMO, et les parties ont été invitées à envisager une médiation. À l’audience de renvoi du 22 novembre 2024, les parties ont choisi de ne pas entrer en médiation et l’affaire a été plaidée. JEANCATE a soutenu la compétence du tribunal judiciaire en matière de baux commerciaux, tandis que GALLIMO a soulevé une exception d’incompétence. Motifs de la décisionLe tribunal a décidé de ne pas ordonner la jonction des deux procédures, car elles reposent sur des demandes distinctes. Concernant l’exception d’incompétence, le tribunal a rappelé que les litiges entre commerçants concernant des engagements commerciaux relèvent de la compétence exclusive des tribunaux de commerce. Étant donné que les deux parties sont des sociétés commerciales et que le litige concerne un paiement de provision lié à un bail commercial, le tribunal a déclaré incompétent et a renvoyé l’affaire devant le tribunal de commerce de Metz. ConclusionLe tribunal a rejeté la demande de jonction, déclaré le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris incompétent pour statuer sur la demande de JEANCATE, et a renvoyé l’affaire devant le juge des référés du tribunal de commerce de Metz. Les dépens ont été réservés. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la compétence juridictionnelle applicable en matière de baux commerciaux ?La compétence juridictionnelle en matière de baux commerciaux est régie par plusieurs articles du Code de procédure civile et du Code de commerce. Selon l’article R. 211-4 2° du Code de l’organisation judiciaire, les tribunaux judiciaires spécialement désignés connaissent seuls des actions relatives aux baux commerciaux fondées sur les articles L. 145-1 à L. 145-60 du Code de commerce. En revanche, l’article L. 721-3 du Code de commerce précise que les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux. Il est important de noter que ces règles de compétence sont d’ordre public, ce qui signifie que les parties ne peuvent pas y déroger par clause. Ainsi, même si le litige porte sur un bail commercial, si les parties sont toutes deux des sociétés commerciales, la compétence du tribunal de commerce peut être engagée, notamment pour des demandes de paiement de provisions. En l’espèce, la société GALLIMO et la société JEANCATE étant toutes deux des sociétés commerciales, le litige relatif au paiement des travaux d’aménagement des locaux donnés à bail relève de la compétence du tribunal de commerce. Quelles sont les conséquences de l’exception d’incompétence soulevée par la société GALLIMO ?L’exception d’incompétence, lorsqu’elle est soulevée, a des conséquences importantes sur la procédure en cours. L’article 76 du Code de procédure civile stipule que l’incompétence peut être prononcée d’office en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution lorsque cette règle est d’ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas. De plus, l’article 81 du même code précise que lorsque le juge estime que l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir. Dans le cas présent, la société GALLIMO a soulevé l’exception d’incompétence en raison de la nature commerciale du litige. Le tribunal a donc dû examiner si le litige relevait de sa compétence ou de celle du tribunal de commerce. En conséquence, si le tribunal se déclare incompétent, il doit désigner la juridiction qu’il estime compétente, ce qui a été fait en renvoyant l’affaire devant le juge des référés du tribunal de commerce de METZ. Comment la clause résolutoire stipulée dans le contrat de bail influence-t-elle le litige ?La clause résolutoire stipulée dans un contrat de bail commercial a un impact significatif sur le litige en cours. Cette clause permet au bailleur de résilier le contrat de bail en cas de manquement par le preneur à ses obligations, notamment en matière de paiement des loyers ou des charges. L’article L. 145-41 du Code de commerce précise que le bailleur peut demander la résiliation du bail en cas de défaut de paiement des loyers. Dans le cas présent, la société GALLIMO se prévaut de cette clause résolutoire en raison des loyers impayés et de la non-régularisation des causes du commandement de payer. Cela signifie que la société GALLIMO peut demander la résiliation du bail et l’expulsion de la société JEANCATE, ce qui complique la situation pour cette dernière. Cependant, la mise en œuvre de la clause résolutoire doit respecter certaines conditions, notamment la notification préalable au preneur, ce qui peut être contesté par la société JEANCATE dans le cadre de la procédure. Quelles sont les implications de la demande de provision formulée par la société JEANCATE ?La demande de provision formulée par la société JEANCATE a des implications juridiques importantes dans le cadre du litige. L’article 873 du Code de procédure civile permet à une partie de demander une provision lorsque la créance est certaine, liquide et exigible. Dans ce cas, la société JEANCATE réclame une provision de 36 000 euros, correspondant au solde dû pour les travaux d’aménagement des locaux donnés à bail. Cette demande de provision est une mesure conservatoire qui vise à garantir le paiement d’une créance pendant la durée de la procédure. Cependant, la compétence pour statuer sur cette demande dépend de la juridiction saisie. Comme mentionné précédemment, si le tribunal de commerce est compétent pour connaître des litiges entre commerçants, la demande de provision pourrait être renvoyée à cette juridiction, ce qui pourrait retarder le paiement effectif de la créance. Ainsi, la demande de provision est un élément clé du litige, car elle peut influencer la stratégie des parties et la décision du tribunal sur la compétence. |
JUDICIAIRE
DE PARIS
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N° RG 24/50234 – N° Portalis 352J-W-B7H-C3R7N
N° : 7
Assignation du :
28 Décembre 2023
[1]
[1] 2 copies exécutoires
délivrées le :
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 31 décembre 2024
par Cristina APETROAIE, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Estelle FRANTZ, Greffier.
DEMANDERESSE
La Société JEANCATE S.A.R.L., Société à Responsabilité Limitée
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Olivier FIRTION de la S.C.P. FIRTION, avocat au barreau de METZ (avocat plaidant) et Maître Laurent SIMON de la SELARL Selarl MOREAU GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, avocats au barreau de PARIS – #P0073 (avocat postulant)
DEFENDERESSE
S.A.S. GALIMMO
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Dominique COHEN TRUMER de la SELASU CABINET COHEN-TRUMER, avocats au barreau de PARIS – #A0009
DÉBATS
A l’audience du 22 Novembre 2024, tenue publiquement, présidée par Cristina APETROAIE, Juge, assistée de Estelle FRANTZ, Greffier,
Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties,
Suivant acte sous signature privée du 27 octobre 2021, la société en commandite par actions GALLIMO a consenti à Monsieur [I] [D], agissant pour le compte de la S.A.R.L. JEANCATE, un contrat de bail portant sur un local commercial situé dans la galerie marchande du centre commercial CORA, [Adresse 6], à [Localité 5], moyennant le paiement d’un loyer annuel de 55 000 euros hors charges et hors taxes.
Faisant valoir le défaut de paiement du solde dû au titre de la participation financière aux travaux d’aménagement des locaux donnés à bail, la société JEANCATE a mis en demeure la société GALLIMO de lui payer la somme de 36 000 euros, par lettre recommandée du 22 août 2023.
Faisant valoir des loyers impayés, le bailleur a délivré au preneur, le 10 octobre 2023, un commandement de payer la somme de 31 156,29 euros arrêtée au 25 septembre 2023.
Par exploit délivré le 28 décembre 2023, la société JEANCATE a fait assigner la société GALLIMO devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, aux fins de voir condamner la défenderesse à lui verser la somme de 36 000 euros à titre de provision, outre la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Se prévalant de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail et de la non régularisation des causes du commandement de payer, la société GALLIMO a, par exploit délivré le 8 janvier 2024, fait citer la société JEANCATE devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, aux fins de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire, expulsion et paiement de provisions à hauteur de 43 679,78 euros TTC.
A l’audience du 2 février 2024, l’affaire a fait l’objet d’un renvoi à la demande de la défenderesse. Les parties ont été enjointes de rencontrer un médiateur aux fins de se voir délivrer une information sur la mesure de médiation. Leurs observations ont été sollicités sur l’exception d’incompétence soulevée au profit du tribunal de commerce, eu égard à la nature des demandes et à la qualité des parties.
A l’audience de renvoi du 22 novembre 2024, les parties n’ayant pas souhaité entrer en médiation, l’affaire a été plaidée. La demanderesse a fait valoir la compétence exclusive du tribunal judiciaire en matière de baux commerciaux et l’existence d’une clause attributive de compétence au profit du tribunal judiciaire de Paris.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé des motifs et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux notes d’audience.
Sur la demande de jonction
Il n’y a pas lieu d’ordonner la jonction des deux procédures enregistrées sous les numéros RG 24/50234 et RG 24/50338 qui opposent les mêmes parties mais reposent sur des demandes distinctes.
Sur l’exception d’incompétence
En vertu des dispositions de l’article 76 du code de procédure civile, l’incompétence peut être prononcée d’office en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution lorsque cette règle est d’ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas. Elle ne peut l’être qu’en ces cas.
Aux termes de l’article 81 du code de procédure civile, lorsque le juge estime que l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir. Dans tous les autres cas, le juge qui se déclare incompétent désigne la juridiction qu’il estime compétente. Cette désignation s’impose aux parties et au juge de renvoi.
En vertu de l’article R. 211-4 2° du code de l’organisation judiciaire, les tribunaux judiciaires spécialement désignés connaissent seuls des actions relatives aux baux commerciaux fondées sur les articles L. 145-1 à L. 145-60 du code de commerce.
D’autre part, l’article L. 721-3 du code de commerce prévoit que « Les tribunaux de commerce connaissent :
1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;
2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;
3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.
Toutefois, les parties peuvent, au moment où elles contractent, convenir de soumettre à l’arbitrage les contestations ci-dessus énumérées. ».
L’article L. 210-1 du même code précise que : « Le caractère commercial d’une société est déterminé par sa forme ou par son objet. Sont commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet, les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions. ».
Ces règles de compétence exclusive des tribunaux de commerce étant édictées dans le cadre de l’organisation judicaire et pour une meilleure administration de la justice, elles revêtent un caractère d’ordre public, auxquelles les parties ne peuvent déroger par clause.
Les textes précités n’exigent pas que le litige opposant deux sociétés commerciales, autrement dit deux commerçants, porte sur un acte de commerce. Il vise tout « engagement » pris entre deux commerçants : il suffit donc que l’engagement litigieux se rattache à une activité commerciale du commerçant concerné pour asseoir la compétence du tribunal de commerce.
Par conséquent, une demande de paiement de provisions relatives aux travaux d’aménagement des locaux donnés à bail, opposant entre deux sociétés commerciales relève de la compétence exclusive du tribunal de commerce.
En l’espèce, il résulte des documents produits que la société GALLIMO est une société en commandite par actions et la société JEANCATE est une société à responsabilité limitée.
La présente instance a été engagée par la société JEANCATE aux fins d’obtenir la condamnation de la défenderesse à lui payer à titre provisionnel la somme correspondant au solde dû au titre des travaux d’aménagement des locaux donnés à bail, dans le cadre du contrat de bail commercial liant les parties.
Si celle-ci soutient que les baux commerciaux échappent à la compétence des juridictions commerciales, en vertu des articles L. 145-1 à L. 145-60 du code de commerce et R. 211-4 à R. 311-3-26 du code de l’organisation judiciaire, et fait valoir que les contestations en matière de baux commerciaux autres que celles relatives au prix du bail révisé ou renouvelé, sont portées devant le tribunal judiciaire, il convient de rappeler qu’en application constante des dispositions susvisées, le litige opposant deux commerçants au sujet du paiement d’une simple provision due par l’un d’entre eux au titre du contrat du bail, relève de la compétence du tribunal de commerce dès lors que les règles statutaires ne sont pas invoquées.
Compte tenu de la qualité de sociétés commerciales des deux parties, ainsi que de l’objet du litige les opposant, à savoir le paiement provisionnel du solde des travaux d’aménagement par le bailleur, qui n’allègue aucune disposition relevant du statut des baux commerciaux, il convient de se déclarer incompétent au profit du juge des référés du tribunal de commerce de METZ, tribunal de commerce du ressort du lieu de situation de l’immeuble.
Les dépens seront réservés.
Statuant en référé, par mise à disposition au greffe, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,
Rejetons la demande de jonction ;
Déclarons le juge des référés du tribunal judiciaire de PARIS matériellement et territorialement incompétent pour statuer sur la demande en paiement du solde des travaux d’aménagement formée par la S.A.R.L. JEANCATE à l’encontre de la S.A.S. GALLIMO par acte du 28 décembre 2023,
Renvoyons l’affaire devant le juge des référés du tribunal de commerce de METZ, matériellement et territorialement compétent,
Disons qu’à défaut d’appel, le dossier sera transmis par les soins du greffe à la juridiction compétente avec une copie de la présente ordonnance,
Réservons les dépens.
Fait à Paris le 31 décembre 2024
Le Greffier, Le Président,
Estelle FRANTZ Cristina APETROAIE
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