Compétence et exécution : enjeux de la consignation dans le cadre d’un appel.

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Compétence et exécution : enjeux de la consignation dans le cadre d’un appel.

L’Essentiel : Lors de l’audience du 4 décembre 2024, l’affaire opposant Monsieur [J] [G] à la SARL YVES [F] IMMOBILIER et la SARL [Localité 4] [F] IMMOBILIER a été examinée. Monsieur [J] [G] a demandé la radiation de l’appel de la SARL YVES pour défaut d’exécution d’un jugement antérieur. Il a également sollicité le rejet des demandes de la SARL [Localité 4] concernant le paiement de 125’506,48 euros. Le conseiller de la mise en état a constaté que la SARL [Localité 4] n’avait pas exécuté le jugement, entraînant la radiation de l’appel et une condamnation aux dépens.

Contexte de l’affaire

L’incident a été examiné lors d’une audience qui s’est tenue le 4 décembre 2024. Les parties impliquées sont Monsieur [J] [G] et la SARL YVES [F] IMMOBILIER, ainsi que la SARL [Localité 4] [F] IMMOBILIER. Les conclusions de Monsieur [J] [G] ont été notifiées le 3 décembre 2024, dans lesquelles il demande la radiation de l’appel formé par la SARL YVES [F] IMMOBILIER pour défaut d’exécution d’un jugement antérieur.

Demandes des parties

Monsieur [J] [G] sollicite également le rejet des demandes de la SARL [Localité 4] [F] IMMOBILIER, qui vise à se conformer au paiement d’une somme de 125’506,48 euros, à la consignation de cette somme sur un compte séquestre, et à la non-radiation de l’appel. De son côté, la SARL [Localité 4] [F] IMMOBILIER demande la constatation de son intention de s’exécuter et la validation de ses demandes.

Cadre juridique

Les articles du code de procédure civile, notamment les articles 521, 523 et 524, sont cités pour établir les règles concernant l’exécution des décisions judiciaires et la compétence des juges. L’article 521 permet à la partie condamnée de consigner des sommes pour éviter l’exécution provisoire, tandis que l’article 524 stipule que le conseiller de la mise en état peut radier un appel si l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision.

Constatations du conseiller de la mise en état

Le conseiller de la mise en état a constaté que la SARL [Localité 4] [F] IMMOBILIER n’avait pas exécuté le jugement de première instance, qui ordonnait l’exécution provisoire. Il a également noté que Monsieur [J] [G] n’était pas obligé d’entreprendre des démarches officielles pour obtenir l’exécution, bien qu’il ait fait une demande formelle.

Décisions rendues

En conséquence, le conseiller a prononcé la radiation de l’appel de la SARL YVES [F] IMMOBILIER pour défaut d’exécution. Il a également déclaré que la SARL [Localité 4] [F] IMMOBILIER devait payer à Monsieur [J] [G] une somme de 800 euros pour les frais irrépétibles et a condamné cette dernière aux dépens de l’incident.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence du conseiller de la mise en état concernant la demande de consignation sur un compte séquestre ?

Le conseiller de la mise en état n’est pas compétent pour statuer sur la demande de la SARL [Localité 4] [F] IMMOBILIER visant à être autorisée à verser la somme de 125’506,48 euros sur le compte séquestre Carpa du conseil de Monsieur [J] [G].

En effet, selon l’article 521 du code de procédure civile, la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.

De plus, l’article 523 précise que les demandes relatives à l’application des articles 514-5, 517 et 518 à 522 ne peuvent être portées, en cas d’appel, que devant le premier président statuant en référé, ou devant le magistrat chargé de la mise en état dans certains cas.

Ainsi, il est établi que le premier président est seul compétent pour statuer sur une demande de consignation sur un compte séquestre des sommes dues au titre des condamnations assorties de l’exécution provisoire, ce qui exclut la compétence du conseiller de la mise en état.

Quelles sont les conséquences du défaut d’exécution du jugement de première instance ?

Le défaut d’exécution du jugement de première instance entraîne la radiation de l’appel formé par la SARL YVES [F] IMMOBILIER, conformément à l’article 524 du code de procédure civile.

Cet article stipule que lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée.

Dans le cas présent, il est constant que l’appelante n’a pas exécuté le jugement de première instance, qui a ordonné l’exécution provisoire de toutes les condamnations.

Ainsi, la radiation de l’appel est justifiée, car l’appelante ne peut pas justifier que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou qu’elle serait dans l’impossibilité d’exécuter la décision.

Quels sont les frais irrépétibles et leur fondement juridique ?

Les frais irrépétibles, également appelés « frais de justice », sont des sommes que la partie perdante est condamnée à payer à la partie gagnante pour couvrir les frais engagés dans le cadre de la procédure.

Dans cette affaire, la SARL [Localité 4] [F] IMMOBILIER a été condamnée à payer à Monsieur [J] [G] la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Cet article dispose que « le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles ».

Il est important de noter que cette somme est distincte des dépens, qui sont les frais de justice liés à la procédure elle-même, tels que les frais d’huissier ou d’expertise.

Ainsi, la condamnation aux frais irrépétibles vise à compenser les frais engagés par la partie gagnante pour sa défense, et ce, même si ces frais ne sont pas remboursables dans le cadre des dépens.

Ordonnance n° 9

du 09/01/2025

N° RG 24/00764 – N° Portalis DBVQ-V-B7I-FPVI

IF / ACH

COUR D’APPEL DE REIMS

Chambre sociale

ORDONNANCE D’INCIDENT

Formule exécutoire le :

09 / 01 / 2025

à :

– Me Didier LEMOULT

– Me Béranger BOUDIGNON,

Le neuf janvier deux mille vingt cinq,

Nous, Madame Isabelle FALEUR, Conseillère, magistrate en charge de la mise en état, assistée de Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière,

Après les débats du 04 décembre 2024, avons rendu l’ordonnance suivante, dans la procédure inscrite sous le numéro N° RG 24/00764 – N° Portalis DBVQ-V-B7I-FPVI du répertoire général, opposant :

S.A.R.L. [Localité 4] [F] IMMOBILIER

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Didier LEMOULT de la SCP LR AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de l’AUBE

APPELANTE

à

Monsieur [J] [G]

[Adresse 3]

[Localité 1]/France

Représenté par Me Béranger BOUDIGNON, avocat au barreau de PARIS

INTIME

* * * * *

Monsieur [J] [G] a été embauché en contrat à durée indéterminée à compter du 10 juin 2002 au sein de la SARL [Localité 4] [F] IMMOBILIER en qualité de gestionnaire de copropriété.

Il a été licencié, pour faute grave, par courrier du 29 juillet 2022.

Il a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes de Troyes, qui par jugement du 10 mai 2024 a :

– dit que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– condamné la SARL [Localité 4] [F] IMMOBILIER à lui payer les sommes suivantes :

. 75’000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 18’280,38 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 1 828,04 euros de congés payés afférents,

. 36’058,55 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement,

. 5 270,07 euros brut de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire outre 527 euros bruts de congés payés afférents,

. 418,71 euros bruts au titre de complément de salaire sur 13 mois,

. 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné la remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte journalière de 50 euros à compter du 30e jour suivant le prononcé du jugement, astreinte que le conseil se réserve le droit de liquider ;

– ordonné le remboursement par la SARL [Localité 4] [F] IMMOBILIER à France Travail des allocations de chômage versées à Monsieur [J] [G] dans la limite d’un mois d’indemnités de chômage ;

– ordonné l’exécution provisoire de la totalité des condamnations, y compris celles n’en bénéficiant pas de droit ;

– rappelé que les créances indemnitaires porteraient intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement en fixant tout à la fois le principe et le montant et que les créances salariales porteraient intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation ;

– dit que les intérêts seraient capitalisés dans les conditions prévues à l’article 1343-2 du Code civil ;

– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

– mis les dépens à la charge de la SARL [Localité 4] [F] IMMOBILIER ;

Le jugement a été notifié le 10 mai 2024 à la SARL [Localité 4] [F] IMMOBILIER par lettre recommandée avec accusé de réception qu’elle a signé le 13 mai 2024.

La SARL [Localité 4] [F] IMMOBILIER a interjeté appel le 13 mai 2024.

Elle a signifié sa déclaration d’appel à Monsieur [J] [G] par acte d’huissier de justice du 19 juin 2024 et ses conclusions d’appelante et ses pièces par acte d’huissier de justice du 14 août 2024.

Monsieur [J] [G] a constitué avocat le 30 août 2024.

Il a saisi le conseiller de la mise en état d’un incident aux fins de radiation de l’appel par conclusions reçues au greffe le 31 octobre 2024.

L’incident a été examiné à l’audience du 4 décembre 2024.

Aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 3 décembre 2024, auxquelles en application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Monsieur [J] [G] demande au conseiller de la mise en état :

– de radier l’appel formé par la SARL YVES [F] IMMOBILIER le 13 mai 2024, en application des dispositions de l’article 524 du code de procédure civile, pour défaut d’exécution du jugement du conseil de prud’hommes de Troyes du 10 mai 2024 ;

– de rejeter les demandes de la SARL [Localité 4] [F] IMMOBILIER visant à :

. constater qu’elle entend s’exécuter du paiement de la somme de 125’506,48 euros,

. juger que celle-ci sera versée sur le compte séquestre Carpa du conseil de Monsieur [J] [G],

. juger qu’il n’y a pas lieu à radiation,

. statuer ce que de droit quant aux dépens,

En tout état de cause,

– de condamner la SARL [Localité 4] [F] IMMOBILIER au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de condamner la SARL [Localité 4] [F] IMMOBILIER au paiement des dépens de l’incident ;

– de débouter la SARL [Localité 4] [F] IMMOBILIER de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

Aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 3 décembre 2024, auxquelles en application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la SARL [Localité 4] [F] IMMOBILIER demande au conseiller de la mise en état :

– de constater qu’elle entend s’exécuter du paiement de la somme de 125’506,48 euros ;

– de juger que celle-ci sera versée sur le compte séquestre Carpa du conseil de Monsieur [J] [G] ;

– de juger qu’il n’y a pas lieu à radiation ;

– de statuer ce que de droit quant aux dépens ;

MOTIFS

Aux termes de l’article 521 du code de procédure civile, la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.

En cas de condamnation au versement d’un capital en réparation d’un dommage corporel, le juge peut aussi ordonner que ce capital sera confié à un séquestre à charge d’en verser périodiquement à la victime la part que le juge détermine.

L’article 523 du code de procédure civile dispose que les demandes relatives à l’application des articles 514-5, 517 et 518 à 522 dudit code ne peuvent être portées, en cas d’appel, que devant le premier président statuant en référé, ou, dans les cas prévus aux articles 514-4 (rétablissement de l’exécution provisoire de droit), 517-2 ou 517-3(demande d’exécution provisoire facultative) devant le magistrat chargé de la mise en état dès lors qu’il est saisi.

Aux termes de l’article 524 du code de procédure civile dans sa version applicable à l’espèce, lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision.

Il résulte des articles 521 et 523 du code de procédure civile que le premier président est seul compétent pour statuer sur une demande de consignation sur un compte séquestre des sommes due au titre des condamnations assorties de l’exécution provisoire.

En conséquence le conseiller de la mise en état n’est pas compétent pour statuer sur la demande formée par la SARL [Localité 4] [F] IMMOBILIER aux fins d’être autorisée à verser la somme de 125’506,48 euros sur le compte séquestre Carpa du conseil de Monsieur [J] [G].

Il est constant que l’appelante n’a pas exécuté le jugement de première instance alors qu’il a ordonné l’exécution provisoire de toutes les condamnations, y compris celles qui ne bénéficient pas de l’exécution provisoire de droit.

Contrairement à ce qu’affirme la SARL [Localité 4] [F] IMMOBILIER, Monsieur [J] [G] n’était pas tenu d’entreprendre un acte d’exécution ou de formuler une réclamation de manière officielle aux fins d’obtenir l’exécution du jugement de première instance, étant cependant souligné qu’il a bien demandé officiellement une telle exécution par courrier officiel du 20 novembre 2024 de son conseil, en y joignant un RIB Carpa.

Par ailleurs, l’appelante ne justifie pas que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou qu’elle serait dans l’impossibilité d’exécuter la décision puisqu’elle ne produit aucun élément sur sa situation financière et propose de consigner les fonds sur un compte séquestre.

Il convient, par conséquent de prononcer la radiation de l’appel par application de l’article 524 du code de procédure civile.

Partie qui succombe dans le cadre du présent incident, la SARL [Localité 4] [F] IMMOBILIER est condamnée à payer à Monsieur [J] [G] la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles.

Elle est par ailleurs condamnée aux dépens de l’incident.

PAR CES MOTIFS

Le conseiller de la mise en état, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

DIT que le conseiller de la mise en état n’a pas le pouvoir de statuer sur la demande formée par la SARL [Localité 4] [F] IMMOBILIER aux fins d’être autorisée à verser la somme de 125’506,48 euros sur le compte séquestre Carpa du conseil de Monsieur [J] [G] ;

PRONONCE la radiation de l’appel formé 13 mai 2024 par la SARL YVES [F] IMMOBILIER, pour défaut d’exécution du jugement du conseil de prud’hommes de Troyes en date du 10 mai 2024 ;

DIT que l’appel sera rétabli sur justification de l’exécution du jugement assorti de l’exécution provisoire ;

CONDAMNE la SARL [Localité 4] [F] IMMOBILIER à payer à Monsieur [J] [G] la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL [Localité 4] [F] IMMOBILIER aux dépens de l’incident ;

La Greffière La Conseillère de la mise en état


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