Compétence juridictionnelle en matière de sécurité sociale et actes administratifs

·

·

Compétence juridictionnelle en matière de sécurité sociale et actes administratifs

L’Essentiel : Mme [I], aide-soignante stagiaire, a subi un accident de travail le 20 septembre 2010, entraînant son licenciement pour inaptitude et l’attribution d’une rente d’invalidité de 10 %. En avril 2016, le centre hospitalier lui a notifié un indu concernant cette rente, ce qui l’a poussée à saisir une juridiction administrative, déclarée incompétente en mars 2019. Elle a ensuite introduit un recours devant la juridiction de la sécurité sociale. La Cour de cassation a finalement annulé l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble, renvoyant l’affaire à Lyon et condamnant le centre hospitalier à verser 3 000 euros à Mme [I].

Accident et licenciement de la victime

Mme [I], aide-soignante stagiaire au centre hospitalier [2], a été victime d’un accident de travail le 20 septembre 2010, reconnu imputable au service. Suite à cet accident, elle a été licenciée pour inaptitude et a reçu, à partir du 2 mai 2014, une rente d’invalidité calculée sur un taux d’incapacité permanente de 10 %.

Notification d’un indu

Le 11 avril 2016, le centre hospitalier a notifié à Mme [I] un indu lié à une erreur dans le calcul de sa rente d’invalidité. Cette notification a conduit la victime à saisir une juridiction administrative, qui a déclaré son incompétence par un jugement du 12 mars 2019.

Recours devant la juridiction de la sécurité sociale

Après l’incompétence de la juridiction administrative, Mme [I] a introduit un recours devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. L’affaire a été examinée en tenant compte des textes législatifs et réglementaires en vigueur.

Compétence des juridictions

L’arrêt a précisé que la compétence des juridictions du contentieux de la sécurité sociale, pour les fonctionnaires et agents de l’État, dépend de la nature du différend et non de la qualité des personnes. Les litiges relatifs à l’application du régime de sécurité sociale à ces agents relèvent de la compétence judiciaire, même si une décision administrative a été prise.

Rente d’invalidité et contestation d’un indu

La rente d’invalidité, attribuée à l’agent stagiaire reconnu dans l’impossibilité de reprendre ses fonctions, est régie par le code de la sécurité sociale. La contestation d’une décision administrative concernant le remboursement d’un indu de rente d’invalidité doit être portée devant les juridictions judiciaires.

Transmission de la question préjudicielle

Lorsque la solution d’un litige soulève une question sérieuse relevant de la compétence administrative, la juridiction judiciaire doit transmettre la question à la juridiction administrative et surseoir à statuer jusqu’à la décision de cette dernière.

Irrecevabilité de la demande d’annulation

La cour d’appel a déclaré irrecevable la demande d’annulation de la décision administrative, considérant que la victime ne contestait pas sa qualité d’agent public. Cependant, la cour aurait dû transmettre la question préjudicielle à la juridiction administrative si elle estimait qu’une difficulté sérieuse était soulevée.

Décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble, remettant les parties dans leur état antérieur et renvoyant l’affaire devant la cour d’appel de Lyon. Le centre hospitalier a été condamné aux dépens et à verser 3 000 euros à Mme [I].

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence des juridictions en matière de contentieux de la sécurité sociale pour les agents publics ?

La compétence des juridictions en matière de contentieux de la sécurité sociale pour les agents publics est régie par plusieurs textes législatifs.

Selon l’article L. 142-1 du code de la sécurité sociale, « les litiges relatifs à l’application des dispositions du présent code sont de la compétence des juridictions de la sécurité sociale ».

De plus, l’article L. 142-8 précise que « les agents de l’État et des collectivités publiques relèvent des juridictions de la sécurité sociale pour les litiges concernant leur régime de sécurité sociale ».

Il est important de noter que, comme l’indique le Tribunal des conflits dans sa décision du 20 février 2008, la compétence des juridictions du contentieux de la sécurité sociale ne dépend pas de la qualité des personnes en cause, mais de la nature du différend.

Ainsi, même si une décision a été prise par une autorité administrative, la juridiction de sécurité sociale reste compétente pour les litiges relatifs à l’application des régimes de sécurité sociale.

Quelles sont les conséquences d’une décision administrative contestée en matière de remboursement d’un indu de rente d’invalidité ?

La contestation d’une décision administrative, notamment celle portant sur le remboursement d’un indu de rente d’invalidité, est encadrée par des dispositions spécifiques.

L’article 6 du décret n° 77-812 du 13 juillet 1977 stipule que « les agents stagiaires des départements, des communes et de leurs établissements publics ont droit à une rente d’invalidité calculée selon les modalités prévues par le livre IV du code de la sécurité sociale ».

En cas de contestation, la juridiction compétente est celle de l’ordre judiciaire, comme le précise l’arrêt attaqué.

Cependant, si la solution d’un litige dépend d’une question soulevant une difficulté sérieuse relevant de la compétence de la juridiction administrative, l’article 49, alinéa 2, du code de procédure civile impose à la juridiction judiciaire de transmettre la question à la juridiction administrative compétente.

Cela signifie que la juridiction judiciaire doit surseoir à statuer jusqu’à la décision de la juridiction administrative sur la question préjudicielle.

Comment la cour d’appel a-t-elle violé les textes en statuant sur la demande d’annulation de la décision administrative ?

La cour d’appel a été jugée en violation des textes en ne transmettant pas la question préjudicielle à la juridiction administrative.

En effet, l’arrêt indique que la victime ne conteste ni sa qualité d’agent public ni celle de son employeur, ce qui signifie que la notification d’indu contestée est un acte administratif.

Selon l’article 49, alinéa 2, du code de procédure civile, lorsque la juridiction judiciaire est saisie d’un litige relevant de sa compétence, elle doit transmettre la question à la juridiction administrative si elle estime que celle-ci soulève une difficulté sérieuse.

En ne procédant pas ainsi, la cour d’appel a omis de respecter cette obligation, ce qui a conduit à une décision erronée.

Ainsi, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu par la cour d’appel de Grenoble, remettant les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt.

CIV. 2

FD

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 janvier 2025

Cassation

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 18 F-B

Pourvoi n° J 23-18.592

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025

Mme [Y] [I], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 23-18.592 contre l’arrêt rendu le 15 mai 2023 par la cour d’appel de Grenoble (chambre sociale, protection sociale), dans le litige l’opposant au centre hospitalier [2], dont le siège est [Adresse 3], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [I], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du centre hospitalier [2], et l’avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l’audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 15 mai 2023), Mme [I] (la victime), employée par le centre hospitalier [2] (le centre hospitalier), en qualité d’aide-soignante stagiaire à temps partiel, a été victime, le 20 septembre 2010, d’un accident reconnu imputable au service.

2. A la suite de son licenciement pour inaptitude avec attribution, à compter du 2 mai 2014, d’une rente d’invalidité calculée sur la base d’un taux d’incapacité permanente de 10 % et d’un salaire annuel brut de 12 156,37 euros, le centre hospitalier lui a notifié, par courrier du 11 avril 2016, un indu lié à une erreur affectant l’assiette de calcul.

3. Ayant saisi une juridiction administrative, qui, par jugement du 12 mars 2019, s’est déclarée incompétente, la victime a saisi d’un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d’office

4. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l’article 49, alinéa 2, du même code.
Vu la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, les articles L. 142-1, L. 142-8 du code de la sécurité sociale, 49, alinéa 2, du code de procédure civile, et l’article 6 du décret n° 77-812 du 13 juillet 1977 :

5. Le quatrième de ces textes attribue compétence au juge judiciaire pour connaître des contestations relatives au contentieux de la sécurité sociale défini par le troisième.

6. Le critère de la compétence des juridictions du contentieux de la sécurité sociale est, s’agissant des fonctionnaires et agents de l’Etat et des collectivités publiques, lié, non à la qualité des personnes en cause, mais à la nature même du différend. Dès lors, les litiges relatifs à l’application à ces agents du régime de sécurité sociale, qu’il s’agisse du régime général ou d’un régime spécial, échappent à la juridiction administrative, celle-ci ne pouvant connaître que des prestations inhérentes à leur statut. Même si une décision touchant à la gestion d’un régime spécial de sécurité sociale a été prise par une autorité administrative, la juridiction de sécurité sociale reste compétente (Tribunal des conflits, 20 février 2008, n° 3649).

7. Il résulte du dernier de ces textes que la rente invalidité servie à l’agent stagiaire, reconnu par la commission départementale de réforme des agents des collectivités locales, comme étant dans l’impossibilité définitive et absolue de reprendre ses fonctions, et licencié en raison d’infirmités résultant de blessures ou maladies contractées en service, est calculée dans les conditions fixées par le livre IV du code de la sécurité sociale.

8. Il s’ensuit que la contestation dirigée contre la décision administrative tendant au remboursement d’un indu de rente invalidité, servie en application de l’article 6 du décret du 13 juillet 1977, relatif au régime de sécurité sociale des agents stagiaires des départements, des communes et de leurs établissements publics n’ayant pas le caractère industriel ou commercial, relève de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.

9. Cependant, selon le cinquième de ces textes, lorsque la solution d’un litige dépend d’une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative. Elle sursoit à statuer jusqu’à la décision sur la question préjudicielle.

10. Pour déclarer irrecevable la demande d’annulation pour irrégularité formelle de la décision administrative portant demande de remboursement d’un trop perçu, l’arrêt retient que la victime ne conteste ni sa qualité d’agent public ni la qualité de personne publique de son employeur et que la notification d’indu contestée constituait un acte administratif dont la demande d’annulation ressortait de la compétence de la juridiction administrative.

11. En statuant ainsi, alors que saisie d’un litige relevant de sa compétence, elle devait transmettre, si elle estimait que la question soulevait une difficulté sérieuse, une question préjudicielle à la juridiction administrative compétente et surseoir à statuer dans l’attente de la décision de cette dernière, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 15 mai 2023, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;

Condamne le centre hospitalier [2] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le centre hospitalier [2] et le condamne à payer à Mme [I] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille vingt-cinq.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon