L’Essentiel : Mme [C] et M. [V], en concubinage, ont acquis un bien immobilier en indivision en janvier 2016, avant de se séparer en juin 2019. En décembre 2020, Mme [C] a assigné M. [V] pour demander le partage de l’indivision et le paiement de 155 337 euros, correspondant à un gain au loto. M. [V] a contesté la compétence du juge aux affaires familiales, arguant que cette somme ne relevait pas de l’indivision. Cependant, la cour a confirmé la compétence du juge, soulignant l’existence d’un différend sur la propriété du gain et son utilisation pour l’acquisition du bien.
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Contexte de l’affaireMme [C] et M. [V] ont vécu en concubinage et ont acquis un bien immobilier en indivision le 5 janvier 2016. Leur séparation a eu lieu le 30 juin 2019. Demande de partageLe 18 décembre 2020, Mme [C] a assigné M. [V] devant le tribunal judiciaire pour demander le partage de l’indivision et le paiement d’une somme de 155 337 euros, correspondant à un gain au loto obtenu le 24 décembre 2014. Renvoi au juge aux affaires familialesLe tribunal judiciaire a décidé de renvoyer le dossier au juge aux affaires familiales, conformément à l’article 82-1 du code de procédure civile. Arguments de M. [V]M. [V] a contesté la compétence du juge aux affaires familiales pour statuer sur la demande de paiement de Mme [C]. Il a soutenu que cette somme ne pouvait pas être considérée comme une créance de l’indivision, et que le juge aurait dû trancher la question de fond avant de se prononcer sur sa compétence. Réponse de la CourLa cour a rappelé que, selon l’article L. 213-3 du code de l’organisation judiciaire, le juge aux affaires familiales est compétent pour la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des concubins. Elle a constaté qu’un différend existait entre Mme [C] et M. [V] concernant la propriété du gain au loto et son utilisation pour l’acquisition du bien indivis, ce qui justifiait la compétence du juge aux affaires familiales. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la compétence du juge aux affaires familiales en matière de partage des intérêts patrimoniaux des concubins ?Le juge aux affaires familiales est compétent pour connaître de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des concubins, conformément à l’article L. 213-3 du code de l’organisation judiciaire. Cet article stipule : « Le juge aux affaires familiales connaît de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des concubins. » Les intérêts patrimoniaux des concubins englobent tous leurs rapports pécuniaires, ce qui inclut les biens acquis en indivision et les créances qui peuvent en découler. Dans le cas présent, la cour d’appel a constaté qu’un différend opposait Mme [C] et M. [V] concernant un gain au loto de 155 337 euros, réalisé en décembre 2014, et son utilisation pour l’acquisition d’un bien immobilier en indivision. Il en résulte que le juge aux affaires familiales était matériellement compétent pour connaître de ce différend, qui s’inscrit dans le cadre du règlement et du partage de leurs intérêts patrimoniaux. Comment le tribunal a-t-il interprété la demande de Mme [C] concernant le gain au loto ?La cour d’appel a interprété la demande de Mme [C] comme une créance qu’elle pouvait réclamer à l’indivision, ce qui a conduit à la déclaration de compétence du juge aux affaires familiales. Cette interprétation repose sur l’article 4 du code de procédure civile, qui stipule : « Le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit. » M. [V] a contesté cette interprétation, arguant que la demande de Mme [C] ne concernait pas une créance sur l’indivision, mais plutôt une obligation de paiement directe à son encontre. Cependant, la cour a considéré que le différend sur la propriété du gain au loto et son utilisation pour l’acquisition du bien indivis relevait des intérêts patrimoniaux à partager. Ainsi, la cour a estimé que le juge aux affaires familiales devait se prononcer sur cette question, car elle était intrinsèquement liée à la liquidation de l’indivision. Quelles sont les implications de l’indivision sur les créances antérieures à son établissement ?L’indivision ne peut être considérée comme débitrice d’une créance née avant sa constitution, ce qui soulève des questions sur la nature des créances en lien avec l’indivision. L’article 815-13 du code civil précise : « Les créances entre indivisaires sont réglées selon les règles de la société. » Cela signifie que les créances qui existent entre les parties avant la formation de l’indivision ne peuvent pas être directement réclamées à l’indivision elle-même. Dans le cas présent, M. [V] a soutenu que la somme de 155 337 euros, correspondant au gain au loto, ne pouvait pas être considérée comme une créance de l’indivision, car elle était antérieure à l’acquisition du bien. Cependant, la cour a jugé que la question de la créance devait être examinée dans le cadre de la liquidation de l’indivision, car elle était liée à l’utilisation des fonds pour l’acquisition du bien indivis. Ainsi, la cour a conclu que le juge aux affaires familiales devait se prononcer sur d’éventuelles récompenses dues par l’indivision en raison des apports respectifs des parties pendant leur concubinage. |
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 janvier 2025
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 22 F-D
Pourvoi n° F 22-22.518
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JANVIER 2025
M. [I] [V], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 22-22.518 contre l’arrêt rendu le 20 septembre 2022 par la cour d’appel de Bordeaux (3e chambre civile), dans le litige l’opposant à Mme [G] [C], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Agostini, conseiller, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [V], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [C], et l’avis de Mme Picot-Demarcq, avocat général, après débats en l’audience publique du 19 novembre 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Agostini, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 20 septembre 2022), Mme [C] et M. [V], qui ont vécu en concubinage, ont acquis en indivision, le 5 janvier 2016, un bien immobilier. Ils se sont séparés le 30 juin 2019.
2. Le 18 décembre 2020, Mme [C] a assigné M. [V] devant le tribunal judiciaire en partage de l’indivision et en paiement d’une somme de 155 337 euros correspondant à un gain au loto, tiré le 24 décembre 2014.
3. Le tribunal judiciaire a renvoyé le dossier au juge aux affaires familiales en application de l’article 82-1 du code de procédure civile.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. M. [V] fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande tendant à voir déclarer le juge aux affaires familiales incompétent pour statuer sur la demande en paiement de la somme de 155 337 euros formée à son encontre par Mme [C], alors :
« 1°/ que dans le dispositif de son assignation, Mme [C] demandait au tribunal de »condamner Monsieur [I] [V] à [lui] payer la somme de 155.337 euros au titre du bien propre constitué par les gains du loto en date du 24 décembre 2014 » ; qu’en retenant néanmoins, pour déclarer le juge aux affaires familiales compétent, que la requérante voyait dans cette somme une créance qu’elle pouvait réclamer à l’indivision, la cour d’appel a dénaturé les termes du litige et ainsi violé l’article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que, subsidiairement, le juge qui se prononce sur la compétence doit trancher la question de fond dont dépend cette compétence ; qu’en s’en tenant néanmoins au constat, pour déclarer le juge aux affaires familiales compétent, que Mme [C] voyait dans la somme de 155 337 euros une créance qu’elle pouvait réclamer à l’indivision et que M. [V] la contestait, la cour d’appel, qui s’est abstenue de trancher la question de fond dont dépendait la compétence, a violé les articles 12 et 79 du code de procédure civile et l’article L. 213-3 du code de l’organisation judiciaire ;
3°/ que, en tout état de cause, une indivision ne peut être tenue pour débitrice d’une créance, née avant elle, liée à l’acquisition du bien indivis ; qu’en retenant néanmoins, pour dire que la demande en paiement de la somme de 155 337 euros s’analysait en une créance réclamée par Mme [C] sur l’indivision et déclarer en conséquence le juge aux affaires familiales compétent pour en connaître, qu’elle arguait que les fonds apportés par chacun pour l’acquisition du bien immobilier provenaient de son gain du loto, la cour d’appel a violé les articles 815-13 du code civil et L. 213-3 du code de l’organisation judiciaire ;
4°/ qu’en retenant également, pour statuer comme elle l’a fait, que le litige devait d’autant plus être examiné dans le cadre de la saisine du juge aux affaires familiales sur la liquidation de l’indivision que celui-ci devrait statuer sur d’éventuelles récompenses dues par l’indivision en raison du financement de l’immeuble indivis survenu pendant la période de concubinage qui s’est fait notamment au moyen d’apports respectifs de la part des parties, la cour d’appel a violé les articles 815-13 du code civil et L. 213-3 du code de l’organisation judiciaire. »
5. Aux termes de l’article L. 213-3 du code de l’organisation judiciaire, le juge aux affaires familiales connaît de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des concubins.
6. Les intérêts patrimoniaux des concubins s’entendent de tous leurs rapports pécuniaires.
7. La cour d’appel a constaté qu’un différend opposait Mme [C] et M. [V] sur la propriété d’un gain au loto d’un montant de 155 337 euros, réalisé en décembre 2014, et sur l’utilisation de cette somme pour l’acquisition du bien indivis.
8. Il en résulte que le juge aux affaires familiales était matériellement compétent pour connaître de ce différend qui entrait dans le règlement et le partage de leurs intérêts patrimoniaux.
9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l’arrêt se trouve légalement justifié de ce chef.
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