Compétence et application des lois dans un contexte matrimonial international

·

·

Compétence et application des lois dans un contexte matrimonial international

L’Essentiel : Madame [Z] [P] et Monsieur [C] [W] [Y] se sont mariés à New York en 2004, établissant un contrat de mariage sous le régime de séparation de biens. Ils ont deux enfants, nés en Californie. En novembre 2024, Monsieur [Y] a manqué une audience sur mesures provisoires, tandis que Madame [P] a demandé le divorce pour différends irréconciliables. Le juge a statué en faveur de la compétence française et a prononcé le divorce, fixant les effets au 31 juillet 2019. Madame [P] a pu reprendre son nom de jeune fille, et les époux ont été condamnés aux dépens par moitié.

Contexte du mariage

Madame [Z] [P] et Monsieur [C] [W] [Y] se sont mariés le [Date mariage 1] 2004 à New York, après avoir établi un contrat de mariage le 30 novembre 2004, choisissant le régime de séparation de biens californien. Leur mariage a été transcrit par le Consulat Général de France le 7 décembre 2005. Ils ont deux enfants, [A] et [X], nés respectivement en 2006 et 2007 en Californie.

Procédure judiciaire

Monsieur [Y] a été cité à comparaître pour une audience d’orientation sur mesures provisoires le 13 novembre 2024, mais il n’a pas assisté à l’audience. Madame [P] était présente avec son avocat, mais n’a pas demandé de mesures provisoires. Le même jour, Monsieur [Y] a informé le greffe qu’il acceptait les demandes de son épouse et ne souhaitait pas se faire représenter par un avocat.

Demande de divorce

Madame [P] a fondé sa demande de divorce sur des différends irréconciliables selon le droit californien, en vertu de l’article 2310 du code de la famille californien. Elle a sollicité la compétence des juridictions françaises pour le divorce, l’application de la loi californienne pour le prononcé du divorce, et la loi française pour les obligations alimentaires et le régime matrimonial.

Décision du juge

Le juge aux affaires familiales a statué que les juridictions françaises étaient compétentes pour le divorce et que la loi californienne s’appliquait. Il a prononcé le divorce pour différends irréconciliables, fixé la date des effets du divorce au 31 juillet 2019, et a décidé qu’il n’y avait pas lieu à une prestation compensatoire. Madame [P] a été autorisée à reprendre son nom de jeune fille.

Conséquences et exécution de la décision

Le jugement a ordonné la publicité de la décision en marge des actes d’état civil des époux et a précisé que les décisions du juge ne sont pas exécutoires à titre provisoire, sauf pour certaines mesures relatives à l’autorité parentale et aux obligations alimentaires. Les deux époux ont été condamnés aux dépens par moitié. La décision a été prononcée le 22 janvier 2025.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence des juridictions françaises pour connaître du divorce des époux ?

La compétence des juridictions françaises pour connaître du divorce des époux est établie par le juge aux affaires familiales, qui a déclaré que la juridiction française est compétente pour ce type de litige.

Cette compétence est fondée sur le Règlement (CE) n°2019/1111 du 25 juin 2019, qui régit la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale.

L’article 3 de ce règlement précise que les juridictions d’un État membre sont compétentes pour connaître d’une demande en divorce si l’un des époux a sa résidence habituelle dans cet État membre.

En l’espèce, les époux ont des liens avec la France, ce qui justifie la compétence des juridictions françaises.

Quelle loi est applicable au prononcé du divorce entre les époux ?

Le juge a jugé que la loi californienne est applicable au prononcé du divorce entre les époux, conformément à l’article 2310 du code de la famille californien.

Cet article stipule que le divorce peut être prononcé pour des différends irréconciliables, ce qui a été invoqué par Madame [P] dans son assignation.

De plus, le Règlement n°1259/2010 du 20 décembre 2010, qui met en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce, permet également de déterminer la loi applicable en fonction de la résidence habituelle des époux.

Dans ce cas, la loi californienne a été retenue en raison du contrat de mariage et des circonstances entourant leur union.

Quelles sont les conséquences du divorce sur le régime matrimonial des époux ?

Le régime matrimonial applicable aux époux a été déterminé comme étant le régime californien de la séparation de biens, conformément à l’article 257-2 du Code civil.

Cet article précise que le régime matrimonial est celui qui a été choisi par les époux dans leur contrat de mariage, ce qui, dans ce cas, est la séparation de biens.

En outre, l’article 265 du Code civil stipule que les donations entre époux de biens à venir sont révoquées de plein droit en cas de divorce, ce qui a également été constaté par le juge.

Ainsi, les effets du divorce sur le régime matrimonial sont clairs : les biens acquis durant le mariage ne seront pas partagés, chaque époux conservant ses biens propres.

Quelles sont les implications concernant les obligations alimentaires entre époux ?

Le jugement a statué que la loi française est applicable aux obligations alimentaires entre époux, ce qui est en conformité avec l’article 270 du Code civil.

Cet article précise que chaque époux a l’obligation de contribuer aux charges du mariage, même après la séparation, en tenant compte des besoins de l’autre et de ses propres ressources.

Dans ce cas, le juge a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’octroyer le versement d’une prestation compensatoire, ce qui signifie que les époux ne sont pas tenus de se verser une aide financière l’un à l’autre après le divorce.

Cela peut être interprété comme une reconnaissance de l’autonomie financière de chaque époux, en fonction de leur situation respective.

Quelles sont les formalités à respecter après le prononcé du divorce ?

Après le prononcé du divorce, plusieurs formalités doivent être respectées, notamment la publicité de la décision en marge des actes d’état civil des époux, conformément à l’article 1082 du Code de procédure civile.

Cet article stipule que le jugement de divorce doit être mentionné sur les actes de mariage et de naissance des époux, afin d’assurer la transparence et la mise à jour des registres d’état civil.

De plus, l’article 478 du Code de procédure civile impose que le jugement soit signifié par un commissaire de justice dans un délai de six mois, faute de quoi le jugement sera non avenu.

Ces formalités sont essentielles pour garantir que les effets du divorce soient reconnus légalement et que les droits des parties soient protégés.

N° de minute :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
AFFAIRES FAMILIALES
JAF CABINET 2

JUGEMENT RENDU LE 22 Janvier 2025

N° RG 24/02758 – N° Portalis DB22-W-B7I-SAM7

DEMANDEUR :

Madame [Z] [P] épouse [Y]
née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 12]
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Me Yasmina SIDI-AISSA, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 411 et par Me Diane SUSSMAN, avocat au barreau de PARIS

DEFENDEUR :

Monsieur [C] [W] [Y]
né le [Date naissance 6] 1965 à [Localité 16] (IRLANDE)
[Adresse 9]
[Localité 8] – IRLANDE
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Magistrat : Madame Alexandra ROELENS
Greffier : Madame Charlotte BOUEZ

Copie exécutoire à : Me Yasmina SIDI-AISSA
Copie certifiée conforme à l’original à :
délivrée(s) le :

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [Z] [P], de nationalité française, américaine et danoise, et Monsieur [C] [W] [Y], de nationalité irlandaise et américaine, se sont mariés le [Date mariage 1] 2004 devant l’officier d’état-civil de la commune de [Localité 10], NEW-YORK (ETATS-UNIS) en ayant fait précéder leur union d’un contrat de mariage reçu le 30 novembre 2004 aux termes duquel ils ont choisi le régime californien de la séparation de biens.

Leur mariage a été transcrit le 7 décembre 2005 par l’officier d’état civil du Consulat Général de France à [Localité 14].

De leur union sont nés deux enfants :
-[A], [F] [Y] né le [Date naissance 5] 2006 à [Localité 15], CALIFORNIE (ETATS-UNIS) (majeur),
-[X], [B] [Y], né le [Date naissance 4] 2007 à [Localité 15], CALIFORNIE (ETATS-UNIS).

Par acte du 24 avril 2024, Monsieur [Y] a été régulièrement cité à comparaître à l’audience d’orientation sur mesures provisoires du 13 novembre 2024, conformément aux articles 8 § 2 et 13 du règlement (UE) n°2020/1784 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020.

A l’audience d’orientation et sur mesures provisoires du 13 novembre 2024, Madame [P] est présente et assistée de son avocat et Monsieur [Y] n’a pas comparu.

Madame [P] n’a pas sollicité de mesures provisoires, et la procédure a été clôturée avec renvoi à l’audience de plaidoiries le jour même.

En date du 13 novembre 2024, Monsieur [Y] a adressé un courrier au greffe du juge aux affaires familiales de VERSAILLES indiquant qu’il s’accordait avec les demandes formulées par son épouse et qu’il ne constituerait pas avocat.

Monsieur [Y] n’a pas déposé de conclusions et n’est pas représenté à la présente procédure, cette dernière sera en conséquence réputée contradictoire en vertu de l’article 473 du Code de procédure civile.

Aux termes de son assignation signifiée par voie de commissaire de justice, Madame [P] a indiqué fonder sa demande en divorce sur les différends irréconciliables du droit californien en vertu de l’article 2310 du code de la famille californien.

Dans son assignation, qui constitue ses seules écritures, Madame [P] demande à la juridiction de :
Vu le Règlement (CE) du Conseil n°2019/1111 du 25 juin 2019 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ainsi qu’à l’enlèvement international d’enfants dit « Bruxelles II ter »,
Vu le Règlement n°1259/2010 du 20 décembre 2010, mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps, dit Règlement « Rome III»,
Vu le Règlement (UE) 2016/1103 du Conseil du 24 juin 2016,
Vu les articles 237 et 238 du code civil.

-juger que la juridiction française est compétente pour connaître du divorce des époux,
-juger que l’article 2310 du code de la famille californien est applicable au prononcé du divorce des époux,
-juger que la loi française est applicable aux obligations alimentaires entre époux et à leur régime matrimonial
-constater que Madame [P] ne sollicite pas de conserver l’usage du nom marital à l’issue du divorce
-prononcer le divorce de Madame [P] et Monsieur [Y] pour différends inconciliables application de l’article 2310 du code de la famille californien,
-ordonner la mention du jugement de divorce en marge des actes d’état civil des époux,
-constater que, en application de l’article 265 du code civil, les donations entre époux de biens à venir sont révoquées de plein droit,
-dire que le régime matrimonial applicable aux époux est le régime californien de la séparation de biens,
-constater que, conformément à l’article 257-2 du code civil, l’épouse a formulé une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux, conformément aux exigences de l’article 252 du code civil,
-dire, en application de l’article 262-1 du code civil, que le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre époux en ce qui concerne leurs biens à la date de la cessation de la cohabitation et de la collaboration entre les époux soit en août 2019,
-dire qu’il n’y a pas lieu d’octroyer le versement d’une prestation compensatoire au profit de l’un ou de l’autre des époux
-statuer ce que de droit sur les dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 novembre 2024 avec renvoi à l’audience de plaidoiries le jour même. A l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2024.

[DÉBATS NON PUBLICS – Motivation de la décision occultée]
PAR CES MOTIFS

Le juge aux affaires familiales statuant publiquement, après débats en chambre du conseil, par décision réputée contradictoire, susceptible d’appel, mise à disposition au greffe

DIT les juridictions françaises compétentes pour connaître du divorce entre les époux ;

DIT la loi californienne applicable au prononcé du divorce entre les époux ;

Vu l’assignation en divorce en date du 24 avril 2024,

CONSTATE que la demande introductive d’instance comporte une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux,

PRONONCE sur le fondement des articles 2310 et 2311 du code de la famille californien le divorce pour différends irréconciliables de

Madame [Z] [P]
née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 11] (13)

et de

Monsieur [C] [W] [Y]
né le [Date naissance 6] 1965 à [Localité 16] (IRLANDE)

lesquels se sont mariés le [Date mariage 1] 2004 à [Localité 10], NEW YORK (ETATS-UNIS),

ORDONNE la publicité, conformément aux dispositions de l’article 1082 du Code de procédure civile, de la présente décision en marge de l’acte de mariage des époux, de l’acte de naissance de chacun des époux et, en tant que de besoin, sur les registres du Service du ministère des Affaires Etrangères à [Localité 13] ;

Sur les conséquences du divorce entre les époux

DIT que Madame [P] reprendra l’usage de son nom de jeune fille à compter de la dissolution du mariage ;

FIXE la date des effets du divorce entre les époux au 31 juillet 2019 ;

DIT n’y avoir lieu à la fixation d’une prestation compensatoire ;

DEBOUTE Madame [P] de sa demande de constat de la révocation des avantages matrimoniaux ;

Sur les autres mesures

CONDAMNE Madame [P] et Monsieur [Y] chacun aux dépens par moitié ;

RAPPELLE que les décisions du juge aux affaires familiales qui mettent fin à l’instance ne sont pas, de droit, exécutoires à titre provisoire et que, par exception, les mesures portant sur l’exercice de l’autorité parentale, la pension alimentaire, la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant et la contribution aux charges du mariage, ainsi que toutes les mesures prises en application de l’article 255 du code civil, sont exécutoires de droit à titre provisoire ;

DIT qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire pour le surplus ;

RAPPELLE que la présente décision étant prononcée après débats en chambre du conseil, la protection des données personnelles à caractère privé impose que seul le dispositif (partie du jugement commençant par «PAR CES MOTIFS») accompagné de la première page de la décision, peut être demandé aux parties pour justifier de leur situation et, s’agissant des enfants mineurs, des droits et devoirs liés à l’autorité parentale et à son exercice, notamment auprès des organismes sociaux ou des établissements scolaires ;

RAPPELLE qu’il appartient au demandeur de faire signifier la présente décision par commissaire de justice dans un délai de six mois et qu’à défaut le jugement sera non avenu en application de l’article 478 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2025 par Alexandra ROELENS, Juge délégué aux Affaires Familiales, assistée de Charlotte BOUEZ, Greffier présent lors du prononcé, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.
 
LE GREFFIER                                  LA JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon