Conflit sur la compétence administrative et la prescription fiscale dans le cadre des droits de succession et de donation.

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Conflit sur la compétence administrative et la prescription fiscale dans le cadre des droits de succession et de donation.

L’Essentiel : Madame [Z] a assigné la Direction départementale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte-d’Azur pour contester l’imposition sur les droits de succession suite au décès de sa mère en 2015. Après une revalorisation du bien immobilier, elle a acquitté un complément de droits de succession. Cependant, un nouveau redressement a remis en cause un abattement, entraînant des droits supplémentaires. Malgré ses contestations, le tribunal a jugé que l’administration fiscale avait agi dans les limites de la loi, déboutant Madame [Z] de ses demandes et la condamnant à verser des dépens.

Contexte de l’Affaire

Madame [Z] a assigné la Direction départementale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte-d’Azur devant le tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence le 24 mars 2022, demandant la décharge de l’imposition sur les droits de succession suite au décès de sa mère en 2015. Cette action a été motivée par une proposition de rectification de l’administration fiscale concernant la valeur d’un bien immobilier dans la déclaration de succession.

Propositions de Rectification

Après un rendez-vous avec l’administration, Madame [Z] a obtenu une revalorisation du bien immobilier à une valeur inférieure, ce qui a entraîné un complément de droits de succession de 231 715 €, avec des intérêts de retard de 27 342 €. Madame [Z] a acquitté cette somme dans les délais impartis. Cependant, le 1er septembre 2020, un nouveau redressement a été notifié, remettant en cause un abattement appliqué sur la déclaration de succession, entraînant un complément de droits de 22 428 €.

Contestations et Réclamations

Madame [Z] a contesté ce redressement, arguant que le délai de reprise pour contrôler la déclaration de succession avait expiré. En novembre 2020, l’administration a annulé la précédente rectification, indiquant que la procédure initiale n’était pas suffisamment justifiée. En février 2021, une nouvelle proposition de rectification a été faite, remettant en cause une donation antérieure, ce qui a conduit à des droits d’enregistrement supplémentaires de 7 939 €.

Procédures Judiciaires

Madame [Z] et ses enfants ont déposé une réclamation contentieuse et ont saisi le tribunal d’Aix-en-Provence en janvier 2022. L’administration fiscale a ensuite demandé la déclaration d’incompétence du tribunal d’Aix-en-Provence, ce qui a été accepté, et le dossier a été transféré au tribunal de Draguignan.

Arguments de l’Administration Fiscale

L’administration a soutenu qu’elle n’avait pas agi de manière abusive et que ses actions étaient justifiées par des omissions dans les déclarations de Madame [Z]. Elle a affirmé que le droit de reprise était valable en raison de l’omission d’une donation antérieure, ce qui nécessitait des recherches supplémentaires pour établir l’exigibilité des droits.

Décision du Tribunal

Le tribunal a statué que l’administration fiscale avait agi dans les limites de la loi et que le délai de prescription de trois ans ne s’appliquait pas en raison des omissions dans les déclarations. Madame [Z] a été déboutée de toutes ses demandes, et le tribunal a condamné Madame [Z] à verser des dépens et des frais irrépétibles à l’administration fiscale.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les implications des articles L 180 et L 186 du Livre des procédures fiscales (LPF) concernant le délai de reprise de l’administration fiscale ?

Les articles L 180 et L 186 du LPF traitent des délais de reprise de l’administration fiscale en matière de droits d’enregistrement et de succession.

L’article L 180 stipule que :

« Le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à l’expiration de la sixième année suivant celle du fait générateur de l’impôt. »

Cela signifie que l’administration fiscale a un délai de six ans pour établir l’exigibilité des droits, sauf si l’exigibilité des droits est révélée de manière certaine par un document enregistré, sans nécessiter de recherches supplémentaires.

En revanche, l’article L 186 précise que :

« Le délai de trois ans prévu en matière de droits d’enregistrement n’est opposable à l’administration que si l’exigibilité des droits et taxes a été suffisamment révélée par le document enregistré. »

Ainsi, si des omissions ou des erreurs dans les déclarations fiscales rendent nécessaire des recherches supplémentaires pour établir l’exigibilité des droits, le délai de prescription abrégé de trois ans ne s’applique pas.

Dans le cas de Madame [Z], l’administration a dû procéder à des recherches pour établir les droits exigibles en raison de l’omission d’une donation antérieure, ce qui a justifié l’application du délai de six ans.

La compétence des différents pôles de contrôle des revenus et du patrimoine est-elle respectée dans cette affaire ?

La compétence des différents pôles de contrôle est régie par des dispositions spécifiques du Code général des impôts.

L’article 350 terdecies de l’annexe trois du Code général des impôts précise que :

« Le pôle de contrôle des revenus et du patrimoine est compétent pour contrôler et, le cas échéant, rectifier les déclarations de succession et les actes de donation dans son ressort territorial. »

Dans cette affaire, le Pôle de [Localité 3] était compétent pour contrôler la déclaration de succession de Madame [O], tandis que le Pôle de [Localité 8] était compétent pour la donation du 3 mars 2015.

L’administration fiscale a agi conformément à ces compétences en procédant à des rectifications nécessaires pour établir les droits de succession et de donation.

Ainsi, les arguments de Madame [Z] concernant l’incompétence des services fiscaux ne sont pas fondés, car chaque pôle a agi dans le cadre de ses attributions respectives.

Comment la jurisprudence interprète-t-elle l’exigibilité des droits en matière de succession et de donation ?

La jurisprudence a établi que l’exigibilité des droits est déterminée par la capacité de l’administration fiscale à établir l’assiette de l’impôt et à identifier les débiteurs.

Dans le cas présent, l’administration a constaté que ni l’acte de donation du 3 mars 2015 ni la déclaration de succession du 25 novembre 2015 ne mentionnaient la donation de 2010.

Cela a conduit à la nécessité de recherches supplémentaires pour établir les droits exigibles, ce qui a été confirmé par les articles L 180 et L 186 du LPF.

La jurisprudence souligne que l’exigibilité des droits est établie dès que l’administration est en mesure de déterminer l’assiette de l’impôt, ce qui n’était pas le cas ici en raison des omissions.

Ainsi, l’administration a agi correctement en prolongeant le délai de reprise jusqu’à six ans, conformément aux dispositions légales.

Quels sont les effets de l’ordonnance de clôture sur la production de nouvelles pièces par l’administration fiscale ?

L’ordonnance de clôture, conformément à l’article 802 du Code de procédure civile, interdit à une partie de produire de nouvelles pièces sans solliciter la révocation de cette ordonnance.

Dans cette affaire, l’administration fiscale a tenté de produire un jugement rendu par le tribunal de Valence après la clôture de la procédure.

Cependant, le tribunal a écarté cette pièce des débats, affirmant que l’administration n’avait pas respecté la procédure en vigueur.

Cela souligne l’importance de respecter les délais et les procédures établies pour garantir l’équité et la transparence dans le processus judiciaire.

Ainsi, toute nouvelle pièce produite après la clôture doit être justifiée par une demande de révocation de l’ordonnance de clôture, ce qui n’a pas été fait dans ce cas.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DRAGUIGNAN
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Chambre 3 – CONSTRUCTION

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DU 10 Janvier 2025
Dossier N° RG 23/04227 – N° Portalis DB3D-W-B7H-J4KG
Minute n° : 2025/11

AFFAIRE :

[Y] [Z] C/ DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES DE PROVENCE ALPES COTE D’AZUR

JUGEMENT DU 10 Janvier 2025

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Madame Nadine BARRET, Vice-Présidente, statuant à juge unique

GREFFIER lors des débats : Madame Peggy DONET
GREFFIER FF lors de la mise à disposition : Madame Evelyse DENOYELLE

DÉBATS :

A l’audience publique du 19 Septembre 2024
A l’issue des débats, les parties ont été avisées que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Décembre 2024, prorogé au 10 Janvier 2025

JUGEMENT :

Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort

copie exécutoire à :

Me Jean-Louis BERNARDI
DRFP PACA (M. [M] [L])

Délivrées le 10 Janvier 2025

Copie dossier

NOM DES PARTIES :

DEMANDERESSE :

Madame [Y] [Z], demeurant [Adresse 1]
représentée par Maître Jean-Louis BERNARDI de la SCP BERNARDI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat postulant ; Me Chloé PAUTASSO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
D’UNE PART ;

DÉFENDERESSE :

DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES DE PROVENCE ALPES COTE D’AZUR, dont le siège social est sis [Adresse 4]

non représentée D’AUTRE PART ;

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FAITS MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte d’huissier en date du 24 mars 2022, Madame [Z] assignait la Direction départementale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte-d’Azur devant le tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence aux fins de voir prononcer la décharge de l’imposition mise à sa charge au titre des droits de succession sur l’héritage de sa mère décédée le [Date décès 2] 2015.

Madame [Z] avait été destinataire de la part du Pôle de contrôle des revenus et du patrimoine de [Localité 7] d’une proposition de rectification remettant en cause la valeur vénale d’un bien immobilier telle qu’elle avait été retenue par la déclaration de succession.

À la suite d’un rendez-vous sur place, l’administration avait accepté de tenir compte des arguments de Madame [Z] et de revaloriser le bien pour une valeur moindre. En contrepartie comme convenu, Madame [Z] avait produit les déclarations d’impôt sur la fortune et d’impôt sur la fortune immobilière rectificatives dans le délai imparti.

Ces engagements réciproques avaient été formalisés dans un courrier en date du 23 octobre 2018.

La revalorisation du bien immobilier avait donné lieu à un complément de droits de succession déterminé par l’administration fiscale à la somme de 231 715 € sur laquelle s’appliquaient des intérêts de retard pour un montant de 27 342 €.

Madame [Z] s’était acquittée de l’impôt mis en recouvrement dans le délai imparti.

Le 1er septembre 2020 le Pôle contrôle et revenus du patrimoine de [Localité 3] adressait à Madame [Z] une notification de redressement portant une nouvelle fois sur la déclaration de succession de sa mère. Un abattement résiduel n’aurait pas dû être appliqué de sorte que des droits complémentaires étaient dus.

Le service estimait en effet qu’une donation effectuée en 2010 n’aurait pas été rapportée dans le cadre d’une donation ultérieure consentie le 3 mars 2015 de sorte que Madame [Z] aurait bénéficié à tort d’un abattement. Un abattement résiduel de 2765 € n’aurait pas dû être appliqué par le service des impôts de [Localité 7]. Le complément de droits de succession à payer intérêts de retard compris était de 22 428 €.

Madame [Z] avait contesté le rehaussement au motif que le délai de reprise pour contrôler la déclaration de succession expirait au 31 décembre 2018.

Le 13 novembre 2020 le même service notifiait à Madame [Z] une rectification annulant et remplaçant la précédente au motif qu’il était apparu que la rectification de la donation de 2015 n’était pas suffisamment démontrée et chiffrée de sorte que le service allait reprendre entièrement la procédure et calculer les droits éludés à la fois dans la donation et la succession. L’administration fiscale affirmait que le service s’était trompé dans la liquidation des droits de succession.

Madame [Z] contestait ce rehaussement au motif que la procédure était irrégulière.

Le 25 février 2021 le Pôle de contrôle de [Localité 8] lui adressait ainsi qu’à ses trois enfants une proposition de rectification dans le cadre de laquelle l’administration remettait en cause l’acte de donation en date du 3 mars 2015 reçu par notaire et publié au service de la publicité foncière de [Localité 8] le 2 avril 2015.

Cet acte ne tenait pas compte d’une donation consentie le 3 novembre 2010 par la mère de Madame [Z] à son profit s’élevant à la somme de 156 000 € de sorte que cette dernière n’aurait pas dû dans le cadre de la donation de 2015 bénéficier d’un reliquat d’abattement pour la liquidation des droits.

En conséquence Madame [Z] était redevable de droits d’enregistrement pour un montant de 6594 € augmentés des intérêts de retard soit 7939 €.

Madame [Z] et ses enfants contestaient ce rehaussement :

– L’acte de donation du 3 mars 2015 était rapportable à la succession et ne pouvait faire l’objet d’un contrôle isolément. Le service de [Localité 8] était donc incompétent.
– Le délai de reprise de l’administration fiscale expirait le 31 décembre 2018 de sorte que la procédure était irrégulière.

Une réclamation contentieuse avait été présentée par Madame [Z] et ses enfants. Ils avaient sursis au paiement de la somme de 7939 €, dont 6594 € avaient été versés sur un compte d’attente du trésor public.

L’administration fiscale maintenait sa position le 17 novembre 2021. Madame [Z] et ses enfants saisissaient le tribunal d’Aix-en-Provence pour la contester dans le cadre d’une assignation délivrée le 20 janvier 2022.

Pour tenir compte de la procédure du Pôle de [Localité 8] sur l’abattement et les tranches, le Pôle de [Localité 3] procédait à une nouvelle liquidation des droits par une proposition de rectification en date du 21 avril 2021.

Il en résultait un complément de droits de 15 112 € et un montant de 2841 € d’intérêts de retard. Aucune observation n’avait été présentée et le service avait mis en recouvrement les sommes. Le 18 octobre 2021 une réclamation contentieuse était présentée en vue de contester les rappels d’impôts mis à la charge de Madame [Z]. Elle était rejetée le 25 janvier 2022.

Madame [Z] observait en premier lieu qu’elle faisait l’objet d’un acharnement de l’administration fiscale depuis 2018. Elle avait reçu cinq notifications de redressement et une trentaine de courriers recommandés de l’administration fiscale. Dans le cadre du rejet de la réclamation contentieuse l’administration fiscale allait jusqu’à sous-entendre qu’elle avait commis un manquement délibéré lequel aurait pu justifier l’application de la majoration de 40 %.

Madame [Z] soutenait en deuxième lieu que le service des impôts de [Localité 8] était incompétent au profit de celui de [Localité 3], la déclaration de succession ayant été déposée à [Localité 7].

En troisième lieu, Madame [Z] s’appuyait sur les articles L 180 et L 181 du LPF pour soutenir que le droit de reprise du service expirait le 31 décembre 2018.

Le point de départ était la date d’enregistrement de la déclaration de succession, soit le 25 novembre 2015. Le service soutenait que la prescription longue était applicable compte tenue de l’omission du rapport du don manuel de 2010 de sorte qu’il serait en droit de contrôler la déclaration de succession jusqu’à l’expiration de la sixième année suivant celle du fait générateur de l’impôt soit jusqu’au 31 décembre 2021 en application de l’article L 186 du LPF.

Or l’exigibilité des droits devait être révélée par l’enregistrement d’un acte ou d’une déclaration. En l’espèce la déclaration avait été enregistrée le 25 novembre 2015 de sorte que l’administration fiscale avait eu connaissance de l’exigibilité des droits.

L’exigibilité des droits pouvait être établie de manière certaine par la déclaration sans qu’il soit nécessaire de recourir à des recherches ultérieures ayant trait à l’exigibilité des droits et non à leur liquidation. La concluante s’appuyait sur la jurisprudence selon laquelle l’exigibilité des droits était établie dès lors que l’administration fiscale était en mesure de déterminer l’assiette de l’impôt et les personnes débitrices. En l’occurrence l’administration avait connaissance de l’ensemble de l’actif net successoral constituant ainsi l’assiette taxable sur laquelle les droits de succession étaient rendus exigibles.

Le tableau établi par l’inspecteur des finances publiques de [Localité 7] indiquait clairement un actif net de succession d’un montant de 1 830 533 € lequel s’établissait par la différence entre l’actif brut déclaré pour un montant de 2 162 080 € et le passif d’un montant de 331 527 €. Dès lors peu importait que l’abattement résiduel ait été appliqué à tort dans le cadre de la liquidation des droits. Dès lors le droit de reprise du service expirait le 31 décembre 2018.

Madame [Z] demandait au tribunal de prononcer la décharge de l’imposition et les dégrèvements corrélatifs pour la somme totale de 17 953 € dont 15 112 € en droits et 2841 € au titre des intérêts de retard, de condamner la direction régionale des finances publiques au versement d’intérêts moratoires, au paiement de la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du CPC et les dépens.

Cette procédure était enregistrée au tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence sous le numéro RG 22/1292.

Par conclusions d’incident signifié le 23 mai 2022 l’administration fiscale demandait au juge de la mise en état de déclarer le tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence territorialement incompétent au profit de celui de Draguignan.

Aux termes de l’article R202-1 du LPF le tribunal judiciaire compétent étant celui dans le ressort duquel se trouvait le bureau de l’administration chargée du recouvrement, en l’occurrence le centre des finances publiques de Draguignan, il était fait droit à la demande par ordonnance en date du 16 mai 2023.

Le tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence transmettait le dossier au tribunal judiciaire de Draguignan le 16 juin 2023 où il était enregistré sous le numéro susvisé RG 2023/4227.

Par conclusions signifiées le 24 août 2023 la direction régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte-d’Azur et du département des Bouches-du-Rhône rappelait que par acte authentique du 3 mars 2015 publié le 2 avril 2015 Madame [O] veuve [Z] avait donné à sa fille unique Madame [Y] [Z] et à ses petits-enfants l’usufruit et la nue-propriété de divers biens immobiliers sis à [Localité 6] dans la Drôme pour une valeur de 70 000 €.

À la suite du contrôle de cette donation, le Pôle de contrôle des revenus et du patrimoine de [Localité 8] leur avait adressé une proposition de rectification en date du 25 février 2021. Le service avait notifié le rappel fiscal d’un don manuel de 156 000 € consenti le 3 novembre 2010 par la mère de Madame [Z] à son profit et omis dans l’acte de donation du 3 mars 2015, de sorte que Madame [Z] avait bénéficié à tort d’un reliquat d’abattement pour la liquidation des droits de la donation de 2015.

La déclaration de succession de Madame [G] [O] décédée le [Date décès 2] 2015 enregistrée le 25 novembre 2015 avait donné lieu de la part du Pôle de contrôle des revenus et du patrimoine de [Localité 3] à une proposition de rectification en date du 21 avril 2021 afin de tirer les conséquences de la rectification de la donation par le pôle de [Localité 8] sur la liquidation des droits de succession. En effet, à la suite de la procédure relative à la donation, il ne restait plus d’abattement résiduel à appliquer pour la succession et pour le calcul des droits de donation. Les tranches de 5, 10, 15 % avaient été utilisées entièrement ainsi que celle de 20 % à hauteur de 26 067 €.

Le Pôle de [Localité 3] avait recalculé les droits de succession en corrigeant le montant de l’abattement indûment pratiqué et l’utilisation erronée des tranches de l’article 777 du Code général des impôts. Madame [Z] n’avait pas présenté d’observation. Les impositions supplémentaires avaient été mises en recouvrement le 30 septembre 2021. Le 18 octobre 2021 Madame [Z] avait formé une réclamation contentieuse qui avait fait l’objet d’un rejet le 22 décembre 2021.

Par acte d’huissier du 24 mars 2022 la requérante avait assigné la direction régionale des finances publiques devant le tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence.

Par ordonnance du 16 mai 2023 le juge de la mise en état déclarait incompétent le tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence au profit du tribunal judiciaire de Draguignan.

L’administration fiscale se défendait en premier lieu de tout acharnement.

Elle rappelait que le droit de reprise lui était accordé afin de réparer les omissions totales ou partielles constatées dans l’assiette ou le recouvrement de tous impôts ainsi que les erreurs susceptibles d’entacher leur détermination.
Le pôle de [Localité 3] en application de l’article 350 terdecies de l’annexe trois du Code général des impôts était compétent pour contrôler et le cas échéant rectifier la déclaration de succession de Madame [O] enregistrée dans son ressort territorial.
Le pôle de [Localité 8] était compétent pour contrôler rectifier l’acte de donation du 3 mars 2015 enregistré dans son ressort territorial.
Le pôle de [Localité 7] était intervenu pour rectifier la valeur vénale d’un bien situé dans son ressort. C’était dans l’esprit de la loi du 10 août 2018 dite pour un Etat au service d’une société de confiance que le service avait invité la demanderesse à demander la régularisation de l’omission du don manuel de 2010 dans la donation de 2015 commise de bonne foi afin de bénéficier d’intérêts de retard réduits.

L’administration fiscale observait que Madame [Z] ne contestait pas l’omission de la donation du 18 octobre 2010 d’un montant de 156 000 €. La rectification notifiée le 25 février 2021 avait pour objectif de réparer l’omission de rappel fiscal dans l’acte de donation du 3 mars 2015 en application de l’article 784 du Code général des impôts et ne concernait en aucun cas la succession de Madame [O]. Le pôle de [Localité 8] était donc bien compétent.

Selon l’article 784 les parties devaient faire connaître dans tout acte constatant une transmission entre vifs à titre gratuit et toute déclaration de succession l’existence des donations antérieures par le donateur ou le défunt aux donataires héritiers ou légataires.

La valeur des biens qui avaient fait l’objet des donations antérieures de moins de 15 ans était ajoutée à la valeur des biens compris dans la donation ou la déclaration de succession. Les règles de rappel fiscal étaient en vigueur tant en succession qu’en donation et devait être appliqué isolément pour chacune des mutations à titre gratuit intervenant entre deux mêmes contribuables.

Le don manuel 256 000 € en date du 18 octobre 2010 enregistré au service des impôts des entreprises de [Localité 5] n’avait pas été rappelé dans la donation du 3 mars 2015 pour la liquidation des droits d’enregistrement. La rectification était donc justifiée.

L’article 657 du Code général des impôts disposait que la formalité de l’enregistrement et de la publicité foncière était réalisée par le service du lieu de situation de l’immeuble, en l’espèce le service de [Localité 8], les biens immobiliers ayant fait l’objet de la donation du 3 mars 2015 se situant dans la Drôme.

Par conséquent le grief relatif à l’incompétence de ce service n’était pas fondé.

Enfin, en application de l’article L 186 du LPF, le droit de reprise de l’administration s’exerçait jusqu’à l’expiration de la sixième année suivant celle du fait générateur de l’impôt. En application de l’article L 180 du LPF, le délai de trois ans prévu en matière de droits d’enregistrement n’était opposable à l’administration que si l’exigibilité des droits et taxes avaient été suffisamment révélées par le document enregistré aux présentés à la formalité sans qu’il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures. Or en l’espèce l’omission du don de 2010 dans la donation de 2015 avait rendu nécessaires les recherches effectuées par l’administration fiscale. Dès lors le droit de reprise expirait bien le 31 décembre 2021.

L’administration fiscale concluait au rejet des prétentions de Madame [Z] et à sa condamnation à lui verser la somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures susvisées conformément à l’article 455 du Code de procédure civile.

La procédure était clôturée par ordonnance en date du 18 mars 2024 et l’affaire était renvoyée pour être plaidée à l’audience du 19 septembre 2024.

Par courrier électronique du 11 septembre 2024, l’administration fiscale adressait au tribunal et à la partie demanderesse le jugement rendu par le TJ de Valence le 3 septembre 2024 dans le litige l’opposant à Mme [Z] et les consorts [N].

Par courrier électronique en date du 13 septembre 2024, le conseil de Mme [Z] sollicitait le rabat de l’ordonnance de clôture et le renvoi de l’affaire à la mise en état pour lui permettre de conclure.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’ordonnance de clôture

La clôture de la procédure en date du 18 mars 2024 ne permettait pas à l’administration fiscale de produire une nouvelle pièce sans solliciter la révocation de l’ordonnance de clôture, en application de l’artcle 802 du Code de procédure civile. Le jugement du TJ de Valence sera donc écarté des débats.

Sur l’acharnement de l’administration fiscale

Mme [Z] soutient qu’elle ferait l’objet d’une multiplication de procédures qui serait contraire à l’esprit de la loi du 10 août 2018. Elle n’évoque toutefois aucune disposition de cette loi que l’administration fiscale aurait enfreinte. Par conséquent, le moyen n’est pas assorti des précisions nécessaires et ne peut qu’être rejeté.

Sur le délai de reprise de l’administration

Selon l’administration fiscale, la prescription abrégée était inapplicable dès lors qu’il résulte des dispositions des articles L. 180 et L. 186 du livre des procédures fiscales que, sauf lorsque l’exigibilité certaine des droits omis découle de manière complète et directe de la déclaration ou de l’acte soumis à la formalité sans qu’il soit besoin de procéder à des recherches ultérieures pour constater l’existence du fait juridique imposable, l’administration dispose d’un délai de six ans pour établir l’exigibilité des droits. Un doute subsistant quant à l’exigibilité des droits et rendant nécessaire, pour en apporter la preuve, de procéder à des recherches quelconques notamment par rapprochement de divers actes, déclarations ou faits, permet d’écarter le délai de prescription abrégé de trois ans.

En l’espèce, ni l’acte de donation du 3 mars 2015, ni la déclaration de succession du 25 novembre 2015 n’ont fait état de la donation consentie par sa mère Mme [O], le 3 novembre 2010.

Ces informations manquantes n’ont pas mis le service en mesure d’établir les droits exigibles. Le service a dû procéder aux “recherches ultérieures” au sens des articles L. 180 et L. 186 du livre des procédures fiscales, en rapprochant les différentes déclarations de Mme [Z], pour se rendre compte que les tranches d’abattement avaient été utilisées et qu’il convenait de recalculer les droits de donation et de succession.

Dès lors c’est à bon droit que l’administration fiscale soutient que la prescription de trois ans ne pouvait s’appliquer à la situation de Mme [Z].

Au surplus, Mme [Z] ne soutient pas que sur le fond les droits réclamés reposeraient sur un calcul erroné.

Elle sera déboutée de l’intégralité de ses demandes.

Sur les dépens

La demanderesse, partie perdante, est condamnée aux dépens.

Sur les frais irrépétibles

La demanderesse, partie perdante, est condamnée à verser la somme de 1000 euros à l’administration fiscale en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Vu les articles L 180 et L 186 du LPF,

Ecarte des débats la pièce produite par la Direction générale des finances publiques postérieurement à l’ordonnance de clôture,

Déboute Mme [Y] [Z] de sa demande de révocation de l’ordonnance de clôture,

Déboute Mme [Y] [Z] de l’intégralité de ses demandes,

Condamne Mme [Y] [Z] aux dépens,

Condamne Mme [Y] [Z] à verser la somme de 1000 euros à la direction régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte-d’Azur et du département des Bouches-du-Rhône.

Le greffier, Le président,


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