Communication de pièces et droits des parties dans un contexte d’instruction judiciaire complexe

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Communication de pièces et droits des parties dans un contexte d’instruction judiciaire complexe

L’Essentiel : La société Exclusive Gemstone, spécialisée dans la vente de diamants, fait face à des accusations graves, dont l’escroquerie en bande organisée. En 2021, l’Association de Défense de Consommateurs de France a assigné la banque Crédit du Nord en responsabilité. Le juge a accepté cette action, mais la Société Générale, héritière des droits de Crédit du Nord, a demandé des documents essentiels pour l’affaire. Le 7 octobre 2024, les demandeurs ont refusé de fournir ces pièces, entraînant une décision du juge qui a ordonné leur communication. La prochaine mise en état est prévue pour le 7 mars 2025.

Contexte de l’affaire

La société Exclusive Gemstone est spécialisée dans la vente de diamants aux particuliers. Plusieurs acheteurs, dont Mme [G] [B], M. [C] [P], et d’autres, ont acquis des diamants en effectuant leurs paiements sur le compte de la société auprès de la banque Crédit du Nord.

Ouverture d’une information judiciaire

En 2017, une information judiciaire a été ouverte contre Exclusive Gemstone et ses dirigeants pour des accusations graves, notamment d’escroquerie en bande organisée, de blanchiment, d’exercice illégal de l’activité de conseiller en investissement financier, de démarchage financier illicite et d’abus de biens sociaux.

Assignation en responsabilité

Le 3 août 2021, l’Association de Défense de Consommateurs de France (ADC France) et plusieurs acheteurs ont assigné la société Crédit du Nord en responsabilité devant le tribunal judiciaire de Lille. Le juge a déclaré recevable l’action de l’ADC France et a rejeté une demande de sursis à statuer.

Demande de communication de pièces

Le 30 avril 2024, la Société Générale, héritière des droits de la SA Crédit du Nord, a demandé au juge de la mise en état de contraindre les demandeurs à produire des documents essentiels à l’affaire, notamment des versions complètes d’une ordonnance de renvoi et d’un procès-verbal d’audition.

Réponse des demandeurs

Le 7 octobre 2024, l’ADC France et les autres demandeurs ont informé le juge qu’ils ne souhaitaient pas conclure, laissant la Société Générale sans les pièces demandées, qui sont cruciales pour la poursuite de l’instance.

Décision du juge

Le juge a statué sur la demande de communication de pièces, enjoignant aux demandeurs de fournir les documents requis à la Société Générale, tout en rejetant la demande de communication de l’index des cotes du dossier d’information judiciaire, considérant que l’ordonnance de renvoi était suffisante.

Réserve sur les dépens

Concernant les dépens, le juge a décidé de les réserver jusqu’à ce qu’une décision soit prise sur le fond du litige, laissant ouverte la question de la responsabilité financière des parties.

Prochaines étapes

Les parties ont été renvoyées à une mise en état prévue pour le 7 mars 2025, où des conclusions au fond de la Société Générale seront attendues.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de communication de pièces en matière civile ?

La communication de pièces en matière civile est régie par plusieurs articles du code de procédure civile.

L’article 789, alinéa 5°, précise que le juge de la mise en état est compétent pour ordonner toute mesure d’instruction, même d’office, jusqu’à son dessaisissement.

Cela signifie que le juge a le pouvoir d’intervenir pour garantir que toutes les preuves nécessaires à la résolution du litige soient présentées.

De plus, l’article 10 du code de procédure civile stipule que le juge peut ordonner d’office toutes les mesures d’instruction légalement admissibles.

Cela renforce le pouvoir du juge d’assurer une instruction complète et équitable.

L’article 11, quant à lui, prévoit que si une partie détient un élément de preuve, le juge peut lui enjoindre de le produire, sous peine d’astreinte si nécessaire.

Cela permet de garantir que toutes les parties disposent des éléments nécessaires pour défendre leurs droits.

Enfin, les articles 138 et 139 précisent que si une partie souhaite faire état d’un acte ou d’une pièce détenue par un tiers, elle peut demander au juge d’ordonner la production de cette pièce.

Le juge, s’il estime la demande fondée, ordonnera la délivrance de l’acte ou de la pièce, en fixant les conditions et garanties nécessaires.

Quels sont les effets de la décision sur les dépens ?

L’article 696 du code de procédure civile traite des dépens dans le cadre des litiges civils.

Il dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf si le juge décide, par une décision motivée, d’en mettre la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Cela signifie que, en principe, la partie qui perd le procès doit supporter les frais engagés par la partie gagnante.

Dans le cas présent, le juge a décidé de réserver les dépens jusqu’à ce qu’une décision intervienne sur le fond du litige.

Cela indique que le juge n’a pas encore tranché sur la question de la responsabilité des parties en ce qui concerne les frais de justice.

Cette réserve permet de maintenir une certaine flexibilité dans la gestion des dépens, en attendant que le litige soit résolu sur le fond.

Ainsi, la décision sur les dépens sera prise ultérieurement, en fonction de l’issue du litige principal.

Cela permet d’éviter des décisions prématurées qui pourraient ne pas refléter la réalité des responsabilités des parties.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 02
N° RG 21/05021 – N° Portalis DBZS-W-B7F-VOYH

ORDONNANCE D’INCIDENT
DU 07 JANVIER 2025

DEMANDEURS :

Association ADC FRANCE, SIRET 33099551500047, prise en la personne de son président M. [K] [T]
[Adresse 6]
[Localité 9]
représentée par Me Florent MEREAU, avocat au barreau de LILLE, Me Arnaud DELOMEL, avocat au barreau de RENNES

Mme [G] [B]
[Adresse 13]
[Localité 14]
représentée par Me Florent MEREAU, avocat au barreau de LILLE, Me Arnaud DELOMEL, avocat au barreau de RENNES

M. [C] [P]
[Adresse 1]
[Localité 8]
représenté par Me Florent MEREAU, avocat au barreau de LILLE, Me Arnaud DELOMEL, avocat au barreau de RENNES

Mme [O] [A]
[Adresse 3]
[Localité 11]
représentée par Me Florent MEREAU, avocat au barreau de LILLE, Me Arnaud DELOMEL, avocat au barreau de RENNES

Mme [F] [E]
[Adresse 2]
[Localité 15]
représentée par Me Florent MEREAU, avocat au barreau de LILLE, Me Arnaud DELOMEL, avocat au barreau de RENNES

M. [N] [E]
[Adresse 2]
[Localité 15]
représenté par Me Florent MEREAU, avocat au barreau de LILLE, Me Arnaud DELOMEL, avocat au barreau de RENNES

Mme [W] [I]
[Adresse 7]
[Localité 16]
représentée par Me Florent MEREAU, avocat au barreau de LILLE, Me Arnaud DELOMEL, avocat au barreau de RENNES

M. [J] [R]
[Adresse 4]
[Localité 10]
représenté par Me Florent MEREAU, avocat au barreau de LILLE, Me Arnaud DELOMEL, avocat au barreau de RENNES

DÉFENDERESSE :

S.A. CREDIT DU NORD société anonyme au capital de 890.491.248
immatriculée au RCS DE LILLE METROPOLE sous le n° 456 504 851
[Adresse 5]
[Localité 12]/FRANCE
représentée par Me Caroline CHAMBAERT, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION

Juge de la mise en État : Maureen DE LA MALENE, Juge,

GREFFIER

Dominique BALAVOINE, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 3 décembre 2024 , date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que l’ordonnance serait rendue le 07 Janvier 2025.

Ordonnance : contradictoire, en premier ressort, mise à disposition au Greffe le 07 Janvier 2025, et signée par Maureen DE LA MALENE, Juge de la Mise en État, assistée de Dominique BALAVOINE, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

La société Exclusive Gemstone a pour activité la vente de diamants aux particuliers.

Mme [G] [B], M. [C] [P], Mme [O] [A], Mme [F] [E], M. [N] [E], Mme [W] [I] et M. [J] [R] se sont portés acquéreurs de diamants auprès de cette société.

Dans ce cadre, les acheteurs ont effectué le paiement des acquisitions sur le compte ouvert par la société Exclusive Gemstone auprès de la société Crédit du Nord.

En 2017, une information judiciaire a été ouverte à l’encontre de la société Exclusive Gemstone et ses dirigeants, pour des faits d’escroquerie en bande organisée, blanchiment en bande organisée, exercice illégal de l’activité de conseiller en investissement financier, démarchage financier illicite et abus de biens sociaux.

* * *

Par acte signifié le 3 août 2021, l’Association de Défense de Consommateurs de France (ci-après l’ADC France), Mme [B], M. [P], Mme [A], Mme [E], M. [E], Mme [I] et M. [R] ont assigné en responsabilité la société Crédit du Nord devant le tribunal judiciaire de Lille.

Par ordonnance en date du 1er décembre 2022, le juge de la mise en état a notamment déclaré recevable l’action de l’ADC de France et a rejeté la demande de sursis à statuer.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 avril 2024, la Société Générale, venant aux droits et obligations de la SA Crédit du Nord, demande au juge de la mise en état, au visa des dispositions des articles 138, 139 et 142 du code de procédure civile, de :
-enjoindre aux demandeurs de produire :
-une version complète de l’ordonnance de renvoi dont ils produisent un extrait sous pièce n° 30 ;
-une version complète du PV de police judiciaire du 27 février 2017, dont ils ne produisent qu’une version tronquée sous pièce n° 32 (intitulée dans leur bordereau « cote D11 du dossier d’information judiciaire Exclusive Gemstone ») ;
-l’index des côtes du dossier d’information judiciaire Exclusive Gemstone ;
-réserver les dépens.

Par message notifié par voie électronique le 7 octobre 2024, l’ADC France, Mme [B], M. [P], Mme [A], Mme [E], M. [E], Mme [I] et M. [R] ont indiqué au juge de la mise en état qu’elle n’entendait pas conclure.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de communication de pièces

L’article 789 5° prévoit que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent pour ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction.

L’article 10 du code de procédure civile dispose que le juge a le pouvoir d’ordonner d’office toutes les mesures d’instruction légalement admissibles.

L’article 11 prévoit que si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l’autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d’astreinte. Il peut, à la requête de l’une des parties, demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s’il n’existe pas d’empêchement légitime.

L’article 138 du code de procédure civile dispose que si, au cours d’une instance, une partie entend faire état d’un acte sous seing privé auquel elle n’a pas été partie ou d’une pièce détenue par un tiers, elle peut demander au juge saisi de l’affaire d’ordonner la délivrance d’une expédition ou la production de l’acte ou de la pièce.

L’article 139 précise que la demande est faite sans forme et que le juge, s’il l’estime fondée, ordonne la délivrance ou la production de l’acte ou de la pièce, en original ou en copie ou en extrait selon les cas, dans les conditions et sous les garanties qu’il fixe, au besoin sous peine d’astreinte.

En l’espèce, l’ADC France ainsi que Mme [B], M. [P], Mme [A], Mme [E], M. [E], Mme [I] et M. [R] entendent se fonder au fond sur deux pièces du dossier d’information judiciaire enregistrée sous le n°parquet 17 292 000 035 près du tribunal judiciaire de Nancy.

Toutefois, les demandeurs ne produisent aux débats que des extraits partiels de ces pièces, à savoir :
-262 pages sur 380 de l’ordonnance de non-lieu partiel, de requalification et de renvoi devant le tribunal correctionnel, figurant au bordereau sous la pièce n° 30 ;
-2 pages sur 4 du procès-verbal d’audition dressé le 27 février 2017 par l’Office Central pour la Répression de la Grande Délinquance Financière de [Localité 17].

La Société Générale, qui n’était pas partie à l’information judiciaire précitée, entend se voir communiquer l’intégralité de ces pièces et justifie avoir sommé l’ADC France et l’ensemble des demandeurs à l’instance d’avoir à les lui communiquer.

Demeurant sans réponse, c’est à juste titre qu’elle soulève cet incident puisque l’ADC France et l’ensemble des demandeurs sont les seuls à détenir les pièces litigieuses qui sont pourtant déterminantes dans la poursuite de l’instance puisqu’elles sont produites partiellement au soutien de leurs demandes.

Par conséquent, il convient d’enjoindre l’ADC France, ainsi que Mme [B], M. [P], Mme [A], Mme [E], M. [E], Mme [I] et M. [R] de communiquer les pièces suivantes à la Société Générale :
-une version complète de l’ordonnance de renvoi dont ils produisent un extrait sous pièce n° 30 ;
-une version complète du PV de police judiciaire du 27 février 2017, dont ils ne produisent qu’une version tronquée sous pièce n° 32 (intitulée dans leur bordereau « cote D11 du dossier d’information judiciaire Exclusive Gemstone »).

Il ne sera en revanche pas fait droit à la demande de communication de l’index des cotes du dossier d’information judiciaire, dans la mesure où l’ordonnance de renvoi est suffisante pour apprécier l’intégralité des éléments issus de l’enquête.

Sur les dépens

L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’état, il convient de réserver les dépens jusqu’à ce qu’une décision intervienne sur le fond du litige.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par ordonnance contradictoire, par mise à disposition au greffe, par ordonnance susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile,

ORDONNONS à l’Association de Défense de Consommateurs de France ,Mme [G] [B], M. [C] [P], Mme [O] [A], Mme [F] [E], M. [N] [E], Mme [W] [I] et M. [J] [R] de communiquer les pièces suivantes à la Société Générale venant aux droits de la SA Crédit de Nord :
– une version complète de l’ordonnance de renvoi dont ils produisent un extrait sous pièce n° 30 ;
– une version complète du PV de police judiciaire du 27 février 2017, dont ils ne produisent un extrait sous pièce n° 32 (intitulée dans leur bordereau « cote D11 du dossier d’information judiciaire Exclusive Gemstone ») ;

REJETONS la demande de communication de l’index des cotes du dossier d’information judiciaire Exclusive Gemstone ;

RÉSERVONS les dépens ;

RENVOYONS les parties à la mise en état du 7 mars 2025 pour conclusions au fond de la Société Générale ;

LE GREFFIER LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT

Dominique BALAVOINE Maureen DE LA MALENE


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