L’Essentiel : La SCI WR a conclu un bail commercial avec la SARL Studio Kafé en mai 2017. En raison de difficultés financières, cette dernière a été placée en liquidation judiciaire en novembre 2021. En novembre 2022, le juge-commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce à la SARL L’Elvira Coffee, qui devait régler les loyers dus. Un protocole transactionnel a été signé en janvier 2024, mais face à des impayés, un commandement de payer a été délivré en avril 2024. Lors de l’audience de novembre 2024, le tribunal a jugé que la créance n’était pas sérieusement contestable, entraînant le rejet des demandes de la SCI WR.
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Contexte de l’affaireLa SCI WR a conclu un bail commercial avec la SARL Studio Kafé le 16 mai 2017 pour des locaux situés à [Adresse 1] à [Localité 3]. Suite à des difficultés financières, la SARL Studio Kafé a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Bobigny le 18 novembre 2021. Cession de fonds de commerceLe 9 novembre 2022, le juge-commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce de la SARL Studio Kafé à la SARL L’Elvira Coffee, qui a accepté de prendre en charge les loyers dus à la SCI WR à partir de la date de la liquidation judiciaire. Protocole transactionnelUn protocole transactionnel a été signé le 11 janvier 2024 entre la SCI WR et la SARL L’Elvira Coffee, stipulant que cette dernière s’engageait à régler des arriérés de loyers s’élevant à 74.241,91 euros en 24 mensualités, en plus des loyers courants, sous réserve d’une clause résolutoire. Commandement de payerFace à des impayés, la SCI WR a délivré un commandement de payer le 18 avril 2024, visant la clause résolutoire pour obtenir le paiement d’une somme de 86.637,18 euros en principal. Assignation en référéLe 25 juillet 2024, la SCI WR a assigné la SARL L’Elvira Coffee en référé pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire et obtenir le paiement de loyers impayés, ainsi que l’expulsion de la société des locaux loués. Audience et décisionsLors de l’audience du 28 novembre 2024, la SCI WR a actualisé sa créance à 91.637 euros. La SARL L’Elvira Coffee n’a pas constitué avocat et sa gérante s’est présentée en personne. Le tribunal a constaté l’absence de preuves suffisantes concernant les sommes réclamées. Motifs de la décisionLe tribunal a jugé que le commandement de payer manquait de précision et que la créance n’était pas sérieusement contestable. En conséquence, il n’y avait pas lieu à référé sur les demandes présentées, et la SCI WR a conservé la charge des dépens. ConclusionLa décision a été rendue le 16 janvier 2025, déclarant qu’il n’y avait pas lieu à référé et que la SCI WR devait supporter les frais de la procédure. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de mise en œuvre de la clause résolutoire dans le cadre d’un bail commercial ?La clause résolutoire dans un bail commercial est régie par l’article L. 145-41 du code de commerce. Cet article stipule que : « Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge. » Ainsi, pour que la clause résolutoire soit applicable, il est impératif qu’un commandement de payer soit délivré et qu’il soit resté sans effet pendant un mois. De plus, le commandement doit mentionner ce délai, faute de quoi il sera nul. Dans le cas présent, la SCI WR a délivré un commandement de payer le 18 avril 2024, mais la régularité de ce commandement est contestée, notamment en raison de l’absence de décompte précis des sommes dues. Quelles sont les implications de l’absence de décompte précis dans le commandement de payer ?L’absence de décompte précis dans un commandement de payer peut avoir des conséquences significatives sur la validité de la procédure. L’article 1353 du code civil précise que : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. » Dans le contexte d’un commandement de payer, cela signifie que le créancier doit fournir des éléments clairs et détaillés concernant la créance qu’il réclame. En l’espèce, le commandement de payer délivré par la SCI WR ne contenait pas de décompte précis, ce qui a conduit à des contestations sérieuses de la part de la SARL L’Elvira Coffee. Sans un décompte détaillé, le débiteur ne peut pas apprécier la nature, le fondement et le montant des sommes réclamées, ce qui remet en question la certitude, la liquidité et l’exigibilité de la créance. Quelles sont les conséquences d’une absence de comparution du défendeur en référé ?L’article 472 du code de procédure civile stipule que : « Lorsque le défendeur ne comparait pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée. » Cela signifie que même en l’absence de comparution du défendeur, le juge doit examiner la demande du demandeur pour s’assurer qu’elle respecte les conditions de recevabilité et de fond. Dans le cas présent, bien que la SARL L’Elvira Coffee n’ait pas constitué avocat et que sa gérante se soit présentée en personne, le tribunal a jugé que les demandes de la SCI WR n’étaient pas suffisamment fondées en raison des contestations sur la régularité du commandement de payer. Ainsi, l’absence de comparution n’a pas conduit à une décision favorable pour la demanderesse, car les éléments présentés n’étaient pas jugés suffisamment solides. Quelles sont les implications de l’article 835 du code de procédure civile dans le cadre d’une demande de provision ?L’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que : « Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier. » Cet article permet au juge des référés d’accorder une provision lorsque la créance est évidente et incontestée. Dans le cas présent, le tribunal a constaté que la créance réclamée par la SCI WR n’était pas sérieusement contestable, mais en raison de l’absence de décompte précis et des contestations sur la régularité du commandement de payer, le juge a estimé que la créance n’était pas suffisamment établie pour justifier une provision. Ainsi, même si la demande de provision était fondée sur des éléments de droit, la réalité des faits et la nécessité de preuves précises ont conduit à un refus de la demande. |
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Chambre 1/Section 5
N° du dossier : N° RG 24/01400 – N° Portalis DB3S-W-B7I-ZTPH
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 16 JANVIER 2025
MINUTE N° 25/00110
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Nous, Madame Mallorie PICHON, Vice-présidente, au Tribunal judiciaire de BOBIGNY, statuant en référés, assistée de Madame Tiaihau TEFAFANO, Greffière,
Après avoir entendu les parties à notre audience du 28 novembre 2024 avons mis l’affaire en délibéré et avons rendu ce jour, par mise à disposition au greffe du tribunal en application des dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile, la décision dont la teneur suit :
ENTRE :
La SCI WR,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Jacques ZOUKER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0883
ET :
La Société L’ELVIRA COFFEE,
dont le siège social est sis [Adresse 1]
non comparante, ni représentée
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 16 mai 2017, la SCI WR a donné à bail à la SARL Studio Kafé des locaux à usage commercial situés [Adresse 1] à [Localité 3].
Par jugement du 18 novembre 2021, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de liquidation judiciaire immédiate sans maintien d’activité à l’égard de SARL Studio Kafé et désigné la SELARL Bally MJ en qualité de mandataire liquidateur.
Par ordonnance du 9 novembre 2022, le juge-commissaire a autorisé la cession de fonds de commerce de la société Studio Kafé à la SARL L’Elvira Coffee, acte par lequel celle-ci s’engageait à prendre en charge les loyers des locaux dus au bailleur à compter de la mise en liquidation judiciaire de la société Studio Kafé le 18 novembre 2021.
Par acte du 11 janvier 2024, la SCI WR et la SARL L’Elvira Coffee ont signé un protocole transactionnel par lequel la SARL L’Elvira Coffee s’engageait à régler les arriérés de loyers postérieurs au jugement de liquidation judiciaire, s’élevant à 74.241,91 euros, en 24 mensualités de 3.093,41 euros, en sus des loyers courants, cet engagement étant soumis à la clause résolutoire figurant au bail acquis avec le fonds de commerce.
Ces sommes étant demeurées impayées, la SCI WR, par acte du 18 avril 2024, a fait délivrer à la SARL L’Elvira Coffee un commandement de payer visant la clause résolutoire contractuelle pour obtenir paiement de la somme de 86.637,18 euros en principal.
Par acte du 25 juillet 2024, la SCI WR a assigné en référé devant le président de ce tribunal la SARL L’Elvira Coffee, aux fins de :
Constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail à compter du 18 mai 2024 ;Condamner la SARL L’Elvira Coffee à lui payer à titre provisionnel :la somme de 95.637,18 euros au titre des loyers impayés (terme du 3e trimestre 2024 inclus), outre les intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;la somme égale au montant du loyer révisé, augmenté des charges qui auraient été dues si le bail s’était poursuivi, à valoir sur l’indemnité d’occupation, à compter du 1er septembre 2024 et jusqu’à la libération des lieux ;Ordonner l’expulsion de la SARL L’Elvira Coffee ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec au besoin le concours d’un serrurier et de la force publique, des lieux loués, passé le délai de 2 mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux ;Dire que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L.413-1 et L.413-2 du code des procédures civiles d’exécution ;Condamner la SARL L’Elvira Coffee à lui payer la somme de 2.000 euros à la SCI WR au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens qui comprendront le coût du commandement de payer délivré le 18 avril 2024.
Après renvoi, l’affaire a été appelée à l’audience du 28 novembre 2024.
A l’audience, le demandeur actualise sa créance à la baisse à la somme de 91.637 euros, et maintient ses autres demandes dans les termes de l’assignation.
Régulièrement assignée, la société défenderesse n’a pas constitué avocat. Sa gérante s’est présentée en personne.
L’état des inscriptions sur le fonds de commerce ne porte mention d’aucune inscription en date du 18 juillet 2024.
Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions de la partie demanderesse, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance.
En application de l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparait pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Aux termes de l’article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
Par ailleurs, les dispositions de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile prévoient que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.
Enfin, en application de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
En l’espèce, le bail liant la SCI WR et la SARL L’Elvira Coffee par l’effet de la cession du fonds de commerce du 9 novembre 2022 entre la SARL Studio Kafé et la SARL L’Elvira Coffee stipule qu’à défaut d’exécution par le preneur de l’un quelconque de ses engagements à son échéance, le contrat est résilié de plein droit, un mois après un commandement de payer resté sans effet.
Un commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré le 18 avril 2024 pour le paiement de la somme en principal de 86.241,91 euros. Néanmoins, il y a lieu de relever qu’aucun décompte précis n’est annexé à ce commandement, qui vise un protocole d’accord du 11 janvier 2024 et reprend les sommes globales qui y figurent, sans détailler la nature des sommes dues ni les échéances mensuelles ou trimestrielles.
Dès lors, la régularité du commandement de payer se heurte également à des contestations sérieuses.
En outre, aucun décompte précis n’est produit aux débats et en outre, le protocole transactionnel versé est daté du 11 janvier 2024, et est donc antérieur à l’acte de cession, lui-même daté du 12 février 2024.
Au vu de ces éléments, qui manquent à la fois de précision et de cohérence, le preneur ne peut apprécier la nature, le fondement et le montant des sommes réclamées, et il ne peut être vérifié avec l’évidence requise en référé que la créance dont il est réclamé le paiement est certaine, liquide et exigible.
Dans ces conditions, le preneur n’établit pas l’existence d’une obligation non sérieusement contestable, il ne saurait donc y avoir lieu à référé sur l’intégralité des demandes présentées.
La demanderesse conservera la charge des dépens et de ses frais irrépétibles.
Statuant en référé, par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire et en premier ressort ;
Disons n’y avoir lieu à référé ;
Disons n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Disons que la SCI WR conservera la charge des dépens ;
Rappelons que la présente décision est exécutoire par provision.
AINSI JUGÉ AU PALAIS DE JUSTICE DE BOBIGNY, LE 16 JANVIER 2025.
LA GREFFIERE
LA PRÉSIDENTE
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