L’Essentiel : Le 27 janvier 2022, la SCI Le Jardin de [Localité 12] a signé une promesse de vente avec Mme [J], M. [L] et Mme [P] pour un bien immobilier à [Adresse 2], au prix de 1 560 000 euros. La vente, prévue pour le 9 avril 2022, incluait une clause pénale de 156 000 euros en cas de non-réalisation. En mars 2023, la SCI a assigné les acquéreurs pour obtenir le paiement de cette clause, tandis que ceux-ci ont réclamé une garantie à la société HP immobilier. Le tribunal a finalement réduit la clause pénale à 30 000 euros.
|
Contexte de la Promesse de VenteLe 27 janvier 2022, la SCI Le Jardin de [Localité 12] a signé une promesse synallagmatique de vente avec Mme [J], M. [L] et Mme [P] pour un bien immobilier situé à [Adresse 2], au prix de 1 560 000 euros. La vente devait être finalisée par acte authentique le 9 avril 2022, avec une clause pénale stipulant une indemnité de 156 000 euros en cas de non-réalisation de la vente. Assignation et Demandes des PartiesLa SCI Le Jardin de [Localité 12] a assigné les acquéreurs devant le tribunal judiciaire de Bobigny en mars 2023, demandant le paiement de la clause pénale après que la vente n’ait pas été réitérée. En réponse, Mme [J], M. [L] et Mme [P] ont assigné la société HP immobilier pour obtenir une garantie. L’instruction a été clôturée le 22 mai 2024, et l’affaire a été appelée à l’audience de plaidoiries le 14 novembre 2024. Prétentions de la SCI Le Jardin de [Localité 12]Dans ses conclusions, la SCI a demandé au tribunal de déclarer ses demandes recevables et fondées, de débouter les acquéreurs de leurs demandes, et de reconnaître que les conditions suspensives avaient été levées. Elle a également sollicité le paiement de l’indemnité de 156 000 euros, ainsi que la restitution de la somme de 30 000 euros consignée chez le notaire. Prétentions des AcquéreursDe leur côté, Mme [J], M. [L] et Mme [P] ont soutenu que la promesse de vente était devenue caduque en raison de l’impossibilité de lever les conditions suspensives dans le délai imparti. Ils ont demandé la restitution de la somme de 30 000 euros, ainsi que des dommages et intérêts. Position de la Société HP ImmobilierLa société HP immobilier a demandé le déboutement des acquéreurs de leurs demandes et a également sollicité le déboutement de la SCI de sa demande de garantie. Elle a demandé le paiement de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles. Analyse de la Clause PénaleLe tribunal a examiné la clause pénale stipulée dans la promesse de vente, concluant que la non-réalisation de la vente était due à un manquement des acquéreurs à leur obligation de régulariser la vente. Toutefois, le montant de la clause pénale a été jugé excessif et réduit à 30 000 euros. Responsabilité de la Société HP ImmobilierLe tribunal a également statué sur la responsabilité de la société HP immobilier, concluant qu’elle devait garantir les acquéreurs à hauteur de 99% de la condamnation prononcée contre eux, en raison d’un manquement à son obligation d’information. Dépens et Exécution ProvisoireLes dépens ont été mis à la charge de la société HP immobilier, qui a également été condamnée à verser des frais irrépétibles aux parties. Le jugement a été assorti de l’exécution provisoire de droit. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conséquences juridiques de la non-réalisation des conditions suspensives dans une promesse synallagmatique de vente ?La non-réalisation des conditions suspensives dans une promesse synallagmatique de vente entraîne des conséquences juridiques précises, notamment en ce qui concerne l’exécution des obligations contractuelles. Selon l’article 1103 du Code civil, « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». Cela signifie que les parties sont tenues de respecter les engagements pris dans le contrat, sauf si une condition suspensive n’est pas réalisée. En vertu de l’article 1217 du même code, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté peut refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation, poursuivre l’exécution forcée en nature, obtenir une réduction du prix, provoquer la résolution du contrat, et/ou demander réparation des conséquences de l’inexécution. Il est également important de noter que l’article 1231-5 précise que lorsque le contrat stipule qu’une partie paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts en cas de manquement, cette somme ne peut être augmentée ou diminuée par le juge, sauf si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Dans le cas présent, la SCI Le Jardin de [Localité 12] a fait valoir que les conditions suspensives avaient été levées, ce qui a conduit à la demande de paiement de la clause pénale. Les défendeurs, Mme [J], M. [L] et Mme [P], ont contesté cette position en invoquant la non-réalisation d’une condition suspensive. Comment la clause pénale est-elle appliquée en cas de non-exécution d’une promesse de vente ?La clause pénale est un mécanisme contractuel qui permet de prévoir une indemnité en cas de non-exécution d’une obligation. L’article 1231-5 du Code civil stipule que lorsque le contrat prévoit qu’une partie paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, cette somme ne peut être modifiée par le juge, sauf si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Dans le cas présent, la clause pénale stipule que « la partie qui n’est pas en défaut percevra, à titre d’indemnisation forfaitaire de son préjudice, la somme de 156 000 € ». Cela signifie que si l’une des parties refuse de régulariser la vente, elle est redevable de cette somme, sauf à justifier d’une condition suspensive. Le tribunal a constaté que la condition suspensive invoquée par les défendeurs n’était pas fondée, car les déclarations inexactes concernant la situation du bien n’avaient pas été prouvées. Par conséquent, la SCI Le Jardin de [Localité 12] était en droit de réclamer le paiement de la clause pénale. Cependant, le tribunal a jugé que le montant de 156 000 € était manifestement excessif au regard des préjudices subis, qui se limitaient à une immobilisation du bien durant huit mois. Ainsi, la clause pénale a été réduite à 30 000 €. Quelles sont les obligations de l’agent immobilier en matière de responsabilité ?L’agent immobilier a des obligations spécifiques en matière de responsabilité, tant contractuelle que délictuelle. Selon la jurisprudence, l’agent immobilier doit vérifier que les éléments qui conditionnent la validité de l’opération immobilière sont conformes aux informations dont il dispose. En cas de manquement à cette obligation, l’agent immobilier peut être tenu responsable des dommages subis par les parties. En l’espèce, l’agence HP immobilier a été jugée responsable pour ne pas avoir vérifié la conformité du bien vendu avec le permis de construire. La responsabilité délictuelle de l’agent immobilier n’est pas effacée par les fautes du notaire qui a également participé à la réalisation du dommage. Cela signifie que même si le notaire a commis une erreur, l’agent immobilier peut toujours être tenu responsable pour son manquement à son devoir de conseil. Dans cette affaire, le tribunal a conclu que l’agence HP immobilier devait garantir Mme [J], M. [L] et Mme [P] à hauteur de 99% de la condamnation prononcée contre eux, en raison de la perte de chance de renoncer à l’acquisition ou de modifier les conditions de la vente. Comment sont déterminés les dépens et les frais irrépétibles dans une procédure judiciaire ?Les dépens et les frais irrépétibles sont régis par le Code de procédure civile. Selon l’article 696, la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge qui en mettrait une partie à la charge d’une autre partie. Dans le cas présent, la société HP immobilier, ayant succombé à l’instance, a été condamnée à payer les dépens. Le tribunal a également décidé d’allouer des frais irrépétibles en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet au juge de condamner la partie perdante à payer une somme à l’autre partie pour couvrir les frais exposés et non compris dans les dépens. Le tribunal a fixé cette somme à 2 500 euros pour la SCI Le Jardin de [Localité 12] et à 2 500 euros pour Mme [J], M. [L] et Mme [P], en tenant compte de la complexité de l’affaire et des frais réellement engagés. Ces décisions visent à compenser les frais engagés par les parties dans le cadre de la procédure judiciaire, tout en respectant les principes d’équité et de justice. |
de BOBIGNY
JUGEMENT CONTENTIEUX DU 20 JANVIER 2025
Chambre 6/Section 5
AFFAIRE: N° RG 23/02542 – N° Portalis DB3S-W-B7H-XNUX
N° de MINUTE : 25/00045
La S.C.I. LE JARDIN DE [Localité 12]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Laurent VERDIER, LES ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: P 0135
DEMANDEUR
C/
La société HP IMMOBILIER: LES COLLINES DE BELLEVILLE
[Adresse 4]
[Localité 8]
représentée par Me Delphine BERTHELOT-EIFFEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C 1922
Intervenant forcé
Madame [V] [J]
née le 07 Juillet 1984 à [Localité 13]
[Adresse 3]
[Localité 8]
Monsieur [W] [Z] [L]
né le 09 Novembre 1953 à [Localité 10]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Madame [I] [S] [Y] [T] [P] épouse [L]
née le 06 Février 1956 à [Localité 11]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Ayant pour Avocats : Me Lola CHUNET et Me Grégory MATHE du CABINET PARADOX AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : B 1209
DEFENDEURS
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Monsieur David BRACQ-ARBUS, Juge, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.
DÉBATS
Audience publique du 14 Novembre 2024, à cette date, l’affaire a été mise en délibéré au 20 Janvier 2025.
JUGEMENT
Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Monsieur David BRACQ-ARBUS, assisté de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.
Suivant acte sous seing privé signé le 27 janvier 2022 en présence de la société HP immobilier, la SCI Le Jardin de [Localité 12] a consenti à Mme [J], M. [L] et Mme [P] une promesse synallagmatique de vente stipulée sous diverses conditions suspensives, portant sur un bien immobilier sis [Adresse 2] moyennant un prix de 1 560 000 euros, la vente devant être réitérée par acte authentique le 9 avril 2022.
Une clause pénale a été stipulée et les bénéficiaires de la promesse de vente ont versé la somme de 30 000 euros entre les mains de leur notaire, Maître [O].
La vente n’ayant pas été réitérée, la SCI Le Jardin de [Localité 12] a, par actes d’huissier des 8 et 10 mars 2023, fait assigner Mme [J], M. [L] et Mme [P] devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins notamment de solliciter le paiement de la clause pénale stipulée à l’acte.
Par acte du 13 juin 2023, Mme [J], M. [L] et Mme [P] ont assigné la société HP immobilier en intervention forcée devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de garantie.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 22 mai 2024 par ordonnance du même jour, et l’affaire appelée à l’audience de plaidoiries du 14 novembre 2024.
Le jugement a été mis en délibéré au 20 janvier 2025, date de la présente décision.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 avril 2024, la SCI Le Jardin de [Localité 12] demande au tribunal judiciaire de Bobigny de :
– déclarer la société Le Jardin de [Localité 12] recevable et biens fondée en son action ;
– débouter, Mme [J], M. [L] et Mme [P] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
– déclarer que l’ensemble des conditions suspensives contenues dans le compromis de vente signé le 27 janvier 2022 ont été levées ;
– déclarer qu’en renonçant à régulariser l’acquisition définitive du bien immobilier dans les termes du compromis signé le 27 janvier 2022, Mme [J], M. [L] et Mme [P] ont été défaillants et se trouvent redevables de l’indemnité prévue à l’article XI de la promesse, soit la somme de 156 000 euros ;
A titre principal,
– condamner solidairement Mme [J], M. [L] et Mme [P] à payer à la société Le Jardin de [Localité 12] le montant de l’indemnité forfaitaire prévue par la clause pénale du compromis signé le 27 janvier 2022, d’un montant de 156 000 euros ;
– ordonner que sur présentation de la grosse du jugement à intervenir, revêtu de la formule exécutoire, Maître [M] [O], Notaire à [Localité 9], devra remettre à la société Le Jardin de [Localité 12], la somme de 30 000 euros actuellement consignée en son étude à titre d’indemnité forfaire, laquelle s’imputera sur le montant total de la dette, soit 156 000 euros ;
– assortir la condamnation de l’intérêt légal à compter de la signification de la présente assignation ;
A titre subsidiaire,
– condamner la société HP immobilier à garantir et relever indemne la SCI Le Jardin de [Localité 12] de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
En tout état de cause,
– condamner solidairement Mme [J], M. [L] et Mme [P] à payer à la société Le Jardin de [Localité 12], la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rappeler que l’exécution provisoire est de droit ;
– condamner solidairement Mme [J], M. [L] et Mme [P] aux entiers dépens.
*
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 mai 2024, Mme [J], M. [L] et Mme [P] demandent au tribunal judiciaire de Bobigny de :
– juger que la promesse du 27 janvier 2023 est devenue caduque faute pour les parties d’avoir pu lever l’ensemble des conditions suspensives dans le délai mentionné dans la promesse de vente sous conditions suspensives ;
En conséquence,
– ordonner la restitution du dépôt de la somme de 30 000 euros à Mme [J], M. [L] et Mme [P], laquelle somme sera assortie des intérêts calculés selon le taux légal en vigueur à compter de la date du 09 mai 2022 ;
– dire que le notaire en charge du séquestre de ce dépôt devra le remettre Mme [J], M. [L] et Mme [P] ;
– débouter la société Le Jardin de [Localité 12] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner la société Le Jardin de [Localité 12] à verser à Mme [J], M. [L] et Mme [P] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, à parfaire ;
– débouter l’agence HP immobilier de l’ensemble de ses demandes ;
A titre subsidiaire,
– condamner l’agence HP immobilier à garantir Mme [J], M. [L] et Mme [P] de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre ;
A titre infiniment subsidiaire,
– réduire ou supprimer la clause pénale prévue par la promesse du 27 janvier 2023 au regard de l’absence de préjudice de la société Le Jardin de [Localité 12] ;
En tout état de cause,
– ordonner la suspension de l’exécution provisoire ;
– condamner SCI Le Jardin de [Localité 12] et l’agence HP immobilier à verser à Mme [J], M. [L] et Mme [P] chacun la somme de 5 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner SCI Le Jardin de [Localité 12] aux entiers dépens.
*
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 avril 2024, La société HP immobilier demande au tribunal judiciaire de Bobigny de :
– débouter Mme [J], M. [L] et Mme [P] de leurs demandes formulées à l’encontre de la société HP immobilier ;
– débouter la société Le Jardin de [Localité 12] de sa demande de garantie formulée à l’encontre de la société HP immobilier ;
– condamner Mme [J], M. [L] et Mme [P] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
*
Pour un plus ample exposé des moyens développés les parties, il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
A titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 768 du code de procédure civile, le tribunal ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. Or ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir « constater », « dire », « juger » ou « donner acte », en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d’emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que le tribunal n’y répondra qu’à la condition qu’ils viennent au soutien de la prétention formulée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans son dispositif mais dans ses motifs, sauf à statuer sur les demandes des parties tendant à « dire et juger » lorsqu’elles constituent un élément substantiel et de fond susceptible de constituer une prétention (2ème Civ., 13 avril 2023, pourvoi n° 21-21.463).
Sur le sort de la clause pénale
L’article 1103 du code civil dans sa rédaction applicable au litige dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, sans quoi la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut, selon l’article 1217 du même code, refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation, poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation, obtenir une réduction du prix, provoquer la résolution du contrat, et/ou demander réparation des conséquences de l’inexécution, le tout cumulable avec l’octroi de dommages et intérêts au sens de l’article 1231-1 du même code.
A ce dernier égard, il résulte de l’article 1231-5 du même code que lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.
En l’espèce, il doit d’abord être relevé que l’acte litigieux est une promesse synallagmatique de vente, ce dont il se déduit que les parties s’étaient mutuellement et irrévocablement engagées à réaliser la vente (cf. clause X – REALISATION), sauf hypothèse d’un défaut de réalisation des conditions suspensives.
Par ailleurs, aucune des clauses de la promesse ne prévoit que celle-ci devait être frappée de caducité par le seul effet de la survenance du terme.
Enfin, la clause selon laquelle « aucunes des parties ne pourra prétendre à une indemnité de quelque nature que ce soit si la date de signature prévue au compromis était dépassée d’un fait générateur qui serait imputable à l’autre partie » signifie seulement que le dépassement du délai de réalisation de vente n’ouvre pas, par lui-même, un droit à indemnisation.
Il convient ainsi d’examiner les clauses du contrat.
L’article XI de l’acte litigieux relatif à la « CLAUSE PENALE » stipule : « en application de la rubrique « REALISATION » ci avant, il est convenu qu’au cas où l’une des parties viendrait à refuser de régulariser par acte authentique la présente vente dans le délai imparti, sauf à justifier de l’application d’une condition suspensive, elle pourra y être contrainte par tous les moyens et voies de droit en supportant les frais de poursuites et de recours à justice et sans préjudice de tout dommage et intérêts. Toutefois, la partie qui n’est pas en défaut pourra, à son choix, prendre acte du refus de son cocontractant et invoquer la résolution du contrat. Dans l’un et l’autre cas, il est expressément convenu que la partie qui n’est pas en défaut percevra, à titre d’indemnisation forfaitaire de son préjudice la somme de 156.000 € ».
Ainsi, à défaut de réalisation de la vente du fait de l’une des parties, celle-ci ne peut échapper au jeu de la clause pénale qu’en se prévalant du défaut de réalisation de l’une au moins des conditions suspensives.
Les défendeurs invoquent ici le défaut de réalisation de la condition suspensive suivante (page 11 de la promesse) :
« Exactitude des déclarations
Que ne soit pas révélé de risque de réquisition ou d’injonction de travaux, ni d’inexactitude des déclarations faites par le VENDEUR sur la situation locative ou d’occupation et sur la situation des BIENS au regard de la réglementation concernant les autorisations d’urbanisme et la copropriété. »
Il doit préalablement être relevé que l’hypothèse d’une déclaration inexacte du vendeur quant à la situation du bien n’entre dans le champ de la condition suspensive qu’à la condition de révéler une contravention quelconque à la « réglementation concernant les autorisations d’urbanisme ».
Dans le compromis, le bien est décrit de la manière suivante :
« SITUATION et DESIGNATION
Ladite maison a fait l’objet d’un permis de construire délivré par la mairie de [Localité 12] suivant arrêté en date du 31/10/2018 par la mairie de [Localité 12]. Suite au permis de construire, date de dépôt 01/08/2008 numéro PC 09306308B0029, la maison est aujourd’hui constituée de quatre lots comportant :
– Première porte de droite accessible par la cour : un duplex comprenant un séjour avec cuisine dégagement une salle d’eau avec WC à l’étage combles aménagés en palier et trois-pièces.
– Deuxième porte de droite accessible par la cour : en rez-de-chaussée porte face, entrée salle d’eau avec WC, salle de bains, triple séjour, cuisine ouverte, une chambre, un cellier et Accès au sous-sol par un escalier… »
Par ailleurs, il est précisé que : « la consistance des Biens vendus n’a pas été modifiée de son fait tant par l’annexion ou une utilisation irrégulière privative de parties communes que par une modification de leur destination et des travaux non autorisés. »
Les griefs avancés par les défendeurs portent sur : la création de « quatre lots », le changement de destination du garage en pièce d’habitation et la modification de l’aspect extérieur (transformation d’une porte de garage en baie vitrée).
En premier lieu, il n’est nullement démontré que le fait que la maison comporte quatre habitations (peu important à cet égard qu’il soit fait référence à des « lots ») devait faire l’objet d’une quelconque autorisation d’urbanisme. Il est en effet parfaitement loisible à tout propriétaire d’aménager son bien comme il le souhaite et d’installer autant de compteurs qu’il lui plaît. Surtout, la promesse synallagmatique de vente n’indique nullement que les quatre habitations constituaient des propriétés distinctes. Enfin, à défaut de production du PLU, il ne peut être retenu que l’habitation ne respecte pas ses prescriptions.
S’agissant du garage, il sera d’abord relevé que l’analyse du permis de construire devait permettre de se rendre compte de ce que sa transformation en pièce d’habitation n’avait point été déclarée.
Or, les bénéficiaires de la promesse avaient visité le bien et disposaient du permis de construire et des plans annexés en amont de la signature de la promesse de vente, de sorte qu’il ne peut être considéré qu’une inexactitude sur la situation des biens au regard de la réglementation concernant les autorisations d’urbanisme se soit révélée postérieurement à ladite signature.
En cet état, la condition suspensive s’est réalisée dans le délai imparti et les bénéficiaires de la promesse étaient tenus de réitérer la vente.
La promettante est ainsi en droit de solliciter le paiement de la clause pénale.
Le montant stipulé, 156 000 euros, est cependant manifestement excessif au regard des préjudices rapportés par la demanderesse, qui ne consistent qu’en une immobilisation du bien durant huit mois.
Il convient, en conséquence, de réduire la clause pénale à la somme de 30 000 euros, de condamner in solidum les bénéficiaires au paiement de cette somme et d’autoriser le notaire séquestre à s’en libérer au profit de la SCI promettante.
La demande tendant à voir assortir cette somme des intérêts au taux légal sera rejetée.
Sur l’appel en garantie de Mme [J], M. [L] et Mme [P]
L’agent immobilier engage sa responsabilité pour les dommages subis par les personnes parties à une opération immobilière en raison des fautes qu’il commet dans l’exercice de sa mission d’intermédiaire dans une vente d’immeuble. Le fondement de cette responsabilité est contractuel à l’égard de ses clients et délictuel à l’égard des autres parties.
En particulier, lorsqu’ils prêtent leur concours à une vente immobilière, ils ne sont tenus de vérifier que les éléments qui, par leur nature ou leur portée juridique, conditionnent la validité ou l’efficacité de l’opération à laquelle ils participent, ou bien qui ne paraissent pas conformes aux informations dont ils sont par ailleurs en possession.
La responsabilité délictuelle de l’agent immobilier n’est pas effacée par les fautes du notaire qui a concouru à la réalisation du dommage des acquéreurs (voir en ce sens : 1re Civ., 16 décembre 1992, pourvoi n° 90-18.151, Bull. 1992, I, n° 316).
En l’espèce, tenue d’un devoir de conseil, l’agence ne pouvait se contenter de transmettre les pièces fournies par la promettante sans vérifier si la consistance du bien vendu correspondait au permis de construire et aux plans annexés et ainsi se mettre en mesure de fournir une information éclairée aux bénéficiaires quant aux risques encourus relativement à la conformité du bien aux autorisations d’urbanisme.
Un manquement de l’agent immobilier à son obligation d’information à l’égard des acquéreurs sur la conformité des lieux au permis de construire ne peut leur avoir causé qu’une perte de chance de renoncer à l’acquisition ou d’en modifier les conditions en intégrant une condition suspensive idoine, ce qui leur aurait permis d’échapper au jeu de la clause pénale.
Compte-tenu du fait que les vendeurs ont refusé de contracter et qu’ils étaient assistés d’un conseil, la perte de chance doit être fixée à 99%.
La société HP immobilier sera ainsi condamnée à garantir Mme [J], M. [L] et Mme [P] à hauteur de 99% de la condamnation prononcée contre eux.
Sur l’appel en garantie de la société HP immobilier
En l’espèce, dès lors qu’il n’est pas démontré que la venderesse savait qu’elle avait transformé le garage en contravention aux règles d’urbanisme, aucune faute ne peut être retenue contre elle, de sorte que l’appel en garantie sera rejeté.
Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, les dépens seront mis à la charge de la société HP immobilier, succombant à l’instance.
Sur les frais irrépétibles
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.).
Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
En l’espèce, la société HP immobilier, condamnée aux dépens, sera condamnée à payer :
– à la SCI Le Jardin de [Localité 12] une somme qu’il est équitable de fixer à 2 500 euros ;
– à Mme [J], M. [L] et Mme [P] une somme qu’il est équitable de fixer à 2 500 euros.
Sur l’exécution provisoire
Il convient de rappeler qu’en application de l’article 514 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
CONDAMNE in solidum Mme [J], M. [L] et Mme [P] à payer à la SCI Le Jardin de [Localité 12] la somme de 30 000 euros au titre de la clause pénale ;
AUTORISE le notaire séquestre à se libérer de la somme retenue en exécution de la promesse de vente du 27 janvier 2022 au profit de la SCI Le Jardin de [Localité 12] ;
DIT que les sommes ainsi libérées s’imputeront sur le quantum de la condamnation ;
DEBOUTE la SCI Le Jardin de [Localité 12] de sa demande tendant à voir assortir cette somme des intérêts au taux légal ;
CONDAMNE la société HP immobilier à garantir Mme [J], M. [L] et Mme [P] à hauteur de 99% de la condamnation prononcée contre eux au titre de la clause pénale ;
DEBOUTE la société HP immobilier de son appel en garantie dirigé contre la SCI Le Jardin de [Localité 12] ;
MET les dépens à la charge de la société HP immobilier ;
CONDAMNE la société HP immobilier à payer :
– à la SCI Le Jardin de [Localité 12] une somme qu’il est équitable de fixer à 2 500 euros ;
– à Mme [J], M. [L] et Mme [P] une somme qu’il est équitable de fixer à 2 500 euros.
RAPPELLE que le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit.
La minute a été signée par Monsieur David BRACQ-ARBUS, Juge, et par Madame Reine TCHICAYA, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Laisser un commentaire