L’Essentiel : M. [X] [T], traiteur, a acquis le fonds de commerce de la SARL Traiteur [W] pour 340 000 euros, mais n’a pas respecté ses obligations contractuelles, notamment une clause de non-concurrence. En novembre 2020, la société Traiteur [W] a mis en demeure M. [W] de verser 307 001,83 euros. En avril 2021, une saisie conservatoire a été autorisée. Le tribunal a ensuite transféré le dossier au tribunal de commerce, condamnant M. [W] à verser 15 000 euros pour violation de la clause. En octobre 2023, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte contre la société Traiteur [W] PW.
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Exposé du litigeM. [X] [T], traiteur, a acquis le fonds de commerce de la SARL Traiteur [W] pour 340 000 euros, avec un paiement initial de 40 000 euros et le reste en mensualités. L’acte de cession incluait une clause de non-concurrence et une obligation de reverser les acomptes perçus des clients si les matières premières n’étaient pas achetées par M. [T]. Cependant, M. [T] n’a pas respecté ses obligations contractuelles. Mise en demeure et saisie conservatoireEn novembre 2020, la société Traiteur [W] PW a mis en demeure M. [W] de verser 307 001,83 euros pour des acomptes perçus et de respecter la clause de non-concurrence. Une requête a été déposée pour obtenir des documents concernant l’activité de M. [W] au sein d’une autre société. En avril 2021, une saisie conservatoire de 307 000 euros a été autorisée par le tribunal. Jugement et appelLe 19 avril 2022, le tribunal a déclaré son incompétence, transférant le dossier au tribunal de commerce. En mars 2023, une ordonnance a débouté M. [W] de sa demande de main-levée de la saisie. En octobre 2022, le tribunal a condamné M. [W] et la société Traiteur [W] à verser 15 000 euros pour violation de la clause de non-concurrence, tout en déboutant d’autres demandes. Procédure de redressement judiciaireEn octobre 2023, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte contre la société Traiteur [W] PW. En novembre 2024, M. [W] et la société Traiteur [W] ont assigné le mandataire judiciaire en intervention forcée. Demandes des partiesLes sociétés Traiteur [W] PW et Ekip’ demandent la reconnaissance de la violation de la clause de non-concurrence et le remboursement des acomptes perçus. En réponse, M. [W] et la société Traiteur [W] contestent ces demandes et réclament le paiement du solde du prix de cession. Décision de la courLa cour a rejeté les fins de non-recevoir, condamnant M. [W] et la société Traiteur [W] à verser 50 000 euros pour la violation de la clause de non-concurrence. Elle a également fixé la créance de la société Traiteur [W] au passif du redressement judiciaire de la société Traiteur [W] PW à 206 716,77 euros, tout en rejetant les demandes au titre des frais irrépétibles. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les implications juridiques de la clause de non-concurrence dans le contrat de cession de fonds de commerce ?La clause de non-concurrence est un élément essentiel dans le cadre d’un contrat de cession de fonds de commerce. Selon l’article 1103 du Code civil, « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. » Cela signifie que les parties sont tenues de respecter les engagements pris dans le contrat. De plus, l’article 1104 du Code civil stipule que « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. » Cette obligation de bonne foi est d’ordre public et s’applique à toutes les phases du contrat, y compris la clause de non-concurrence. La clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps et dans l’espace pour être considérée comme licite. En l’espèce, la clause stipule une durée de trois ans et un rayon de 25 kilomètres, ce qui semble raisonnable pour protéger les intérêts légitimes de l’entreprise cessionnaire. Il est également important de noter que la violation de cette clause entraîne des conséquences financières. L’article 1231-5 du Code civil précise que « Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre. » Ainsi, la clause pénale prévue dans le contrat, qui fixe une indemnité de 500 euros par jour d’infraction, est applicable en cas de non-respect de la clause de non-concurrence. En conclusion, la clause de non-concurrence est un outil juridique puissant qui protège les intérêts du cessionnaire, mais elle doit être rédigée avec soin pour respecter les exigences légales. Comment la jurisprudence interprète-t-elle les obligations contractuelles en matière de paiement des acomptes ?Les obligations contractuelles en matière de paiement des acomptes sont régies par les articles 1103 et 1104 du Code civil, qui stipulent respectivement que « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits » et que « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. » Dans le cas présent, l’acte de cession du 21 mai 2019 précise que les premiers acomptes versés pour la saison 2019 seront conservés par le cédant en contrepartie de l’achat déjà effectué de l’intégralité des besoins en matières premières. Cela signifie que, selon les termes du contrat, les acomptes perçus par la société Traiteur [W] sont dus au cédant, sauf preuve du contraire. L’article 1353 du Code civil stipule que « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. » Ainsi, la société Traiteur [W] PW doit prouver que les acomptes perçus n’ont pas été utilisés conformément aux termes du contrat pour pouvoir réclamer leur remboursement. En l’espèce, la société Traiteur [W] PW a échoué à établir que les acomptes avaient été captés frauduleusement ou que les matières premières n’avaient pas été achetées. Les preuves fournies, telles que les factures et les attestations, n’étaient pas suffisantes pour établir ses prétentions. En conclusion, la jurisprudence exige que les parties respectent les termes de leur contrat et que toute demande de remboursement d’acomptes soit étayée par des preuves solides. Quelles sont les conséquences juridiques de la mise en demeure dans le cadre d’un contrat de cession ?La mise en demeure est un acte juridique important dans le cadre de l’exécution d’un contrat. Selon l’article 1226 du Code civil, « Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. » Cela signifie qu’une mise en demeure est souvent nécessaire avant de pouvoir résoudre un contrat pour inexécution. L’article 1226 précise également que « Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable. » La mise en demeure doit mentionner expressément qu’à défaut de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat. Dans le cas présent, la société Traiteur [W] PW a mis en demeure M. [W] par courrier recommandé avec accusé de réception, ce qui est conforme aux exigences légales. La mise en demeure a été effectuée après plusieurs mois de non-paiement des mensualités, ce qui justifie son caractère raisonnable. En conséquence, la mise en demeure a permis à la société Traiteur [W] PW de revendiquer ses droits et de demander le paiement des sommes dues. Si le débiteur ne répond pas à la mise en demeure, le créancier peut alors envisager de résoudre le contrat et de réclamer des dommages et intérêts. En conclusion, la mise en demeure est un outil juridique essentiel pour protéger les droits des créanciers dans le cadre d’un contrat de cession. |
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 20 JANVIER 2025
N° RG 22/05280 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-M7OH
S.A.S.U. TRAITEUR [W] P.W.
c/
Monsieur [V] [W]
S.A.R.L. TRAITEUR [W]
S.E.L.A.R.L. EKIP’
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 octobre 2022 (R.G. 2021F00614) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 21 novembre 2022
APPELANTE :
S.A.S.U. TRAITEUR [W] P.W, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4]
Représentée par Maître Silvère MARVIE de la SELARL TGS FRANCE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
Monsieur [V] [W], demeurant [Adresse 3]
S.A.R.L. TRAITEUR [W], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4]
Représentés par Maître Pierre BLAZY de la SELARL BLAZY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
INTERVENANTE :
S.E.L.A.R.L. EKIP’, agissant en la personne de Maître [C] [N], es-qualité de mandataire judiciaire de la SASU TRAITEUR [W] PW, domicilié en cette qualité [Adresse 1]
Représentée par Maître Silvère MARVIE de la SELARL TGS FRANCE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 02 décembre 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Madame Anne-Sophie JARNEVIC, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE:
M. [X] [T] exerce la profession de traiteur.
Par acte authentique du 21 mai 2019, la SARL Traiteur [W], par l’intermédiaire de son unique associé M. [W], a vendu son fonds de commerce à M. [T] pour un montant de 340 000 euros, payable à hauteur de 40 000 euros comptant et le solde par soixante mensualités de 5 300,43 euros, avec intérêts de 2,32% l’an, du 5 juin 2019 au 5 mai 2024. A cette fin, M. [T] a constitué la société par actions simplifiée à associé unique Traiteur [W] P.W.
L’acte de cession a prévu une clause de non-concurrence ainsi qu’une obligation de reverser au cessionnaire les acomptes perçus des clients si l’achat des matières premières n’avait pas été effectué par ses soins.
Dans le cadre de l’exécution du contrat de cession, M. [T] n’a exécuté ses obligations que partiellement.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 25 novembre 2020, la société Traiteur [W] PW a mis en demeure le cédant, M. [W], de lui verser la somme de 307 001,83 euros au titre des acomptes et soldes perçus liés à des prestations qu’elle a réalisées entre le 25 mai et le 7 septembre 2019, de cesser de travailler directement ou indirectement au sein de la société Traiteur Auberge André afin de respecter la clause de non concurrence, ainsi que la somme de 1 200 000 euros au titre de la clause pénale.
Par requête du 2 décembre 2020, la société Traiteur [W] PW a sollicité du président du tribunal de commerce de Bordeaux la désignation d’un huissier aux fins de recueillir auprès de la société Traiteur Auberge André l’ensemble des bulletins de paie de M. [V] [W], sa déclaration préalable d’embauche, tout contrat de quelque nature qu’il soit relatif à son activité au sein de la société et tout document permettant de déterminer la nature de l’activité de M. [W] au sein de la société. Par ordonnance du 3 décembre 2020, il a été fait droit à cette requête.
Par acte extrajudiciaire du 12 février 2021, la société Traiteur [W] a signifié une mise en demeure à la société Traiteur [W] PW de lui régler les pénalités de retard pour les mensualités de novembre 2019 à janvier 2021 et a visé l’exigibilité de l’intégralité du prix de vente restant prévue contractuellement. Des commandements de payer lui ont ensuite été délivrés les 6 juillet et 4 août 2021.
Par ordonnance du 29 avril 2021, le président du tribunal de commerce de Bordeaux a autorisé la société Traiteur [W] PW à réaliser une saisie conservatoire de 307 000 euros en principal, augmentée des intérêts et frais évalués à la somme de 10 000 euros. Un procès verbal de saisie conservatoire a été dressé le 21 mai 2021.
Par jugement du 19 avril 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux, saisi par M. [W] et la société Traiteur [W], s’est déclaré incompétent. Le dossier a été transféré au tribunal de commerce de Bordeaux.
Par ordonnance de référé du 28 mars 2023, le président du tribunal de commerce a débouté M. [W] et la société Traiteur [W] de leur demande tendant à la main-levée de la saisie conservatoire en garantie du paiement du solde du prix de cession du fonds de commerce.
En parallèle, par acte extrajudiciaire du 28 mai 2021, la société Traiteur [W] PW a assigné la société Traiteur [W] et M. [W] devant le tribunal de commerce de Bordeaux tendant à faire reconnaître la violation de la clause de non-concurrence, à ce titre, de condamner in solidum les défendeurs au paiement de la somme de 1 600 000 euros, et de condamner la SARL Traiteur [W] au paiement d’une somme de 307 001,81 euros à la SASU Traiteur [W] PW au titre des acomptes perçus.
La société Traiteur [W] a formé une demande reconventionnelle tendant au versement par la société Traiteur [W] PW de la somme de 190 815,458 euros correspondant au solde du prix, ainsi que la somme de 8 480, 64 euros au titre des pénalités de retard.
Par jugement rendu le 04 octobre 2022, le tribunal de commerce de Bordeaux a :
– condamné in solidum M. [W] et la société Traiteur [W] à payer à la société Traiteur [W] PW SAS la somme de 15 000,00 euros (quinze mille euros) au titre de la violation de la clause de non-concurrence,
– débouté la société Traiteur [W] PW. de sa demande au titre des acomptes perçus,
– débouté la société Traiteur [W] de sa demande reconventionnelle,
– condamné in solidum M. [W] et la société Traiteur [W] à payer la somme de 1 500,00 euros (mille cinq cents euros) à la société Traiteur [W] PW. sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum M. [W] et la société Traiteur [W] aux entiers dépens.
Par déclaration en date du 21 novembre 2022, la société Traiteur [W] PW a relevé appel de ce jugement en ses chefs expressément critiqués intimant M. [W] et la société Traiteur [W].
Par ordonnance du 21 septembre 2023, le Premier Président de la cour d’appel de Bordeaux a :
– déclaré irrecevable la demande de la société Traiteur [W] et de M. [W] tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire résultant du jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 04 octobre 2022,
– les a condamnés aux dépens et à payer à la société Traiteur [W] PW la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 4 octobre 2023, le tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la de la société Traiteur [W] PW et a désigné la SELARL Ekip’ mandataire judiciaire.
Par acte extrajudiciaire du 25 octobre 2024, la société Traiteur [W] et M. [W] ont assigné en intervention forcée la SELARL Ekip’ en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Traiteur [W] PW.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par dernières conclusions notifiées par RPVA, le 5 novembre 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, les sociétés Traiteur [W] PW et Ekip’ demandent à la cour de :
Vu les dispositions du code de procédure civile applicables,
Vu les dispositions du code civil applicables, et notamment les articles 1103, 1104, 1131, 1137 et 1240 du code civil,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces versées aux débats,
– juger les demandes de la société Traiteur [W] PW recevables et bien fondées,
– juger l’appel incident et les demandes des intimés irrecevables ou en tout état de cause mal fondées et non fondées,
– juger M. [W] et la société Traiteur [W] coupables d’actes de concurrence en violation de la clause de non concurrence prévue par le contrat de vente de fonds de commerce,
– juger la société Traiteur [W] a frauduleusement perçu la somme de 307 000 euros au titre des acomptes, ou a minima la somme de 273 000 euros à ce titre de son aveu,
– juger que les acomptes doivent être restitués à la société Traiteur [W] PW dans leur intégralité, conformément à la loi et au contrat de cession signé,
– juger M. [W] et la société Traiteur [W] coupables de réticence dolosive et de mauvaise foi contractuelle,
En conséquence,
– débouter les intimés de toutes leurs demandes, fins et prétentions,
– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :
– condamné in solidum M. [W] et la société Traiteur [W] à payer à la société Traiteur [W] PW uniquement la somme de 15 000 euros au titre de la violation de la clause de non concurrence ;
– débouté la société Traiteur [W] PW de sa demande au titre des acomptes perçus
Et, jugeant à nouveau,
– condamner in solidum M. [W] et la société Traiteur [W] au paiement de la somme de 1 600 000 euros, à la société Traiteur [W] P.W., au titre de la violation de la clause de non-concurrence incluse dans l’acte de cession du fonds de commerce qui lui a été vendu ;
– condamner in solidum M. [W] et la société Traiteur [W] à payer la somme de 307 001,83 euros à la société Traiteur [W] P.W. au titre des acomptes perçus, de son préjudice moral et de la réparation du préjudice subi du fait du dol commis et du manquement à l’obligation de bonne foi ;
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a
– débouté M. [W] et la société Traiteur [W] de leur demande tendant à voir condamner la société Traiteur [W] PW à verser la somme de 190 815,148 euros correspondant au solde du prix de cession allégué et des pénalités de retard ;
– condamné in solidum M. [W] et la société Traiteur [W] à payer à la société Traiteur [W] PW la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile
– condamné in solidum M. [W] et la société Traiteur [W] aux entiers dépens
Et, y ajoutant,
– condamner in solidum la société Traiteur [W] et M. [W] à payer à la société Traiteur [W] PW et à la Selarl Ekip’, es qualité de mandataire judiciaire, la somme de 4 000 euros, chacune, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Traiteur [W] et M. [W] aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA, le 14 novembre 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [W] et la société Traiteur [W] demandent à la cour de :
– constater que la société Traiteur [W] PW est en redressement judiciaire,
– infirmer le jugement rendu le 4 octobre 2022 par le Tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu’il a :
‘ – condamné in solidum M. [W] et la société Traiteur [W] à payer à la société Traiteur [W] la somme de 15 000,00 euros au titre de la violation de la clause de non-concurrence,
– débouté la société Traiteur [W] au titre de sa demande reconventionnelle tendant à voir condamner la société Traiteur [W] PW à lui verser la somme de 190 815,148 euros correspondant au solde du prix de cession allégué ;
– condamné in solidum M. [W] et la société Traiteur [W] à payer la somme de 1 500,00 euros à la société Traiteur [W] RW. sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum M. [W] et la société Traiteur [W] aux entiers dépens.’
En statuant à nouveau
– fixer la créance de la société Traiteur [W] au passif du redressement judiciaire de la Traiteur [W] PW à la somme de 206 716,77 euros correspondant au solde du prix de cession,
– déclarer qu’il ne peut être reproché à M. [W] de violer la clause de non-concurrence pesant sur la société Traiteur [W] ;
– débouter la société Traiteur [W] PW de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– fixer la créance de la société Traiteur [W] au passif du redressement judiciaire de la société Traiteur [W] PW à la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.
– confirmer le jugement pour le surplus en ce qu’il a débouté la société Traiteur [W] PW de sa demande au titre des acomptes perçus,
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 18 novembre 2024.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés Traiteur [W] PW et EKIP’
1 – Les appelantes sollicitent dans le dispositif des conclusions que les demandes des intimés soient jugées ‘irrecevables ou en tout état de cause mal fondées et non fondées’. Elle ne soulève aucun moyen à l’appui de la demande d’irrecevabilité.
Sur ce
2 – En application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, en l’absence de moyen au soutien d’une prétention, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir.
Sur la fin de non-recevoir de la demande de paiement du solde du prix
3 – La société Traiteur [W] PW et la société Ekip’ soutiennent que la demande de paiement du solde du prix de cession est irrecevable du fait de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.
4 – Les intimés demandent que la créance soit fixée au passif de la société Traiteur [W] PW.
Sur ce
5 – Selon l’article L622-22 du code de commerce :
‘Sous réserve des dispositions de l’article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l’administrateur ou le commissaire à l’exécution du plan nommé en application de l’article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.’
6 – La société Traiteur [W] PW a été placée en redressement judiciaire le 4 octobre 2023, soit postérieurement aux échéances litigieuses, et l’instance a été initiée avant le jugement d’ouverture. La créance est née en totalité avant l’ouverture de la procédure collective et la demande de fixation au passif de la créance correspondant au solde du prix de cession est recevable.
La fin de non-recevoir soulevée par la les appelantes sera donc rejetée.
Sur la clause de non-concurrence
7 – La société Traiteur [W] PW et la société EKIP’, es-qualités, soutiennent que M. [W] n’a pas respecté la clause de non concurrence prévue à l’acte de cession et qu’il a signé un contrat de travail avec la société Traiteur Auberge André à compter de janvier 2020. Elles expliquent que la clause de non concurrence désigne la société Traiteur [W] et M. [W], son gérant et associé unique.
La société Traiteur [W] PW relève qu’il est contractuellement prévu une indemnité de 5 000 euros par jour d’infraction et que M. [W] a travaillé pendant 16 mois au sein d’une société concurrente. Elle demande, en comptabilisant 20 jours de contravention par mois, la condamnation de M. [W] à lui verser une indemnité forfaitaire de 1 600 000 euros. Elle conteste avoir eu connaissance de l’activité concurrente de M. [W].
8 – Les intimés répliquent que l’obligation de non-concurrence ne s’applique qu’au cédant, la société Traiteur [W].
Ils soutiennent en outre que la rédaction de la clause est incomplète et que la limitation quant à l’activité exercée est trop large.
A titre subsidiaire, ils demandent que l’indemnité soit réduite.
Sur ce
9 – En vertu des dispositions de l’article 1103 du code civil : ‘Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.’
En vertu des dispositions de l’article 1104 du code civil : ‘Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d’ordre public. ‘
Selon l’article 1188 du code civil :
‘Le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes.
Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.’
Selon l’article 1226 du code civil :
‘Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.
Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution.’
Selon l’article 1231-5 du code civil :
‘Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.
Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.’
10 – L’acte authentique de cession du fonds de commerce en date du 21 mai 2019 prévoit :
« Le Cédant s’interdit formellement pendant un délai de trois (3) (SIC) à compter de ce jour et dans un rayon de vingt cinq (25) kilomètres à vol d’oiseau du fonds objet des présentes :
* le droit de se rétablir et d’exploiter ou de faire valoir un fonds similaire en tout ou en partie à celui présentement vendu et de s’intéresser directement ou indirectement même à titre d’associé commanditaire ou de salarié dans l’exploitation d’un semblable fonds ;
* le droit d’entrer, même à titre gracieux, au service d’une maison concurrente exploitant un fonds similaire en tout ou en partie à celui présentement vendu.
Cette interdiction prévaut également pour les ayants droits du CEDANT »
Au vu de ces circonstances et de la formulation retenue, la commune intention des parties était que la clause de non-concurrence concernait aussi bien la personne morale que M. [V] [W], gérant et unique associé, signataire de l’acte, qui avait mis en oeuvre ses compétences professionnelles au profit du fonds de commerce.
Une interprétation contraire aurait pour effet de priver la clause de toute portée effective.
11 – Une clause de non – concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise et limitée dans le temps et dans l’espace.
Le compromis de vente du 20 décembre 2018 prévoit la durée de la clause, 3 ans, cette durée ayant été omise dans l’acte authentique. Elle est également limitée dans l’espace : 25 kilomètres à vol d’oiseau. Enfin, elle vise une activité similaire à celle exercée par le cessionnaire.
Il convient donc de considérer que cette clause est licite.
12 – Concernant la violation de la clause, il est versé aux débats le contrat de travail à durée indéterminée de M. [W] en date du 1er janvier 2020 en qualité d’employé polyvalent, ainsi que ses bulletins de salaire de janvier 2020 à avril 2021.
M. [W] ne conteste pas avoir travaillé au sein de la société de son frère, la société Traiteur Auberge André, laquelle a été immatriculée le 16 décembre 2019. Par ailleurs, Mme [K] indique dans son attestation en date du 16 octobre 2020 que celui-ci gérait la partie traiteur de la société de son frère depuis mai 2019.
M. [W] a donc été embauché pour développer une activité de traiteur, l’activité initiale étant une activité de restauration.
La société Traiteur André a son Laboratoire à [Localité 2] (33) et siège social à [Localité 5] (33) ; elle est donc située à environ 20 kilomètres du fonds de commerce vendu et exerce une activité concurrente de celle de la société Traiteur [W] PW.
Les intimés versent aux débats des échanges de SMS entre M. [T] et M. [W] qui ne sont pas de nature à établir, au moment des faits, la connaissance exacte par M. [T] des activités de M. [W], certains message étant en tout état de cause antérieurs à la création de la société Traiteur Auberge André.
Dès lors, au regard de ces éléments, il convient de constater que la clause de non-concurrence prévue à l’acte de cession du fonds de commerce a été violée, peu important que M. [W] et M. [T] aient continuer à entretenir de bonnes relations après la cession du fonds.
13 – S’agissant de la nature de la clause et de l’indemnisation de son non-respect, le contrat prévoit que ‘le cédant sera de plein-droit débiteur d’une indemnité forfaitaire de 5 00 euros par jour de contravention’.
En l’espèce, ces dispositions visaient à assurer l’effectivité de l’interdiction et à indemniser forfaitairement le cessionnaire du fonds en cas de violation de cette interdiction. Elle a un caractère comminatoire.
Or il est de droit constant que constitue une clause pénale, la clause d’un contrat par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d’avance l’indemnité à laquelle donnera lieu l’inexécution de l’obligation contractée.
Cette clause est donc une clause pénale au sens de l’article 1231-5 du code civil et sa violation entraîne le versement de dommages et intérêts sans qu’il soit nécessaire de démontrer un préjudice.
L’appelante sollicite que lui soit allouée la somme de 1 600 000 suros. Au regard des modalités financières qu’elle prévoit, 500 euros par jour, cette clause est manifestement excessive et il convient de la réduire.
Le contrat de travail de M. [W] a été suspendu pendant la période Covid, de mars à juillet 2020, et d’octobre 2020 à mars 2021.
Il reconnaît lui-même avoir travaillé au sein de la société Traiteur Auberge [W] pendant 5 mois, de janvier à mars 2020, et d’août à septembre 2020.
L’indemnisation se fera donc sur la base de calcul suivante : 20 jours travaillés par mois X 500 euros par jour X 5 mois = 50 000 euros, soit 15 % du prix de cession.
M. [W] et la société Traiteur [W] seront condamnés in solidum à payer à la société Traiteur [W] PW et à la société EKIP’ la somme de 50 000 euros.
La décision du tribunal de commerce sera infirmée de ce chef.
Sur le remboursement des acomptes perçus
14 – La société Traiteur [W] PW et la SARL Ekip’, es qualité de mandataire judiciaire, exposent que l’acte de cession prévoit que le cédant doit rembourser au cessionnaire les acomptes reçus et que la société Traiteur [W] a perçu 307 001,83 euros d’acomptes et soldes liés à des prestation qu’elle a réalisées entre le 25 mai et le 7 septembre 2019, et 65 000 euros de seconds acomptes et soldes.
Elle soutient que les intimés ont capté frauduleusement les premiers acomptes des mariages prévus postérieurement à la cession et qu’ils ne lui ont remboursé que tardivement et partiellement des paiements indus de mairies lui revenant, ce qui est constitutif d’une réticence dolosive et un dol, par mensonge et man’uvres et lui a causé un préjudice financier et moral.
15 – Les intimés soulignent que l’acte de cession du fonds de commerce précise expressément que l’achat de l’intégralité des besoins en matière première a été effectué par le cédant. Pour les seconds acomptes, ils répliquent qu’il a été prévu à la promesse du 20 décembre 2018 qu’ils reviendraient au cessionnaires, raison pour laquelle le prix de vente initialement fixé à 360 000 euros a été ramené à 340 000 euros et qu’un chèque de 4 456,99 euros a été remis au cessionnaire.
Sur ce
16 – En vertu des dispositions de l’article 1103 du code civil : ‘Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.’
En vertu des dispositions de l’article 1104 du code civil : ‘Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d’ordre public. ‘
Selon l’article 1112-1 du code civil :
‘Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.’
Selon l’article 1137 du code civil :
‘Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.’
Selon l’article 1353 du code civil :
‘Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.’
17 – L’acte de cession du 21 mai 2019 prévoit en page 15 :
‘Il est convenu entre les parties que les premiers acomptes versés pour la saison 2019 seront conservés par le cédant en contrepartie de l’achat déjà effectué de l’intégralité des besoins en matières premières pour la réalisation des repas commandés.’
En vertu du contrat, les premiers acomptes reviennent donc de droit aux intimés, sauf à établir que les stocks étaient vides.
18 – Concernant les premiers acomptes, la société Traiteur [W] PW indique qu’ils se chiffrent à hauteur de 307 001,83 euros, perçus entre le 27 mai et 7 septembre 2019, contre 273 983,49 euros selon les intimés.
La société Traiteur [W] PW communique à l’appui de ses prétentions des tableaux récapitulatifs qu’elle a elle-même établis, et dont la valeur probante est dès lors relative.
Or la société Traiteur [W] PW affirme avoir pris à sa charge les achats de matières premières correspondant aux prestations qu’elle a réalisées entre mai et septembre 2019, à hauteur de 117 096,65 euros. Elle joint des factures d’achats dont le total ne correspond pas à ce montant.
L’extrait du grand livre permet de constater l’achat de marchandises entre le 20 mai 2019 et le 24 novembre 2019 : dans la mesure où il s’agit de denrées périssables qui doivent être régulièrement renouvelées, cette pièce n’est pas suffisante pour établir les prétentions des appelantes dans la mesure où les intimés produisent également des factures de différents fournisseurs, Métro, Lodifrais, PassionFroid, Promocash, datées d’octobre 2018 à mai 2019.
La société Traiteur [W] PW produit par ailleurs l’attestation d’un salarié, chef de cuisine, qui évoque le fait que les stocks étaient vides. Compte tenu du caractère isolé de cette attestation et du lien de subordination, cette pièce n’est pas, à elle seule, suffisamment probante.
Le compromis de vente du 21 mai 2018 prévoyait que soit établi par le comptable un arrêté de compte lors de la signature de l’acte authentique, ce qui n’a pas été fait.
La société Traiteur [W] PW a signé l’acte authentique le 21 mai 2019 comprenant la clause réservant expressément au cédant les premiers acomptes.
En l’absence d’inventaire, d’état des stocks ou de constat d’huissier, les pièces versées au dossier par les appelantes ne sont pas suffisamment probantes pour établir que le cédant, la société Traiteur [W], n’a pas réalisé l’achat des matières premières conformément au contrat.
19 – S’agissant des seconds acomptes, les intimés reconnaissent que ces acomptes reviennent à la société Traiteur [W] PW et affirment qu’ils lui ont été reversés dans la mesure où le prix de vente initialement prévu dans le compromis de vente, 360 000 euros, a été ramené à 340 000 euros. Le cédant a également versé un chèque de 4 456,99 euros au cessionnaire correspondant ‘à un remboursement d’encaissements clients’, tel que cela ressort de l’attestation de l’expert-comptable.
La société Traiteur [W] PW chiffre à plus de 65 000 euros la seconde série d’acomptes perçus par l’intimée. Les intimés chiffrent quant à eux à 273 983, 49 euros les acomptes qui resteraient acquis au cédant.
Le compromis de vente prévoyait que la deuxième partie des acomptes soit reversée au cessionnaire le jour de la signature de l’acte authentique, avec l’établissement d’un arrêté de compte. Cette disposition n’a pas été reprise dans l’acte du 21 mai 2019, lequel précise par ailleurs en page 3, dans le paragraphe relatif aux éléments corporels : ‘ Précision faite qu’aucune marchandise n’est cédée concomitamment aux présentes’.
Au regard de ces éléments, en l’absence de chiffrage fiable, précis et détaillé et d’élément suffisamment probant de nature à établir, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande la société Traiteur [W] PW et de la société Ekip’ au titre des acomptes et la décision du tribunal de commerce sera confirmée de ce chef.
20 – Les appelantes font enfin valoir que les intimés ont capté frauduleusement les premiers acomptes des mariages et ont caché l’absence d’achat des matières premières, ce qui caractérise un dol ou une réticence dolosive.
Au regard des éléments précédemment développés, la société Traiteur [W] PW et la société Ekip’ échouent à démontrer l’existence de manoeuvres et/ou d’une réticence dolosive de la part de M. [W], faute d’élément complet et objectif type inventaire, état des stocks ou constat d’huissier.
La société Traiteur [W] PW affirme que le comportement des intimés l’a empêchée de développer son activité et l’a contrainte à solliciter des facilités de paiement, ce qui lui a causé un préjudice moral. L’appelante ne produit aucune pièce et ne justifie pas de son préjudice. Dès lors, le moyen est inopérant.
Sur la demande reconventionnelle de paiement du solde du prix
21 – La société Traiteur [W] et M. [W] affirment que le cessionnaire a cessé de régler les mensualités en février 2021 et qu’au moins trois échéances mensuelles n’ont pas été réglées à la date prévue par le contrat, soit le 5 de chaque mois.
Ils demandent la fixation au passif de la société Traiteur [W] PW de la somme de 206 716,77 euros au titre de la créance.
22 – La société Traiteur [W] PW et la société Ekip’ répliquent que la clause de l’acte de cession est abusive s’agissant des pénalités de retard et elles rappellent les mesures portant sur le respect des délais et l’exécution des contrats au cours de l’état d’urgence sanitaire lié à l’épidémie de COVID 19. Elles affirment en outre qu’un accord est intervenu entre les parties et qu’en demandant le paiement immédiat de la somme de 190 815,48 euros, la société Traiteur [W] n’a pas exécuté pas le contrat de bonne foi.
Sur ce
23 – En vertu des dispositions de l’article 1104 du code civil : ‘Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d’ordre public. ‘
24 – L’acte de cession du 21 mai 2019 prévoit : ‘à défaut de paiement à échéance exacte de trois échéances mensuelles consécutives ou non-consécutives et un mois après un commandement par acte extra judiciaire resté infructueux’, le solde du prix devient immédiatement et de plein droit exigible.
La première mensualité était payable le 5 juin 2019 et la dernière le 5 mai 2024.
25 – Selon les dispositions de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l’article 1er, lequel prévoit son application aux délais qui ont expiré entre le 12 mars et le 23 juin 2020 inclus.
Selon l’alinéa 2, ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets à compter de l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de cette période si le débiteur n’a pas exécuté son obligation avant ce terme.
Pendant l’état d’urgence sanitaire, les échéances d’avril, mai et juin 2020 étaient donc suspendues mais sont redevenues exigibles à l’issue.
La société Traiteur [W] ne conteste pas s’être acquittée de certaines échéances avec retard.
Or l’acte de cession fait référence à un défaut de paiement à ‘ échéance exacte’ , le 5 de chaque mois. Le commandement de payer avec mise en demeure du 12 février 2021 fait état de règlements en retard à compter de novembre 2019, retards de paiement allant de quelques jours à plusieurs semaines. La société Traiteur [W] PW n’a plus réglé les mensualités à compter de mars 2021 et l’accord verbal qu’elle évoque n’est étayé par aucun élément.
La mise en demeure date du 12 février 2021, elle est intervenue après la période d’état d’urgence sanitaire et plusieurs mois après le premier défaut de règlement dans les délais. Elle est donc valable et n’a pas été mise en oeuvre avec mauvaise foi.
Au regard des stipulations du contrat de cession, les conditions de déchéance du terme sont remplies et la décision du tribunal de commerce sera infirmée de ce chef. La somme correspondant au solde du prix de cession, soit 206 716,77 euros, sera fixée au passif de la société Traiteur [W] PW.
Sur les demandes accessoires
26 – En équité, il n’y a pas lieu d’allouer une quelconque somme au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.
Chaque partie supportera ses propres dépens de première instance et d’appel.
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux le 4 octobre 2022 en ce qu’il a débouté la société Traiteur [W] PW de sa demande au titre des acomptes perçus,
Infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette les fins de non-recevoir,
Condamne in solidum M. [W] et la société Traiteur [W] à payer à la société Traiteur [W] PW et à la société EKIP’, es-qualité de mandataire judiciaire, la somme de 50 000 euros au titre de la violation de la clause de non-concurrence,
Fixe la créance de la société Traiteur [W] au passif du redressement judiciaire de la société Traiteur [W] PW à la somme de 206 716,77 euros, au titre du solde du prix de cession,
Rejette les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,
Dit que chaque partie supportera ses propres dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Magistrat
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