Conflit sur l’application d’une clause de non-concurrence et ses implications financières.

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Conflit sur l’application d’une clause de non-concurrence et ses implications financières.

L’Essentiel : La société TechnipFMC Subsea France, spécialisée dans l’ingénierie et la production industrielle, emploie plus de 10 salariés. M. [F] [H], engagé en 2008, a occupé le poste de directeur de projet jusqu’à sa démission en 2022. Il a ensuite été recruté par Nexans France, considéré comme un concurrent par TechnipFMC, qui a maintenu une clause de non-concurrence d’un an. M. [F] [H] a saisi le conseil de prud’hommes pour faire valoir ses droits, mais sa demande a été déboutée. En appel, la cour a confirmé cette décision, soulignant l’existence d’une contestation sérieuse sur l’indemnité de non-concurrence.

Présentation de la société TechnipFMC

La société par actions simplifiée TechnipFMC Subsea France, spécialisée dans les services d’ingénierie, de fabrication et de production industrielle, est située dans le département des Hauts-de-Seine et emploie plus de 10 salariés. La convention collective applicable est celle des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, connue sous le nom de Syntec.

Engagement de M. [F] [H]

M. [F] [H], né le 4 juillet 1978, a été engagé par Technip France en tant qu’ingénieur cadre à compter du 21 janvier 2008. Suite à la fusion entre Technip et FMC Technologies, il a exercé des fonctions de directeur de projet jusqu’à sa démission, effective le 5 octobre 2022, avec un préavis se terminant le 5 janvier 2023.

Clause de non-concurrence

La société TechnipFMC n’a pas levé la clause de non-concurrence d’une durée d’un an stipulée dans le contrat de M. [F] [H]. Ce dernier a ensuite été engagé par la société Nexans France, que TechnipFMC considère comme un concurrent notoire.

Demande de M. [F] [H] au conseil de prud’hommes

Par une assignation du 9 novembre 2023, M. [F] [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre pour faire constater plusieurs points, notamment l’existence de la clause de non-concurrence, le respect de cette obligation de sa part, et la demande de paiement d’une indemnité de non-concurrence ainsi que de congés payés afférents.

Réponse de TechnipFMC

La société TechnipFMC a soulevé l’incompétence du juge des référés, arguant de l’existence d’une contestation sérieuse au fond et a demandé des dommages-intérêts sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Décision du conseil de prud’hommes

Le 5 mars 2024, le conseil de prud’hommes a rendu une ordonnance déclarant qu’il n’y avait pas lieu à référé, déboutant M. [F] [H] de sa demande de dommages-intérêts et condamnant ce dernier aux dépens. M. [F] [H] a interjeté appel de cette décision le 15 mars 2024.

Conclusions des parties en appel

M. [F] [H] a demandé à la cour de juger que la clause de non-concurrence était applicable et que TechnipFMC devait lui verser l’indemnité correspondante. De son côté, TechnipFMC a demandé la confirmation de l’ordonnance de première instance tout en sollicitant l’infirmation de la décision concernant sa demande reconventionnelle.

Motifs de la décision de la cour

La cour a confirmé que les demandes de M. [F] [H] ne constituaient pas des prétentions au sens du code de procédure civile et a souligné qu’il existait une contestation sérieuse quant à l’obligation de versement de l’indemnité de non-concurrence. La cour a également noté que la société Nexans et TechnipFMC pouvaient encore être considérées comme concurrentes au moment de l’embauche de M. [F] [H].

Conclusion de la cour

La cour a confirmé l’ordonnance de référé du conseil de prud’hommes, condamnant M. [F] [H] aux dépens d’appel et à verser une somme à TechnipFMC sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, tout en déboutant M. [F] [H] de sa propre demande au titre de cet article.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature et la portée de la clause de non-concurrence dans le contrat de travail de M. [F] [H] ?

La clause de non-concurrence dans le contrat de travail de M. [F] [H] stipule qu’il s’interdit de créer, d’acquérir ou d’entrer dans une entreprise concurrente pendant une période d’un an après son départ de la société TechnipFMC.

Cette clause est encadrée par l’article L. 1121-1 du Code du travail, qui précise que « l’employeur ne peut apporter aux droits des salariés que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ».

En outre, la clause doit être accompagnée d’une contrepartie financière, comme le prévoit l’article L. 1237-11 du Code du travail, qui stipule que « lorsqu’une clause de non-concurrence est prévue, elle doit être limitée dans le temps et dans l’espace, et doit être justifiée par les intérêts légitimes de l’entreprise ».

Ainsi, la clause de non-concurrence de M. [F] [H] est valide tant qu’elle respecte ces conditions, notamment la limitation dans le temps et l’espace, ainsi que la contrepartie financière de 40 % de son salaire annuel brut.

Quelles sont les conséquences de la non-levée de la clause de non-concurrence par l’employeur ?

La non-levée de la clause de non-concurrence par l’employeur a pour conséquence que celui-ci est tenu de verser l’indemnité prévue dans le contrat de travail.

L’article L. 1237-11 du Code du travail précise que « lorsque l’employeur ne lève pas la clause de non-concurrence, il doit verser au salarié une indemnité compensatrice ».

Dans le cas présent, la société TechnipFMC n’a pas levé la clause de non-concurrence de M. [F] [H] à la date de cessation de son contrat, ce qui l’oblige à verser l’indemnité convenue.

De plus, le refus de l’employeur de payer cette indemnité, alors qu’il ne peut reprocher au salarié aucun acte de concurrence, constitue un trouble manifestement illicite, comme le stipule l’article R. 1455-6 du Code de procédure civile, qui permet au juge des référés de prescrire des mesures conservatoires pour faire cesser un tel trouble.

La société TechnipFMC peut-elle contester le paiement de l’indemnité de non-concurrence ?

Oui, la société TechnipFMC peut contester le paiement de l’indemnité de non-concurrence, mais cette contestation doit être sérieuse.

L’article R. 1455-7 du Code de procédure civile indique que « dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ».

Dans cette affaire, la société TechnipFMC soutient que M. [F] [H] a violé sa clause de non-concurrence en rejoignant une entreprise concurrente. Cependant, M. [F] [H] argue que la société Nexans n’est plus concurrente depuis février 2021, ce qui crée une contestation sérieuse quant à l’obligation de paiement de l’indemnité.

Ainsi, tant que la société TechnipFMC peut démontrer qu’il existe une contestation sérieuse sur la nature concurrentielle de Nexans, elle peut refuser de payer l’indemnité de non-concurrence.

Quelles sont les implications de la décision de première instance sur les demandes de M. [F] [H] ?

La décision de première instance a confirmé qu’il n’y avait pas lieu à référé sur les demandes de M. [F] [H], ce qui signifie que ses demandes de paiement de l’indemnité de non-concurrence et des congés payés afférents ont été rejetées.

L’article 455 du Code de procédure civile stipule que « le jugement doit être motivé », et dans ce cas, la cour a jugé qu’il existait une contestation sérieuse sur l’obligation de paiement de l’indemnité de non-concurrence.

Cela implique que M. [F] [H] devra poursuivre ses demandes devant le juge du fond, car le juge des référés ne peut pas statuer sur le fond d’une affaire lorsque des contestations sérieuses existent.

En conséquence, M. [F] [H] devra prouver, dans le cadre d’une procédure ultérieure, que la société Nexans n’est pas concurrente de TechnipFMC pour obtenir gain de cause sur ses demandes d’indemnité.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 09 JANVIER 2025

N° RG 24/00882 – N° Portalis DBV3-V-B7I-WNHU

AFFAIRE :

[G] [F] [H]

C/

S.A.S. TECHNIPFMC

SUBSEA FRANCE

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 05 mars 2024 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : RE

N° RG : 23/00347

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Sébastien WEDRYCHOWSKI

la PARTNERSHIPS DLA PIPER FRANCE LLP

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

APPELANT

Monsieur [G] [F] [H]

né le 04 juillet 1978 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Sébastien WEDRYCHOWSKI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0134

****************

INTIMÉE

S.A.S. TECHNIPFMC SUBSEA FRANCE

N° SIRET : 334 067 606 3

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Philippe DANESI du PARTNERSHIPS DLA PIPER FRANCE LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R235

Substitué par : Me François GUILLON, avocat au barreau de PARIS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 04 octobre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés devant Madame Isabelle CHABAL, conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, présidente,

Madame Valérie DE LARMINAT, conseillère,

Madame Isabelle CHABAL, conseillère,

Greffière placée lors des débats : Madame Gaëlle RULLIER,

Greffière en préaffectation lors de la mise à disposition : Madame Victoria LE FLEM,

EXPOSE DU LITIGE

La société par actions simplifiée TechnipFMC Subsea France (ci-après la société TechnipFMC), dont le siège social est situé [Adresse 1] à [Localité 4], dans le département des Hauts-de-Seine, est spécialisée dans le secteur d’activité des services d’ingénieries, de fabrication et de production industrielle. Elle emploie plus de 10 salariés.

La convention collective applicable est celle des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils dite Syntec.

M. [G] [F] [H], né le 4 juillet 1978, a été engagé par la société Technip France selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 21 janvier 2008 en qualité d’ingénieur, statut cadre, niveau 3.1.1, coefficient 170. Les sociétés Technip et FMC Technologies ont ultérieurement fusionné.

Par lettre remise en main propre en date du 5 octobre 2022, M. [F] [H] a démissionné des fonctions de directeur de projet qu’il exerçait. Le contrat a pris fin le 5 janvier 2023, au terme du préavis.

La société TechnipFMC Subsea France n’a pas levé la clause de non-concurrence d’une durée d’un an prévue au contrat.

Selon contrat de travail à durée indéterminée en date du et à effet au 6 janvier 2023, M. [F] [H] a été engagé par la société Nexans France dont la société TechnipFMC Subsea France soutient qu’elle est pour elle un concurrent notoire.

Par assignation du 9 novembre 2023, M. [F] [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre en sa formation de référé des demandes suivantes :

– constater que le contrat de travail de M. [F] [H] comportait une obligation de non-concurrence pour une durée de 1 an, étendue à l’Europe, moyennant le versement d’une contrepartie financière d’un montant de 40 % de son salaire annuel de base,

– constater que M. [F] [H] a démissionné de ses fonctions le 5 octobre 2022,

– constater que la société TechnipMFC (sic – erreur de saisie du conseil de prud’hommes) n’a pas dénoncé par lettre recommandée avec avis de réception la clause de non-concurrence prévue dans le contrat de travail de M. [F] [H] le jour de la cessation effective de ses fonctions à l’expiration de son préavis, le 5 janvier 2023,

– constater que M. [F] [H] a parfaitement respecté son obligation de non-concurrence,

– constater l’absence de contestation sérieuse,

– dire et juger que la société TechnipMFC est redevable envers M. [F] [H] de l’indemnité de non-concurrence telle que prévue dans son contrat de travail et que le non-respect de son obligation contractuelle constitue un trouble manifestement illicite auquel le juge des référés a le pouvoir d’y mettre fin (sic),

en conséquence,

– condamner la société TechnipMFC à payer à M. [F] [H] la somme provisionnelle de 66 024,00 euros à titre d’indemnité de non-concurrence,

– condamner la société TechnipMFC à payer à M. [F] [H] la somme provisionnelle de la somme de 6 602,40 euros à titre de congés payés y afférents,

– article 700 du code de procédure civile : 5 000 euros,

– dire et juger que les intérêts légaux des condamnations prononcées porteront intérêts par application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

– dépens.

La société TechnipFMC Subsea France avait, quant à elle, soulevé l’incompétence du juge des référés (sic) à raison de l’existence d’une contestation sérieuse au fond et sollicité sa condamnation à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance rendue le 5 mars 2024, la formation de référé du conseil de prud’hommes de Nanterre a :

– dit n’y avoir lieu à référé,

– débouté M. [F] [H] de sa demande de dommages et intérêts (sic) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la société TechnipMFC (sic) Subsea France de sa demande ‘reconventionnelle’ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [F] [H] aux dépens,

– dit que la décision est exécutoire.

M. [F] [H] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 15 mars 2024.

Par avis du 26 mars 2024, l’affaire a été fixée à bref délai.

Par conclusions adressées par voie électronique le 8 avril 2024, M. [F] [H] demande à la cour de :

– juger que le contrat de travail de M. [H] comportait une obligation de non-concurrence pour une durée de 1 an, étendue à l’Europe, moyennant le versement d’une contrepartie financière d’un montant de 40% de son salaire annuel de base,

– juger que M. [H] a démissionné de ses fonctions le 5 octobre 2022,

– juger que la société TechnipFMC n’a pas dénoncé par lettre recommandée avec avis de réception la clause de non-concurrence prévue dans le contrat de travail de M. [H] le jour de la cessation effective de ses fonctions à l’expiration de son préavis, le 5 janvier 2023,

– juger que M. [H] a parfaitement respecté son obligation de non-concurrence,

– juger que la société TechnipFMC et la société Nexans n’interviennent plus dans le même domaine d’activité depuis le mois de février 2021 et ne sont donc pas concurrentes,

– juger que la demande présentée par M. [H] ne comporte aucune contestation sérieuse,

– juger que la société TechnipFMC est redevable envers M. [H] de l’indemnité de non-concurrence telle que prévue dans son contrat de travail et que le non-respect de son obligation contractuelle constitue un trouble manifestement illicite auquel le juge des référés a le pouvoir d’y mettre fin (sic),

en conséquence,

– condamner la société TechnipFMC à payer à M. [H] la somme provisionnelle de 66 024 euros à titre d’indemnité de non-concurrence,

– condamner la société TechnipFMC à payer à M. [H] la somme provisionnelle de 6 602,40 euros à titre de congés payés y afférents,

– condamner la société TechnipFMC à payer à M. [H] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– dire et juger que les intérêts légaux des condamnations prononcées porteront intérêts par application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

– condamner la société TechnipFMC en tous les dépens.

Par conclusions adressées par voie électronique le 24 avril 2024, la société TechnipFMC Subsea France demande à la cour de :

– confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a :

. dit ne pas avoir lieu à référé,

. débouté M. [H] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

. condamné M. [H] aux dépens de l’instance,

– infirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a :

. débouté la société de sa demande ‘reconventionnelle’ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

et statuant à nouveau,

– condamner M. [H] au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Par ordonnance rendue le 11 septembre 2024, le magistrat de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au vendredi 4 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Il convient d’indiquer à titre liminaire qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes tendant à voir ‘juger’ formées par M. [F] [H], qui ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile mais sont la reprise de ses moyens.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société TechnipFMC, le fait pour M. [F] [H] d’avoir saisi le juge du fond de demandes identiques s’agissant de l’indemnité de non-concurrence et des congés payés afférents ne démontre pas l’existence d’une contestation sérieuse, dès lors que la décision rendue par le juge des référés n’a pas autorité de la chose jugée au fond.

Sur la demande en paiement d’une provision à valoir sur la contrepartie financière de la clause de non-concurrence

M. [F] [H] demande le paiement d’une provision à valoir sur la contrepartie financière de la clause de non-concurrence figurant à son contrat de travail et des congés payés afférents.

Il expose que sa clause de non-concurrence n’a pas été levée du fait d’une omission du service ressources humaines puisque ces clauses étaient systématiquement levées à l’occasion des départs de salariés, que la société TechnipFMC était parfaitement informée dès janvier 2023 de son embauche par la société Nexans, qu’elle ne lui a jamais reproché de ne pas respecter son obligation de non-concurrence et ne lui a pas demandé de cesser toutes activités chez son nouvel employeur.

Il soutient qu’il n’a pas violé sa clause de non-concurrence en rejoignant la société Nexans dès lors que cette dernière a décidé officiellement depuis le 17 février 2021 de stopper la fabrication des ombilicaux, secteur de produits sur lequel la société Nexans était en concurrence avec la société TechnipFMC, et d’intervenir exclusivement dans le domaine de l’électrification et non plus dans ceux du pétrole et du gaz ; que les sociétés ne sont pas concurrentes dès lors qu’elles n’interviennent plus dans le même domaine d’activité, qu’elles n’ont pas les mêmes clients et ne fabriquent pas les mêmes produits qui sont spécifiques à leur activité propre dans le domaine du gaz et du pétrole s’agissant de TechnipFMC ou de l’électricité pour Nexans.

Il considère que le refus de payer la contrepartie financière de la clause de non-concurrence constitue un trouble manifestement illicite.

La société TechnipFMC soutient quant à elle qu’elle n’a pas levé la clause de non-concurrence de M. [F] [H] afin de protéger ses intérêts légitimes et que la demande se heurte à une contestation sérieuse quant à l’absence de concurrence entre elle-même et la société Nexans.

Elle fait valoir que les deux sociétés sont concurrentes en ce qu’elles sont leaders dans la conception de systèmes de câbles sous-marins, domaine dans lequel intervient à l’heure actuelle M. [F] [H] mais également M. [S], ancien senior manager de la société TechnipFMC, en charge de projet sous-marins, recruté par la société Nexans afin de bénéficier de son savoir-faire et de l’expertise acquise. Elle soutient que la situation de concurrence demeure malgré la décision de Nexans de cesser son activité en lien avec les ombilicaux puisque cette activité n’a pas totalement disparu à ce jour, la société Nexans n’étant pas encore strictement concentrée sur l’activité d’électrification.

Il est rappelé, s’agissant des pouvoirs de la formation de référé :

– qu’en application des dispositions de l’article R. 1455-6 du même code, ‘la formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite’,

– qu’en application des dispositions de l’article R. 1455-7 du même code, ‘dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire’.

Le juge des référés ne peut donc allouer une somme au salarié au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurence que si l’obligation de l’employeur à payer cette somme n’est pas sérieusement contestable.

Par ailleurs, le refus de l’employeur de payer la contrepartie financière de la clause de non-concurrence alors qu’il ne peut reprocher au salarié aucun acte de concurrence postérieur au licenciement constitue une inexécution flagrante de la clause contractuelle et caractérise un trouble manifestement illicite.

En l’espèce, la lettre d’embauche de M. [F] [H] comporte la clause de non-concurrence suivante :

‘Au cas où vous cesseriez volontairement ou non d’appartenir au personnel du groupe Technip, vous vous interdisez de créer, d’acquérir ou d’entrer dans une entreprise pouvant être considérée comme faisant concurrence en Europe aux activités de service ou de fabrication de la société Technip ou de ses filiales pendant une période d’un an à compter de la date de votre départ de l’entreprise.

En contrepartie de cette obligation de non-concurrence, vous percevrez, après votre départ effectif de la société, une indemnité spéciale égale à 40 % de vos appointements annuels forfaitaires bruts perçus au cours des douze derniers mois de présence dans la société. Elle sera versée par douzième pendant toute la durée de l’interdiction de concurrence.

Dans le cas où vous ne respecteriez pas cette clause, la société sera pour sa part libérée de son engagement de versement de la contrepartie financière, sans préjudice du droit que la société se réserve de vous poursuivre en remboursement du préjudice effectivement subi et de faire ordonner sous astreinte la cessation de l’activité concurrentielle.

La société pourra cependant vous libérer de l’interdiction de concurrence et se dégager ainsi du paiement de l’indemnité prévue en contrepartie, soit à tout moment au cours de l’exécution du contrat, soit à l’occasion de sa cessation, sous réserve dans ce dernier cas de notifier sa décision par lettre recommandée, soit au plus tard le jour de la cessation effective de vos fonctions, soit en cas d’inexécution du préavis dans les 30 jours qui suivent la notification de la rupture de votre contrat de travail.’

Il est constant que la société TechnipFMC France n’a pas libéré M. [F] [H] de son obligation de non-concurrence à l’occasion de la cessation du contrat de travail.

Elle est donc tenue en principe au paiement de la contrepartie financière sauf s’il existe une contestation sérieuse sur le paiement de cette somme à raison du fait que le salarié a violé sa clause de non-concurrence en travaillant pour une entreprise concurrente dans le délai d’un an suivant son départ effectif de l’entreprise, soit entre le 6 janvier 2023 et le 6 janvier 2024.

Le 6 janvier 2023, M. [F] [H] a été engagé par la société Nexans en qualité de project director [directeur de projet]. Il y travaille sur des projets offshore et sous-marins (profil LinkedIn – pièce 11 de la société).

La société TechnipFMC France a pour objet en tous pays, notamment :

– toutes études, recherches et services liés au dessin et à la réalisation, à la modification ou à l’entretien d’installations pétrolières, chimiques ou autres, ainsi qu’à l’entreprise générale dans ces mêmes domaines,

– la fabrication et la vente de matériels principalement destinés à l’industrie du pétrole, l’exécution de toutes études et recherches concernant ces matériels ; la fourniture de tous services liés à leur mise en ‘uvre,

– l’assistance technique et les opérations d’expertise (statuts – pièce 5 du salarié).

Elle fournit à des sociétés gazières ou pétrolières des conduites flexibles sous-marines et des ‘umbilicals systems’ ou systèmes de câbles sous-marins (pièce 1 de la société, 6 et 18-1 du salarié).

Il ressort des pièces versées au débat que la société Nexans est un des principaux fabricants mondiaux de systèmes de câbles sous-marins, prenant en charge toutes les étapes de la fourniture de ces systèmes (conception, ingénierie, fabrication etc.) (pièce 6 de la société).

Tout comme la société TechnipFMC France, elle intervenait dans le domaine du pétrole et du gaz et se trouvait donc en concurrence avec elle, ce qui est identifié par la société TechnipFMC (sa pièce 16), reconnu par M. [F] [H] pour la période antérieure à février 2021 et qui ressort de l’avis de la commission européenne rendu le 22 novembre 2016 au moment du rapprochement des sociétés Technip et FMC Technologies (pièce 8 de la société page 16) et d’une étude sur l’aperçu et les prévisions jusqu’en 2028 du marché des câbles ombilicaux sous-marins pétroliers et gaziers (pièce 10 de la société).

M. [F] [H] soutient que la société Nexans n’exerce plus une activité concurrente depuis le 17 février 2021, moment où elle a décidé de procéder à un recentrage stratégique sur ses activités d’électrification et d’arrêter l’activité des câbles ombilicaux dans le domaine du pétrole et du gaz.

Il ressort des pièces versées au débat que si la société Nexans a annoncé lors de la journée des investisseurs du 17 février 2021 ‘son ambition de devenir un ‘pure player’ de l’électrification’, elle a mis en place un plan se déroulant en plusieurs étapes sur la période 2022-2024 (pièces 11, 12 et 20 du salarié) et a procédé à un arrêt progressif de l’activité des câbles ombilicaux utilisés dans le secteur pétrolier et gazier. Le site ‘Les échos’ mentionnait en juillet 2023 que ‘les activités de Nexans dans le pétrole et l’aéronautique ne sont plus non plus au c’ur de cible, mais pourraient rester au sein du groupe plus longtemps compte tenu du cycle baissier de ces deux industries’ (pièces 13 et 14 du salarié). Au premier semestre 2023, l’activité d’électrification accusait une baisse de 2,5 % de son chiffre d’affaires, le segment Production d’énergie et Transmission ayant une moindre contribution du fait ‘d’un mix défavorable des projets et des one-off, notamment l’arrêt progressif de l’activité Ombilicaux, et le retard dans la montée en puissance de l’usine de Charleston’, ce qui démontre qu’à l’époque de l’embauche de M. [F] [H] par la société Nexans, l’activité des ombilicaux existait toujours même si elle était en diminution conformément à la stratégie mise en place par la société depuis le début de l’année 2021 (pièce 16 du salarié et 20 de la société).

Dans ces conditions, il n’apparaît pas avec l’évidence requise en référé que les sociétés Nexans et TechnipFMC France n’étaient plus concurrentes au moment de l’embauche de M. [F] [H] et que l’absence de paiement de l’indemnité de non-concurrence constitue un trouble manifestement illicite. Il existe une contestation sérieuse quant à l’obligation de versement au salarié par la société TechnipFMC France de la contrepartie financière de sa clause de non-concurrence.

La décision de première instance sera confirmée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes présentées par M. [F] [H], sans qu’il soit nécessaire d’examiner les développements des parties relatifs au montant de la contrepartie financière.

Sur les demandes accessoires

La décision de première instance sera confirmée sur les dépens et frais irrépétibles.

M. [F] [H] supportera les dépens d’appel et sera condamné à payer à la société TechnipFMC France une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, sa demande du même chef étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé rendue par le conseil de prud’hommes de Nanterre le 5 mars 2024,

Y ajoutant,

Condamne M. [G] [F] [H] aux dépens d’appel,

Condamne M. [G] [F] [H] à payer à la société TechnipFMC Subsea France une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [G] [F] [H] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Victoria Le Flem, greffière en préaffectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière en préaffectation, La présidente,


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