L’Essentiel : La clause de conscience permet à un journaliste de rompre son contrat de travail en cas de cession de son employeur, sans délai imposé ni nécessité de justifier un changement notable dans l’orientation du journal. La jurisprudence a confirmé ce droit, stipulant que les juges doivent vérifier le lien entre la rupture et la cession des parts sociales. De plus, la loi n° 2016-1524 renforce la protection des journalistes contre les pressions, leur garantissant le droit de refuser toute modification de leur travail sans consentement. Ces dispositions assurent une indemnité de congédiement en cas de rupture justifiée.
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Libre exercice de la clause de conscienceLa rédactrice en chef adjointe d’une publication hebdomadaire a été confortée judiciairement dans l’exercice de sa clause de conscience. La majorité des parts sociales de la société d’édition de son employeur avait été cédée à une nouvelle entité. L’exercice de la clause de conscience en cas de cession n’est enfermé dans aucun délai ; par ailleurs les circonstances de mise en oeuvre ne sont pas cumulatives et le journaliste qui invoque la cession du journal n’a pas à justifier d’un changement notable dans le caractère ou l’orientation de celui-ci. En revanche au-delà des motifs invoqués par le journaliste, il appartient aux juges de vérifier la réalité du lien de causalité entre la rupture du contrat de travail et la cession du journal via la cession de la majorité des parts sociales. En l’espèce, la journalise a manifesté sa volonté de faire jouer sa « clause de cession » peu de temps après avoir eu connaissance de la cession des parts de son employeur. Indemnité de congédiementLorsque la rupture du contrat de travail survient à l’initiative du journaliste ce dernier est en droit de percevoir une indemnité de congédiement (article L7112-3 du code du travail) dans trois circonstances : i) la cession du journal ou du périodique, ii) la cessation de sa publication, et enfin iii) un changement notable dans le caractère l’orientation de celui-ci dans certaines conditions. Impact de la Loi n° 2016-1524 du 14 novembre 2016Pour rappel, deux dispositions législatives exorbitantes du droit commun, introduites par la loi « Brachart » et codifiées dans l’article L. 7112-5 du code du travail, forment l’armature de la protection juridique de l’indépendance des journalistes contre les abus et les dérives de leurs employeurs. La clause de cession permet au journaliste de démissionner tout en bénéficiant de l’assurance chômage lorsque l’entreprise pour laquelle il travaille change d’actionnaires. La clause de conscience applique le même dispositif dans les cas où le journaliste apporte la preuve d’un « changement notable dans le caractère ou l’orientation du journal », même en l’absence de transformation de l’actionnariat, créant « pour la personne employée une situation de nature à porter atteinte à son honneur, à sa réputation ou, d’une manière générale, à ses intérêts moraux ». L’efficacité de ces clauses tient au régime avantageux des indemnités qui accompagnent leur usage. Leur montant est en effet soit fixé, pour les journalistes comptant moins de quinze années d’ancienneté, à un mois de salaire par année d’ancienneté (article L. 7112-3 du code du travail), soit déterminé, pour ceux employés depuis quinze ans et plus, souverainement et sans appel par une commission paritaire arbitrale des journalistes (article L. 7112-4). La « nouvelle » loi sur la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias du 14 novembre 2016 a renforcé le droit d’opposition des journalistes contre les pressions, droit qui est désormais reconnu à tous les journalistes (presse et audiovisuel). Le nouvel article 2 bis de la loi du 29 juillet 1881 reconnaît au journaliste, le droit de refuser toute pression, de refuser de divulguer ses sources et de refuser de signer un article, une émission, une partie d’émission ou une contribution dont la forme ou le contenu auraient été modifiés à son insu ou contre sa volonté. Il ne peut être contraint à accepter un acte contraire à sa « conviction professionnelle » formée dans le respect de la charte déontologique (obligatoire) de son entreprise ou de sa société éditrice. |
Q/R juridiques soulevées :
Qu’est-ce que la clause de conscience et comment a-t-elle été appliquée dans le cas de la rédactrice en chef adjointe ?La clause de conscience est un dispositif juridique qui permet à un journaliste de rompre son contrat de travail sans perdre ses droits à l’assurance chômage, notamment en cas de cession de l’entreprise ou de changement significatif dans son orientation éditoriale. Dans le cas de la rédactrice en chef adjointe d’une publication hebdomadaire, elle a exercé sa clause de conscience après la cession de la majorité des parts sociales de son employeur. Les juges ont confirmé que le journaliste n’avait pas besoin de prouver un changement notable dans le caractère ou l’orientation du journal pour invoquer cette clause. Cependant, il leur appartient de vérifier le lien de causalité entre la rupture de son contrat et la cession des parts. Elle a manifesté sa volonté d’exercer cette clause peu après avoir été informée de la cession, ce qui a été pris en compte par la justice. Quelles sont les conditions pour qu’un journaliste puisse percevoir une indemnité de congédiement ?Un journaliste peut percevoir une indemnité de congédiement dans trois situations spécifiques, selon l’article L7112-3 du code du travail. Ces situations incluent : 1. La cession du journal ou du périodique. L’indemnité est destinée à protéger les journalistes en cas de rupture de leur contrat de travail, leur offrant ainsi une sécurité financière. Il est important de noter que cette indemnité est distincte de la clause de conscience, bien qu’elles soient souvent liées dans le contexte de la protection des journalistes. Quel impact a eu la Loi n° 2016-1524 du 14 novembre 2016 sur les droits des journalistes ?La Loi n° 2016-1524, également connue sous le nom de loi « Brachart », a introduit des dispositions significatives pour protéger l’indépendance des journalistes. Elle a codifié des protections juridiques contre les abus de la part des employeurs, notamment à travers la clause de cession et la clause de conscience. Ces clauses permettent aux journalistes de démissionner tout en bénéficiant de l’assurance chômage en cas de changement d’actionnariat ou de modification notable de l’orientation du journal. La loi a également renforcé le droit d’opposition des journalistes, leur permettant de refuser toute pression, de ne pas divulguer leurs sources, et de ne pas signer des contenus modifiés sans leur consentement. Cela a été un pas important vers la protection de l’intégrité professionnelle des journalistes. Comment sont déterminées les indemnités liées à l’exercice de la clause de conscience ?Les indemnités liées à l’exercice de la clause de conscience sont déterminées par des règles spécifiques établies dans le code du travail. Pour les journalistes ayant moins de quinze années d’ancienneté, l’indemnité est fixée à un mois de salaire par année d’ancienneté. Pour ceux ayant plus de quinze ans d’ancienneté, le montant de l’indemnité est déterminé par une commission paritaire arbitrale des journalistes, sans possibilité d’appel. Cette structure vise à garantir une compensation équitable pour les journalistes qui choisissent d’exercer leur clause de conscience, leur offrant ainsi une protection financière en cas de rupture de contrat. Ces mesures sont essentielles pour maintenir l’indépendance et la sécurité des journalistes dans un environnement souvent soumis à des pressions externes. |
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