Clause abusive et ses conséquences sur la saisie immobilière

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Clause abusive et ses conséquences sur la saisie immobilière

L’Essentiel : La société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE a engagé une saisie immobilière contre M. [T] [H] et Mme [X] [V] [W] [Y] suite à des impayés. Après plusieurs audiences, le juge a examiné la clause de déchéance du terme, la déclarant abusive et non écrite. Seules les échéances impayées ont été reconnues, s’élevant à 14.698,25 euros pour M. [H] et 20.963,73 euros pour Mme [Y]. En conséquence, le juge a ordonné la vente aux enchères des biens, fixant l’audience d’adjudication au 11 mars 2025.

Contexte de la saisie immobilière

La société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE a engagé une procédure de saisie immobilière concernant des biens appartenant à M. [T] [H] et Mme [X] [V] [W] [Y]. Cette procédure a été initiée par des commandements de payer en date du 23 juin et du 3 juillet 2023, publiés le 22 août 2023, pour des biens immobiliers situés à [Adresse 1], comprenant un appartement et plusieurs emplacements de parking.

Assignation des débiteurs

Le 18 octobre 2023, la société a assigné les débiteurs devant le juge de l’exécution pour comparaître à l’audience d’orientation. Le cahier des conditions de vente a été déposé au greffe le 23 octobre 2023. L’audience a eu lieu le 30 janvier 2024, mais les parties saisies ne se sont pas présentées.

Décision du juge de l’exécution

Le 14 mai 2024, le juge a ordonné la réouverture des débats pour examiner le caractère abusif de la clause de déchéance du terme dans le contrat de crédit. Il a également suspendu le traitement des demandes en attendant les observations des parties, fixant une nouvelle audience pour le 11 juin 2024.

Conclusions de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE

Dans ses conclusions du 15 juillet 2024, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE a demandé au juge de mentionner le montant de sa créance, de déterminer les modalités de la procédure de saisie et de fixer la date d’adjudication. Elle a soutenu que la clause de déchéance du terme n’était pas abusive et que les emprunteurs avaient manqué à leurs obligations contractuelles.

Audiences et décisions ultérieures

L’affaire a été à nouveau appelée le 24 septembre 2024, mais les parties saisies n’étaient toujours pas présentes. La décision a été mise en délibéré pour le 26 novembre 2024.

Analyse de la clause de déchéance du terme

Le juge a examiné la clause de déchéance du terme, considérant qu’elle créait un déséquilibre significatif au détriment des emprunteurs. Il a conclu que cette clause était abusive et devait être réputée non écrite, ce qui a rendu irrégulière la déchéance du terme prononcée par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE.

Montant des créances et poursuites

Le juge a établi que seules les échéances impayées étaient exigibles, à savoir 14.698,25 euros pour M. [H] et 20.963,73 euros pour Mme [Y]. Les commandements de payer valant saisie ont été validés pour ces montants.

Ordonnance de vente aux enchères

Le juge a ordonné la vente aux enchères publiques des biens immobiliers concernés, fixant la date de l’audience d’adjudication au 11 mars 2025. Les modalités de la vente et les frais associés ont également été précisés.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la saisie immobilière selon le Code des procédures civiles d’exécution ?

La saisie immobilière est régie par plusieurs articles du Code des procédures civiles d’exécution, notamment l’article L311-2 et l’article R322-15.

Selon l’article L311-2 :

« Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière. »

Cet article établit que pour qu’une saisie immobilière soit légale, le créancier doit disposer d’un titre exécutoire, ce qui signifie qu’il doit avoir une décision de justice ou un acte notarié qui lui confère le droit de recouvrer une créance.

De plus, l’article R322-15 précise que :

« À l’audience d’orientation, le juge de l’exécution, après avoir entendu les parties présentes ou représentées, vérifie que les conditions des articles L311-2, L311-4 et L311-6 sont réunies, statue sur les éventuelles contestations et demandes incidentes et détermine les modalités de poursuite de la procédure. »

Cela signifie que le juge doit s’assurer que toutes les conditions légales sont remplies avant de permettre la poursuite de la saisie immobilière.

En résumé, pour qu’une saisie immobilière soit valide, il est impératif que le créancier ait un titre exécutoire et que le juge vérifie la conformité de la procédure avec les articles mentionnés.

Quelles sont les implications de la clause de déchéance du terme dans un contrat de prêt ?

La clause de déchéance du terme est une stipulation contractuelle qui permet au prêteur de déclarer exigible la totalité du prêt en cas de défaillance de l’emprunteur. Cette clause est encadrée par le Code de la consommation, notamment l’article L212-1.

Cet article stipule que :

« Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »

La jurisprudence a précisé que si cette clause crée un déséquilibre significatif, elle peut être déclarée abusive et donc réputée non écrite. Par exemple, la Cour de cassation a jugé que :

« La clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable crée un déséquilibre significatif. »

Cela signifie que si la clause de déchéance du terme impose des conditions trop strictes ou désavantageuses pour l’emprunteur, elle peut être annulée par le juge.

Dans le cas présent, la clause stipulant un délai de 15 jours pour régulariser les paiements a été jugée abusive, car elle expose l’emprunteur à une aggravation soudaine des conditions de remboursement.

Comment la jurisprudence européenne influence-t-elle l’appréciation des clauses abusives ?

La jurisprudence européenne, notamment celle de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), a un impact significatif sur l’évaluation des clauses abusives dans les contrats de consommation.

L’article 3, paragraphe 1 de la directive 93/13 stipule que :

« Les États membres veillent à ce que les clauses abusives ne lient pas le consommateur. »

La CJUE a précisé que les juridictions nationales doivent examiner si une clause, comme celle relative à la déchéance du terme, est abusive en fonction de plusieurs critères, notamment :

– Si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépend d’une inexécution par le consommateur d’une obligation essentielle.
– Si cette faculté est prévue pour des cas où l’inexécution est suffisamment grave.

Dans l’affaire en question, la CJUE a également affirmé que le fait que la clause n’ait pas été exécutée ne doit pas empêcher le juge national de tirer les conséquences du caractère abusif de la clause.

Ainsi, la jurisprudence européenne renforce la protection des consommateurs en permettant aux juges nationaux de déclarer non écrites les clauses qui créent un déséquilibre significatif, même si elles n’ont pas été appliquées.

Quelles sont les conséquences de la déclaration d’une clause abusive sur la créance du créancier ?

Lorsqu’une clause est déclarée abusive, comme la clause de déchéance du terme dans le cas présent, cela a des conséquences directes sur la créance du créancier.

Selon la décision du juge, la clause abusive est réputée non écrite, ce qui signifie qu’elle n’a pas d’effet juridique. Par conséquent, la déchéance du terme prononcée par le créancier devient irrégulière.

Cela implique que :

– Le créancier ne peut pas réclamer le capital restant dû ni l’indemnité de résiliation, car ces demandes reposent sur une clause déclarée abusive.
– Seules les échéances impayées, qui sont exigibles à leurs termes respectifs, peuvent être réclamées.

L’article R321-3 du Code des procédures civiles d’exécution précise que :

« La nullité de cet acte n’est pas encourue au motif que les sommes réclamées sont supérieures à celles dues au créancier. »

Ainsi, même si le montant des sommes réclamées est supérieur à ce qui est dû, cela ne rend pas le commandement de payer nul.

Dans ce cas, le créancier a justifié des montants d’échéances impayées qui sont suffisants pour justifier la poursuite de la saisie immobilière, malgré l’irrecevabilité des autres demandes.

En conclusion, la déclaration d’une clause abusive entraîne une limitation des droits du créancier, qui ne peut plus se prévaloir de la totalité des sommes initialement réclamées.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE

JUGE DE L’EXÉCUTION

JUGEMENT D’ORIENTATION TRANCHANT UN INCIDENT ET
ORDONNANT LA VENTE AUX ENCHERES PUBLIQUES

Le 26 Novembre 2024

N° RG 23/00220 – N° Portalis DB3U-W-B7H-NN4Q

Jugement rendu le 26 novembre 2024 par Fabienne CHLOUP, juge de l’exécution statuant en matière de saisies immobilières, assistée de Magali CADRAN, greffière,

CREANCIER POURSUIVANT

La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE, société coopérative à capital variable, agréée en tant qu’établissement de crédit, inscrite au RCS d’AMIENS sous le n°487 625 436, dont le siège social est [Adresse 9] à [Localité 14], prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège,

représentée par Me Pascal PIBAULT, avocat au barreau du VAL D’OISE

PARTIES SAISIES

Monsieur [T] [H]
né le [Date naissance 4] 1986 à [Localité 21]
[Adresse 3]
[Localité 12]

non comparant

Madame [X] [V] [W] [Y]
née le [Date naissance 5] 1995 à [Localité 15] (LOIRET)
[Adresse 16]
[Adresse 16]
[Localité 13] – NOUVELLE CALEDONIE

non comparante

EXPOSE DU LITIGE

Selon commandements de payer valant saisie immobilière en date du 23 juin 2023 publié le 22 août 2023 volume 2023 S n°196 et en date du 03 juillet 2023 publié le 22 août 2023 volume 2023 S n°197, au service de publicité foncière de [Localité 22] 2, la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE a poursuivi la vente des droits et biens immobiliers dans un ensemble immobilier en copropriété dénommé  » [Adresse 18]  » situé [Adresse 1] à [Localité 20], cadastré AL [Cadastre 6] pour 5a 98ca, AL [Cadastre 7] pour 3a 36ca, AL [Cadastre 8] 19a 17ca, AL [Cadastre 2] pour 2a 52ca, AL [Cadastre 10] pour 4a 47ca et AL [Cadastre 11] pour 2a 58ca, consistant en un appartement de 60,72m² situé au 2ème étage et trois emplacements de parking n°13, n°10 et n°80, formant les lots n°208, n°438, n°441 et n°511, appartenant à M. [T] [H] et Mme [X] [V] [W] [Y].

Par exploits du 18 octobre 2023, signifié à personne s’agissant de M. [T] [H] et par dépôt de l’acte à l’étude s’agissant de Mme [X] [V] [W] [Y], la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE a fait assigner les débiteurs saisis devant le juge de l’exécution de la présente juridiction, afin de comparaître à l’audience d’orientation de la procédure de saisie immobilière.

Le cahier des conditions de vente a été déposé au greffe le 23 octobre 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 30 janvier 2024 lors de laquelle le conseil du créancier poursuivant a été entendu en ses moyens et observations, les parties saisies n’ayant pas comparu, puis mise en délibéré au 14 mai 2024.

Par une décision avant dire droit en date du 14 mai 2024, le juge de l’exécution a :
ordonné la réouverture des débats à l’audience du 11 mai 2024,invité les parties à formuler leurs observations sur le caractère éventuellement abusif de la clause  » déchéance du terme  » du contrat de crédit immobilier stipulant que le prêteur pourra se prévaloir de l’exigibilité immédiate des sommes dues en cas de défaillance de l’emprunteur, après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours, et sur les conséquences en résultantdans l’attente, sursis à statuer sur l’ensemble des demandes- dit que présent jugement vaut convocation à l’audience du 11 juin 2024.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, signifiées le 15 juillet 2024 à M.[H] par dépôt de l’acte au commissaire de justice et le 25 juillet 2024 à Mme [Y] selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE demande au juge de l’exécution de :
mentionner le montant de sa créance à l’encontre de M.[H] [T] pour la somme de 210.005,74 euros arrêtée provisoirement au 31/3/2023 et à l’encontre de Mme [Y] [X] pour la somme de 212.057,89 euros arrêtée provisoirement au 31/3/2023, sans préjudice des intérêts ultérieursdéterminer les modalités de poursuite de la procédureen cas de vente forcée, fixer la date d’adjudication sur la mise à prix de 55.000 euros et déterminer les modalités de la venteen cas de vente amiable, déterminer les modalités de la vente.
Au visa de la jurisprudence européenne et de la cour de cassation, le créancier poursuivant estime que la clause de l’acte notarié contenant contrat de prêt n’est pas abusive, qu’elle ne crée pas de déséquilibre significatif entre le prêteur professionnel et le consommateur, que la défaillance des emprunteurs a concerné une obligation essentielle du contrat en ce qu’ils n’ont pas remboursé les échéances du prêt mis à leur disposition pour financer leur achat immobilier, qu’il a demandé aux emprunteurs à plusieurs reprises de régulariser les échéances impayées et n’a prononcé la déchéance du terme qu’à l’issue de plusieurs mises en garde, de sorte qu’il n’a pas mis en œuvre la déchéance du terme de façon abusive.
Subsidiairement, il soutient qu’à supposer que le capital restant dû et l’indemnité de résiliation ne soient pas exigibles les échéances impayées le sont et le commandement de payer valant saisie n’est pas nul par cela seul que son montant est supérieur aux sommes dues au créancier poursuivant, de sorte que les sommes réellement dues justifient la poursuite de la saisie immobilière et l’orientation en vente forcée.

Après renvoi, l’affaire a été appelée à l’audience du 24 septembre 2024, lors de laquelle le créancier poursuivant a été entendu en ses observations, les parties saisies n’ayant pas comparu et n’étant pas représentées.

La décision a été mise en délibéré au 26 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l’article R 322-15 du code des procédures civiles d’exécution, à l’audience d’orientation, le juge de l’exécution, après avoir entendu les parties présentes ou représentées, vérifie que les conditions des articles L 311-2, L 311-4 et L 311-6 sont réunies, statue sur les éventuelles contestations et demandes incidentes et détermine les modalités de poursuite de la procédure, en autorisant la vente amiable à la demande du débiteur ou en ordonnant la vente forcée.

En application de l’article L311-2 du même code, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière.

En vertu de l’article L212-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Ces dispositions reprennent celles de l’article L132-1 applicable à la date du contrat de prêt ici en cause.
L’article L212-2 (anciennement R132-2) précise que dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, est présumée abusive la clause qui a pour objet ou pour effet de : 4° reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d’une durée raisonnable.

La cour de justice de l’union européenne (CJUE) a dit pour droit que l’article 3 paragraphe 1 de la directive 93/13 devait être interprété en ce sens que s’agissant de l’appréciation d’une juridiction nationale de l’éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombait à cette juridiction d’examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépendait de l’inexécution par le consommateur d’une obligation qui présentait un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté était prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêtait un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, si ladite faculté dérogeait aux règles de droit commun applicables en la matière en l’absence de dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national prévoyait des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l’application d’une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt (v. CJUE Banco Primus 26 janvier 2017 C-421/14).

Selon la même instance, la circonstance que cette clause n’a pas été exécutée ne saurait, en soi, faire obstacle à ce que le juge national tire toutes les conséquences du caractère abusif de ladite clause (v. ordonnance 11 juin 2015 Banco [Localité 17] Viscaya Argentaria C-602/13).

Au regard de la jurisprudence européenne, la cour de cassation décide que :

– crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable, ( v. cass. 1°civ 22 mars 2023, numéro 21-16044), ou celle prévoyant la résiliation de plein droit en cas de défaut de paiement d’une échéance à sa date sans mise en demeure ou sommation préalable de l’emprunteur ni préavis d’une durée raisonnable (v.Cass. 1° civ 22 mars 2023 numéro 21-16476),
– la clause stipulant une mise en demeure prévoyant un délai de 15 jours pour régulariser les échéances impayées revêt un caractère abusif, peu importe que, après mise en demeure conforme au contrat le créancier a accordé à l’emprunteur un délai plus long avant de prononcer la déchéance du terme (v. Cass.1ère civ, 29 mai 2024, n° 23-12904),

– si la clause contractuelle stipulant l’exigibilité immédiate du prêt en cas de défaillance de l’emprunteur ne prévoit aucune mise en demeure pour prononcer la déchéance du terme, la clause, alors abusive, doit être réputée non écrite, même lorsque le prêteur a, en fait, envoyé une mise en demeure avant de prononcer la déchéance du terme (v. Cass.1ère civ. 3 octobre 2024, n° 21-25823).

En l’espèce, la créance de la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE repose sur la copie exécutoire d’un acte authentique contenant deux contrats de prêts consentis le 20 décembre 2016 à M. [T] [H] et Mme [X] [V] [W] [Y], un prêt habitat n° 486162 et un prêt habitat n° 486163.
Selon décomptes arrêtés au 31/3/2023 il est réclamé :
à Mr [H] la somme totale de 210.005,74 euros représentant les échéances impayées, le capital restant dû, l’indemnité de résiliation et les intérêts de retardà Mme [Y] la somme totale de 212.057,89 euros représentant les échéances impayées, le capital restant dû, l’indemnité de résiliation et les intérêts de retard.
La clause  » Déchéance du terme  » des contrats de prêts consentis par la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE à M. [T] [H] et Mme [X] [V] [W] [Y] prévoit que le prêteur pourra se prévaloir de l’exigibilité immédiate des sommes dues en cas de défaillance de l’emprunteur, après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours.

La société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE a adressé à M. [T] [H] une mise en demeure distribuée le 22 septembre 2022 lui impartissant un délai de 15 jours pour régulariser le paiement de la somme de 14.163,63 euros au titre des échéances impayées, à défaut de quoi la déchéance du terme serait prononcée, puis lui a notifié la déchéance du terme par lettre recommandée avec AR distribuée le 14 octobre 2022.
La société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE a aussi adressé à Mme [X] [V] [W] [Y] une mise en demeure en date du 07 février 2023 lui impartissant un délai de 15 jours pour régulariser le paiement de la somme de 21.916,01 euros au titre des échéances impayées, à défaut de quoi la déchéance du terme serait prononcée, puis lui a notifié la déchéance du terme par lettre recommandée avec AR distribuée le 14 mars 2023.

La stipulation contractuelle en application de laquelle l’exigibilité immédiate des sommes dues en vertu du prêt a été prononcée, impartissant aux emprunteurs un délai de 15 jours pour régulariser leur situation d’impayés crée un déséquilibre significatif au détriment des emprunteurs, en les exposant à une aggravation soudaine des conditions de remboursement avec comme conséquence irréversible la résiliation de plein droit du prêt à l’issue du court délai imparti.

Il importe peu que le prêteur ait adressé préalablement à la mise en demeure divers courriers prévenant les emprunteurs qu’ils étaient défaillants et leur ayant demandé à plusieurs reprises d’honorer les échéances impayées.
Il n’importe pas davantage que, en fait, le prêteur ait attendu un mois après la dernière mise en demeure pour prononcer la déchéance du terme. Cette situation ne saurait faire obstacle à ce que le juge national tire toutes les conséquences du caractère abusif de ladite clause.

En conséquence de ce qui précède, la clause intitulée  » déchéance du terme  » dans les contrats de prêts consentis à M. [T] [H] et Mme [X] [V] [W] [Y] est abusive et sera réputée non écrite.

Cette sanction fait obstacle à la déchéance du terme prononcée par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE BRIE PICARDIE qui ne peut dès lors réclamer le capital restant dû et l’indemnité de résiliation.

Seules peuvent être réclamées les échéances impayées qui sont exigibles à leurs termes respectifs.

Cette situation n’a pas pour effet d’invalider le commandement de payer valant saisie immobilière qui, en application de l’article R321-3 du code des procédures civiles d’exécution, prévoit que la nullité de cet acte n’est pas encourue au motif que les sommes réclamées sont supérieures à celles dues au créancier.

Au cas présent et au vu des décomptes visés aux commandements valant saisie arrêtés au 31/3/2023, et compte tenu des dates auxquelles les mises en demeure ont été envoyées à chaque emprunteur, le créancier poursuivant justifie :
– à l’égard de M.[H] la somme totale de 14.698,25 euros au titre des échéances impayées avec les intérêts de retard (soit 13.272,43 euros + 1425,82 euros pour chacun des prêts)
– à l’égard de Mme [Y] la somme totale de 20.963,73 euros au titre des échéances impayées avec les intérêts de retard (18.941,15 euros + 2022,58 euros pour chacun des prêts).

Le montant des échéances impayées exigibles est suffisamment important pour justifier une procédure de saisie immobilière et que les commandements de payer valant saisie immobilière soient validés à hauteur de ces montants.

Ainsi, la créance de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE BRIE PICARDIE sera mentionnée à hauteur de :
– la somme totale de 14.698,25 euros à l’égard de M.[H] au titre des échéances impayées, selon décompte provisoirement arrêté au 31/3/2023,
– la somme totale de 20.963,73 à l’égard de Mme [Y] au titre des échéances impayées, selon décompte provisoirement arrêté au 31/3/2023.

Au cas présent, la vente amiable du bien immobilier n’est pas envisageable, les débiteurs saisis n’ayant pas comparu et ne l’ayant pas sollicitée.

Il convient dès lors d’ordonner la vente aux enchères publiques du bien dont s’agit, selon les modalités fixées au dispositif du présent jugement étant rappelé qu’en vertu de l’article R.322-26 du code des procédures civiles d’exécution, lorsque le juge ordonne la vente forcée, il fixe la date de l’audience à laquelle il y sera procédé dans un délai compris entre deux et quatre mois à compter du prononcé de sa décision et détermine les modalités de visite de l’immeuble à la demande du créancier poursuivant.

Les dépens et frais de poursuites seront taxés préalablement à l’audience d’adjudication et seront supportés par l’adjudicataire en sus du prix ;

Les dépens excédant les frais taxés seront employés en frais privilégiés de vente ;

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution, statuant par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe ;

Déclare abusive la clause  » Déchéance du terme  » des contrats de prêts consentis par la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE à M. [T] [H] et Mme [X] [V] [W] [Y] inclus dans l’acte notarié du 20 décembre 2016, stipulant que le prêteur pourra se prévaloir de l’exigibilité immédiate des sommes dues en cas de défaillance de l’emprunteur, après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours ;

Dit que cette clause est réputée non écrite ;

En conséquence,

Dit que la déchéance du terme du contrat de prêt liant la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE BRIE PICARDIE et M.[H] [T] et Mme [Y] [X] [V] [W] est irrégulière ;

Dit que les sommes visées aux commandements valant saisie immobilière ne sont pas exigibles, sauf les échéances impayées telles qu’arrêtées au 31/03/2023 ;

Dit que la créance de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE BRIE PICARDIE sera mentionnée à hauteur de :
– la somme totale de 14.698,25 euros à l’égard de M.[H] au titre des échéances impayées, selon décompte provisoirement arrêté au 31/3/2023,
– la somme totale de 20.963,73 à l’égard de Mme [Y] au titre des échéances impayées, selon décompte provisoirement arrêté au 31/3/2023 ;

Dit que les commandements de payer valant saisie ont été valablement délivrés à hauteur de ces montants ;

Ordonne la vente aux enchères publiques des biens et droits immobiliers visés aux commandements de payer valant saisie immobilière en date du 23 juin 2023 publié le 22 août 2023 volume 2023 S n°196 et en date du 03 juillet 2023 publié le 22 août 2023 volume 2023 S n°197, au service de publicité foncière de [Localité 22] 2 ;

Dit que la vente aura lieu à l’audience du mardi 11 mars 2025 à 14h00, au tribunal judiciaire de PONTOISE (95), sur la mise à prix fixée au cahier des conditions de vente ;

Désigne en qualité de séquestre M. le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau du Val d’Oise ;

Désigne la SCP [U] [S] [Z], commissaires de justice associés à [Localité 19], aux fins de faire procéder à la visite des lieux à tout acquéreur potentiel

Dit que ledit commissaire de justice fera procéder dans les lieux par tout expert de son choix à l’établissement ou à l’actualisation si nécessaire, des diagnostics d’amiante, termites, plomb (si construction antérieure à 1948), performance énergétique, gaz, électricité, risques naturels et technologiques majeurs ;

Dit que le commissaire de justice commis pourra se faire assister pour ces deux interventions, si besoin est, du commissaire de police ou de la gendarmerie ou de deux témoins majeurs conformément à l’article L.142-1 du code des procédures civiles d’exécution et d’un serrurier requis ;

Dit que les mesures de publicité sont celles de droit commun des articles R 322-31 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, outre une insertion sur un site internet avec possibilité d’aménagement dans les conditions requises aux articles R 322-37 et suivants du même code ;

Dit que le présent jugement sera mentionné en marge de la publication des commandements de payer valant saisie immobilière en date du 23 juin 2023 publié le 22 août 2023 volume 2023 S n°196 et en date du 03 juillet 2023 publié le 22 août 2023 volume 2023 S n°197, au service de publicité foncière de [Localité 22] 2 ;

Dit que les dépens et frais de poursuites seront taxés préalablement à l’audience d’adjudication et seront supportés par l’adjudicataire en sus du prix ;

Dit que les dépens excédant les frais taxés seront employés en frais privilégiés de vente ;

La greffière La Juge de l’exécution
Magali CADRAN Fabienne CHLOUP


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